mercredi 29 décembre 2010

169. Festival de la connerie

Je suis sur la terrasse d'un café dans une petite ville de la Floride et j'ai la chance d'être tombé sur le festival de la connerie dans lequel se déroule présentement la compétition de parler-pour-rien-dire. Ce matin, c'est la catégorie hommes.
Juste devant, là, il y ce mec qui a commencé son spectacle par une altercation au cellulaire. Haut et fort, il engueule son interlocuteur et a l'entendre comme ça, on se doute bien qu'il vient de perdre l'empire romain et que quelqu'un va payer pour ça. La suite de la conversation se déroule avec sa compagne, poulette frémissante qui n'y comprendrait rien même si on lui injectait le savoir avec une seringue. Il lui explique en long et en large qu'il va faire déduire cette erreur du salaire de celui qui a fait les dommages. Il n'est pas certain qui c'est encore, mais il va trouver un coupable. Elle prend une gorgée de thé. Je pense qu'elle se sent un peu coupable : c'est dans sa nature. C'est pour ça qu'ils font un si beau couple.
L'autre, juste derrière, il est assis seul et cause avec une personne qui semble zélée car il se tue à lui dire qu'elle doit profiter de la journée pour se détendre, pour relaxer. Il lui décrit ensuite la température ici, et tout ce qui passe dans son champ de vision : un joggeur (oui, oui, torse nu - il fait assez beau pour ça), deux femmes en short (oui, oui, il fait assez beau pour ça) et le serveur en gilet à manches courtes (oui, oui, il fait assez beau pour ça). Un peu plus, je m'attends qu'il va me décrire à elle comme le gars devant lui qui essaie de lire mais qui se fait déranger par un ostie de cellulaire (oui, oui, il fait assez beau pour ça). Tout ça sert à lui expliquer qu'il fait beau ici. Il lui décrit ensuite la chambre qu'il a louée. C'est très beau, paraît-il. Il a deux lits doubles, selon la description qu'il en fait. Elle doit être impressionnée à l'autre bout, ça se peut pas. Il lui explique ensuite quoi manger pour déjeuner. Il lui recommande un yahourt; il parait que c'est bon pour la santé.
Si vous voulez mon avis, il parle à une invétérable ivrogne et il essaie de la garder au téléphone le plus longtemps possible pour éviter qu'elle plonge tête première dans le bar à 9h du matin.

jeudi 25 novembre 2010

168. Des journées comme ça

Je ne crois pas à ces balivernes du genre envoyez ce message à cinq connaissances et un génie sortira de votre lampe et réalisera trois de vos souhaits. J'ai pas de lampe et je me fie sur moi-même pour réaliser mes souhaits.
Mais tous les jours, je m'en confesse, je m'oblige à mettre au moins un chiffre dans mon sudoku du matin, pour me porter chance. Même les matins les plus fous où je suis en retard, je mets au moins un chiffre dans la grille, des fois deux. Je l'écris et j'en ai honte, mais c'est comme ça. Un chiffre, au moins, c'est pas trop demandé, me semble, cibouère.
Ben ce matin, pas capable. Je dois apporter mon chien pour une tonte à 8h. Au bureau, j'ai deux documents importants qui n'attendent que ma relecture et mon approbation pour publication. J'ai d'ailleurs promis que je serais au bureau tôt pour leur donner toute mon attention.
Et je suis là, dans ma cuisine, la barbe pas faite, le cheveu graisseux, l'oeil crotté, la main tremblante, pas capable de mettre un foutu chiffre dans la grille du journal d'aujourd'hui.
Finalement, j'ai le choix : soit j'envoie un message au bureau pour aviser de mon retard et je reporte le rendez-vous du chien à la semaine prochaine; soit me garroche dans la douche au plus sacrant avec la grille vierge. (Enfin, pas si vierge que ça parce que dans chaque case, j'ai écrit les deux ou trois options possibles.) J'opte pour cette dernière option. Je suis sérieusement en retard pour le rendez-vous du chien, encore plus pour la relecture des documents au bureau. Je risque quand même un oeil vers la grille, au cas où une combinaison de chiffres me sauterait au visage. Je me vois déjà sourire en me disant que j'étais don'ben cave de pas l'avoir vu avant, mettre mon foulard et mes gants tout fier de moi, me disant que tout compte fait ce sera une belle journée et sortir du garage en sifflant. Rien de tout ça. Je quitte la maison inquiet, hanté par l'image de cette grille aux combinaisons qui dansent devant mes yeux.
Me voici rendu en fin de journée. Plus que quelques heures avant la fin de cette journée et il ne m'est rien arrivé de fâcheux. Le sort ne s'est pas jeté sur moi devant mon échec cuisant de ce matin. Plus que quelques heures. Je vais retourner voir cette grille, on sait jamais.

lundi 15 novembre 2010

167. Mon « ru »

Je viens de finir « Ru », le meilleur livre que j'ai lu depuis longtemps. Ça m'a donné l'envie de parler des miens. Si leur histoire n'est pas aussi tragique, elle mérite qu'on en parle.

Je n'ai pas eu à y penser longtemps. On commence par sa mère; ça va de soi.
Il est toujours difficile quand on fait appel à ses souvenirs de faire le tri entre ce que nous a appris les photos et ce dont on se souvient vraiment. Il faut faire appel à d'autres sens qu'à celui de la vue.
Le premier vrai souvenir que j'ai de ma mère est dans le salon de la maison familiale. Un divan de tissus vert bouteille, que ma mère appelait du « crêpe », un étrange mélange de nylon piqué avec un design rectiligne. Un petit tabouret avec deux poignées qui se prolongeaient pour devenir des pattes. Un tissus beige avec des formes géométriques turquoise et brun.
Ma mère s'asseyait sur le divan, les deux pieds sur le tabouret. Et elle me demandait de m'asseoir sur ses jambes, à la hauteur de ses genoux, et elle disait que ça lui faisait du bien. À lui voir l'air, ça lui faisait beaucoup de bien.
Moi, je le faisais, mais j'avais toujours peur de lui faire mal. Plus précisément que ses articulations flanchent et que ses jambes se disloquent comme celles d'un pantin de bois. Alors je ne bougeais pas. Pour éviter la dislocation des jambes de ma mère. Mais j'étais un enfant et je me tannais vite de rester assis sans bouger sur les jambes de ma mère et je voulais partir. Elle me suppliait alors de rester, juste un peu plus longtemps, juste un peu, pour lui faire du bien aux jambes. Alors, je restais un peu plus longtemps, pour lui faire du bien. Immobile, pour pas que ses jambes se disloquent.
Mon premier souvenir de ma mère, c'est de me voir assis sur ses jambes, content de lui faire du bien, inquiet d'être trop lourd et qu'elle se disloque comme un pantin.

Ma mère avait de bonnes raisons d'avoir mal aux jambes. À part ses sessions de soulagement assise dans le divan - pour elle, pas pour moi - ma mère était en station debout. Debout dans la cuisine en train de cuisiner ou de faire la vaisselle. Debout derrière le comptoir du magasin à attendre qu'un client choisisse sa canne de viande à sandwich. Debout en train d'essorer le linge dans le rouleau de la machine à laver. (Nous avions une sécheuse automatique, mais ma mère n'était pas convaincue qu'une machine pouvait laver ET essorer sans rouleaux.)

Mon premier souvenir, c'est moi qui lui fait du bien, assis sur ses jambes. Ensuite, c'est ma mère, debout.

mardi 26 octobre 2010

166. Jean-Guy Moreau

C'est la deuxième occasion où j'ai la chance de revoir cet artiste québécois qui arrondit ses fins de mois en présentant un spectacle d'imitations. La formule est fort simple : Dans la première partie, il chante 40 extraits de chansons françaises assez classiques pour les 40 ans et plus (et quelques jeunes curieux) les reconnaissent et apprécient son talent. Quand je l'ai vu pour la première fois, il a enchaîné les 40; cette fois-ci, il a eu un blanc de mémoire vers la 35e - blanc qui s'est poursuivi pour le reste de la performance.
Dans la 2e partie de son spectacle, il lit des "courriels" de personnes célèbres de son répertoire d'imitations. Il a trouvé la formule parfaite pour ne pas se les casser, et ça ne doit pas être très stressant à préparer.
Il n'a pas créé de nouveau matériel, il n'imite pas Louis-José Houde. Mais on ne lui en veut pas, on apprécie sa performance et les souvenirs qu'il remue.
Sauf qu'il imite de plus en plus de personnes décédées. Ça l'oblige à nous rappeler que certains "courriels" viennent de l'au-dela-ha-ha. Et ça non plus, ça ne me dérange pas.
En fait, ce billet n'a rien à voir avec Jean-Guy Moreau. Il a à voir avec les jeunes qui choisiront la carrière d'imitateur. Ils imiteront qui quand leur public ne se souviendra pas de Félix Leclerc ou de Jean Drapeau?
Je me demande qui sont les grands personnages de demain qui feront partie de la mémoire collective. Il ne m'en vient aucun à l'esprit.. et vous?

165. La communication interculturelle (suite)

Deuxième activité.
Comme dans la salle il y a un mélange d'anglophones et de francophones - tous bilingues - l'experte en relations interculturelles nous fait faire l'exercice de songer à la perception qu'on a de l'autre communauté linguistique, celle qui n'est pas la sienne. Je cherche donc, dans mon for intérieur (en tassant mon accent qui a pris toute la place depuis le début de l'atelier) comment les anglophones m'ont permis de développer une perception de qui ils sont.
C'est un exercice que je trouve difficile car les quelques expériences marquantes qui auraient pu façonner ma perception des anglos n'étaient pas déterminantes et certes pas représentatives de qui sont les anglos.
Je prends donc peu à peu conscience que c'est par opposition à mon propre groupe linguistique que j'ai développé une perception des anglos.
J'ai appris l'anglais dans la vingtaine. À l'école, on m'avait enseigné "floor" et "ceiling" ad nauseaum. (Aujourd'hui encore, je me demande comment ploguer ça dans une conversation.)
Au début, j'étais donc "pas bon". Accent gros comme le bras, francisismes en veux-tu en v'la, etc. Pourtant, jamais personne n'a commenté mes erreurs, encore moins noté ou même remarquer mon accent. Serais-je devenu bilingue si on l'avait fait? Probablement pas. Je me serais retranché sur le français, la seule langue que je pouvais parler décemment.
Pourtant, chez les francophones, c'est chose courante. On se moque grassement d'une personne qui fait une erreur, on l'imite en se roulant par terre.
Alors je pense que ma perception des anglos est somme toute assez positive, merci aux francos qui me les ont fait apprécier pour une ouverture à l'autre que je ne retrouve pas chez les miens.
Je pense ensuite aux élèves des écoles de langue française qui préfèrent l'anglais. Et je ne demande pas vraiment pourquoi...

