mercredi 28 mars 2007

38. Ces années perdues

Hier soir, avec un copain et deux bouteilles de vin, j'ai adhéré à la théorie que les années où on a oublié de vivre ne comptent pas. Bon, physiquement on les fait. Mais mentalement, il faut les soustraire puisqu'elles ne comptent pas.
Ce soir, j'ai soupé avec un copain de seize ans et je célébrais mes trente-trois ans. On faisait un duo plutôt incongru mais à cet âge, on s'en sacre un peu.
Hier soir, à l'épicerie, il y avait une gentille petite vieille devant moi et elle voulait désespérément qu'on lui échange un billet de cent dollars pour cinq vingt piasses. La caissière à qui on avait affaire n'avait pas assez d'argent dans son tiroir-caisse. Tout le monde a essayé de l'aider et moi aussi en lui suggérant d'aller au comptoir des alcools. Elle était toute mignonne avec son rouge à lèvres et son billet de cent dollars dans sa petite main frêle.
La vieille maudite est partie avec trois de mes sacs d'épicerie. La badluck me suit comme une plaie qui ne lâche pas.
Pourtant, on dirait que la chance est en train de tourner. Ce matin, l'autobus passait au bout de ma rue quand je faisais le coin. Je commence à être habitué et je savais que ça voulait dire attendre un autre quinze minutes. Ben, je me suis hâté un peu. Arrivé au coin, l'autobus est là à l'arrêt, quatre voies plus loin. Je regarde à gauche, à droite. Pas d'auto. Je traverse la rue même si le petit bonhomme blanc n'est pas allumé et que la grosse main rouge me fait un finger discret. Bien sûr, l'autobus se met en branle. Et devinez quoi? Il m'a vu et il a arrêté son foutu autobus pour me laisser monter.
La vie est belle quand on a trente-trois ans.

lundi 26 mars 2007

37. Soir d'élection

lundi 26 mars 2007

J'écoute les nouvelles en arrivant du bureau ce soir. J'ai trois ou quatre pensées assez claires :
- Anna Nicole : je pense que je m'en sacre.
- Elton John a soixante ans : je pense que ça me dérange un peu.
- Britney Spears a mangé des sushis : je me demande comment on a réussi à faire une nouvelle avec ça.
- La soirée des élections au Québec : je crois que j'ai pas le choix de m'y intéresser.
Je pitonne un peu en attendant la fermeture des bureaux de scrutin. C'est Virginie avec le gars qui était le chum crotté de la fille punk mère célibataire. Émilie que je pense qu'elle s'appelait. Lui, il a pas changé une miette mais dans Virginie, il est le directeur de l'école. Comme quoi tout est possible.
Je retourne aux élèctions, c'est Bernard Derome. Lui, il a pas changé non plus. Sauf qu'il a pas changé de job non plus. Qu'est-ce qu'on va faire quand il ne sera plus là pour animer les soirées d'élection?
On récapitule la campagne et de temps en temps, on voit les affiches sur les poteaux de téléphone. Tous les libéraux ont le poing sous le menton pour la photo, genre Ashley Rockwell. Tous les candidates, faut le faire. Même pas un de la gang pour dire " non les gars, on va avoir l'air de twits ". Assez pour que j'aurais pas voté pour eux si je vivais au Québec. Moi je voterai jamais pour un parti qui prend des photos de gang le poing sous le menton. Ni le doigt dans le nez d'ailleurs.
Les élections au Québec, j'écoute ça car je suis francophone minoritaire. Nous, éparpillés sur le reste du pays, on l'aime bien la menace séparatiste. On aime la menace car c'est elle qui nous garde vivants. Si les Québécois cessent de vouloir se séparer, on est cuits. Si les Québécois concrétisent la séparation, on est faits à l'os. Harper va se rouler par terre et probablement éructer de plaisir.

vendredi 23 mars 2007

36. Quand la chance tourne

vendredi 23 mars

La semaine dernière, je brunchais avec une nouvelle amie qui trouvait que j'avais beaucoup de chance. Pas juste être chanceux, mais une vraie chance au sens le plus crasse du mot, dans le genre de chance de l'expression " la chance pendue au cul ".
Et c'est vrai, que vu comme ça, je me trouvais plutôt chanceux, de ce type de chance là. Du coup, je me suis acheté un billet de loto. Je me souviens quand même avoir eu un curieux frisson quand elle m'a dit ça, car tout le monde sait bien que la chance, la vraie chance, c'est un nuage éphémère dans lequel on marche pour quelques jours.
Et bien il est vraiment passé. La chance est partie, le nuage est resté. Bien campé juste au-dessus de ma tête.
Ça a commencé par les pantalons qui ont tenté de dégringoler jusqu'en Australie. Les freins de l'auto. Le téléphone de l'ex. Pis hier, j'ai perdu vingt piasses juste comme ça. L'ex s'acharne et n'a pas trouvé drôle ma réflexion sur les ex en général, d'où le déménagement de mon blogue ici qui est devenu un blog, soit dit en passant.
Je ne veux pas me servir de mon blogue pour cracher du venin à droite et à gauche. D'abord, ce ne serait pas amusant du tout et je sais très bien que quand on prend une position négative par rapport aux choses, on s'y enlise immanquablement. (J'ai l'image d'un homme dans la position du lotus sur une mare de sables mouvants et je vous la partage. Tiens.)
Bon, je m'habille et je fais mon petit bagage pour une fin de semaine à Montréal. Réunion. Sortie. Magasinage.

