lundi 24 mars 2008

67. Joyeuses Pâques

Ce jour-là, si on s'appelle Pascal, c'est le boutte-d'la-marde. La radio essaie de nous faire avaler que Pâques c'est la plus grande fête chrétienne mais nous les auditeurs on n'est pas dupes. La preuve, c'est que Noël coûte beaucoup plus cher. J'ai ma théorie sur la résurrection parce que c'est quand même vrai que c'est à peu près vers Pâques que mes cartes de crédit loadées à Noël me permettent de revivre un peu.
Y'à Benoit XVI qui prend bien son temps à urbiner et à orbiner. Certains disent qu'il se fait vieux ce pape tout neuf mais moi je dis que ça l'amuse de vois ce bon peuple réuni sous une pluie torrentielle pour le voir gesticuler un peu de son perchoir. Quand il commence à faire le tour de tous les pays où ça ne va pas bien, je change de poste.
La prochaine station a un petit concours et il faut téléphoner pour dire quelle personne de l'entertainment industry est la préférée du public. Moi je pense tout de suite à B-16 mais ça doit être parce que c'est Pâques.
Entertainment industry. On n'a rien de tel en français car on pourrait jamais faire subventionner ça. L'industrie culturelle, ça fait tellement plus noble.
Poste suivant. Un vox-pop sur le parvis de Sainte-Anne-de-Beaupré. Il y a l'autre qui explique que la bonne Sainte-Anne a une oreille de catégorie A.
- Y'a personne qui m'écoute comme la bonne Sainte-Anne.
Aïe, c'est pas gentil pour ceux qui t'entendent pour de vrai ça...
- Pis à Pâques, on dirait qu'elle écoute encore plusse.
Ça marche pour moi en tout cas : continue d'en rajouter, je suis tout ouïe.
Le prochain chrétien est un peu plus terre-à-terre quand l'interviewer lui demande ce qu'il fait là :
- J'ai jamais manqué mes Pâques en soixante-quatorze ans pis j'reste yinque à côté.
Enfin une foi qui s'explique. Surtout à -30C un lendemain de tempête.
Fini la radio. J'insère un cd que j'ai acheté récemment : Pascale Picard (tiens donc!). C'est une jeune Québécoise qui chante en anglais pour le marché francophone.
Je vous souhaiterais bien de Joyeuses Pâques mais je sais pas trop ce que ça veut dire.

samedi 15 mars 2008

66. Une écharpe tachetée

Je mets ça sur le dos du déménagement en Ontario. Ça ne m'était arrivé qu'en de très rares occasions mais là, c'est deux fois la même fin de semaine.
D'abord, y'a ce type au bar qui racolle et qui commence par me dire qu'il aime bien mon écharpe. Retenez bien que la première phrase de notre entretien était la sienne :
- J'me suis tacheté le même foulard que toué.
Ç'aurait dû en rester là mais la nature humaine n'est pas faite ainsi. Je lui réponds une banalité dont j'ai oublié l'ampleur mais qui amène mon compère à me répondre :
- Ahh.. t'es pas Français.
Il me laisse à peine le temps de prendre ça pour un compliment qu'il en rajoute pour préciser la teneur de ses propos :
- Le français, c'est pas ta langue, hein?
Tiens donc!
Je devais être dans un état d'esprit proche d'une torpeur béatifiante car au lieu de l'envoyer chier, je décide de m'enquérir de l'étendue de son savoir en linguistique des accents :
- Alors, comment t'as deviné que je suis un anglophone qui parle français?
- Ben, c'est facile : tu pa'les pas comme moué.
En effet, l'équation est d'une simplicité qui me renverse. Mon voisin de bar n'est jamais descendu de son arbre, voilà qui explique tout.
Nous poursuivons ensuite notre conversation comme de vieux potes. Je tiens le rôle de l'Anglophone de passage à Montréal, lui de chanteur dans un groupe. (En fait, il m'explique qu'il est le screamer dans un band de heavy metal et après l'avoir googlé, ce crétin disait vrai. Pour le groupe heavy metal, mais aussi pour le screamage.)
Ils ont joué dans un bar quelque part et un recruteur les a invités au Texas, déplacement et hébergement payé avec un cachet. Ce bout-là, je sais pas si c'est vrai mais lui y croyait en tout cas.
Plus tard, dans une boutique, la vendeuse me demande mon numéro de téléphone et quand je lui donne le 613, elle confirme ses doutes à haute voix :
- Ahh je me disais aussi que vous étiez pas d'ici.
Pour l'emmerder un peu, je lui lance :
- Ah oui?! Comment ça?
Même réponse :
- Ben, vous parlez pas comme nous autres. (Notez la nuance où celle-ci appartient à un groupe plus étendu que mon compère du bar.)
Je ne sais pas trop si elle s'est rachetée, mais quelques instants plus tard, elle cause avec deux bambins qui courent partout dans la boutique pendant que leur mère fait son shopping.
Le plus vieux des deux enfants :
- Nous, on est Français. (avec l'accent et tout et tout)
La vendeuse :
- Ahhh.. vous êtes chanceux. Vous parlez bien vous autres!
Comme diraient les Français : « On est toujours le Belge de quelqu'un d'autre! »