dimanche 17 octobre 2010

164. La communication interculturelle

Le titre de l'atelier était accrocheur, j'ai besoin de ce genre d'informations pour un projet, je m'y suis inscrit. Ce qu'il y a de beau avec les ateliers, c'est qu'on peut pas en sortir plus cruche qu'on l'était avant.
Première activité.
Fermez vos yeux, qu'elle dit, l'experte en communication interculturelle. Visualisez un Britannique. La plupart ont vu un petit monsieur pincé avec chapeau melon et parapluie. Moi j'ai vu Mr. Bean, mais enfin.
Maintenant, visualisez un Italien. Tout le monde a vu un grand noir avec une chemise blanche serrée avec le col ouvert qui laisse entrevoir ben ben ben du poil. Moi j'ai vu autre chose, mais j'ai mes raisons.
On continue. Visualisez une Québécoise. Là tout le monde voit une petite femme mince habillée dernière mode. Je vois la même chose que tout le monde. J'entends quelqu'un en arrière qui dit bitch. Je crois qu'elle en veut aux petites femmes minces bien habillées.
Ensuite elle nous demande de visualiser une Acadienne. Tout le monde, sauf moi, VOIT un accent. Oui, oui, ils voient un accent. Alors moi j'imagine une Acadienne qui entre dans la pièce et tout le monde VOIT son accent qui lui pend au coin de la bouche.
Bon, les commentaires sur l'accent acadien, je les classe vite parmi l'ignorance crasse et je passe à autre chose. Défilent une Allemande, un Autochtone et une Jamaicaine. Toutes visuellement bien nanties qui n'ont pas besoin d'aller au fond de leur histoire pour se faire voir.
Et là, l'experte en communication interculturelle en rajoute. Elle nous partage en toute intimité qu'elle vient du Québec et qu'elle a passé 25 ans au Nouveau-Brunswick, donc toute sa carrière à mon avis. Et sa grande fierté, c'est d'avoir l'an dernier, enfin, avec beaucoup d'effort, pu comprendre une conférence entière d'Antonine Maillet. Quelle éclosion touchante! J'en avais la mâchoire serrée d'émotions.
Ces commentaires, je commence à m'habituer à les entendre depuis que j'ai osé sortir de mon terroir. Je ne savais pas que j'étais une minorité visible (!) et je l'ai appris de la bouche même d'une experte en communication interculturelle. Je pense que je n'y aurais pas accordé grande importance si elle n'avait pas, justement, eu la prétention de s'y connaître dans le domaine.
Pas besoin de vous dire que je n'ai pas pris de notes sur les conseils qu'elle avait à nous donner. Je trouverai autre chose.
(à suivre)

lundi 11 octobre 2010

163. Action de rien faire

Action de Grâces. Je sais pas trop quoi faire de cette journée qui me semble venue tout droit d'une bizarrerie américaine. Alors je prends le congé avec joie, et je ne fous rien. Pas d'action. Ni ne grâces, ni d'autre chose.
Je suis sur la table d'une cuisine étrangère dans une maison qui m'est peu familière et que je découvre peu à peu, comme son quartier d'ailleurs.
J'ai offert à une parente de venir s'installer chez moi en attendant que les rénovations de sa maison soient terminées. Ils sont quatre, avec un chien et un chat. J'ai déménagé, c'est mieux comme ça. Je ne regrette pas d'avoir lancée l'invitation qui fut accueillie comme une bouée de sauvetage. La preuve : si c'était à refaire, je ferais la même chose.
Je me suis installé chez mon copain. J'essaie de ne pas être trop envahissant, mais je le suis quand même. C'est pas très grand ici, mais on s'entend bien. Un mariage forcé, mais on sait que c'est pas pour la vie.
La maison est ancienne, dans un petit quartier qui a déjà été très français. La maison en témoigne. La cuisine surtout.
Ce matin, on prend un café tout tranquillement. C'est calme. On se demande ce qu'il y a d'ouvert aujourd'hui. Je me dis qu'il doit y avoir quelques dépanneurs ici et là. Je vous raconte ça parce que c'est le fil qui m'a fait penser à la cuisine de mon enfance, où ma mère s'affairait entre les interruptions du magasin adjacent. Aujourd'hui, on appellerait ça un dépanneur. À l'époque, c'était l'épicerie de plusieurs personnes, surtout les voisins évidemment. Et il était ouvert très tôt, jusque très tard. En fait, il n'était pas rare qu'il fermait et qu'on l'ouvrait pour quelqu'un en besoin de médicaments, de cigarettes, ou de pain ou de lait.
Des matins comme celui-ci, mes parents n'en avaient pas beaucoup. Le magasin en question était dans la maison. Au début, il n'y avait qu'une seule porte communicante, dans le salon. Plus tard, ma mère a insisté pour qu'il y en ait une autre, donnant sur la cuisine cette fois : "Au moins, je pourrai surveiler mes patates." avait été son argument.
Quand il n'y avait pas de clients, elle retournait dans sa cuisine. Quand quelqu'un entrait dans le magasin, il y avait une cloche qui se faisait entendre dans la maison. On l'appellait la cloche, mais c'était un gros bourdonnement. Quand ma mère brûlait le repas, elle l'appellait la maudite cloche à vache, ou la cloche à marde, selon l'humeur du moment. Néanmoins, c'était un bourdonnement, déclenché par le contact de deux fils électriques, l'un sur le cadre supérieur de la porte, l'autre sur la porte. Quand la porte s'ouvrait, le contact se faisait et déclenchait le bourdonnement. Il arrivait qu'un client ne referme pas la porte complètement derrière lui et que les parties du circuit restent en contact. Le bourdonnement devenait alors incessant. Si on était en train d'écouter une émission de télévision, on tentait de crier à la personne qui était dans le magasin de fermer la porte. Mais souvent ça ne marchait pas et il fallait se lever pour aller fermer la porte soi-même. Ou pour monter le volume de la la télévision au maximum, juste pour faire un point.
Mais ce matin, tout ce qui me préoccupe, c'est de savoir si mes parents ont eu le temps de s'assoeir le matin pour prendre le déjeuner en parlant de tout et de rien.

dimanche 26 septembre 2010

162. Nathalie

Les habitués l’appellent la Baronne, comme le nom de son petit bar l’indique. Je sens qu’on a le même âge, mais elle est discrète là-dessus, gonzessisme oblige, me dit-elle. Elle l’a pas eu facile, son mec l’a planqué avec les deux mômes. L’histoire ne dit pas comment elle est devenue propriétaire du Boudoir. Les premières années ont été difficiles, le quartier est tout plein de putes et les bagarres étaient chose fréquente. Pas facile pour une gonzesse! Un soir, un copain lui propose de transformer l’endroit en refuge pour tantines : c’était une bonne décision. « Ils sont tous gentils, on est une grande famille. Si y’a une gonzesse qui se pointe, y’a un zizi qui se cache là-dessous, alors elle fait pas d’histoires. » Nathalie, ça lui permet aussi de se déguiser pour faire rire la galerie, et de se sentir bien dans sa peau, elle aussi.
Je la surprends en train de faire la morale à un jeune – 18 ans tout au plus – qui se vante d’avoir racollé une pute pour vingt balles. Il se vante d’avoir eu la totale, avec sa petite casquette sur le côté, et son jeans qui lui pend aux fesses. La Baronne, qui connaît bien l’histoire, le sermonne. Que c’est pas pour un chichi avec sa copine qu’il faut qu’il aille tripoter les putes des pâquis, c’est pas comme ça qu’on règle nos histoires, t’es mal parti dans la vie. Et pis va donc savoir quoi d’autre elle t’a refilé pour tes vingt balles?
La moitié des clients viennent lui faire la bise, trois fois passera, la dernière, la dernière. Un beau marocain fait son entrée, grand prince s’il en est. Elle le complimente sur son habit chic, il lui baise la main. Elle me regarde par-dessus ses lunettes : « Ben c’ui-là, y fait pas que me baiser la main, c’est consommé. Faut bien qu’y ait des bénéfices dans ce foutu métier! » Il rigole, je suis pas certain qu’il ait compris. Elle lui offre un verre. Non, il doit filer, il n’était venu que pour la saluer.
Elle m’explique que les fins de semaine, elle a aménagé le sous-sol en discothèque. C’est pas grand, mais c’est unique en son genre. Les habitués nomment l’endroit « les dessous de la Baronne », ça la fait rigoler. Moi je trouve ça génial. Ce génie de la langue française, c’est ce qui me manque le plus en terre d’Amérique. C’est comme si la langue ne fait jamais de clin d’œil à personne là-bas.
À quarante ans, la Baronne elle était encore mariée à l’époque. Elle a dit à son mec : j’ai un rêve. Je veux fêter ce putain de quarantenaire sur une motoneige au Canada. Et elle est partie. Elle avait demandé à l’agence de ne pas la foutre dans une randonnée ennuyante avec des gonzesses qui n’en auront que pour leur maquillage. Elle s’est retrouvée avec deux Français dont c’était la quatrième expédition, et leur guide québécois, sur une 550 cc – eux ils avaient des 750 cc qu’elle précise – avec un itinéraire de pistes vierges. Ils se sont foutus de sa gueule les premiers jours, mais c’était la fête à la fin. Le seul hic, elle n’avait pas la force de démarrer l’engin. Ils l’ont laissé derrière à quelques reprises, mais c’était toujours pour blaguer. Elle les attendait, sachant qu’ils reviendraient bien, en tapant du pied, dans cette neige canadienne, à quarante ans.
Quand elle est en congé, elle prend du soleil aux Bains-des-Pâquis. Les mémés se font bronzer à poil, on s’en fout que les nichons traînent sur les pavés. Elle a voyagé avec sa mère, en Asie surtout. Elle s’entend bien avec ses deux mômes, presque des adultes maintenant. Quand ils voleront de leurs propres ailes, elle va vendre le Boudoir et étendra sa baronnie sur l’ensemble de la planète.
La Baronne Nathalie, c’est Genève.

vendredi 24 septembre 2010

161. Café le raisin

Lausanne. Je suis assis à une terrasse. Le soleil s'est caché en moins de deux minutes derrière les hautes maisons qui entourent la Place. Des travailleurs de rue viennent de démarrer un marteau-piqueur. La table est bancale. La fontaine est en rénovation. Ça va me coûter un bras pour un coca. Tout le monde autour fume tellement que c'est aujourd'hui que je me concocte un cancer du poumon. Que je suis bien : je ne donnerais ma place pour rien au monde!
Je pense qu'avec du papier et un stylo, je serais bien n'importe où. Jamais je ne passerai à l'ordi comme premier champ d'écriture. J'écoute les gens autour quand le marteau-piqueur prend une pause.
Trois vieilles dames dignes - l'une d'elle vient de refaire son rouge-à-lèvres - sont indignées d'une voisine qui héberge des chiens et qui se promène avec eux (jusqu'à 5 ou 6 à la fois, je-vous-dis!), sans laisse, une honte. Maudit que ces chiens-là doivent tripper.
L'autre, elle ne sait pas si elle va pouvoir rejoindre ces copains ce soir pour la boum parce que la baby-sitteure, elle les a planté sans donner d'avis. Oh la vache, que ses copines lui ont dit.
Peu avant 15h, le marteau-piqueur cesse. Les gens s'attroupent sur la Place. C'est alors qu'un joli carillon se fait entendre et que je réalise que je suis assis juste en face - une place de choix - pour assister au spectacle d'une de ces fameuses horloges de facade. Un petit village de métal s'anime, des petits bonhommes en costume traditionnel sortent, dansent, font des cabrioles pour disparaître par une autre porte, laissant la "scène" à d'autres.
Quand le spectacle est terminé, la vie reprend. Une jeune fille a donné rendez-vous à un couple d'amis. Elle a besoin de leurs conseils. Tout de go, elle leur expose la situation, elle est scandalisée. "Il" lui a demandé pour faire une petite vidéo de leurs ébats. Il lui a même montré quelques échantillons - preuve qu'elle n'a pas encore dit non - où on voyait tout-mais-absolument-tout, qu'elle précise.
Le marteau-piqueur reprend et je n'entendrai pas la fin de l'histoire ni le verdict des copains. Faut bien que le fontaine soit remise en fonction après tout... Comme vous j'en suis certain, je suis un peu déçu.

