lundi 25 mai 2009

118. Repenser l'impensable

L'école, c'est la faute à Charlemagne.
Le mariage, je pense pas que personne l'ait réclamé. Je pense personnellement que c'est une femme qui a inventé ça, et qu'elle n'a jamais osé l'avouer de peur de représailles.
L'école, faudra la repenser un de ces jours; le mariage, je crois qu'il est en train de régler son compte tout seul. Si la tendance se maintient, le nombre de divorces excédera bientôt le nombre de mariages et tout rentrera dans l'ordre.
La procréation est bien embêtante. Intimement liée au mariage pendant des années, c'est le concept du pourvoyeur qui a évolué. En effet, le pourvoyeur n'a plus vraiment besoin de faire partie du mariage. Il pourvoie. Et s'il ne pourvoie pas, l'ex le poursuit. Alors il pourvoie.
Ce serait si simple si on s'entendait tout le monde ensemble pour régler ça une fois pour toutes. Je me fais porteur du nouveau concept, vous n'avez qu'à signer la pétition.
Au lieu d'un mariage pour la vie, pour le meilleur et pour le pire, je propose une série d'ententes à l'amiable de cinq ans, renouvelables MAIS - et c'est là l'ingéniosité de la chose - renouvelable seulement dans des circonstances exceptionnelles.
Par exemple, pour renouveler l'entente, il y aurait un tribunal. (Vous allez dire que ça va coûter cher mais poursuivez votre lecture et vous allez voir que ça coûte moins cher qu'un tribunal de divorce.)
Ce tribunal pourrait porter le nom de Inquisition Quinquennale sur l'Entente à l'Amiable (IQEA).
Ainsi, aux cinq ans, les couples se rendraient à l'IQEA pour leur procès. Le juge procéderait à un interrogatoire serré des deux parties, séparément pour préserver la confidentialité et le liberté d'expression. On devrait fournir des témoins pour confirmer qu'il y a lieu de renouveler l'entente. Au terme du procès, les jurés auraient à déterminer si l'entente est renouvelable ou non, pour-leur-bien. Si oui, on signe à nouveau pour un autre cinq ans. Si non, on repart chacun de son côté avec ses pompons et ses gugusses, à la recherche d'une autre personne intéressée à s'engager dans une entente à l'amiable. Pour cinq ans.

samedi 16 mai 2009

117. Ces choses simples de la vie

Shampooing ou Shampoo? Je ne l'ai jamais su. On m'a appris à l'école que si ça finit par "ing", c'est anglais. Ben non. Shampooing, c'est le bon mot. Petit Robert à l'appui.
Le mot shampoo date en anglais de 1762, où il avait le sens de « masser ». Le mot était emprunté à l'anglo-indien « shampoo », qui venait à son tour de l'hindi chāmpo (चाँपो /tʃãːpoː/), l'impératif de chāmpnā (चाँपना /tʃãːpnaː/), « huiler, masser les muscles », et qui était dérivé lui-même du mot Sanskrit/Hindi chāmpnā (चाँपना /tʃãːpnaː/), désignant les fleurs de la plante Michelia champaca (famille des Magnoliaceae) traditionnellement utilisées pour faire des huiles odorantes pour cheveux.
Ça vous en bouche un coin, hein? Copié/collé de Wikipédia, rien de moins.
Tout ça pour dire qu'hier, j'avais besoin de shampooing. La même sorte que d'habitude, de préférence. Cheveux normaux, rien à signaler.
J'entre. La fille elle s'y connaît en shampooing, on voit bien rien qu'à la voir.
Elle parle français, en plus, ça aide à trouver ce que je cherche parmi ces dédales de bouteilles, toutes plus performantes les unes que les autres.
Je lui donne la marque recherchée.
- Pis, il est comment votre cheveu? qu'elle me demande comme on s'informe d'une parenté éloignée.
- Ben, il va assez bien je dirais. Il se fait rare, mais c'est l'âge.
- Ouin, qu'elle me dit en me regardant l'air un peu dépité.
Faut dire que si elle est pas mon genre, de toute évidence, je suis pas le sien non plus.
Elle me conduit à l'étagère de produits recherchés, en chaloupant de la hanche dangereusement dans ces rangées étroites.
- Euh, sur ma bouteille à la maison, ça dit cheveux normaux.
- Ça existe plus, qu'elle me dit. C'est pour ça que je voulais savoir comment est votre cheveu.
(Ça m'a toujours agacé cette habitude de parler des cheveux au singulier et ça me fait venir une image en tête d'un bébé de bande dessinée qui n'avait qu'un long cheveu pour toute coiffure. Mais elle, elle a le tour de m'agacer encore plus que l'expression en question.)
J'aurais pu lire les étiquettes, je décide plutôt de compter combien il y a de sortes de shampooings différents sous cette même marque. Toutes les bouteilles ressemblent à s'y méprendre à la bouteille pour cheveux normaux que j'ai à la maison, et qu'on ne produit plus. Il y en a douze sortes, j'oublie la plupart.
Cheveux abimés. Sont pas abîmés mes cheveux.
Cheveux teints. Sont pas teints, putain.
Cheveux minces. C'est pas toujours mince un cheveu?
Cheveux gras. Beurk.
Cheveux frisés. Z'ont un centimètre de longueur, faut pas charrier.
Et ça se complique.
Cheveux teints abimés. Ben là.
Cheveux minces et frisés. Ça doit être ça qu'on appelle des p'tits cheveux frisés.
La fille est là, debout, un tantinet impatiente.
- C'est juste que moi, j'aimais bien la sorte "pour cheveux normaux".. Pis j'en trouve pas dans toute cette panoplie.
- Les gens qui ont les cheveux normaux, ils prennent celui-ci. Elle me tend une bouteille d'un ton décidé, genre, enweille passe à la caisse tarlet, j'ai pas yinque ça à faire à soir.
Comme un bon garçon, je file vers la caisse et dépose la précieuse bouteille sur le comptoir. Je paye, je sors.
Cheveux stressés, que dit la bouteille. Je me demande si elle s'est foutu de ma gueule.

