lundi 30 mars 2009

111. Des vieilles cassettes

Rien à voir avec le cap des cinquante ans, vraiment pas, je vous le jure. Mais ce fut l'occasion de passer une belle fin de semaine avec mes filles et de faire plein d'affaires qui faisaient leur affaire. Comme de regarder des vieilles cassettes vidéo VHS de leur enfance. On s'était couchés vers les 4h du matin alors moi je m'étais dit que ça dormirait jusqu'à 2h de l'après-midi, minimum. Ben non, c'était debout à 9h du matin et ça voulait voir des vieilles cassettes VHS. C'était pas prévu évidemment mais on s'est retrouvés tous les trois, quatre avec le chien, dans le lit à regarder des cassettes. Ce qui était vraiment pas prévu, mais tellement prévisible, c'est que tout le monde sur les cassettes aurait 20 ans de moins. Moi inclus. Cheveux longs, noirs, frisés. La face en coin de porte, 30 livres de moins au bas mot.
Les disparus sont réapparus. Mon beau-père, mon père. Ils étaient plus jeunes, mais ils étaient comme je les avais connus. Enjoués, rieurs.
Puis ma mère. Dans la vidéo, elle jouait le rôle d'une femme plus jeune, alerte dans sa cuisine, cinglante avec ses commentaires toujours bien placés, coquette aussi. Rien à voir avec celle qui vit toujours là-bas et qui s'accroche aux bribes de souvenirs que le brouillard de son cerveau veut bien lui relâcher en de trop rares occasions.
J'y avais pas pensé avant de regarder les vidéos avec mes filles, mais c'est pas les souvenirs de ceux qui sont partis qui dérangent le plus. C'est ben pour dire, hein?

dimanche 29 mars 2009

110. Minuit ce soir

Ce serait un peu crétin de dire que ça ne change rien. Quand mon toit de maison a atteint l'âge vénérable de 25 ans, je savais qu'un jour je devrais y voir. Quand l'odomètre de mon auto a tourné les 100 000 km, j'ai eu un pincement au cœur, sachant très bien qu'elle venait de passer au rang de bagnole. Ce soir, dans mon lit vers minuit, quand mon propre compteur oscillera vers les 50 ans, je vais pas m'imaginer en train de faire des bulles dans la fontaine de Jouvence.
Je vous entends déjà :
- C'est juste un chiffre! (premièrement, c'est un nombre, pas un chiffre).
- On a l'âge de son cœur! (elle est bonne celle-là, ça s'adonne qu'on a le même âge).
Ben voyons donc...
Tout ce qui me réconforte, c'est que je voudrais pas avoir dix ans parce que je venais de me casser cinq dents d'en avant. Je voudrais pas avoir vingt ans parce que j'étais innocent sans bon sens. Je voudrais pas avoir trente ans parce que j'aurais pas mes deux grands enfants. Je voudrais pas avoir quarante ans parce que j'étais innocent sans bon sens et je me préparais à me casser d'autres dents pis j'avais pas mes grands enfants. Non vraiment, je suis plutôt content d'avoir bientôt mes cinquante ans.
Je vais me coucher.
Ce sera comme quand on remarque un yogourt qui a la date du jour. On ferme la porte du frigo en se demandant ce qu'on va faire avec le lendemain. On sait pas ce qui va se passer pendant la nuit.
Demain sera un autre jour.

samedi 14 mars 2009

109. Mînque, mînque, font les canards.

Je suis allé prendre une bonne marche du samedi matin avec mon chien dans les bois derrière la maison. Le ruisseau qui passe derrière est en dégel, les canards sont revenus. On les voit de la cuisine, du petit balcon aussi. On les voit seulement quand la neige est basse comme à ce temps-ci de l'année, et quand les herbes ne sont pas trop hautes, comme quand elles sont recouvertes de neige basse comme à ce temps-ci de l'année. Enfin, vous comprenez l'idée. Plus tard, quand la neige sera fondue, que les herbes auront repris du volume, on entendra les canards mais on ne les verra plus à moins de se rendre au ruisseau ou à l'étage d'où on continue de voir le ruisseau (et les canards, par ricochet).
Je me souviens d'un canard qui était dans mon premier livre de lecture à l'école. Je ne sais pas pourquoi il faisait coin coin. Je les écoutais ce matin, et je suis convaincu qu'ils font mînque, mînque, rien à voir avec des coin-coin. Je me disais même que s'il y en avait un qui s'aventurait à faire coin coin dans le petit ruisseau derrière ma maison, les autres lui donnerait sûrement une volée à la récréation pour le remettre sur le droit chemin. Je crois qu'ils seraient tous sous le choc s'ils apprenaient que dans les livres de lecture de la première année à l'école, les enfants apprennent qu'ils font des coin-coin pour tout et pour rien.