jeudi 23 septembre 2010

160. Un peu de sérieux quand même...

Ça fait un peu bizarre de me réveiller à l'heure où je vais habituellement me coucher. Ma la nuit a été bonne et le sommeil très récupérateur.
La réunion à laquelle je participais devait commencer à 9h30 mais je ne le savais pas. Sans l'avis de mes collègues, je me serais pointé vers 9h29, mais nous y étions une heure à l'avance, ce qui est fort heureux car nous avons commencé vers 9h10 : tout le monde était déjà là alors le président a annoncé que nous commencerions plus tôt. Du jamais vu pour moi.
Je me sens un peu con de ne pas toujours comprendre ce qui se dit. Les discours - car chaque intervention est véritablement un discours - commencent invariablement par des remerciements aux hôtes, aux organisateurs, au cuisinier, et j'en passe. Ensuite viennent des commentaires encore plus élogieux de ceux qui ont rédigé les textes que nous devons examiner. On fait un usage abondant d'acronymes - c'est là où ils me perdent : entre le SNIP et le SNAP, moi je snappe.
Déjà que je suis perdu, toutes les interventions sont ponctuées de "bien entendu" et de "bien sûr" et de "évidemment", ce qui me ramène constamment à mon ignorance.
Mais la réalité même de ces éducateurs me dépasse à un point qui dépasse l'entendement. Les uns n'ont pas été payés depuis deux ans, les autres n'ont aucune éducation, la plupart tentent de baisser le ratio enseignant-élève au-dessous de 100...

mercredi 22 septembre 2010

159. Quatre minutes trente-sept secondes

Le retour au travail après des vacances assez paisibles à Terre-Neuve a été assez brutal. Dès le premier jour, il me semble que tout se passait sur les chapeaux de roues, pas une semaine sans un déplacement dans un coin ou l'autre du pays, même un retour à Terre-Neuve!
Je me suis donc réveillé samedi matin et j'ai tout à coup pris conscience que c'est cet après-midi que je pars pour la Suisse. Si peu préparé, c'est presque grotesque.
Heureusement le passeport était où il devait être, c'est quand même l'essentiel.
* * *
Fribourg. J’y suis arrivé dimanche après une nuit sur l’avion et quelques petites heures en train où ma voisine granole s’est acharné à ne pas me laisser dormir. En la voyant, je savais bien qu’elle me sortirait un sac de graines à tout moment, ce qu’elle fit à grand coups de je-te-froisse mon petit sac de putain de graines et je te tiens réveillé.
Arrivé en ville vers midi, je me suis rendu à l’hôtel qu’on m’avait dit à 4 minutes 37 secondes de la gare. On est en Suisse après tout! Ma chambre n’était pas prête, ce à quoi je m’attendais. Je me suis assis à la première terrasse qui s’étalait au soleil. Mes voisins de droite causaient de l’écrasement des tours du 11 septembre comme d’un vaste complot américain, l’un d’eux ayant rencontré un ingénieur qui lui a confirmé que ça ne se pouvait pas non-mais-merde des édifices de cette taille qui implosaient pour si peu. À gauche, on s’inquiète des multinationales qui font la vie dure aux petites entreprises d’horlogerie.
Je regarde autour. Je suis tout prêt de la Place Python et c’est le Festibible : des festivités à saveur religieuse partout dans la ville, sauf dans les églises, c’est le principe de la chose. Sur la place, un groupe rock, PUSH pour Pray Until Something Happens, eh oui. Il faut le faire quand même. Un peu partout, des nonnes avec le petit voile et tout et tout se promènent, un peu comme si elles faisaient du lèche-vitrine.

samedi 4 septembre 2010

158. Complot au Tim Horton

Beau samedi de longue fin de semaine et je suis au bureau, question justement de la finir, cette semaine... Vers les 15h, j'ai faim. Je me rends au Tim Horton du coin, ces restos-rapides qui étouffent dans l'oeuf toute tentative de petit café champêtre.
Comme on est samedi, dans un coin qui tient beaucoup plus du parc industriel que d'un charmant quartier de la ville, c'est très très innoccupé. Je finis par manger n'importe quoi parce qu'il ne reste à peu près rien à cette heure tardive de la fin de semaine.
Dans l'aire des tables, je suis seul. Je m'assois, évalue ce qu'on m'a servi d'un oeil agacé.
Entre un homme dans la quarantaine, maigre, peau foncée, indien peut-être. Il se dirige vers moi, m'observe. Semble vouloir que je l'invite à ma table. On est en ville, c'est pas le premier tordu que je rencontre, donc me me fous le nez dans mon sandwich.
Il s'assoit à une table juste en face, au bout de la rangée. M'observe encore. C'est agaçant. Quand il change de table pour se rapprocher encore plus, je pense que là il commence à me freaker-out.
Comme il devient impossible de ne pas jeter un coup d'oeil de temps en temps - question de voir s'il continue de me regarder - et bien, je jette un coup d'oeil de temps en temps, question de voir s'il continue de me regarder!
Dès qu'il constate que je le regarde, il sort de sa poche de chemise une liasse de billets, retenus par un élastique. Il retire l'élastique et la liasse s'ouvre : plusieurs centaines de dollars.
Je le prends pour un timbré, il me prend pour une pute ou quoi? (je vaux cher, ça me rassure.)
Comme je commence sérieusement à m'inquiéter, entre un autre qui se dirige vers lui. Il se serrent la main et l'autre s'assoit en face. Enfin.
Je mange rapidement, conscient que je viens encore de voir une transaction louche que je n'aurais peut-être pas dûe voir. Ma chance, comme toujours.
Si ma cabane saute pendant la nuit, dirigez la police vers le Tim Horton près de mon bureau. C'est là que tout à commencé.
C'est bizarre les choses qu'on voit des fois pis qu'on comprend pas, hein?
Demain, je retourne au bureau. J'amène mon lunch.

mercredi 1 septembre 2010

157. Quand y'a rien qui va on...

Les plus fûtés auront compris qu'il s'agit de la chanson de Marie-Jo Thério. Et auront trouvé la ville en complétant le vers!
Petite ville où j'ai fait une partie de mes études, lieu de batailles linguistiques légendaires.. pour ne pas dire cochonnes!
J'atterris et l'inévitable se produit : on m'offre une classe supérieure de véhicule. Non seulement je me retrouve au volant d'un bagnole de pépére, mais je me rends compte que la technologie m'a dépassé. Je n'ai pas pu ajuster le rétroviseur à l'aide du système sophistiqué qui aurait dû s'en charger (j'ai baissé la fenêtre et je l'ai ajusté à la main, comme dans le bon vieux temps). De l'aéroport à l'hôtel, la radio satellite dont le seul bouton que je connaissais était le "scan" n'a fait que défiler des stand-up comics américains. À date, je n'ai pas compris comment lui faire cracher de la musique. Le toit ouvrant, je n'en parle même pas.
Je me suis ensuite rué sur le bon vieux Ed-Sub, une marque de commerce bien d'ici, qu'on ne retrouve pas ailleurs. J'ai eu un instant de panique en réalisant que le menu avait bien changé, mais j'ai finalement retrouvé le bon vieux Eds-steak-classique que je cherchais. Pour être bien certain, j'ai vérifié auprès de la serveuse s'il s'agissait bien de celui qui a des piments verts et des champignons. Elle m'a répondu han-han et souriant : easy on mayo? C'est ça que je lui ai dit, parce que le Eds-steak-classique, il se mange avec juste un peu de mayo, tout le monde sait ça. Rassurant. Je respire et j'en oublie presque la bagnole dehors dont j'espère réussir à ouvrir le coffre tout à l'heure sans déclencher le système d'alarme.
J'observe cette petite ville où la francophonie a pris toute la place après la fermeture de la gare de triage qui embauchait surtout des anglos. C'est grâce à un Sommet de la Francophonie que le centreville s'est fait faire un face-lift. En fait, c'est grâce à une compagnie d'assurance bien acadienne qu'il y existe un centreville! Et que dire de l'université... Cette ville ne serait rien sans la francophonie, et pourtant.
La serveuse du resto de l'hôtel où je loge est la même, même si l'hôtel a changé de proprio plusieurs fois. Elle affiche toujours la même nervosité empreinte de gentillesse, on dirait qu'on est chez elle et qu'elle veut qu'on soit heureux à tout prix. Quand elle vous demande si tout est à votre goût, elle s'en inquiête sincèrement, prête à vous couper votre omelette en petites bouchées pour vous faire plaisir. Je la vois qui butine d'une table à l'autre et qui accueille les nouveaux clients. Elle s'adresse à eux en anglais ou en français, selon qu'elle les connaît déjà ou qu'elle détecte - allez savoir comment - leur préférence linguistique. Dès que son sixième sens lui dicte quelle langue parler, elle l'enregistre, s'adresse à une table en français, se retourne et tout aussi aisément, switch à l'anglais pour la table voisine.
Quand elle prendra sa retraite, est-ce que la personne qui la remplacera aura ce don?

lundi 9 août 2010

156. L'Anse-à-Canards

À quoi ça sert d'avoir une auto si on ne peux pas aller au bout du monde? C'est ce que je me suis dit ce matin en me réveillant. Et je suis parti à la recherche de l'Anse-à-Canards. C'était bien à Black Duck Brook, les deux noms sont d'ailleurs sur l'affiche à l'entrée du village, mais aucune indication en français pour s'y rendre nulle part. Un peu triste, compte tenu que la route 430 porte fièrement le nom de la route des français...
Après avoir pris le petit-déjeuner avec la propriétaire du B&B où je logeais (carrément, elle m'attendait pour prendre son café). Elle a déjà travaillé pour la municipalité en 1990. La popupation de Cap-St-George était alors de 3000 habitants. Elle est d'à peine 1000 aujourd'hui. Je me suis informé de toutes les nouvelles constructions qu'on voit le long de la route. Ce sont les familles des gars qui travaillent en Alberta ou dans le Nord et qui font ben de l'argent. La famille reste ici dans une grosse cabane. Ça a fait monter le prix de l'immobilier, si bien que ceux qui choississent de ne pas partir ne peuvent pas se payer une maison. Ouin.
* * *
Il reste bien peu de choses de l'Anse-à-Canards. Je n'ai pas rencontré Marguerite Benoit, la fameuse correspondante de Radio-Canada éleveuse de moutons. Je n'ai d'ailleurs pas vu de moutons non plus. Marguerite a déménagé, s'est établie en Floride, va donc savoir. Au bout du village, une route de gravier continuait à filer le long de "la barre", étroit bras de mer d'où on peut voir la mer de chaque côté. Curieux comme pas un, j'ai entrepris de me rendre au bout. Le bout du monde, ça doit ressembler à ça. La route se terminait par un quai surplombé de petites maisons abandonnées où les pêcheurs devraient loger à un certain point. La route étant désormais carrossables, ils y conduisent sans doute au lieu d'y loger.
J'ai refait le chemin inverse et repris la route pour Gros Morne, ma destination ce jour là.
Sur la route, j'ai réalisé qu'il y a trois postes de radio dans le coin. Il y a Radio-Canada français qu'on capte à merveille partout. L'entrevue portait sur le festival des graffitis de Montréal, peu pertinent pour mon voyage, ou pour les habitants de la péninsule de Port-au-Port non plus d'ailleurs. Ensuite, une chaîne qui diffuse de la musique classique et qui vous donne envie d'aller voir dans votre coffre si vous n'y auriez pas laissé des collants et un tutu trainer. La troisième est la plus étrange. Je suis tombé dessus à plusieurs reprises quand elle joue de musique de Terre-Neuve, genre de toune à trois temps sur fond d'accordéon qui semble se répéter en boucle. Mais cette musique d'ambiance est entrecoupée d'un hard rock incroyable qui vous donne envie de vous teindre les cheveux en bleu et de vous faire le percing du sourcil ou du nombril avec un rail de chemin de fer. J'essaye de voir qui écoute ça et je n'arrive pas à imaginer la clientèle visée par cette impressionnnante combinaison musicale.
Je suis arrivé à Rocky Harbour vers l'heure du souper et heureusement que j'avais réservé car je coucherais dans l'auto ce soir. J'ai mangé un excellent souper avec un dessert qui m'a rappelé le pain aux épices de Peggys Cove.