jeudi 22 mars 2007

35. Vive le centre d'appels

mercredi 21 mars 2007

Qui eût dit qu'un étranger dans un centre d'appel peut faire votre journée?! Qui vous appelle à l'heure du souper, de surcroît?!
Ma journée a mal commencé et j'ai su vers 7h30 que j'étais sur une mauvaise veine. Une journée de merde, quoi.
Ici, l'espace est réduit. Pour réussir à mettre quelques pantalons dans le petit placard du petit coin qui me fait office de chambrelette, j'ai acheté des cintres au mécanisme assez ingénieux - faut le dire - qui comportent un petit crochet qui permet d'en accrocher un autre à côté, un peu plus bas. Ce dernier est lui aussi muni du fameux crochet, ce qui permet d'accrocher un autre pantalon un peu plus bas. Vous me voyez venir : il suffit de découper un trou dans le plancher et de creuser un tunnel pour accrocher des pantalons en cascade jusqu'en Australie à partir d'un seul cintre qui n'occupe que quelques centimètres sur la pôle principale.
Ben ce matin, j'en avais trois et ils se sont tous crissés à terre. Mauvais signe.
Je sors dehors. Ça fait une semaine qu'on nous annonce du plusse quinze mais il fait encore du moins vingt. J'arrive à l'auto, toujours celle d'une amie, Bérangère de son petit nom (l'auto, pas l'amie). Elle en a mare du frette, c'est bien évident. Plus d'odeur de parfum léger. Elle s'ennuie de son garage chauffé, tous ses joints le crient. J'arrive à la première intersection : plus de freins. Elle est écoeurée la Bérangère, pas-à-peu-près.
Pour finir ma journée au bureau, un appel de mon ex. Plutôt déprimant. Ceux qui vous racontent que ça va bien avec leur ex, ils se foutent de votre gueule. Ou alors ils disent n'importe quoi.
Je rentre à l'appart bien décidé à ne pas en ressortir avant demain matin. Sauf pour aller bouger Bérangère comme je fais à tous les soirs. Il y a bien du stationnement au bout de ma rue mais toutes les places sont prises par le club de curling du coin (ou le château des deux princesses, si vous préférez). J'attends donc que les ti-vieux aient fini leur dernière partie pour rapprocher l'auto. Heureusemement, ils se couchent pas tard.
À peine entré, ça cogne à la porte. Ça cogne jamais à la porte. C'est la première fois. C'est un petit bonhomme qui tient une tablette à pince. Il est nerveux. Il a peut-être peur de se pogner un doigt dans sa tablette à pince. Mais je suis nerveux moi aussi. D'abord ça va mal depuis ce matin; secundo, ça cogne jamais à ma porte.
Il me demande si je suis un client de Rogers. Oui, que je dis. Il me demande si j'ai l'internet. Oui, que je dis, suspicieux. Je me rassure : pour la première fois de ma vie, je n'ai pas trafiqué le câble. Il me demande si j'ai le câble. Oui, que je dis. Si j'ai un cellulaire. Oui, que je dis. Et là, il me dit que Rogers l'envoie pour me remercier d'être un si bon client. Il me remercie et il s'en va en me remerciant à nouveau. Je sais pas quoi dire alors je ne dis rien.
J'ouvre mon courriel. C'est une lettre de Rogers pour me remercier d'être un si bon client. Il semble que j'ai payé mes factures le mois dernier et que Rogers est bien content. La journée va mieux pour Rogers que pour moi.
Et là, vous me croirez pas. Mais bon, je vous le dis quand même.
Mon cellulaire sonne, tidelidi, tidelida. C'est une femme cette fois. Comme elle me contacte sur mon cellulaire de Rogers - vous me suivez - elle SAIT que je suis un client de Rogers. Alors, avant que j'aie le temps de lui dire quoi que ce soit, elle me remercie. Alors je pars d'un grand rire. Je lui raconte que je viens d'ouvrir un lettre de remerciement et que le petit bonhomme vient de cogner pour me remercier.
- Coudon, j'suis-tu votre seul client? La seule poire qui fait affaire avec Rogers?
La voilà à rire elle aussi sauf qu'elle ne peut plus s'arrêter et qu'elle a un rire communicatif (Rogers fait dans la communication après tout.) Plus elle rit-communicatif, plus je ris moi aussi.
Finalement, la journée ne s'est pas trop mal terminée. Merci, Rogers!