samedi 9 mai 2009

116. Mes profs de gym

Y'en a qui ont déçu leurs parents, leur père ou leur mère. Y'en a qui se sont déçus eux-même, qui ont déçu leur entourage, déçu leurs partisans, déçu leur miroir.
Moi c'est mes profs de gym que j'ai déçu. Je me souviens de chacun d'eux, de leur visage dépité devant ma maladresse et mon manque d'intérêt pour la chose physique à laquelle ils essayaient tant bien que mal de m'intéresser.
D'abord, il y a eu le jeune William. Il devait sortir tout droit de l'université et nous étions ses premiers élèves. Dans mon petit village, je me souviens qu'il faisait fondre toutes les gazelles en chaleur alors je suppose qu'il était jeune et en bonne forme physique.
L'Université ne l'avait pas préparé à me rencontrer. J'étais le plus petit de la classe, pas doué pour les sports pour cinq cennes. (Je ne le suis toujours pas d'ailleurs, j'en fais un principe). On était à l'époque où les cours d'éducation physique mettaient les garçons d'un bord et les filles de l'autre. Selon la formation qu'il avait reçu, je devais être capable de faire la même chose que tous les autres garçons, sinon mieux. Les autres garçons de la classe avaient pourtant compris : quand il fallait faire des équipes, William le prof choisissait les deux colosses de la classe qui faisaient ensuite un tri parmi les restants. Je me ramassais toujours bon dernier et finissait par rejoindre l'équipe qui n'avait pas le choix, l'équipe qui allait perdre. Le flash qui me revient, c'est la gueule du petit William qui me regardait découragé, prêt à démissionner. Il a quitté le village après sa première année d'enseignement, il a peut-être même quitté la profession. Je crains qu'il ne soit devenu clochard, alcoolique, sans-abri. Il était mignon quand même.
Ensuite, il y a eu le gros Henri. Je doute fort qu'il était formé pour se retrouver dans un gymnase et, si c'était le cas, il n'avait pas fait le vœux d'être un modèle de condition physique. Je soupçonne qu'il avait dû haïr l'éducation physique autant que moi quand il était enfant car il s'en foutait pas mal. Pendant les deux années qu'il était mon prof de gym, je me la suis coulé douce et lui aussi.
Mon calvaire s'est terminé au secondaire où le prof était un genre de gros ours poilu qui m'haïssait carrément. Il n'est pas passé par l'étape du dégoût, ou rien comme ça. Le premier jour, il m'a choisi comme cobaye pour la lutte gréco-romaine et s'est amusé pendant un bon deux mois à me lancer au tapis et à s'effouerer sur moi de tout son long, la plupart du temps en sueur qui sentait pas bon. De là, juché sur mon petit être frêle et fragile, il donnait son cours aux autres et leur montrait quoi faire, me donnant en exemple quand venait le temps de signaler quoi ne-pas-faire.
Vingt ans plus tard, son fils à commis un geste indescriptible qui a fait la une de Photo-Police. Bien des gens ont eu beaucoup de pitié et de compassion pour mon ancien prof de gym.
Pas moi.
Par contre, j'en avais beaucoup pour son fils.