jeudi 31 janvier 2008

59. Virée chez les voisins

Samedi 26 janvier 2008
À 4h du matin, j’aurais bien annulé ce petit voyage pour retourner dans les draps chauds que je venais de quitter. À peine trois jours en Floride me donneraient tout juste le goût de m’étendre au soleil à tout jamais alors que je devrais trop vite revenir au froid glacial d’un janvier bien canadien. J’avais pris cette décision sur un coup de tête ayant entrevue la possibilité de me libérer pour une fin de semaine prolongée.
C’est bien la première fois que j’entasse dans mes bagages des sandales et des bottes d’hiver, un bikini et une paire de cache-oreilles. La dernière aussi, j’espère. Je pars d’Halifax pour me rendre sur une plage de sable chaud mais je retourne directement au bureau à Ottawa par après. Je dois donc prévoir à peu près tous les climats de la planète. Il tomberait une mousson d’été que je ne serais pas pris au dépourvu.
J’arrive donc à l’aérogare pas trop convaincu que je fais une bonne affaire. En face du café où j’entends prendre un croissant, c’est la porte d’embarquement pour Punta Coconut (quelque chose du genre en tout cas) et je vous jure que ça sent la crème solaire. Soit ils sont prêts pour se tirer dans le sable en parachute ou ils portent les même t-shirts empesés et indécrottables que l’hiver dernier. Il me prend une envie de faire demi-tour et d’aller faire un ange dans la neige qui recouvre mon parterre à la maison.

Dimanche 27 janvier 2008
Il y a la dame qui entre dans le magasin et qui indique à la caissière qu’il y a une bouteille de bière contre un poteau devant la boutique. C’est son quartier, ça l’indigne.
Dans sa jeunesse, elle devait être maîtresse d’un champ de coton car il lui semble tout à fait naturel que la caissière sorte de sa boutique, ramasse l’objet de son profond dégoût et le mette au rebut. La caissière l’entend autrement.
Dans ce rutilant décor emprunté tout récent où se côtoient minarets aux coquilles vides et resto-minute bondés de tout acabit, pépé s’assied avec sa salade méditerranéenne. Le chef sort en coup de vent et l’engueule comme c’est pas possible en lui disant de ne jamais remettre les pieds dans l’établissement. Ce serait en français qu’on serait à Paris. Pépé il mange sa salade goulûment et répond entre deux lampées de Root Beer qu’il n’en a rien à foutre et qu’il repassera bien quand il le voudra.

Lundi 28 janvier 2008
Je savais que les Américaines se faisaient refaire les nichons à la puberté mais je ne savais pas que les mannequins en vitrine avaient de faux-seins aussi. On nage dans l’illusion où on réussit à donner un air faux aux imitations pour faire plus réel.
Sur l’autoroute parsemée de centres de villégiature, il arrive que l’oeil soit blessé par la vue d’une bicoque à laquelle les propriétaires s’accrochent sans doute. Mais la plupart du temps, elles sont cachées par un immense panneau routier qui rassure les passants en annonçant que s’élèvera sur ce site un beau complexe d’habitations ou, mieux encore, un centre commercial. On finira bien par les convaincre d’une façon ou d’une autre; les autres l’ont été.
Ce soir, on est allés voir un coucher de soleil sur le Golfe du Mexique. Il était haut de trois ou quatre pouces dans le ciel quand nous sommes arrivés (imaginez la distance entre mon pouce et mon index). Une demi-heure plus tard, il était à un demi pouce de l’horizon et la plage s’était tranquillement remplie de spectateurs. Des familles, des amoureux, des vieillards, des motards. Un peu de tout. Et moi.
Quand le soleil a touché l’eau, on entendait les déclics des appareils-photos. Le soleil, il faisait le pont entre lui et la plage avec sa grande bavure orange. J’en dessinais des couchers de soleil comme ça quand j’étais petit et j’en avais jamais vu.
Quand le soleil il est disparu sous l’eau, les gens sur la plage, les familles, les amoureux, les vieillards et les motards, ils ont applaudi. Quoi, je sais pas vraiment. Ils ont applaudi comme quand un spectacle finit et qu’on en a eu pour son argent. Ils pensent sans doute que c’est avec leurs taxes que leur gouvernement offre des couchers de soleils gratuits comme ça et moi je leur ai pas dégonflé leur ballon. Et je leur ai pas dit non plus que j’en dessinais des comme ça quand j’étais gamin.