34. Bilingue

lundi 19 mars 2007

Depuis que je vis ici, je me questionne beaucoup sur la coexistence des deux langues dans ce pays tout croche. Je vois des choses auxquelles je ne suis pas habitué. Deux francophones qui se parlent en anglais parce que c'est la langue de travail. Des francophones qui me parlent à moi en anglais parce que.. parce que.. c'est plus facile? Le hic, c'est que moi qui suis nouveau ici, je ne sais pas s'ils sont francophones ou non. Pas évident de leur répondre en français quand on ne sait pas s'ils comprennent.
Je me surprends moi-même à parler anglais à des francophones. À l'arrêt d'autobus :
- Do you know when is the next number 8?
- Triiie minute.
Pis là, je m'excuse quasiment mais je pouvais pas savoir. Et j'ai pas l'habitude de prendre le risque parce que tomber sur un francophone à Halifax, ç'aurait été aussi probable que d'être foudroyé sous un soleil de plomb sur une plage déserte. Ici, c'est plus commun mais j'ai pas l'habitude.
Il nous faudrait un trait physique distinctif pour se reconnaître. Un code zébré dans le front. Quet'chose. Je vais y penser.

33. Pit-pit les ti-z-oiseaux

11 mars 2007

La passion est une promesse d'éternité.
Mon père était un homme passionné, à sa façon, et il serait mort de honte s'il avait su qu'il serait un jour affublé d'un tel qualificatif par le cadet de ses enfants. Les hommes de sa génération n'auraient jamais voulu que ça se sache et il aurait perdu tout crédibilité autour du poêle dans le garage à André à Moïse, l'équivalent de l'époque dans mon village des rencontres politico-sociales des Tim Horton d'aujourd'hui.
C'est néanmoins l'héritage le plus précieux qu'il m'a laissé.
Les problèmes cardiaques de mon père avaient commencé quelques cinq ou six ans avant son décès. Il n'en parlait pas trop; en fait, je ne sais même pas s'il s'était abaissé à aller voir un médecin. Néanmoins, il avait de lui-même ralenti ses activités et s'était petit-à-petit départi de certains biens, les activités qui les accompagnaient prenant discrètement le bord du même coup. Ce fut d'abord le chalet dont il devait pelleter la toiture en hiver. Ensuite, sa " terre-à-bois " dont il ne pouvait plus rien tirer. Sa motoneige, pour éviter de rester pris quelque part. Son VTT, ce qui allait de soi quand la terre où il se promenait a été vendue. Il s'était construit un atelier pour bricoler mais dût se résigner à ne plus y retourner à cause des marches qu'il fallait monter pour y accéder.
Comme je vivais assez loin de chez mes parents, je téléphonais régulièrement le dimanche soir pour prendre des nouvelles. Inévitablement, c'est ma mère qui répondait. Le téléphone, c'est une affaire de femme, tout le monde sait ça. Inévitablement, ma mère me dressait un portrait des plus noirs de l'état de santé de mon père qui terminait toujours par "Ben vite, y pourra pu conduire son char. Ça va l'achever."
Pourtant, quand je réussissais à avoir mon père au bout du fil, il semblait toujours maintenir un moral de fer et quand une de ses activités disparaissait, il s'en recréait une autre plus à la mesure de ses forces pour la remplacer.
Par un bel avant-midi ensoleillé, j'étais allé les visiter. Il était curieux d'entrer chez nous et de retrouver à peu près toujours le même scénario : ma mère en train de brasser quelque chose devant l'évier et mon père se berçant dans le fauteuil devant la porte vitrée de la cuisine. Elle m'accueillait toujours comme si j'étais une brebis égarée qu'elle venait de retrouver et babillait à m'en donner le tournis, si bien que j'appréhendais toujours l'accueil même si je n'arrivais jamais à savoir exactement pourquoi j'en ressortais avec un vague sentiment de culpabilité. Ma mère était subtile comme ça.
Passé l'épreuve des bienvenues, je me dirigeai vers mon père qui n'avait plus l'énergie de sortir de son fauteuil pour faire quelque chose d'aussi inutile. D'autant plus que je pouvais bien plus facilement me rendre à lui. Ce jour-là, il m'a encore impressionné par son optimisme face à la vie en général et face à sa condition en particulier :
- Regarde-moi ça. Je me suis fait planter des fleurs autour du patio et des mangeoires pour les oiseaux. C'est pas croyable le nombre d'espèces d'oiseaux qui viennent manger et butiner les fleurs. Moi qui ai passé ma vie dans le bois, je pensais qu'il n'y avait que cinq ou six sortes d'oiseaux. J'ai jamais eu le temps de les regarder, faut croire. Ben là, j'ai le temps pis j'en ai compté au moins deux douzaines de sortes à date. C'est pas croyable!
- Ben oui, ben oui, enchaîna ma mère en rudoyant la vaisselle dans l'évier. Les fleurs pis les mangeoires, ça attire les oiseaux pis le patio est plein de marde!
Les oiseaux ou la marde? C'est à chacun d'entre nous de décider ce qu'on veut bien voir. Moi, j'ai choisi les oiseaux même si je regarde toujours, quand même, où je mets les pieds.