jeudi 13 mars 2008

65. Robe de bal

Je suis à Montréal pour faire l'achat de la robe de bal de mon bébé qui va finir son secondaire dans quelques mois. Je l'ai fait pour l'aînée et il semble que ce soit désormais une tradition. Heureusement que je n'ai pas sept filles comme dans Barbe-Bleue et les sept naines.

64. Trois fois passera...

Nous sommes en groupe de discussion. Comme d'habitude, l'hyperactive a pris le contrôle et gère la discussion. Trois participantes arrivent en retard.
La première est franco-ontarienne. Elle arrive en s'excusant, emprunte une chaise libre de la table voisine en s'excusant encore, s'assure que la chaise n'est à personne, s'assoeit et ne desserre pas les lèvres de toute la session. Elle aurait aussi bien pu être Acadienne.
La deuxième est Québécoise. Elle arrive en sacrant après les ascenceurs qui l'ont mis en retard, se tire une chaise de la table voisine, fait deux ou trois interventions complètement hors sujet, l'hyperactive essaie de la ramener gentiment sur le sujet. Elle boude, sort son miroir de son sac à main et se refait les lèvres en ne prononçant plus un mot.
La troisième est Française et elle enseigne à Toronto. Deux bonnes raisons pour être frustrée, je suppose. Elle arrive en demandant pourquoi elle n'a pas de chaise et demande à l'hyperactive de lui donner un plan de la discussion car elle trouve ça inconcevable qu'elle n'en ait pas. Elle intervient à tout rompre et plus personne ne peut placer un mot.
C'est arrivé comme ça, je vous le dis.

samedi 8 mars 2008

63. Journée de la femme

Quinze heures de route la veille de la journée de la femme. Toutes les stations se sont empressé de dépoussiérer Lise Payette que je n'avais pas entendue depuis ma tendre enfance. (Je me souviens que je suppliais mes parents pour veiller tard afin d'écouter Appelez-moi Lise qui passait dans les Maritimes à des heures hallicinantes. Ciel.. a-t-elle été ma première fag-attraction?!)
Toujours est-il que, station après station, que je scanne avec l'énergie du désespoir à tous les cinquante kilomètres, on ne parle que de ça. Les sujets sont invariablement les mêmes : sont pognées avec les enfants-à-maison, sont moins payées, devraient être payées pour rester-à-maison. Bref, elles veulent rien savoir de la maison mais malgré tout, y'en a toujours une pour vous pousser une petite recette de sucre-à-crème vous-m'en-donnerez-des-nouvelles.
J'ai l'air d'un beau petit macho, comme ça, mine de rien mais vous ne trouverez pas plus grand allié pour l'égalité des sexes. Je pense juste que dans les deux clans, y'a des connasses et c'est dommage que c'est justement celles qu'on entend à la radio pour parler des droits des femmes. Les autres sont p.-d.-g. quelque part et sont trop occupées pour donner un point de vue sensé ce jour-là.
Je me lasse vite de ce que j'entends et je me mets surtout à retenir des expressions et des propos que je questionne.
- Je vais être franche avec vous. (Tiens donc.. le reste, c'était de la frime?)
- Je vais être bien franche avec vous. (Pour le reste, tu avoues donc que tu fabulais un peu?)
- Je vous mentirais si je vous disais que... (Mais t'as eu envie de nous en passer une, hein pouffiasse?)
- Je vous avoue que j'aime bien la lasagne. (Pis tu nous cachais une pareille niaiserie..!?)
- Moi, je vous dirais que... (hmmm.. y'a quelque chose qui me dit que tu vas nous le dire!)
La palme revient à la pauvre fille qui s'est mise à parler de son chien. Comment elle en était arrivée là dans le contexte d'une table ronde radiophonique sur la condition féminine reste encore un mystère pour moi.
- Même si ça fait juste cinq minutes que je suis partie, mon chien, lui, y branle de la queue à se défaire quand il me voit rentrer à la maison. Mon chum est jamais content comme ça lui.
(T'a jamais pensé que ton chum, il branlait peut-être de la queue pendant que t'étais partie cinq minutes, pauvre idiote?!)