dimanche 8 août 2010

155. Vive la rose!

J'ai quitté l'hôtel ce matin à l'heure où on ne sert plus de petit-déjeuner à Terre-Neuve. Trois restos plus tard, me me suis rabattu sur ce bon vieux Tim Horton où il est possible d'avoir un bagel et un café à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Je ne sais pas ce qui en est des autres endroits, mais ça ne manque pas de caractère dans ce Tim. Les gars et les filles qui faisaient les bars de la Main hier soir sont là, fiers de leur coup ou prêts à en remettre samedi prochain.
Je me suis ensuite dirigé vers la Péninsule de Port-au-Port, mon but pour la journée. Deux ados travaillaient dans un petit bureau d'information touristique près de l'isthme. Quand je suis entré, une lesbienne amoureuse de félins était en train de les engueuler (je connais son identité parce qu'elle avait un auto-collant aux couleurs de l'arc-en-ciel en forme de minou sur son Subaru Outlander.) Son énervement consistait à décrier les 9$/personne qu'elle et son amie (restée dans l'auto) auraient à payer pendant les quatre jours de leur séjour je ne sais trop où. Les deux jeunes l'écoutaient les yeux écarquillés, un brin effrayés. Celle qui a soulevé le débat y a aussi répondu : Well, I guess there is nothing you can do. En effet, de tout l'entretien, les jeunes n'ont pas eu à dire un seul mot.
J'ai repris la route muni de quelques brochures. Une feuille décrivait les attractions le long de la route.
De la côte française, je reconnais certains noms qui sont devenus familiers parce qu'il y avait une émission qui réunissait la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. Leur correspondante venait de l'Anse-à-Canards et nous entretenait une fois la semaine des activités de la Grand'Terre ou de Cap-Saint-George. S'il ne s'y passait pas grand chose, elle, en revanche, avait un élevage de moutons et son train-train à lui seul alimentait tout son temps d'antenne.
J'ai bien vu un signe qui indiquait Black Duck Brook, mais jamais je n'aurais imaginé que c'était la traduction de l'Anse-à-Canards! J'ai donc en quelque sorte raté la sortie.
À la Grand'Terre, je me suis informé pour acheter un cédé d'Émile Benoit. Je voulais entendre Vive la rose! sur place. Dans un petit musée, une guide m'a dit que je pouvais retourner voir au Convenience Store. Il devait y en avoir. Et je pourrais aussi me procurer de l'essence. Si je continue ma route, il y a bien un autre magasin à Cap-Saint-George, mais pas d'essence. Je ne sais pas très bien où l'essence est entrée dans la conversation mais je suppose que c'est quand même une information utile.
Je suis ensuite allé prendre un peu de soleil au Boutte-du-Cap (sic) et rentré sagement au B&B Chez Félix, qu'une amie m'avait réservé.
À Cap-St-George, j'ai acheté un cédé de musique locale. Toutes les pièces se ressemblent mais j'aime ça écouter ça en me baladant dans ce petit village perché sur la mer. J'ai vu deux chiens courir partout dans les champs ou sur le chemin, ils s'en foutent. C'est deux-là avaient l'air heureux comme dans les vues de chien, heureux comme j'ai pas vu beaucoup de chiens aussi heureux.

154. Rose Blanche

Je pensais cet hôtel bruyant et je me suis endormi en rechignant, convaincu que le toot-toot des traversiers et les pétarades des motos qui sont stationnées sous ma fenêtre me réveilleraient. Si tout ce boucan a eu lieu – et il l’a sans doute été – je n’ai rien entendu. Je me suis réveillé sur le tard, reposé comme il y a longtemps que je l’ai été. Pas de chien, pas de téléphone, rien à faire si ce n’est en faire à ma tête.
Je descends au resto de l’hôtel, pas certain de vouloir y manger. J’aimerais bien de l’au-then-tique sans trop savoir de quoi il pourrait bien s’agir. À l’entrée, on annonce des crêpes aux raisins, et ça me convainc que ça doit être une recette locale qui remonte à la colonisation, rien de moins. De crêpes je n’ai pas vu sur le menu : je suppose que c’est un truc pour le brunch, un peu plus tard. Je commande des œufs et des « fish cakes », c’est assez typique à mon goût.
Autour de moi, il y a une longue table de gens de l’endroit. J’en reverrai souvent au cours de mon séjour, car nous sommes en pleine saison touristique, mais c’est aussi la saison du retour des grands déportés qui viennent en vacances dans leur coin de pays. En effet, j’ai noté plusieurs autos de l’Alberta sur le traversier…
Port-aux-Basques, c’est avant tout le port d’accueil des véhicules qui arrivent ou repartent de Terre-Neuve. Bien entendu, du lot, il y a des touristes, mais il y a aussi des marchandises, des gens qui se déplacent par affaires aussi. Je ne crois pas que la petite ville veut vraiment se donner une vocation touristique, mais voilà, les touristes arrivent par bateau, inévitablement. Aux habitants, ça a quand même amené une série de maisonnettes colorées le long d’une promenade de bois au bord de l’eau, avec une vue imprenable sur les gros traversiers de Marine Atlantic. Et un Tim Horton. La file est tellement longue pour le service au volant que la ville a construit une voie dédiée.
Tous ces noms français me titillent et je décide de prendre la direction opposée à mon objectif de voyage pour me rendre à l'Isle-aux-Morts et à Rose-Blanche. Le français est disparu de ce coin de pays mais la toponymie elle, est bien restée. Au phare de Rose-Blanche, je fais le malin et je demande à la guide dans un anglais parfait, ce que ça signifie. Elle me répond que ça vient du français "white rocks" parce que les roches sont blanches dans le coin. (Et là, je me sens vraiment méchant car il n'y a pas plus gentils que les gens du coin.) Je lis plus tard sur une affiche très honnête qu'en fait, ce sont les anglos qui n'ont rien compris. Les francos avaient appelé l'endroit Roche Blanche mais les anglos ont compris Rose Blanche, ce qui donne à peu près raison à la guide du phare - mais qui démontre aussi que l'incompréhension entre anglos-francos ne date pas d'hier.

mardi 3 août 2010

153. Francophonie - coast to coast

Je suis en train de lire "La maudite québécoise", mauvaise idée en ce début de vacances. Totu ça se passe dans le milieu associatif de la francophonie minoritaire que je connais déjà très bien. Si je suis d'accord avec l'auteure quant au comique du système que cela constitue, je suis un peu blessé par ses commentaires sur le français des minoritaires. Mais je n'en suis qu'au premier tiers, peut-être comprendra-t-elle un peu de quoi il en retourne avant la fin du livre...
Ça explique, en tout cas, pourquoi j'ai trouvé mon petit coiffeur de Mourial pas mal comique aujourd'hui. Il devait avoir 18 ans à peine, le dernier arrivé, celui auquel on nous assigne quand on n'a pas de rendez-vous.
Je doute qu'il ait eu la possibilité de faire une phrase complète avec sujet, verbe et un quelconque complément. Pendant son cours de coiffure, on lui a appris que c'était bien de faire la causette avec le client. Il m'a donc demandé si j'avais une auto. Oui, que je lui ai dit. Il m'a dit que lui aussi, il avait une auto. Mais qu'il y avait une tite-lumière rouge qui s'était allumée dans le tsé-l'affaire-là, le dash de bord. (Il était proche quand même.) Un ami, de fort bon conseil, lui avait appris qu'il était bon de s'arrêter quand une tite-lumière s'allumait dans l'affaire. Ce qu'il a fait. Mais en s'arrêtant, elle s'est éteinte. Alors il est reparti. Et il a achevé son ratiateur.
Il m'a aussi demandé d'où je viens. Je lui ai dit Nouveau-Brunswick, mais il ne savait pas où c'était. Je lui ai dit Maritimes, et là une étincelle s'est allumée dans ses petits yeux pas très fûtés. Il m'a dit qu'il y a trrrèèèès longtemps, il était allé à Shédiac. Et que le lendemain, sa famille avait pris un traversier pour aller à l'Ile-des-Soeurs. Il devait avoir autour de 14 ans.
Mes cheveux ne sont pas très réussis, mais c'est surtout parce que j'en pouvais plus et que je lui ai dit que ma tête me convenait très bien comme elle était, à mi-chemin dans la coupe.

samedi 31 juillet 2010

152. La crowd du vendredi soir

Au bureau hier, c'était une atmosphère de fête. Il faisait dans le 30C dehors mais on se serait cru la veille de Nouel. C'est que le bureau ferme pour une semaine et on était un petit groupe qui veillait au grain avant le grand départ. Tout le monde se faisait des hugs, on a pris le café ensemble, on parle de nos projets. On se serait fait un échange de cadeaux, c'est comme rien.
Bon c'est pas que je cherche des excuses mais d'habitude je suis crevé le vendredi soir. Sauf qu'hier soir, j'étais crevé mais c'était aussi le début de mes vacances!!! Et pas question d'aller sagement me coucher.
Alors je suis sorti dans un petit bar gay de la ville. La musique est bonne, tout le monde est de bonne humeur, pour ne pas dire gai, quand tout à coup la musique s'arrête. De l'escalier descend la plantureuse Dixie-quelque-chose, la drag-queen de l'endroit, la maîtresse des lieux. Elle est grande, c'est-à-dire que c'est peut-être pas un grand homme, mais quand elle se perche sur des talons aiguilles de six pouces, elle est grande, on s'entend. Six pouces de talons, 4 pouces de perruque, ça vous grandit un homme. Enfin, vous voyez ce que je veux dire.
Les quelques groupuscules qui sont dans la salle arrêtent de respirer. Certains ont déjà un gros sourire con dans la face, prêts à rire à la première niaiserie qui va sortir de la bouche de la déesse. Sa première blague, elle demande à la foule s'ils on remarqué qu'elle s'était fait refaire les seins. Éclat général. Je la pogne pas, évidemment.
À gauche, un groupe de croûtons. On voit rien qu'à les voir qu'ils passent beaucoup de temps à soigner cette vieille peau qui ne fait que ce qu'elle a à faire : vieillir malgré le refus du proprio. Les cheveux crient la teinture que je les soupçonne de se faire entre eux avant de sortir le vendredi soir. Mais ils sont bien entre eux, reluquent les plus jeunes, partent de grands éclats de rire pour bien montrer qu'ils ont du fun. Et sans doute en ont-ils, qu'est-ce que j'en sais.
Au centre, le groupe le plus intéressant. Les lesbiennes.
Mise au point : Je n'ai jamais très bien compris ce qu'une bande d'homosexuels trouvent d'intéressant à regarder un travesti - une très belle femme, soit dit en passant - se trémousser sur un estrade. Les lesbiennes, à la limite, je comprends, mais pas vraiment puisqu'elle savent toutes qu'il y un engin de malheur qui se cache quelque part là-dessous.
Dans le groupe, il y a les stéréotypes, bien entendu. Pas besoin d'en faire grand état. Il y a les plus jeunes, sans doute quelques LUG (Lesbians Until Graduation, un nouveau mot que j'ai appris cette semaine et que je voulais utiliser), et trois d'entre elles qui m'intéressent particulièrement. Elles sont toutes assez masculines mais habillées de façon très féminine. Et pas très à l'aise dans cet accoutrement. En tout cas beaucoup moins que Dixie-machin, qui marche sur ses échasses comme bien peu de femmes pourraient le faire.
Je tente dans ma tête de situer tout ça. Trois lesbiennes au comportement plutôt masculin, qui décident de s'habiller en greluches pour la soirée. De jouer à la femme fatale. Mais elles sont des femmes au départ? Pour arroser le tout, elle sont à un spectacle où un homme donne un spectacle et leur projette l'image de la femme qu'elle ne seront jamais. Tout à coup, ma propre sexualité devient tellement simple que j'en ai presqu'un complexe.
Et là, Dixie-chose annonce une primeur : pour la première fois, Lulu-patente va offrir un spectacle. Elle l'annonce en grande pompe, mesdames et messieurs (je regarde autour de la salle et je me demande bien à qui elle s'adresse!), attention, la voici, la voila, LULU! Lulu est un jeune éphèbe tout juste sorti de l'école secondaire. Hier, il jouait au soccer avec ses potes. Je trouve ça un peu tristounet. Faudrait qu'on me confirme que tout ce monde-là est heureux et je vais comprendre. D'ici là, je pense que naître dans le bon corps, c'est quand même bien.
Et c'est les vacances. Je me mets au ménage : j'attends de la grande visite!