32. Premières fois

mercredi 7 mars 2007

Lundi, une amie qui partait dans le Sud m'a laissé son auto. Pour deux semaines. Au sortir du bureau ce soir-là, je retrouvais le feeling de mes seize ans quand mes parents m'avaient laissé l'auto pour la première fois.
Je monte à bord. Son parfum, dont j'ignore le nom mais que je reconnaîtrais parmi mille, est bien présent. Léger comme tout, juste assez pour que je m'imagine être le seul à pouvoir le percevoir. Je hume à fond : les petites drogues légères n'ont jamais fait de mal à personne.
J'examine les contrôles. Elle m'a bien averti : Bérangère est une coriace. Elle a de l'âge, aucun gadget si ce n'est une alarme capricieuse qui part au moment où on s'en attend le moins. J'ouvre la radio. Quand même...
On annonce pour mardi matin un mercure batifolant dans les -40C. Bérangère a besoin d'avoir une bonne batterie.
Souper ce soir avec une amie dont l'amitié remonte au début de ma carrière, à mon premier emploi en fait. On se retrouve comme si c'était hier alors que la terre a cesser de tourner plusieurs fois depuis. Elle me raconte que je suis son plus vieil ami, celui qui la connaît depuis le plus longtemps. Je sais pas trop ce que ça veut dire mais c'est la première fois que je suis le plus vieil ami de quelqu'un. J'aime bien ça les premières fois.

31. Shopping et culture

dimanche 4 mars 2007

La majeure partie de la journée d'hier a été consacrée à trouver des bottes pour ma fille ainsi que de nouvelles lunettes. Après un certain temps, j'ai fini par comprendre qu'elle cherchait exactement les mêmes bottes qu'elle portait et des lunettes en tout point semblables à celles qu'elle avait sur le bout du nez. Pour un père qui vient de changer d'emploi, de ville et d'orientation sexuelle, c'est assez désarmant.
Nous sommes ensuite allés visiter l'exposition de Ron Mueck au Musée des beaux-arts. Les oeuvres avaient quelque chose de dérangeant par le réalisme de l'objet présenté hors des proportions de l'imagination. On craignait toujours que l'un des personnages se réveille malgré sa petitesse ou son gigantisme.
Ce matin, visite à l'université que songe à fréquenter ma grande cet automne. La gentille agente de communication préposée au recrutement nous a fait faire une grande tournée de l'établissement. Au début ça allait mais au centième "Moi, je te dirais que...", j'ai commencé à craindre un fou-rire incontrôlable qui aurait pu gâcher la visite car j'aurais eu de la difficulté à l'expliquer, je suppose.
Visite ensuite au Salon du livre de l'Outaouais ou nous avons cassé la croûte. La préposée au nettoyage était un boute-en-train et une blague n'attendait pas l'autre : "Mange ta main, garde l'autre pour demain" qu'elle disait aux petits enfants pour les faire rire.