Mardi 29 janvier 2008
Je me suis réveillé tard et je suis allé lire à la piscine du quartier. À côté, un couple d’octogénaires. Le pépé, il dodeline sérieusement de la tête sur son transatlantique. J’ai bien envie d’aller la lui coller sur l’oreiller mais je réalise qu’il est tout tordu et que c’est comme ça qu’il réussit à prendre position pour s’étendre près d’une piscine et probablement dans son lit aussi d’ailleurs. La mémé, elle lit un magazine. Le monde semble bien se porter et rien ne trouble la paix d’un après-midi ensoleillé près d’une piscine.
La mémé, elle interrompt le calme de l’après-midi parce qu’elle a trouvé une information choc. Elle brasse le pépé pour qu’il l’écoute. Elle est tout excitée. Il paraît que dans une certaine chaîne de restaurants (le nom m’a échappé), si on enlève une olive de chacune des salades vendues pendant dix ans, ça représenterait une économie de 40 000 $.
Le pépé, il dodeline et s’ébroue de plus belle à cette idée.
Ensuite, c’est le clapotis du filtreur de la piscine qui continue comme si le monde n’avait pas changé.

lundi 21 janvier 2008

58. Les chats sont bien traités

Faut s'être fait coïncer dans un aérogare pendant un mauvais temps pour comprendre.
C'est aujourd'hui que ma chatte devait déménager ici. Comme je veux vendre la chaumière là-bas, vaut mieux qu'elle ne soit plus là. C'est pas qu'elle importune les visiteurs - ça c'est la job du chien - mais c'est qu'elle s'époile partout. Elle perd tellement de poils pendant une semaine que quand je passe l'aspirateur, je pourrais prendre le poil recueilli dans le sac et me tricoter trois ou quatre autre chats.
Elle avait son vol de réservé, la cage toute prête et les astuces pour l'y faire pénétrer (viens minou minou) et tout et tout. Air Canada téléphone hier pour aviser qu'il fait frette au Canada pis que ce serait mieux que mon minou remette son voyage à plus tard.
Dites-moi maintenant qu'Air Canada s'est déjà câlissé de votre sort et je serai rassuré. Même dans la pire des merdes, je n'ai jamais senti autant d'empathie (en fait, aucune trace aucune) alors lâchez-moi avec les préoccupations quant à mon confort. Mon chat. Eh ben...
De la viande pour chats à saveur de souris avec ça?

lundi 7 janvier 2008

2007, la déroutante

Je ne suis pas d'un naturel nostalgique mais cette fin d'année avait de particulier que je me suis tapé quinze heures de route pour me rendre à la maison.

J'avais quitté Ottawa aux petites heures du matin et les lumières de la colline parlementaire n'avaient rien pour me mettre dans l'ambiance. Les arbres étaient décorés de super-bleu-électrique ou en rose pompon-de-petite-culotte. Je me suis demandé où étaient passés les bons vieux vert et rouge traditionnels mais je me suis dit que le parti au pouvoir avait probablement choisi de se moquer de leurs adversaires. Tout est permis en politique.

Bien vite, les yeux rivés sur la 417, de régions francophones à anglophones, je scannais d'un doigt autoguidé les stations qui semblaient être davantage dans l'esprit des Fêtes.

C'est sans doute ce fameux I'll be home for Christmas qui m'a donné le coup d'envoi et dès les premiers kilomètres, j'avais le coeur ramolli comme du sucre à la crème que ma mère dégelait pour la visite. Si j'avais été au volant d'une Chevrolet Biscayne 1962, j'aurai pu figurer dans un film américain qui traite du retour aux sources. (Avez-vous remarqué que les gens retournent toujours dans le bourgade natale au volant d'une vieille bagnole?) Mais je n'aurais pas pu scanner les stations de radio.

