lundi 30 avril 2007

39. L'habit fait le moine

Je suis ailleurs pour la soirée et j'ai fait un peu de route pour m'y rendre. J'aime bien la route parce que c'est relativement peu demandant et ça permet de penser. D'ailleurs, ça m'a fait penser à ce blogue alors m'y voilà après un mois d'absence.
Faut dire que c'est pas évident d'écrire pour le cyberespace. J'aimais bien quand les copains lisaient. Mais je suis déménagé pour des raisons que j'ai déjà expliquées mais pas encore digérées.
En fin de semaine, je me suis tapé la Sainte-Catherine et j'ai fait des achats un peu débiles financièrement mais les cartes de crédit sont faites pour ça parait-il. J'aime bien ce que j'ai acheté et c'est important parce que je crois que je vais les aimer longtemps; assez longtemps pour quand viendra le temps de les payer. Je compte là-dessus en tout cas.
Le gars qui m'a vendu le complet, il était plutôt gêné. Il avait l'air soulagé que le complet me faisait bien et qu'il n'avait pas besoin de retouches. Je crois qu'il aurait pas su quoi dire s'il avait fallu qu'il me fasse le coup d'essayer de me le vendre. Mais je l'aimais bien parce qu'il était pas tannant comme vendeur. Les vendeurs gênés ne sont pas tannants, c'est une théorie qui en vaut bien une autre.
Je crois qu'il aimait bien que je lui demande rien. Comme ça, il avait pas besoin de rien me dire. Mais ça l'a mis à l'aise, je crois. Les gens qui n'aiment pas parler, ils aiment bien qu'on leur fiche la paix. Quand j'ai eu fini de payer, il m'a dit qu'il aimait bien le complet que je venais d'acheter. Il m'en a montré un autre qu'il aimait bien. Il m'a confié, toujours sans me regarder, qu'il regrettait d'avoir porté un complet trop ordinaire pour sa graduation. "Un complet de chez Moores, ça se peut-tu?" qu'il m'a dit. "Y'a des gars qui en avaient des rouges, des jaunes, des suits flyés. Moi, le cave, j'avais un truc de chez Moores".
J'en ai conclu qu'il devait avoir dix-neuf ans s'il avait terminé l'an dernier. À moins qu'il ait fini son cégep, alors là il aurait plutôt dans les vingt et un.
Mais c'était difficile à dire parce qu'il avait toujours la tête baissée et il me regardait jamais.
Je suis sorti du magasin et je marchais sur la rue. Ça me faisait un peu chier qu'il aimait pas le complet qu'il portait à sa graduation. C'est comme rien qu'il va avoir des photos pour le lui rappeler toute sa vie. Le soir, j'ai repensé à son complet de chez Moores. Je crois que les gars de dix-huit ans (bon, peut-être vingt) devraient tous porter le complet qu'ils veulent pour leur graduation. Ensuite, j'ai pris quelques verres pour oublier tout ça.