30. En quittant le bureau

samedi 3 mars 2007
Posté le 3 mars 2007 à 10:54 - 0 Commentaires - Poster Commentaire - Lien
Je suis resté tard au bureau hier soir en attendant que le vol de mon aîné donne des signe qu'il se rendrait à destination. Mon bureau étant plus proche de l'aérogare que mon appart, ça me semblait logique.
Il ne faisait pas très beau hier et le vol en question a été retardé à quelques reprises pour finalement annoncer un départ et une arrivée éventuelle vers les 20h et quelques poussières. J'avais donc prévu de quitter le bureau vers les 19h, amplement de temps pour me rendre l'accueillir.
En sortant, je suis passé aux toilettes, prévoyant comme tout. Il était précisément 18h59 quand je suis entré dans l'endroit destiné à recevoir mes filtrations rénales. Une minute plus tard, précisément, c'était le blackout total. Je n'y voyais absolument rien et la seule chose que je pouvais reconnaître à tâtons, ben c'était ce que j'avais déjà dans les mains à ce moment-là. Qui n'était pas d'une grande utilité pour l'occasion, entendons nous là-dessus.
Une fois la surprise passée et avec l'idée de m'orienter vers l'endroit où il y habituellement une porte pour me sortir de là, je rangeai ce qui m'occupait à ce moment et je commençai à entendre de plus en plus distinctement un petit bib-bib assez commun pour savoir qu'il déclencherait après quelques instants une alarme quelque part dans la ville.
C'est que, voyez-vous, personne ne m'a dit que les lumières se ferment et que le système de sécurité se met en branle à 19h. À 19h01, c'était une sirène qui hurlait dans le quartier, ameutant probablement nos voisins les évêques congressés catholiques et les travailleurs de l'usine de tuile de céramique d'à-côté.
Heureusement, la réceptionniste m'avait indiqué où elle cachait le code du système d'alarme. C'es bien connu, si vous voulez faire une razzia dans un édifice, allez-vous du côté du comptoir de la réceptionniste pour le code qui éteint l'alarme. J'ai galopé vers son bureau, arraché le petit papier de son babillard et couru vers une faible petite lumière de sécurité suspendue au mur pour le déchiffrer. Course vers le panneau du système d'alarme, brève incantation vers le dieu des causes désespérées, pitonnage du code et.. ouf.. le silence. Toujours pas de lumière, mais au moins le foutu système s'était fermé la gueule. Dans mon bureau, j'avais une liste des numéros de tout ce qui gravite autour de l'entreprise alors je savais que j'y trouverais le numéro de la compagnie de sécurité. Bureau, cartable d'informations, tite-lumière de sécurité, composition à tâtons au téléphone à la lumière du réverbère du stationnement des évêques et un "Please hold" qui en disait long sur l'efficacité du système de la compagnie qui nous protège.
J'ai holdé cinq minutes pis j'ai raccroché. J'avais ma fille à aller chercher à l'aérogare.
Malgré tout ça, je suis arrivé là-bas avec une bonne heure à tuer puisque son vol accusait un nouveau retard. Quant à ses bagages, Air Canada les avait envoyés en traîneau tiré par des chiens car ils sont arrivés une bonne heure après elle. Nous sommes donc rentrés passablement tard.
Après 8 heures de sommeil, ce qui me semblait tout à fait raisonnable, nous sommes partis cherche son copain à l'autobus. J'avais fait une recherche sur le site du réseau de transport pour connaître le meilleur moyen de nous y rendre. Le système nous a indiqué que le meilleur moyen de s'y rendre était de marcher. Venant d'un système informatisé au profit du transport en commun de la ville, je me suis dit que ça devait être sage comme conseil.
Je suis donc parti avec une adolescente de 18 ans sur des trottoirs pas très bien déblayés, faut quand même le reconnaître. Elle vieillissait d'au moins cinq ans à chaque coin de rue et je suis arrivé au terminus avec une petite vieille acariâtre qui devait faire dans les quatre-vingt-dix, minimum. J'ai songé pour un instant la prendre sur mes épaules pour le retour mais la vision de son prince charmant en Greyhound l'a remise de bonne humeur.
Les deux sont arrivés ici en baillant à se fendre les coins de bouche et dorment présentement comme deux marmottes dans un blizzard.
Allez donc savoir pourquoi, je ne me trouve pas si vieux que ça ce matin.

29. Les petites princesses

jeudi 1er mars 2007

À tous les matins, au coin de ma rue, il y a deux petites filles qui attendent l'autobus. Leur père les accompagne le plus souvent, parfois leur mêre. Enfin, je suppose que ce sont les parents. On tient plein de choses comme ça pour acquises.
Au début, je ne m'intéressais pas particulièrement à leur cas. Tout au plus, en les voyant tous les trois sur le coin de ma rue, ça me confirmais que je n'étais pas en retard. Quand leur autobus arrivait un peu trop vite, je clopinais un peu plus rapidement jusqu'au mien, des fois que ce serait un signe que je sois en retard.
Je savais depuis le début que le père les appelait ses princesses. Bon, ce n'est pas la première fois que je l'entends celle-là après tout. J'ai moi-même été l'heureux père de la Princesse-aux-cheveux-qui-puent (encourageant ainsi celle qui avait une phobie de se faire laver les cheveux) et de la Princesse-qui-pue-des-pieds (motivation pour celle qui détestait l'heure du bain mais qui une fois dedans, ne voulait plus en sortir).
Il m'a fallu un certain temps, beaucoup d'attention, et ralentir subtilement le pas à leur hauteur, pour constater que la référence royale est poussée à l'extrême. En effet, à tous les matins, en plus de leur donner de la princesse à tour de bras, le club de curling adjacent est devenu un château où elles peuvent jouer à cache-cache derrière les meurtrières, soit les poubelles qui sont près de l'entrée. Elles peuvent aussi se cacher sous le pont-levis, le perron de l'entrée principale. À chaque matin, les princesses se rendent à l'école avec un moyen de transport différent. Ce matin, il s'agissait d'un carosse tiré par des milliers de souris. Un éclat de rire royal a répondu à cette expectative. Hier, il s'agissait d'un brigantin toutes voiles dehors avec un beau prince aux commandes.
À tous les matins, je me dis qu'il y a des enfants heureux pour qui la journée commence plutôt bien. Il est difficile d'imaginer cette famille le matin autrement que dans une joie même pas simulée, des matins remplis de soleil même pas quétaine et de rires sincères de gens complètement mais alors là tout à fait heureux.
Quand je m'éloigne, j'ai quand même une pensée charitable pour le vieux bouc qui conduit l'autobus et pour l'enseignante qui les accueillera plus tard et qui les brusquera un peu quand elle en surprendra une des deux à dessiner des dragons sur le mur des toilettes.
Je parie qu'elle est la sorcière de l'histoire.