lundi 9 mars 2009

108. Dimanche de printemps

Un couple d'amis qui se sépare et ça me dérange sans trop que je sache pourquoi. Un couple mais que je connaissais séparément, circonstances curieuses, c'est la vie, c'est ma vie, et patati et patata. Je pense que c'est parce qu'ils avaient l'air de bien s'aimer tous les deux. Non mais quoi? On a besoin de croire que les gens s'aiment, non? Et que s'ils s'aiment, c'est for-the-long-run. Alors moi je vous le dis que les gens qui s'aiment autour de moi, ils devraient juste continuer de s'aimer toujours sans faire d'histoires et surtout pas de se mettre à ne plus s'aimer. Ça gâche un peu un beau dimanche qui se donne des airs de printemps.
Je suis dans un petit café du centreville. J'attends quelqu'un. Je l'ai vue tourner à l'envers dans un sens unique juste à côté, sans doute à la recherche d'un stationnement. Je ne l'ai plus revue. Si on entre à l'envers dans un sens unique, est-ce qu'on n'en ressort jamais?
Juste derrière moi, dans le petit café, il y a un piano. (Plus loin, il y a deux mandolines mais ne gâchons pas la scène.) Il y a un jeune couple qui me demande s'il peuvent en jouer - du piano - et moi je dis oui, bien sûr. Il est rouquin, les cheveux en feu, elle a les yeux bleus, si bleus que je les avais remarqués en entrant dans le café. Ils jouent ensemble une mélodie qui me fait voir des grosses vagues et des baleines qui jouent dedans. Ils sont beaux, ils jouent bien. Je ne leur demande pas s'ils s'aiment : ils penseraient que je suis un vieux fou. Mais ils pourraient aussi me décevoir et j'aime mieux rester avec mes vagues, mes baleines et les couples qui s'aiment dans ma tête.

dimanche 1 mars 2009

107. L'espoir

Fouille-moi pourquoi et je te dirai que c'est à force d'entendre parler de rivières asséchées, de forêts décrissées et de lacs pollués que j'en suis venu à me demander où tout ça s'en va.
Il y a bien un Américain qui m'a dit y'a pas si longtemps que tout ça c'est de la foutaise, des inventions des médias pour faire peur au monde, mais j'ai tendance à lui faire moins confiance qu'à tous les conférenciers que j'ai entendus au cours des derniers jours.
Et ça m'amène à parler d'espoir. De tout ce qui est fragile : la planète, la francophonie, la vie. Et quelques autres choses, j'en suis certain.
Comment on fait pour se garder la tête hors de l'eau quand le bateau s'enfonce et que tout les autres passagers font des bulles autour de soi? Quand la chaloupe prend l'eau?
La première chose qui me vient à l'esprit, c'est qu'on croit tous à l'inattendu. On est tous suffisamment crétins pour croire que Spiderman va débarquer un bon matin pour régler tout ça. Obama en est la preuve vivante. On espère tous dans le fin fond de soi, l'inattendu, le gros changement de cap qui rend tout possible. Un pouche-pouche miracle pour réparer la couche d'ozone. Une « pelule » qui guérit tous les cancers.
Il nous faut aussi croire qu'on peut faire une différence. Bon, là aussi, les gourous ça aide beaucoup mais au départ, chaque être humain doit fondamentalement croire que son sac d'épicerie recyclable en grosse jute qu'il a payé une piasse pis qu'il oublie toujours d'apporter quand va faire son épicerie, c'est une bonne affaire. Que grâce à lui, on ne sera pas ensevelis un jour par les sacs de plastiques qui prennent quatre cent trente-cinq ans à se fondre dans la nature.
Et finalement il faut croire que le monde est bon et que les gros méchants n'existent pas. C'est la partie la plus toffe. Il faut croire que personne n'a d'intérêt à ce que le français disparaisse au Canada. S'accrocher dur à l'idée qu'il n'y pas pas de gros capitalistes qui troqueraient leur mère pour un steak ou qui anéantiraient un peuple pour son sous-sol.
L'espoir? Ben oui.