Mes souvenirs à moi étaient tous en français et j'ai vite dû me rendre à l'évidence que ce n'est plus très « tendance ». À Montréal, Mario Pelchat chantait un Silent Night tellement langoureux que les rois mages auraient fort bien pu être danseurs au 281 dans leur temps libre. Dans le coin de Trois-Rivières, un auditeur a téléphoné à la station pour une demande spéciale. Rapapampam qu'il voulait entendre. Au lieu de quoi il a reçu Wrap-a-pampam chanté par nulle autre que Nana Mouskouri.

À la hauteur de Québec, Éric Lapointe crachait un Frosty the Snowman sur un air heavy metal qui me faisait imaginer le fameux Bonhomme Hiver en veste et chaps de cuir. À Edmunston, dernier bastion à majorité francophone sur ma route vers Halifax, même les anges dans nos campagnes entonnaient l'hymne des cieux en anglais.

Et qu’est-ce que c’est que ces chansons – j’en ai répertoriées trois – où un certain vieux monsieur s’avance « avec sa canne dans la main » ? Soudain, j'avais une grosse envie d'entendre Omer à Adolphe chanter le Minuit Chrétiens dans l'église de mon village.

Au lieu de ça, j'ai tourné la page de l'année 2007 en écoutant le spécial Coup d'envoi du 400e anniversaire de la ville de Québec et je suis encore en train de me demander qui est le môron qui a choisi comme chanson de clôture un braillage en anglais de je-ne-sais-trop-qui. Je ne suis d'ailleurs pas trop certain que c'était de l'anglais mais chose certaine, les Québécois, eux, doivent être persuadés que c'en était.

Mais ce n'est pas la seule chose déroutante qui ait marqué l'année. Dans les dernières semaines, il m'arrivait de ne plus me très bien savoir qui était premier ministre du pays. En effet, Mulroney et Chrétien avec leur fichus bouquins étaient à la télé plus souvent qu'ils ne l'ont été lorsqu'ils étaient en poste. C'est quand même agaçant que des abrutis dont on se croit débarrassé reviennent nous hanter de leur vivant. Ils pourraient au moins avoir la décence de mourir avant, il me semble.

Heureusement, Harper s'est pointé vers minuit et une pour nous annoncer une baisse de la TPS car je ne me serais plus souvenu de lui. Il n'est pas peu fier de son huart qui fait belle figure à côté de l'aigle américain qui bat de l'aile.

La fin d’année nous amène aussi beaucoup d’images télévisuelles, toutes plus déroutantes les unes que les autres. J'étais certain d'avoir capté les Grammys ou les Oscars en voyant Paris Hilton déambuler le long d'une haie d'honneur truffée de photographes en rut. Je m'étais grossièrement gouré car elle sortait en fait de prison, où elle avait passé quelques minutes (quatre-vingt-deux exactement) pour la punir de conduite dangereuse au volant, en état d'ébriété ou autre insignifiance du genre.

La mode, chez ces célébrités américaines, est en effet aux délits de tout acabit, la plupart du temps en lien avec leur bagnole ou avec leurs enfants. Les deux sont d'un chic fou et ils ne peuvent s'en passer bien qu'ils ne savent pas trop quoi en faire par la suite. Je les soupçonne d'être tous actionnaires du National Enquirer, voilà tout.

La nouvelle francophone tente toujours d'être à la hauteur mais ce n'est pas chose facile. Britney oublie ses enfants dans son auto? Myriam kidnappe les siens. Anna Nicole Smith meurt dans des conditions suspectes? La mairesse Boucher s'éteint dans un habillement suspect. Un pont s'écroule à Minneapolis? Un viaduc s'effondre à Laval. On abolit l'esclavage? On établi une commission sur les accommodements raisonnables.

Décidément, on ne s'en laisse pas passer aussi facilement. Sur cette veine, 2008 promet et je vous en souhaite une bien bonne !