28. J'aime ça les réunions

mercredi 28 février 2007

Je viens de me taper une série consécutive assez impressionnantes de réunions que j'anticipais avec grande appréhension depuis un certain temps. J'ai un passé personnel assez triste en ce qui concerne les réunions interminables, surtout quand elles durent toute une journée. J'en ai dodeliné plusieurs ayant une capacité d'attention somme toute assez limitée quand on lui demande de s'étioler sur plusieurs heures. De plus, pous saper mon moral davantage, je suis convaincu que les longues réunions, c'est le lot inévitable des francophones minoritaires. Comme on est toujours éparpillés aux quatre coins d'un pays, d'une province ou d'une région quelconque, on ne se rencontre jamais pour une heure ou deux; on se tape ça à coup de journées. On en veut pour son argent, même si ça veut dire qu'on doit tous sortir de là affligés d'une réunionite aïgue.
Cette fois-ci cependant, je dois dire que j'ai été en alerte la plupart du temps. Certaines personnes qui participent à ces rencontres vous incitent à rester éveillés.
L'une d'elles, par exemple, était assise juste en face de moi. J'étais fasciné de l'entendre émettre des sons sans pour autant bouger les lèvres. La parfaite ventriloque si elle avait eu un pantin à côté d'elle pour se faire aller les mâchoires. Sauf qu'elle n'en avait pas. Aucune idée de ce qu'elle racontait mais elle m'a gardé en haleine et j'appréciais bien ses interventions qui me donnaient l'occasion d'admirer son talent perdu un peu plus.
Une des réunions était ponctuée des glapissements hilares d'un homme assez ordinaire en apparence mais qui me fascinait, lui, par son rire qui s'apparentait à celui d'une otarie nymphomane. On parle souvent du rire communicatif; le sien était sans doute de la même famille.
J'aime bien aussi noter les commentaires de certains qui ponctuent une réunion d'interventions délectables du genre : "J'aurais peut-être une question..." qui signifie plutôt "Bon, y'a un bout de temps que j'ai pas eu le crachoir alors je vais vous pousser une connerie à vous renverser tous."
Certains s'aventurent dans le proverbe : "Il y a un chef et pas trop d'Indiens", "Tout ça est arrivé comme un cheval sur la soupe".
Parlant de soupe, j'ai faim. Je vous quitte là-dessus.