jeudi 1 juillet 2010

151. Fête du Canada et autres choses importantes

Premier juillet. Quel plaisir de déambuler en ville alors que les rues sont dégagées, tout le monde étant autour de la colline parlementaires dans l'espoir de se faire pincer une fesse par la reine en personne. Rien contre la reine, qu'on se comprenne bien. Moi j'ai rien contre les vieilles dames dignes qui parlent un français impeccable. J'ai même trouvé dommage qu'à la télé, elle était devant un mur rouge avec sa robe rouge et son chapeau rouge. AVec son rouge à lèvres, on lui voyait juste les yeux. Mais comme Michaële Jean était en Chine aujourd'hui, je me suis dit que si elle pouvait se permettre de se sauver de la grande visite, je pourrais bien, moi aussi, fausser compagnie à Élisabeth. J'ai quand même mis les sous-vêtements les plus british que j'ai trouvés.
J'ai ai profité pour me rendre dans un centre de jardinage, bien décidé à y comprendre quelque chose. Je me suis dit que je rencontrerais une personne sympathique qui y travaille et qui m'aiderait à m'y retrouver. De toute évidence, cette personne-là était en congé aujourd'hui car toutes celles qui travaillaient aujourd'hui étaient soit en criss de travailler le 1er juillet; soit convaincues que les plantes mourraient toutes si elle ne les arrosaient pas pendant ma visite. Je suis reparti avec quelques babioles vertes qui me semblaient faire pitié. Un peu comme dans un pet-shop quand il y a un chiot qui vous choisit, j'ai laissé certaines plantes me convaincre de les mettre dans mon charriot.
Tout ça est dans le garage, faudra bien que je plante tout ça, je suppose.
Ensuite, j'ai déballé un abat-jour de lampe que j'ai acheté - je m'en souviens - dans une tempête de neige. C'est tout dire. Elle a belle allure sans le plastique, il me reste à lui trouver une ampoule. Ça m'a rappellé ma mère qui laissait toujours le plastique sur les abat-jour de toutes les lampes de la maison, question qu'ils restent beau plus longtemps. De une, toutes les lampes étaient laides parce que les abat-jour était dans le plastique. Et d'autre part, je me demande si ma mère a déjà songé comment c'était dangereux d'avoir du plastique si proche d'une source de chaleur.
J'ai en tête de ramasser les décorations de Pâques. J'espère que je vais y arriver. C'est donc fin la Fête du Canada.

lundi 28 juin 2010

150. Se tenir debout

Ce soir, j'ai décidé d'en finir avec ce problème. Je suis revenu du bureau plus déterminé que jamais. Il faut savoir se tenir debout de temps en temps et faire un homme de soi.
Il doit bien y avoir trois semaines que l'ampoule qui est sous le micro-ondes perché au-dessus de la cuisinière est grillée. Elle est bien commode car elle projete une petite lumière discrète, tout juste suffisante pour que le chien Gaston il aille boire la nuit. Dès que je m'en suis aperçu, je me suis dit que je devrais acheter une nouvelle ampoule dès ma prochaine épicerie. Je devais flairer les emmerdements car j'ai eu l'idée de la retiré de son socle avant de le faire, question d'être bien certain que c'était une petite ampoule pour électro-ménagers tout ce qu'il y a de plus commun, ce qu'elle n'était pas évidemment. Il s'agit d'une minuscule chose, plus petite qu'une ampoule d'arbre de Noël qui était camouflée derrière une vitre que j'ai dû faire glisser à l'aide d'un tournevis.
Une autre semaine s'est ensuite écoulée avant que je trouve le guide qui accompagnait le micro-ondes, question de savoir (1) comment retirer cette foutue ampoulette de son petit socle et (2) quoi acheter pour la remplacer. Le fameux guide ne disait rien de tout ça, si ce n'est qu'il fallait faire glisser la vitre avec un tourne-vis, ce que j'avais déja fait et - ô information suprême - que ladite ampoule se prévalait d'un gros 20 watts.
J'ai donc fait précisément 6 grands magasins pour trouver la chose. Elle n'existait nulle part et je me voyais déjà commander ça en ligne à partir d'un site frauduleux de la côte ouest américaine. Au quatrième magasin, une affichette indiquait qu'on était en rupture de stock pour les ampoules de 20 watts. J'ai eu tous les symptômes d'une défaillance cardiaque et je jubilais à l'idée que l'ampoule en question ait déjà existé, qu'on lui avait déjà fait une place sur les étagères, qu'on la lui réservait pour l'accueillir à nouveau un jour.
Je ne saurai jamais ce que j'aurais fait si je n'avais pu en trouver ce soir. Virer une brosse peut-être. Occuper le parterre de la colline parlementaire. Mais ce soir, j'ai fait deux autres magasins. Un autre de la même chaîne que celui qui affichait la rupture de stock et le vieux Home Hardware du coin Heron et Walkley, celui aux employés androgynes à l'allure inquiétante mais d'une gentillesse difficile à trouver de nos jours. L'espace est tout petit, la marchandise est empilée jusqu'au plafond et menace de s'écrouler à tout moment. Bien sûr, ils avaient la bonne ampoule.
Ce magasin sort tout droit de la préhistoire et me rappelle le magasin à Ti-Jean-Louis dans mon village natal, celui-là même qui peinturait sa camionnette au latex de la même couleur que son magasin. Magasin de l'ancien temps; micro-ondes dernier cri.
Go figure...

mercredi 16 juin 2010

149. Solution pour couples en péril

De tous les couples que je connais, c'est la bonne vieille histoire du « ti-couvert de la toilette en l'air » qui semble remporter la palme de causes de frustrations de madame, au grand dam de monsieur qui l'oublie souvent. (On ne parlera pas des éclaboussures de pipi que madame décrie de hauts cris et qui justifient souvent l'embauche de d'une femme de ménage bicause j'en-ai-assez-de-laver-ta-pisse-mon-écœurant.)
Or ce midi, devant l'urinoir, les affaires bien en main, je me suis demandé pourquoi ces trucs de génie ne sont jamais présents dans les résidences. Plus de chicane au sujet du ti-couvert parce que plus de ti-couvert. Plus de pisse qui r'vole partout parce que tout est bien circonscrit dans un réservoir où monsieur peut s'amuser comme bon lui semble à faire des ronds, pisser loin, pisser proche, pas d'éclaboussure.
Bien sûr, il faudrait briser la norme, oser l'installer en résidence, bref être le premier à vouloir sauver son couple. Il y a bien sûr la question de la revente, ce qui pourrait poser problème avant que l'urinoir de maison soit devenu un classique, voire un critère recherché par les couples en thérapie. J'ai même pensé qu'il pourrait être délicat de tenter de revendre la maison à un couple de lesbiennes, mais j'ai tout de suite imaginé un arrangement floral décoratif pour garnir l'objet devenu excédentaire pour ces acheteuses potentielles.
De retour à la table, fort excité de mon idée géniale, je me suis d'abord informé auprès de ma compagne si elle savait ce qu'était un urinoir ou plus précisément si elle en avait déjà vu un. Elle m'a révélé que toutes les femmes ont déjà vu l'objet en question puisque les lignes d'attentes sont toujours plus longues pour les femmes que pour les hommes et qu'elles finissent toujours par se décider d'utiliser les toilettes des hommes un jour ou l'autre au cours de leur vie. Elle s'est quand même intéressé à savoir si l'engin disposait d'une chasse-d'eau, sans doute déjà répugnée à l'idée que l'urine flotte là-dedans pendant des jours en attendant son évaporation. Je l'ai rassurée là-dessus, rassuré moi-même qu'elle n'en avait vraisemblablement jamais fait usage.
Curieuse, elle m'a demandé pourquoi cette information m'intéressait, et c'est alors que je lui ai révélé cette brillante idée. Humblement, je crois qu'elle m'a trouvé génial. Très sincèrement, elle semblait croire que je devrais faire la promotion de cette idée pour redonner au mariage son éclat d'antan, car il est vrai qu'à l'époque des toilettes extérieures, les unions duraient beaucoup plus longtemps.
Et si la modernité des lieux d'aisance en était la cause?

dimanche 13 juin 2010

148. Sympathique comme un charriot d'épicerie

Bonnes gens, avant de prendre ami, emmenez-le à l'épicerie.
J'en arrive et je m'étonne toujours un peu de constater à quel point la manipulation du charriot révèle le tempérament des personnes qui les conduisent.
Il y a ceux qui laissent leur charriot à l'angle de deux allées et qui congestionnent toute la circulation de l'épicerie. Ceux-là sont des égo-centristes indépendants à qui le monde appartient et qui ne feront pas un pouce pour vous dépanner si vous êtes dans la merde. Passez.
Il y a ceux qui prennent toute l'allée. Ils ne circulent ni à droite, ni à gauche. Ils avancent et vous vous tassez machinalement pour le charriot royal et la majesté qui y est accrochée puissent passer. Vous vous retenez pour ne pas faire une courbette et le baise-main. Abstenez-vous, à moins de souffrir d'une forme de masochisme social médiéval.
Il y a ceux qui parlent à leur cellulaire, mais on les retrouve également sur la route et sur les trottoirs. Je passe.
Il y a ceux qui conduisent n'importe comment et qui heurtent tout ce qu'ils trouvent sur leur passage, incluant les autres charriots et vos talons. Dans la vie, comme amis, ce sont des personnes qui heurtent tout ceux qu'ils trouvent sur le chemin et qui vous collent aux talons.
Avis : Jeune homme au mitan de la vie, ou sur la pente descendante mettons, cherche conducteur de charriot qui garde la droite dans les allées et qui, à défaut d'avoir la vue périphérique, joue suffisamment bien du globe oculaire pour respecter son prochain à l'épicerie.

