mercredi 20 février 2008

61. De la boue partout

Je ne sais pas trop ce qui m’a pris mais me revoici chez les voisins du Sud, cette fois-ci incognito, bien décidé à trouver quelque part un coin de ce gros pays bien dodu qui n’a pas été construit l’an dernier. Au mieux, je trouverai bien un patelin tranquille qui n’ait pas (encore) été ravagé par des promoteurs éleveurs de vaches grasses. Je trouverai une terrasse de café qui n’est pas un Starbucks en tout point identique à celui du Centre Rideau et je m’y assoirai avec le roman que je viens d'acheter et qui sent le papier neuf. Je cherche de l’authentique à la Pagnol et l’optimisme ne me faisant jamais faux bond, je vais trouver.
Bon. L’aéroport de Tampa aurait pu être de mauvais augure. Je l’ai quitté sur une autoroute en construction dont seule la voie allant vers l’Ouest était à peu près terminée. La voie inverse, celle que théoriquement je prendrais pour le retour, n’était que poutres et traverses. Qu’à cela ne tienne, je suis là pour un gros quatre jours alors ils devraient avoir terminé tout ça, moyennant quelques heures supplémentaires à des Mexicains illégaux pendant le President’s Day, durent-ils en couler quelques-un dans le béton pour boucher les trous.
La carte routière de l’agence de location n’indique que trois ou quatre routes et sortir de là semble tenir du jeu d’enfant. Devant moi, ça ressemble à un gros foulard gossé au tricotin où chaque laine passe sous l’une et par-dessus la suivante. Le périphérique sur lequel je roule fait des bonds à travers tout ça pour sauter sur la tête de quelques milliers de Tampaneurs avant d’enjamber une flaque d’eau artificielle qu’on a sans doute mis là pour avoir une raison de construire un pont.
Il fait beau, le soleil est de plomb et j’ai déjà toute la misère du monde à m’imaginer en train de gratter mon pare-brise. Ce que j’ai pourtant fait quelques heures plus tôt avec les narines qui me restaient collées dans le frimas du matin. Je vois une affiche qui indique Gulf Beaches et sans même y penser, je traverse trois ou quatre voies pour enfiler cette bretelle qui devrait me mener directement sur le sable, rien de moins. (Plus tard, je réaliserai que toutes les foutues sorties indiquent Gulf Beaches et je ne m'énerverai plus autant.)
On est samedi alors j’aurais dû songer que ne serais pas le seul à rechercher la mer. À la queue-leu-leu, pare-choc à pare-choc, lentement, une heure et des poussières plus tard, trois stationnement complets visités, dont l’un deux fois juste au cas, me voilà stationné sous un palmier en train de déchiffrer les codes secrets qui me permettront d’acheter une passe spéciale de stationnement. Contrairement à ce que j’avais imaginé, la plage est loin d’être bondée. Faut dire qu’elle s’étend sur des kilomètres alors quand même. Je songe un instant à toutes ces autos mais je me dis tout de suite que les Américains doivent avoir l’habitude d’apporter un véhicule de rechange. Deux bagnoles pour un baigneur me semble la seule explication possible.
Y’a des transats partout, plusieurs sont libres alors je m’étend. Y’a les vagues et ça tombe bien, j’aime les vagues. Comme j’ai pas dormi beaucoup, je pique du nez rapidement, c’est voulu. Je suis réveillé au son d’un gamin à peine plus haut que son seau de plage qui se promène parmi les touristes avachis et qui s’époumone à aviser son prochain : Be careful, I’m throwing mud everywhere! Ce qu’il fait effectivement avec sa petit pelle orange en puisant dans la mixture qu’il a concocté sur le rivage plus tôt, mignon bambin accroupi et gazouillant qu’il était alors.
This is America. Tout est permis et surtout, il a compris qu’il est tout puissant et que les autres n’ont qu’à bien se tenir.

vendredi 8 février 2008

60. Passer à travers

Mon « ginger cookie », un café chez Bridgehead, quoi demander de plus. J'arrive d'un lancement et je m'attendais au petit cocktail qui s'ensuit mais non, rien. On lance, on remercie sa mère, son chat et on salue la compagnie. Moi, ça faisait drôlement mon affaire. Je m'emmerde ferme dans ses trucs et toutes mes compétences sociales s'envolent dès qu'on se guinde le petit doigt. De plus, on est vendredi et à 3h et demi, j'ai pas de problème à commencer ma fin de semaine. Du tout.
Je suis passé par le marché By qui reste bien vivant même en hiver. Je précise ça parce que je passe pas souvent dans ce coin en plein jour. On n'y vend pas de fleurs, évidemment, et on fait plutôt dans la tuque pis les mitaines. Au lieu de se réchauffer le coeur, on se réchauffe les bouts qui dépassent.
Le café chez Bridgehead, ça reste ma plus belle découverte à Ottawa. Je suis accroc.
Je ne suis pas le seul d'ailleurs car, à la caisse, on se bidonne. Au téléphone, on cherche un certain Patrick et on a demandé au commis de faire l'annonce à haute voix dans le café : « Est-ce qu'il y a un prénommé Patrick? C'est son patron au téléphone qui lui fait dire de rentrer au bureau. » Au moins, il est pas venu le chercher par l'oreille.
Verre de vin du vendredi. Bilan de la semaine. Début non-événementiel à Banff. J'y suis arrivé le jour du SuperBowl, dont je me foutais pas mal. Dans un bar, les gars se tirent en l'air à chaque fois qu'il y a un bon coup à la télé. Un Algérien que je connais vaguement entre et s'adresse à MOI pour demander qui joue. Je jette un (premier) coup d'oeil à la télé et je réponds : « Euh.. des gros monsieurs? ». Il a trouvé ça rigolo et on est sortis prendre un verre ailleurs où c'était plus tranquille et que ça sentait moins le dessous-de-bras de mâle surexcité. Au retour, trajet en mini-bus pour l'aéroport avec un Japonais à l'ouïe vacillante (il hurlait à son voisin constamment) et un Québécois, ingénieur en odeurs porcines. Comme quoi la diversité des métiers est sans limite. Au retour, l'agente de bord nous avise : Hand me your headsets when I'll go through the cabin - Lanchez-moi vos écoutcheurs quand je passerai à travers de la cabine. Air Canada fait bien des efforts.