27. Le mystère de Réal

lundi 27 février 2007

Dans un café, deux dames causent. Elles sont juste derrière moi, je ne les vois pas mais je les entends très bien. C’est l’une d’elle qui mène la discussion, l’autre se contente de hmmm-mmmer et de ah-ouais-ah-ouaiser. Je l’imagine s’agitant du bonnet dans tous les sens en guise d’approbation des propos de sa consoeur.
Quand je suis dans une ville anglaise, je n’entends que le bourdonnement des voix autour de moi. À moins que ce ne soit les propos qui sont inintéressants? Quoiqu’il en soit, quand je suis dans un milieu francophone, il me semble que j’entends tout et que les conversations m’assaillent de toute part sans que je puisse rien y faire. Il me semble aussi que les gens parlent plus fort mais là je n’ai pas d’étude psychosociale à l’appui.
Bref, malgré moi - le fait d’être seul avec mon sandwich aidant - je finis par m’intéresser à ce Réal dont il est question.
Au début, je présume qu’il est le fils de la celle qui anime cette discussion. Vers la fin, j’en suis moins certain car il a apparemment fréquenté une femme qui chauffait les autobus (des images qui me sont passées par la tête) et qui était beaucoup plus jeune que lui, dans la jeune quarantaine. Encore là, je suis dans les limbes de la présomption mais je me dis qu’il doit être au moins dans la mi-cinquantaine, pour justifier l’adverbe "beaucoup". La jeune poulette chauffeuse le gavait de cadeaux, paraît-il, allant d’un manteau de cuir à des bottes qui valaient beaucoup d’argent, selon l’informatrice. Les deux étaient d’accord que ça n’avait pas d’allure qu’une jeune femme avec une bonne job entretienne, en quelque sorte, un homme, tous âges confondus. Mais il semble qu’elle faisait beaucoup d’argent, comme quoi une femme qui chauffe peut rapporter un bon profit. Mais là n’est pas le propos de l’énigme.
Car d’une énigme il s’agit bien. Lisez, chers gens, les propos fidèles des malheurs de Réal, tels qu’entendus à la table de ce petit café de la basse-ville de Québec.
Ce mois-ci, Réal n’a pas d’argent pour payer son loyer. Le 400 $ requis lui aurait été subtilisé habilement par un de ces hommes qui fréquentent ledit appartement. Comme il a demandé à la principale intéressée de lui avancer le montant, il se trouve qu’elle est concernée directement par l’incident.
Tel que rapporté par l’informatrice, le seul fait solide de cette histoire sordide est que le montant de 400 $ a été retiré du compte de Réal par une tierce personne dont on ne connaît pas l’identité.
- Hmmm-hmmm, fit l’autre.
Si la fourmi n’est pas prêteuse, la dame à qui Réal réclame le prêt ne l’est pas non plus. Il m’a semblé qu’elle considérerait la chose si - et seulement si - elle pouvait comprendre comment l’argent du loyer a disparu du compte de Réal. Voici donc les possibilités qu’elle a échafaudées.
(NDLR : CSI Miami, c’est de la petite bière à côté de ceci.)
Scénario # 1 :
Réal aime bien lever le coude, tout le monde à St-Roch semble savoir ça. Il est d’une nature généreuse et son appartement est souvent le théâtre de rassemblements d’hommes qui viennent profiter de sa bonté pour boire sa bière. Il a prêté l’argent et ne s’en souvient pas.
- Ah-ouais-ah-ouais, ç'a ben du bon sens, confirme l’autre.
Scénario # 2 :
Un triste individu de la même gang de profiteurs l’aurait accompagné au guichet automatique et aurait retenu le NIP de Réal en reluquant discrètement par-dessus son épaule. Lors d’une beuverie, il aurait subtilisé habilement la carte de guichet de Réal, se serait rendu au guichet automatique retirer l’argent et aurait remis la carte dans le porte-monnaie de Réal.
- C’est ben possible, dit l’autre. Il le laisse toujours à traîner sur le frigidaire.
Scénario # 3 :
Ici, le cordonnier de St-Roch joue un rôle crucial au niveau du constat social de l’évolution des ruses basées sur la recherche scientifique. Il aurait dit à la fourmi pas-prêteuse qu’il paraît qu’il existe une pilule qu’on peut mettre dans la bière de quelqu’un pour lui faire faire n’importe quoi. Dans ce cas-ci - vous l’aurez deviné - le voyou sans vergogne aurait soutiré le NIP de Réal avec une facilité élémentaire. Une pilule dans la Labatt et le tour est joué. Réal déballe le NIP, l’autre prend la carte sur le frigo et retire le montant du loyer pendant que Réal se remet de ses émotions. Un jeu d’enfant, d’après l’informatrice. Ni vu, ni connu, selon le cordonnier.
- À la caisse populaire, le NIP a cinq chiffres. Dans les banques, y’a juste quatre chiffres, précise l’autre. Cinq chiffres, c’est plus difficile à retenir.
Scénario # 4 :
Il est envisageable que le receleur ait tout simplement emprunté la carte bancaire pendant que Réal était pompette et qu’il ait essayé des combinaisons de NIP jusqu’à ce qu’il trouve le bon. Là-dessus, les deux s’entendent qu’il vaut mieux avoir une carte de la caisse populaire avec un NIP à cinq chiffres. Fermat tomberait sur le cul devant une théorie si joliment avancée.
- Une fois, il faisait noir dans la cabane du guichet et je me suis trompé de NIP trois fois, dit l’autre. La machine a mangé ma carte pis je ne l’ai plus revue, précise-t-elle. Y’a fallu que j’alle à la banque pour en ravoir une autre.
* * *
Je vous laisse donc, chers lecteurs, me donner vos impressions sur cette infâme histoire du pauvre Réal. Allez-y de nouveaux scénarios ou amenez de nouveaux éléments à l’énigme. Personnellement, je ne retiens qu’une chose et ma perspicacité va vous terrasser : Réal était saoul au moment du recel. Comment ça s’est passé, voilà toute la question.

26. Les vacanciers sont arrivés

vendredi 23 février 2007

C’est pas pour faire le malin que je vous écris d’un avion. Avant, je roupillais toujours sereinement dès que ma tête trouvait appui sur la paroi du cockpit et les agents de bord me réveillaient à destination. Je sortais de là avec la tête que j’ai le matin au réveil. Avec l’invention des écrans avec contrôles tactiles coincés dans les appui-têtes, je n’ai plus jamais pu dormir dans un avion. Cette fois, derrière moi, il pianote sur son écran avec l'énergie d’un désespoir profond. C’est d’autant plus désolant qu’il n’a pas compris qu’il n’y a pas de programmation sur un vol de 28 minutes. J’ai donc un crétin qui me pioche contre le cràne et je vous écris, vous qui n'êtes pas fort sur le commentaire et qui ne me lisez peut-être même pas.
À l’embarquement, deux hommes et deux femmes très difficiles à appareiller - en fait, à les regarder, j’ai imaginé six combinaisons possibles - partent en vacances pour le Sud. Deux avaient les cheveux fraîchement teints avec des highlights pas très bien répartis sur la sphère, ce qui laissait présumer les efforts louables d’une belle-soeur bien intentionnée dans son sous-sol. Deux autres portaient des ti-petalons blancs sûrement achetés en prévision des vacances avec t-shirt aux couleurs criardes, l’un arborant le thème d’une agence de voyage et l’autre un manifeste complet contre les conséquences désastreuses des économies de marché sur les moeurs populaires. Je me demande s'il a une opinion sur le sujet. Les deux autres comparses portaient des jeans qui vont fendre aux coutures s’ils font les goinfres dans le buffet all-you-can-eat du forfait tout compris qu’ils ont dû acheter, ce qu’ils ne manqueront pas de faire, je vous parie vingt piasses là-dessus drette-là.
Ils passent devant une chute artificielle qui plastronne un mur de l’aéroport et décident comme s’ils étaient reliés par des ondes télépathiques de se faire prendre en photo juste devant. Dieu est bon car ils accrochent quelqu’un d’autre que moi pour faire le triste boulot. Ils s’entrevêchent les bras et les épaules et s’inventent un sourire de circonstance. Ils cachent à peu près complètement la chute. Clic.
C’est don'fin la photo digitale, tu peux voir le résultat tu-suite. Ils s’attroupent autour de l’appareil et là ils se bidonnent. Je me demande d’où leur vient cette soudaine agitation de la rate puisqu’ils ont cet air-là depuis que je les connais.