lundi 3 mars 2008

62. Des raisins mi-sucrés

C’était le genre que t’haïs rien qu’à le voir. Le découvrir n’arrangeait pas les choses.
Il est monté dans l’avion comme s’il en était le propriétaire. Tite-bedaine, cravate trop courte. Grosses lunettes démodées, moustache pu-la-mode. Il tasse les choses qui étaient jusqu’alors bien rangées dans le compartiment " au-dessus de vous" et y bourre son gros manteau. (Pourquoi les épais portent-ils tous des gros manteaux de cuir noir qui pèsent une tonne?)
Je suis soulagé qu’il ne s’assoit pas dans ma rangée mais je déchante vite quand je réalise qu’il va porciner juste derrière moi, geste qu’il fait sans grâce aucune en arrachant presque mon dossier pour insérer sa corpulence dans le siège. L’avion a bougé, je vous mens pas.
Aussitôt en position assise, il commence à débiter ses prouesses professionnelles à sa voisine, qui - comble de malheur - s’y intéresse. Si elle avait pu être unilingue-inuktitut au moins, mais non. Elle est anglophone comme lui.
Un vrai casse-pied ce type que je vous dis moi.
Je ne sais pas ce qu’il fout là-derrière mais il se tortille comme un damné. Il serait bien le genre à porter un boxer trop grand qui lui pogne dans la craque, tiens. À chaque fois qu'il gigote, je reçois son genou de crétin dans le dos. Le vol est complet, pas moyen de bouger. Pas moyen de dormir non plus, évidemment.
En plus moi des abrutis du genre qui me bousillent la quiétude, ça a le don de siphonner toute mon énergie qui se concentre sur la haine que j’ai pour tous ceux de son espèce. Je peux pas lire, je peux pas écrire, je peux pas dormir (je sais, je l’ai déjà dit), je peux juste haïr profondément un type que je ne connais même pas et que je reverrai jamais. En tout cas, je l’espère.
Fallait s’y attendre, il décide de pitonner sur son écran tactile qui se trouve justement derrière ma tête. Il pitonne pas, il mitraille, le sacrament. Le voyage va être long. J’ai la pression qui doit se taper le Guinness dans le domaine. Si les autorités portuaires savaient à quoi je pense en ce moment, je serais bon pour côtoyer Hussein en prison.
J'essaie d'écouter un peu de télé moi aussi, pour me changer les idées, mais mon dévolu se jette sur la pauvre Maria qui s'en va visiter sa copine lesbienne dans un champ de raisin avec ses Aéropoints-Gold, une fois en français, une fois en anglais. Je lui souhaite de faire toute la traversée de l'Atlantique aller-retour avec un débile dans le siège arrière.
La descente vers ma destination est comme une délivrance. Plus on descend, plus je me sens léger à l’idée d’être enfin délivré de ce supplice.
On touche le sol et comme de raison, mon gros épais sort son cellulaire sans écouter les consignes qui lui disent d’attendre l’arrêt complet de l’appareil. Je l’entends qui pitonne. Au moins, c’est plus l’écran tactile du dossier qui en souffre.
- Allô ma pitoune!
Tiens, il parle français cet abruti? Mais je suis pas surpris qu’il parle à une pitoune.
- T’ennuies-tu de ton ti-papa? Papa est dans l’avion là pis y s’en vient à la maison.
- ...
- Ta-tu-mi-ton-ti-pyjama-à-pattes?
- ...
- Onnnhh.. que papa a hâte de te voir!
- ...
- Passe-moi moman ma toutoune.
- ...
- Ouain, ouain, c'est ça. Papouche te fait des gros bisous pis un prout su'a bedaine. Passe-moi moman maintenant ma chouchoune.
- ...
- Je t'aime mon raisin.

De toute évidence, raisin-toutoune passe l'appareil à sa maman.

- Hi Sweetie! How's it going?
- ...
- Can you keep Chloé up for a bit? I'm just getting off the plane and I should be home in a half hour at the most.
- ...
- Love you too, Sweetie.
Pis là, il raccroche. L'avion s'immobilise. Le cordon ombilical nous relie à nouveau au monde des marchants. La clochette qui libère instantanément nos ceintures de sécurité se fait entendre. Les engins se calment. Débute la tite-musique de la carlingue, celle qu'on se demande toujours si elle joue tout le temps mais que les réacteurs nous empêchent de l'entendre pendant le vol, comme la lumière dans le frigidaire.
Mon crétin d'arrière-banc est donc un gentil papa francophone qui parle anglais avec sa Sweetie mais français avec son raisin-toutoune. Qu'il appelle d'ailleurs Chloé - et non Clouée - même quand il parle à sa Sweetie.
Je m'extirpe de mon siège, lui du sien. Il ouvre le coffre « au-dessus de vous », enfile son manteau qui lui va pas si mal finalement. On attend que la porte de l'appareil s'ouvre.
- Looks kinda cold out there, han?
- Ben oui, que je lui réponds avec un sourire tout croche.
Un ben bon gars, finalement...