mardi 8 juin 2010

147. Quand le temps s'arrête

Ce blogue vieillit avec moi, et inévitablement je me répéterai car je ne sais plus très bien ce que j'y ai déjà consigné. Ça fera dire aux mauvaises langues que je deviens gâteux, ce qui est peut-être bien vrai après tout.
Une amie me partageait qu'elle doit se décider à se rendre dans la maison, désormais vide, de sa mère. Ou la vendre sans y mettre les pieds.
Ça m'a rappelé la chance inouïe que j'ai eue lorsque je me suis rendu en visite chez ma sœur et qu'elle m'a offert de loger dans l'ancien appartement de mes parents, inhabité depuis leur départ, dix ans auparavant. Ma sœur n'ayant jamais pu se résoudre à y faire le « ménage », signifiant ici vider les lieux de leur contenu...
Je m'y suis donc retrouvé par un soir d'automne. Elle habitait à l'étage, mes parents ayant occupé le sous-sol pendant les plus belles années de leur retraite. Après le décès de mon père, ma mère ne s'y sentait plus à l'aise : trop de souvenirs qui la hantaient, disait-elle. Elle est donc partie vagabonder de résidences pour personnes autonomes en foyer pour personnes âgées, pour échouer dans une chambrette de mouroir impersonnelle. Consolant de savoir qu'elle avait déjà commencé à partir avant d'y entrer, de sorte qu'elle a passé plusieurs années à s'y croire en visite.
J'ai déposé mes valises dans la cuisine de l'appartement.
Rien n'avait changé.
Au point que mon père aurait pu sortir du salon sur un pas de danse comme il le faisait souvent et ma mère sortir de sa chambre, surprise en flagrant délit de sieste : « Ah ben la belle visite! Moi qui dort JAMAIS pendant la journée, je me suis fait prendre! » Pourquoi elle se sentait coupable de faire une sieste pendant la journée continue de me surprendre! Et moi de lui dire qu'elle avait bien mérité ses siestes pour avoir tant travaillé. Et elle de nier l'évidence, non, non, je ne dors jamais le jour, voyons-donc! (Elle avait la particularité d'avoir les cheveux aplatis sur le côté de la tête sur lequel elle s'était assoupi, et elle avait un côté de la tête plate très souvent, même quand on ne la surprenait pas.)
J'ai donc déambulé dans l'appartement avec un curieux sentiment mi-voyeur, mi-nostalgique. Le fauteuil de mon père, devant la fenêtre où il avait découvert les oiseaux (ça je sais que j'en ai déjà parlé ailleurs dans le blogue!). Le piano de ma mère, cet instrument qu'elle avait continué à jouer sans difficulté, même lorsque sa maladie lui empêchait de se souvenir où était le piano dans la résidence où elle habitait.. ou même de se souvenir qu'il y en avait un!
Ma sœur m'avait prévenu qu'elle n'avait rien touché depuis leur départ. Elle était très sérieuse car dans le porte-journal, il y avait les journaux de 1996. Curieusement, on annonçait le mariage de je-ne-sais-trop quel joueur de hockey, qui venait justement de faire la manchette pour un divorce tapageur.
Était-ce bien de se retrouver dans ce musée? Oui. Dix ans après leur départ, des vies éteintes reprenaient leur cours, les souvenirs qui s'effacent si facilement refaisaient surface, je me suis surpris à sourire. J'ai retrouvé au haut de garde-robe de ma mère les boîtes de Sweet Mary dans lesquelles ma mère conservait les photos de famille depuis l'époque où elle tenait épicerie, récupérant ces boîtes de chocolat qu'elle trouvait solides. C'était avant le Tupperware, bien entendu.
Ce soir-là, j'ai monté les précieuses boîtes en haut, chez ma sœur. Nous avons passé la soirée à regarder tous ces souvenirs.
Quelques mois plus tard, l'appartement était la proie des flammes. Tout y est passé, sauf les photos que personne n'avait songé à remettre dans la garde-robe.

dimanche 23 mai 2010

146. Le mot magique

Depuis quelques semaines, je remarque que l'entrée no. 59 de mon blogue reçoit souvent des « commentaires ». Piqué de curiosité, je suis allé voir en quoi ce message était différent des autres pour attirer autant d'attention.
En le relisant, il m'est revenu cette entrevue radiophonique où on expliquait que certains mots sur le web étaient recherchés pour ensuite être bombardés.
Je ne sais pas si c'est le mot A*** (je suis pas assez con pour l'écrire de nouveau, voyons!) qui a déclenché l'avalanche, mais j'ai une douzaine de messages - et ça continue - sur des sujets très variés.
Je suis donc heureux de vous apprendre qu'à partir de l'entrée 59 de mon blogue, vous pouvez acheter du fromage bleu d'Auvergne, aider les petits haîtiens ou augmenter la taille de votre pénis. Pour la modique somme de 25$, vous pouvez également récolter 1500$ par semaine, ce qui pourrait arrondir vos fins de mois et vous permettre d'acheter tout le fromage bleu que vous voulez et même acheter un petit haîtien tant qu'à faire, pourquoi pas? Et avec un revenu de 1500$ par semaine garanti, pas besoin de vous acharner sur la taille de votre pénis.

lundi 3 mai 2010

145. Ils m'ont trouvé!

Ce qu'il y a de fin avec l'endroit où j'habite, c'est que c'est tout plein de trucs ouverts touenté-fowre-seveune, comme disent les anglos. Alors quand j'ai une crise de consommation aïgue, je peux assouvir mon vice caché en toute impunité, chilk-chlak, et les symptômes disparaissent.
Ce soir, j'ai jeté mon dévolu sur Walmartte, avec files d'attentes à n'en plus finir et tout et tout. Rendu à la caisse, je l'aperçois. Je fais mine de rien, mais je sais qu'il me regarde aussi à la dérobée. Je sens la nervosité qui monte en moi, même si je sais que je ne fais qu'aggraver mon cas en affichant un léger tremblement. J'ai sans doute quelques gouttes de sueur qui transpirent de mon épiderme, ce qui n'a rien pour calmer les ardeurs de mon ennemi. Je me demande ce qu'il fout dans un Walmartte à 23 heures, mais dans le fond, je le sais très bien : il m'a suivi, il m'a trouvé, il n'attend qu'un moment de distraction de ma part pour me sauter dessus sans pitié.
Je retourne à mon auto, la voie semble libre, je ne le vois nulle part. Je regarde discrètement à droite et à gauche du coin de l'oeil : rien.
J'actionne le système de déverrouillage et je m'assois au volant. Je referme la portière et laisse aller un soupir de soulagement.
Et soudain, je le sens. Il est là. Il m'a suivi. Sans doute avait-il des acolytes postés à l'extérieur qui lui ont donné le signal. Je sais que c'est une conspiration, je l'ai toujours su.
Aujourd'hui, le premier maringouin de l'année 2010 m'a trouvé et il m'a piqué. Au pouce.

jeudi 29 avril 2010

144. Voulez-tu une tite-bavette?

Voulez-tu une tite-bavette pour pas salir vot' beau linge? elle le demandait à tous les clients qui commandaient du spaghetti, plusieurs seuls à leur table, comme moi, avec l'idée de manger vite, sortir.
S'il arrive que la vie soit un tourbillon, je suis en plein cyclone. Et dans ces moments-là, je recherche ma bouffe-réconfort, traduction libre de comfort-food, qui dit bien ce qu'il veut dire.
Le hic, c'est que c'est une bouffe-réconfort assez difficile à trouver. Le pizza-ghetti, une combinaison - vous l'aurez deviné - de spaghetti et de pizza. Même l'endroit où je l'ai découvert est maintenant fermé, c'est à dire le snackbar italien de l'aire de restauration du Scotia Square à Halifax. Pendant une dizaine d'années, c'est ce que j'allais manger pour m'évader du ministère, mais aussi parce que c'était la chose la plus potable du centre commercial. Les spaghettis sont trop cuits, la sauce sort d'une canne, la pizza est décongelée du matin. Mais avec ben du sel, c'était devenu mon réconfort quand la vie me charriait.
Je le retrouve maintenant chez DaGiovanni, rue Ste-Catherine à Montréal, et probablement dans tous les autres restos du même nom, mais ce serait pas pareil sans les vieilles serveuses qui s'inquiètent si on finit pas notre assiette et qui vous traitent comme si vous étiez leur petit garçon.
Journée époustouflante à Montréal aujourd'hui. Soirée platte. Fait frette dehors. J'ai pas de manteau. Chu fatigué. La plomberie fait du vacarme à toutes les fois que quelqu'un flushe.
Heureusement qu'il y a la bouffe-réconfort pas trop loin.

dimanche 18 avril 2010

143. Petite leçon de vie pour vieux prétentieux

Ma naïveté n'a d'égal que mon sens du ridicule. En fin de semaine, j'ai été ce vieux corbeau qui se fait botter le cul par un jeune renard.

Du haut de mon cinquantenaire bien sonné
Je faisais grand état de la sagesse des ans
À une jeunette que j'espérais bien conseiller
Mais comme l'alexandrin, c'est pas mal fatigant
Mon histoire je vous conterai sans m'en soucier.

Nous parlions de tout et de rien, de choses et d'autres ainsi que de n'importe quoi quand le sujet tomba sur une personne que nous avions connue jadis.
- Je t'ai toujours dit qu'elle était cinglée, me dit-elle. Et j'avais raison.
- Ouin, c'est vrai, je m'étais trompé à son sujet et j'aurais dû t'écouter quand tu me l'as dit. Mais comment as-tu su? ajoutai-je.
- C'est bien simple, me répondit-elle.
Et j'ai appris, moi qui suis au mitan de ma vie, et même sur la pente descendante mettons, qu'il y a deux façons de percevoir les gens.
- Tu vois, me dit-elle, du haut de son jeune regard sur la vie et les hommes, quand je rencontre une nouvelle personne, je me dis qu'elle est timbrée et je lui donne ensuite la chance de me prouver le contraire. Cette personne, dont on parle, ne m'a jamais convaincue du contraire.

Ma gueule d'étonnement est tombée sur la table
Y laissant tomber du même coup mon fromage.

samedi 17 avril 2010

142. Bug dans le programme

Levée du corps à 6:15, en route vers l'aéroport à 6:30. Arrivée à l'aéroport à 7:00, envolée à 8:05, atterrissage à 9:05. De là, je vais directement chez le marchand de peinture, j'achète ce qu'il me faut pour les murs du sous-sol que j'ai brillamment préparés avant de partir, sablés, lavés et tout et tout. Vers 10:00, je m'y mets, le tout est fini vers midi, un peu d'épicerie, une marche avec le chien Gaston, une sieste.. Oh mais attendez, qu'est-ce que me dit l'agent au comptoir? Le vol est retardé? QUOI? 6 heures d'attente? Et mon sous-sol? que j'ai envie de lui dire. Et mon chien Gaston? T'en fais quoi? Il va rien comprendre lui de ce retard? Et ma petite vie toute planifiée avec la petite sieste essentielle du samedi après-midi? Pour un moment, je pense qu'elle blaque. Quand elle me remet un coupon de 8$ pour manger pendant les 6 heures d'attentes, je suis certain qu'il va me sortir un caméra cachée et que l'équipe de tournage va crier "Surprise". Elle ajoute, comme pour me ramener à la réalité : Votre coupon, si vous achetez pour moins que 8$, vous pouvez pas ravoir la monnaie. Là je lui demande de répéter, pour être certain qu'elle me réveille comme il faut.
Et là je me souviens tout à coup du temps où les tempêtes l'hiver annonçaient la fermeture des écoles, une journée de congé non-planifiée, comme une journée qui s'ajoute à votre vie et que vous-pouvez-en-faire-n'importe-quoi. Je pense que je vais pouvoir lire, écrire, j'ose même penser que je vais pouvoir rien-faire-du-tout, luxe suprême.
Je parie que mes murs de sous-sol seront encore là demain, aussi prêts demain qu'ils l'étaient aujourd'hui.

jeudi 8 avril 2010

142. Scandale

Hier soir, une petite fringale m’a fait descendre au bistro de l’hôtel où je logeais. Comme j’étais seul, je me suis assis au bar. Par la suite, des amis sont arrivés, une connaissance s’est jointe au groupe, j’y suis resté plus de trois heures, après avoir mangé, bien entendu, et je vous épargne le reste. Là n’est pas le sujet.