106. Au son du skidoo

Au Sud, c'est niaiseux, mais mon oreille ne faisait pas la distinction entre le cliquetis des feuilles de palmier et une pluie raide qui tombe à gros grains. De sorte qu'avant d'ouvrir les rideaux le matin, je n'arrivais jamais vraiment à savoir s'il faisait beau ou mauvais.
Ce matin, à Yellowknife, c'est au son des skidoos que je me réveille. Pas de doute sur la température : fait frette! Les tentures sont d'ailleurs d'une épaisseur impressionnante, renforcée d'un gros store opaque. Quand le soleil s'étend un peu trop sur la nuit, on est prêt!
Outre les sons matinaux et l'apparat des fenêtres, qu'est-ce qui me frappe dans ce Grand Nord austère?
1. Le son des pneus à crampons qui cliquetiquent sur la chaussée de glace régulièrement recouverte de gravier. 2. Aucune neige pendant les trois jours nuageux mais une fine bruine de glace lors d'une journée ensoleillée sans le moindre coussin de ouate à l'horizon. 3. Un déneigement continuel - ou déglacement plutôt - pour éliminer la glace qui s'accumule partout, surtout sur les trottoirs.
À part ça, quelqu'un m'a dit que la ville était devenu un peu comme n'importe où au Canada après l'ouverture du Walmart, du Canadian Tire et du Tim Horton.

105. Question environnementale

Elle commence par nous dire que l’environnement c’est ben important. Moi je suis bien d’accord et c’est justement pour ça que je suis venu l’écouter me parler de ce qu’elle fait dans sa communauté.
Ensuite elle nous explique que les bonnes pratiques écologiques, c’est une question d’habitude et de culture organisationnelle.
Jusque là, tout va bien.
Là elle nous explique qu’elle va nous donner un exemple « personnel » qui va nous démontrer à quel point on peut avoir de l’influence sur les autres quand on a des bonnes pratiques écologiques.
Tiens tiens. Moi j’aime bien quand les gens ils nous donnent un exemple personnel. Comme j’offre moi-même souvent des petits sermons sur ci ou ça, je me dis que je vais voir comment elle nous met la table avec son petit exemple personnel. Je ne savais pas qu’elle allait redéfinir le concept, et franchement je ne lui en demandais tant.
Son exemple personnel, c’est la fois où elle est allée à la toilette. Je fronce déjà du sourcil. Elle nous dit sur le ton de complicité parentale qu’on sait tous que les enfants ont le nez fourré partout et qu’ils nous suivent souvent, nous les parents, quand on va à la toilette. Moi je me dis que mes enfants ont dû manquer de quelque chose car je ne souviens pas de les avoir vus aux chiottes avec moi. Passons.
Donc, elle est assise sur la toilette, qu’elle nous dit pendant que moi j’essaie de chasser l’image. Sa fille, 7 ans, pas un petit bébé curieux qui rampe partout, non non, sa fille 7 ans, dis-je, l’observe. Ça aussi j’essaie de chasser de mon esprit.
Et là, la petite fille, observatrice comme tout, et environnementaliste comme ça se peut pas, dit à sa mère : « Heille maman, t’en prends donc ben du papier de toilette! Tu le sais tu que tu tues des arbres en prenant quasiment la moitié du rouleau? »
Et là elle nous explique comment elle est fière de sa fille et elle continue en nous expliquant comment elle a eu une influence positive et bla bla bla. Mais moi je suis juste pris avec l’image d’une mère beurrée du postérieur, qui a mangé je ne sais quoi la veille, et qui a besoin de la moitié d’un rouleau de papier de toilette avant de pouvoir remonter ses bobettes, et de sa petite fille qui commente sur l’état de l’environnement.
Je dois sans doute être tordu pour avoir passé à côté de son message, tout bombardé que j’étais d’images peu reluisantes d’une si touchante scène familiale.
Je crois avoir retenu que je devrais faire un effort pour utiliser des sacs recyclables quand je fais l’épicerie. Je vais m’y mettre, promis.