Pendant que j’étais assis au bar, après que les amis se soient joints à moi et que j’eus invité cette vieille connaissance à se joindre à nous, les trois écrans plats traitaient du sujet du jour. Tables rondes, panels d’experts, personnalités consultées et tout et tout.

Moi je suis bien d’accord pour qu’on traite des nouvelles dont on veut bien traiter, dans la mesure où ça intéresse son auditoire, même si ça ne m'intéresse pas particulièrement.

Cependant.

Quand je vois Bill Clinton, moi je le vois à quatre pattes devant la Monica effourchée sur le pupitre du bureau ovale. Je vois un cigare. Au rang des situations embarrassantes, disons que Bill détient, encore à ce jour dans mon esprit, la palme.

Et pourtant.

On paie des milliers de dollars pour écouter ce bozo dans des clubs très sélects. On achète ses livres. On l’interviewe.

Mais on fait des tables rondes pour savoir si Tiger Wood peut encore jouer au golf après avoir trompé sa femme. Oh le gros vilain.

lundi 5 avril 2010

141. Symboles

Ce symbole, >|< et son semblable <|> sont des jumeaux d'ascenseur qui ont été installés là avec pour unique but de faire passer la frustration des personnes qui montent dans la cage. Aucun ne fonctionne. Tout d'abord, ils sont à peine reconnaissables. Prenons l'exemple suivant : vous êtes monté dans l'ascenseur et vous apercevez quelqu'un qui s'en vient. Par gentillesse, vous voulez que les portes s'ouvrent à nouveau et vous vous penchez vers le panneau. Avant que votre esprit ait fait la distinction entre >|< et <|>, les portes sont refermées et la personne que vous aviez vue vous prend pour un trou de cul qui s'est empressé d'appuyer sur >|< pour que les portes se referment plus vite.
Si vous êtes pressé et que vous voulez que les portes se referment rapidement, comme par exemple si vous voyez quelqu'un venir et que vous ne voulez pas qu'il monte avec vous, avec un peu de chance vous appuierez sur >|< comme un enragé pour vous apercevoir que rien ne se passera. Les portes ne se refermeront pas plus vite et la personne que vous vouliez éviter montera à bord en se disant que vous avez essayé de refermer les portes pour qu'il n'y monte pas. Il pensera que vous êtes un trou de cul.
Ces pitons, c'est l'enfer que moi je vous dis. La morale, c'est qu'ils ne fonctionnent pas et ne servent à rien, si ce n'est qu'à chaque fois que vous tentez de vous en servir, vous passez pour un trou de cul.

140. Pas d'erreur sur la bagnole

La semaine dernière, quand j'ai dû apporter ma bagnole chez un spécialiste parce qu'on avait versé je-ne-sais-trop quelle cochonnerie dessus, le commerçant m'avait fait un commentaire que j'avais trouvé insignifiant : Ahh ces bandits, ils savant toujours quelle auto choisir. C'est vrai que la Tercel 1982 de mon voisin n'avait pas été vandalisée, mais quand même.
J'arrive d'une superbe fin de semaine à Montréal où c'était carrément l'été. On sait bien qu'à Montréal, rien n'est plus encombrant qu'un auto alors j'avais pris soin de me stationner sur une rue tranquille, après avoir décodé tous les messages secrets que la ville affiche pour déterminer si j'avais bien le droit de me garer pour deux jours à cet endroit. Malgré mes précautions, je m'attendais à un billet de stationnement comme ça m'arrive souvent. Au lieu d'un billet, mon auto avait reçu un coup de botte, ou je ne sais quoi, juste pour y faire un petit dommage pas bien grave, juste pour écœurer. Et le commentaire du commerçant m'est revenu : les bandits savent choisir.
La morale de cette histoire : pour vivre tranquille aujourd'hui, mets une couche à ton chien après la brunante et si ta bagnole se fait un peu remarquer, laisse-la dans ton garage.
...
C'est un peu chiant tout ça, mais ce qui est encore plus chiant, c'est que tout ça semble bien normal. Depuis qu'il m'est arrivé ces incidents - on s'entend que celui de Montréal n'est pas relié aux deux autres - j'en ai parlé à droite et à gauche pour réaliser que tout ça frise le normal. Tout le monde connaît un endroit « où il ne faut pas aller » et tout le monde sauf moi savait qu'à moins d'être propriétaire d'une Tercel 1982, on ne laisse pas sa bagnole coucher dehors.
J'en apprends des affaires moi là là...

lundi 29 mars 2010

139. Erreur sur la personne

Samedi matin, j'ai eu la désagréable surprise de retrouver un truc curieux sur mon pare-brise d'auto. Habituellement, je la stationne dans le garage mais comme j'effectue des rénovations dans le sous-sol, j'y avais entreposé des meubles et la bagnole était à la belle étoile.
Ça ressemblait à du sirop d'érable et j'étais prêt à me faire un partie de cabane à sucre. Mais ça n'en était pas. C'était un genre de résine, ou de colle, mais en tout cas, il était impossible de le décoller. Et comme le tout avait coulé un peu sur le capot, je n'ai pas pris de chance et je l'ai apporté à des spécialistes de la chose. 350$ plus tard, je ne savais toujours pas ce que c'était mais l'auto était impeccable.
Je n'ai pas fait de profonde réflexion à savoir ce qui c'était passé : des jeunes qui veulent faire un niaiserie. Je me souviens quand même m'être demandé pourquoi le pare-brise et non la vitre arrière qui donnait sur la rue. Mais bon. Incident clos.
Pour une journée.
Le lendemain soir, c'était mon party de bureau. J'y suis arrivé en retard car le service de nettoyage a pris la journée pour l'opération nettoyage. À mon retour, vers une heure du matin, on avait lancé de la peinture rouge sur toute la partie arrière de la maison et une roche de bonne dimension avait percé la fenêtre de la cuisine.
L'auto n'était donc pas juste une niaiserie. La roche dans la fenêtre de la cuisine et la peinture rouge en témoignent clairement.
Comment on se sent? Très, très impuissant et surtout on n'y comprend vraiment rien. J'ai contacté la police qui a traité l'affaire comme quand on complète un formulaire. Pauvre eux, ils en ont vu d'autres, je comprends.
...
Ce soir, j'ai tout compris. J'arrive de l'assemblée annuelle de la corporation de mon quartier. Sur ma rue, et même au fond du quartier, bien loin de ma maison, il y a tout plein de gens qui s'inquiètent beaucoup des autos qui s'arrêtent dans le stationnement pour visiteurs qu'il y a devant chez moi. Je dois dire que je n'ai jamais remarqué ces autos, sans doute parce que m'en fous complètement. Il semble selon les voisins qui ont la langue déliée et qui ont bien insisté pour que la secrétaire de la réunion ne les nomme pas, qu'il se passe des choses inquiétantes dans ces autos, un trafic quelconque. La recommandation du conseil d'administration a été d'appeler la police à chaque fois qu'on voit une auto suspecte. Une dame a dit - et c'est là que j'ai cliqué - que c'était très dérangeant de sortir faire marcher son chien le soir et d'être « témoin de ce trafic ».
...
Vendredi soir dernier, je suis sorti vers 23h30 pour faire marcher Gaston, afin qu'il me laisse dormir un peu plus tard samedi matin. Vendredi soir dernier, je n'ai rien vu, mais ma vie a changé.

mercredi 17 mars 2010

138. Un francophone chez les thaîlandais à la Saint-Patrick

Dans le coin où je bosse, y'a un petit resto thaïlandais pas mauvais du tout. Le fait qu'il n'y ait rien d'autre qui soit potable dans le périmètre le rend encore plus sympathique. Et les sculptures aussi. À chaque fois, y'a un sculpteur, thaïlandais assurément, qui gosse tantôt un melon, tantôt un rutabaga pour en faire une véritable œuvre d'art. Même chose dans les assiettes, y'a un thaïlo qui vous gosse un éléphant ou un cygne et qui l'assoit sur votre salade, c'est joli comme tout, et je n'ose jamais le manger tellement c'est beau. Des fois, je me demande s'il vont refiler mon éléphant ou mon cygne à quelqu'un d'autre dans le prochaine assiette et je bouffe la trompe de l'éléphant ou j'arrache la tête du cygne de mes dents, juste au cas.
J'avais prévu que la personne que je rencontrais ce midi serait en retard. Juste une intuition qui s'est avérée être vraie. Qu'à cela ne tienne, j'avais apporté un carnet pour préparer mon après-midi et rédiger une ébauche de lettre. Sauf que j'avais pas de stylo.
J'étais seul dans le resto, à l'exception de quatre jeunes filles dans la jeune vingtaines complètement à l'autre bout de la salle. Elles avaient l'air de parler bas-culottes, ça ne m'intéressait pas du tout et en plus elles étaient trop loin. Tout à coup, y'en a une qui s'époumonne : Oh-my-god! qu'elle dit.
- I have met the most wonderful guy this weekend, I HAAAVE to tell you all about it.
Tiens, tiens, que je me dis.
Là elle se penche et sur le ton de la confidence cochonne, elle leur chuchote, mais assez fort pour que je l'entende :
- This guy, you see him from a mile, and you know instantly that he's French.
D'habitude, je n'écoute pas les conversations dans les restaurants. Je les entends, mais je ne les écoute pas. Cette fois-ci, si j'avais eu un appareil auditif, j'aurais monté le volume. Un mec incroyable, tout ça associé au fait qu'il ait l'apparence francophone? J'ai besoin d'en savoir plus long. D'ailleurs, une des comparses m'aide dans ma réflexion et demande :
- What do you mean? What does he look like?
Et moi j'ai envie de m'en mêler et d'ajouter : Ouain, conte-nous ça.. C'est quoi avoir l'air francophone? Come on, des détails!
Elle sait qu'elle a toute leur attention. Elle les regarde, complice comme ça se peut pas, c'est clair qu'elles ont toutes des images dans la tête. Sauf moi, j'ai pas d'image d'un gars que tu vois d'un mille pis que tu sais qu'il est francophone.
Elle se penche à nouveau :
- He's got this French look. You see him and you just know he's French.
Et là l'autre conne, elle demande la question qui tue, celle qui change toute la conversation, et qui fait en sorte que je n'en saurai pas plus.
- Does he speak English?
Pauvre imbécile. On s'en câlice-tu un peu? Pour une fois que j'avais la chance de savoir ce à quoi ça a l'air un vrai francophone, fallait que cette pouffiasse s'inquiète de son bilinguisme.

dimanche 14 mars 2010

136. Coin-coin fait le petit lapin

Entendons-nous tout de suite que je ne saute jamais de joie hors du lit (sauter de joie, sauter hors du lit, vous voyez l'idée) quand mon chien m'ordonne de le sortir le matin en grattant furieusement contre la porte du salon que j'ai peinturé l'automne dernier.
Cependant, je dois bien reconnaître qu'une fois vaguement habillé, approximativement dehors et quelque peu orienté sur le sentier qui passe derrière chez moi, il m'arrive assez souvent de penser que s'il n'était de ce sale cabot, je passerais à côté de quelque chose.
Derrière chez-moi, il y a un sentier. Le long du sentier, une crique, genre de ruisseau qui se gonfle au printemps et qui disparaît sous les hautes herbes en été. Si on n'y prête pas attention, on pourrait penser que c'est un déversement d'égout, mais non. Il a son propre petit courant, même une petite rigole à un certain dénivellement - accentué l'été dernier par un téléviseur dont une personne anti-environnementale s'était délestée en supposant que la crique était une crevasse sans fond - et une vie végétale et animale propre à ce type de cours d'eau.
L'hiver dernier, comme ça en sortant mon chien le matin, ronchonnant sans trop savoir pourquoi, j'ai vu le ruisseau se cristalliser dans ses premières phases de gel. J'ai vu une maman cane sortir des foins avec sa nichée qui la suivait comme des bambins de garderie reliés à une corde, j'ai vu un téléviseur s'enliser.. bon, enfin.
Hier matin.. Non, commençons avec vendredi soir. Je buvais du café comme un condamné dont ç'aurait été le dernier vœux, question de rester réveillé pour travailler à un projet que j'ai entrepris. Comme je bois rarement du café après midi, l'effet a dépassé de loin mes attentes et j'ai pu me consacrer à mes activités jusqu'à 4h du matin, et même là, je m'endormais pas tellement, imaginez. À 7h15, comme un vaillant réveil-matin qu'il est, mon chien a entrepris un sablage en règle de ma porte de salon, m'avertissant ainsi que j'avais tout intérêt à me lever si je voulais pas qu'il la décape complètement.
Je ne me souviens pas du laps de temps qui s'est écoulé entre le moment où je me suis carrément propulsé hors du lit et le moment où je me suis retrouvé sur le sentier, à la remorque de mon chien de 15 livres qui tirait sa charge alourdie par le sommeil.
Pourtant, ce matin-là, j'ai pu assister au retour des canards sauvages. Ils arrivaient en petits groupes, se déposant sur la crique dans de grands éclaboussements. Il faut croire que le voyage met de la mine dans le crayon, car on voyait tout aussitôt les femelles s'envoler rapidement, poursuivies par des mâles dont les intentions étaient à peine cachées, sinon par quelques plumes.
Tout à coup, sur le sentier, j'ai vu un mâle se dandiner derrière un lapin, probablement une lapine, mais à ce point-ci, qu'est-ce que ça changerait hein? Le lapin faisait quelques sautillements, le canard réagissait aussitôt par quelques dandinements. Le lapin de sautiller encore, regardant derrière l'air inquiet, l'air de dire « Ben voyons donc.. », ou peut-être « What the fuck..?! » s'il était anglais. Le canard de s'avancer encore, intéressé comme tout à faire plus amples connaissance.
C'est donc ben beau la nature...

mardi 16 février 2010

135. J'ai rêvé à mon père

Oui, oui, ça vient tout juste de se produire. Je me dépêche à le raconter, les rêves ça a tendance à disparaître de ma mémoire, et déjà que c'est pas mal flou...
On était dans une grande fête, genre mariage, mais je sais pas très bien.
J'étais assis à une table ronde avec d'autres personnes, je sais plus qui et je ne crois pas que je le savais dans le rêve.
Il s'est levé et il est allé au buffet (je ne sais pas mais ce serait bien son genre, il aimait bien manger).
J'ai dit à la gang dont je ne souviens plus : « Vous avez vu comme il est petit mon père? » Il était petit dans mon rêve alors qu'il était plutôt corpulent dans la vie.
Et là, une grosse musique s'est fait entendre.
Ma soeur, sortie de je-ne-sais-où a dit « Oh, cette musique, ça annonce rien de bon. Papa va mourir, c'est certain. »
Comme de fait, il est tombé face première raide mort sur le coin du mur pas très loin de ma table.
Mais il s'est relevé, comme si de rien n'était, et il est venu me parler. Juste à moi. Ensuite, il est re-mort de nouveau.
C'est quand même chien les rêves hein? Quand je me suis réveillé, et que j'ai décidé de courir à l'ordinateur écrire tout ça, je me souvenais très bien de ce qu'il m'a dit.
Et vous pensez que je m'en souviens maintenant?

jeudi 11 février 2010

134. Un bébé non-désiré

Entendu à une réunion :
- Ce projet c'est devenu mon bébé, mais moi je ne voulais pas que ce bébé-là soit juste à moi.

mercredi 3 février 2010

133. Lettre d'un immémorant

Il y a des néologismes qui s'imposent, d'autres qui sont plus accrocheurs. Celui-ci est des deux. J'ai découvert le concept d'immémorant avec soulagement, réalisant enfin que je fais partir d'un sinistre club de primates sans mémoire collective, qui regarde les nouvelles comme si tout ça sortait d'un studio de la Warner Bros., incapables de comprendre les vrais enjeux de l'actualité, encore moins leur source, comme si tout ça était sorti de l'imagination d'un Spielberg qui aurait recréé en studio les rives de la Méditerranée.
Tout ça parce qu'hier soir je suis allé voir un spectacle de mandolines ukrainiennes, une symphonie au grand complet, un truc qui remonte à 1919, certains joueurs étant d'ailleurs des membres fondateurs, et j'exagère à peine. Sonorités russes, autrichiennes de temps en temps, hongroises c'est comme rien, tout ça revu au goût du jour, bien entendu. J'écoute ça comme un gros con, vaguement conscient que c'est leur histoire qu'ils sont en train de me gratter là sur les cordes de leurs instruments de leurs mains osseuses. Et ils font quoi ici ces Ukrainiens?
À 16 ans, j'ai passé une semaine dans une famille ukrainienne en Saskatchewan, mon premier grand voyage, merci Trudeau.
À 50 ans, je passe une soirée à les regarder se trémousser la mandoline.
Et je sais toujours pas ce qu'ils sont venus faire ici. C'est pire, je ne me le suis jamais demandé avant ce soir. On décide pas un dimanche après-midi de partir d'Ukraine et de se rendre dans les Prairies canadiennes pour n'en jamais revenir, pour y perdre ses origines, et pour jouer de la mandoline jusqu'à ce que mort s'ensuive. Je ne sais pas, je n'ai jamais su, je suis un immémorant.
Je suis perdu dans mes réflexions quand v'là-ti-pas qu'une douzaine de jeunes danseuses et de jeunes danseurs sort d'on ne sait où parmi le club d'âge d'or qui gratte furieusement les cordes de ses instruments. Les filles portent des jupes colorées qui ressemblent à des abat-jours quand elle tournoient sur elles-mêmes. Les garçons portent des grosses culottes bouffantes en rayonne et font des pirouettes parmi les abat-jours. L'auditoire que nous sommes est en extase, ça c'est de la vraie culture. Le chef d'orchestre s'emballe, ses quelques cheveux blancs s'affolent, je crains une crise d'apoplexie, mais non, il ne fait que donner l'ordre à ses ostéoporosiens de nous épater avec quelques succès américains. La foule est en délire, moi j'ai peur qu'ils nous poussent du Britney Spears et que les abat-jours s'envolent.
Ça doit être le vin, mais je vois les petites danseuses acadiennes, j'entends Elvis dans les boutiques du Vieux-Québec, des congrès mondiaux de têtes blanches, et j'ai peur. J'ai peur que le géant d'à-côté ait tout cassé dans la vitrine et qu'il n'y ait plus de place pour survivre quand on est différent.
Mais je ne suis qu'un immémorant, qu'est-ce que j'en sais?!

samedi 9 janvier 2010

132. Surmonter sa peur

Me voilà prêt à faire face à mon démon. J'ai mis des lunettes fumées, un chandail à capuchon et un foulard qui remonte sur mon menton, question de camoufler ma barbe. J'entre dans la librairie, me dirige vers "le" rayon, tente de me donner des airs de connaisseur, un vieil habitué de cette section de la librairie.
Je feuillette quelques bouquins, des revues, et je le vois. Là, je ne peux plus jouer le jeu, dès que je l'aurai pris dans mes mains, pas de niaisage, je dois filer vers la caisse, payer sans jaser avec la caissière, sortir. L'accoutrement n'aura pas servi à rien, je serai méconnaissable et on y verra que du feu.
C'est que pendant les Fêtes, je me suis retrouvé dans un brunch où j'ai laissé aller le morceau, naïvement, sans penser que j'attirerais l'attention sur moi autant. Tout le monde causait, parlait de ses prouesses, détaillait tel ou tel réussite, étonnant la galerie à chaque fois.
Et moi, tout bonnement, de tenter de me joindre à la discussion : He he, c'est que moi, je ne sais pas cuisiner.
Il y eut un silence. Tous les convives se tournèrent vers moi à l'unisson. Quelques secondes qui me semblèrent une éternité.
Et la discussion reprit, un peu comme on fait quand on veut tenter de faire oublier quelque chose, un ennui passager qu'on camoufle.
Je n'ai plus placé un mot de la soirée, ayant compris qu'une espèce de mon genre n'avait pas sa place en société, à moins de se taire, bien entendu.
C'est donc avec un exemplaire de "Cuisiner pour les nuls" que je suis sorti de la librairie cet après-midi, bien décidé à m'y mettre.
Je suis rendu à la page deux. Je vous en donnerai des nouvelles.

lundi 4 janvier 2010

131. Paix sur terre vous avez dit?

Je pitonnais tout bêtement au Jour de l'An 2010 quand j'ai vu la scène aberrante de la Rose Parade aux Zétats. Comme grand invité d'honneur, espèce de Père Noël en fin de parade, on avait choisi Sullenberger, ce pilote qui avait réussi à faire atterrir son boeing sur l'Hudson, sauvant la vie de centaines de passagers, et la sienne, on s'entend là-dessus.
De chaque côté de l'auto qui le transportait, des joggeurs garde-du-corps qui guettaient dans la foule l'attentat toujours possible. Et moi de me demander : mais quissé qui voudrait tuer un vieux bonhomme qui a rien fait de mal à personne pis qui a sauvé des vies? Un fou, évidemment. C'est plein de fous, partout.
Des fois je me demande si la haine n'est pas un symptôme de la folie, un petit truc mental, une enfance de merde, des bibittes pas réglées.
J'aime pas tout le monde de la même façon, c'est clair. Mais j'en connais qui m'ont fait chier le tralala et je n'arrive quand même pas à haïr personne au point de leur vouloir du mal, ou même de la malchance. J'arrive pas à comprendre la haïne. C'est un concept qui me dépasse.
Quand une nouvelle année commence tout bonnement comme ça, on apprend vite la première naissance, six secondes plus tard cette année, c'est beau ça. Je sais pas pourquoi mais j'imagine les hopitaux qui tentent de retarder les naissances le plus possible, pour passer à'tivi. L'accoucheur qui pousse sur le bébé pour qu'il reste en-dedans et la mère qui s'en cibouère et qui pousse pour que ça sorte au plus sacrant! C'est beau quand même, le premier bébé de l'année.
Ensuite, ce sera le premier meurtre de l'année. Ça se peut-tu ben que quelque part, y'a un con qui trame quelque chose parce qu'il tripperait de commettre le premier meurtre de l'année?
Le problème avec la paix dans le monde, c'est qu'on est même pu capable de l'imaginer.
Alors je vous souhaite un ti-peu de paix, chez-vous, bien tranquille, une petite sainte crisse de paix bien à vous. Parce que dehors, c'est pas ben beau...