25. Cause toujours!

dimanche 18 février 2007

Elle parle, elle parle à toute allure sans jamais s'arrêter. Ça pourrait être nerveux mais non, c'est pire : c'est naturel. Elle parle comme ça sans arrêt, babillage étourdissant, elle parle. Elle doit parler la bouche pleine en mangeant, causer à travers la porte des toilettes, être somnambule des babines.
J'apprends malgré moi qu'elle est née dans l'Ouest. Elle m'oblige à savoir qu'elle vit chez ses grands-parents à Halifax. Elle me force à apprendre qu'elle travaille à Ottawa quand elle n'a plus d'argent pour vivre chez eux. Elle me contraint à être informé qu'elle a un frère qui vit partout, il déménage tout le temps. Elle me raconte tout ça à moi qui veut juste lire, dormir, mettre les écouteurs.
Je ne demande rien, même pas si elle a des parents. Je me dis qu'à parler comme ça à toute vitesse, elle va bien finir par me dire où ses géniteurs se terrent. J'apprends tout du frère; je pourrais le dessiner si je savais dessiner. Je reconnaîtrais ses grands-parents dans n'importe quelle foule qui serait venue voir le pape mais rien au sujet de ceux qui ont mis au monde ce moulin à parole.
Je me fais mon petit scénario : les parents s'abreuvent de silence sur un îlot désert où ils ont même pris soin d'égorger les oiseaux; le frère, il se pousse à chaque fois que la loquace frangine s'approche; et les grands-parents lui sourient tout le temps en dodelinant du chapeau, sourds comme des potiches, l'appareil débranché depuis qu'elle est débarquée.
Elle parle, elle parle...

24. Pas très gai, tout ça...

jeudi 16 février 2007

C'est quand on visite nos amitiés d'antan qu'on s'aperçoit qu'on a bel et bien déménagé et qu'on vit carrément ailleurs, il n'y a pas à en douter. Je suis ici depuis mardi soir et j'ai revu et parlé à tellement d'amis dont je manque la présence là-bas que je dois bien me rendre à l'évidence... que leur présence me manque. Ou leur proximité devrais-je dire car de nos jours, on est jamais bien loin. Électroniquement j'entends.
J'ai toujours eu pour principe que les amis, les vrais, il fallait les compter sur les doigts de la main. Je me rends compte que je déborde un peu côté appendices digitaux mais je ne saurais m'en porter mal.
Ce n'est pas la profondeur des sujets de discussion qui manque non plus.
L'une me refile Lomer de Richard Desjardins que j'écoute une fois en n'y comprenant rien, mais alors là rien. J'écoute à nouveau et mon oreille se fait au vieux français de même qu'aux mots dont certains auxquels j'accroche plus qu'à d'autres. J'écoute une troisième fois et tout s'éclaire en même temps que s'assombrissent mes pensées. C'est la deuxième fois en autant de semaines que je suis confronté à cette haine latente qui me guette peut-être sans que j'en sois conscient. Je n'en ai rien connu jusqu'ici et je ne m'en plains pas particulièrement. La chance, la naïveté ou un entourage intelligent qui voit au-delà des étiquettes commerciales toutes préparées d'avance? J'aime mieux me complaire dans la dernière éventualité, question de continuer à croire que le monde est en évolution.
Je jase aussi de la vie qu'on choisit ou qu'on ne choisit pas de vivre seul ou de vivre à deux. Les choix qu'on fait ou qu'on ne fait pas. Ceux que la société fait pour nous. Ceux que la vie des autres décide sans nous consulter. Une seule évidence : on est responsable de tricoter son petit bonheur, personne ne le fera pour nous et il est con de tenter de le faire pour d'autres.
D'autres me parlent de ce qui semble être le lot d'un mitan de vie. Une sorcière m'a déjà dit que les épreuves qu'on vit à cette période nous préparent à faire face à ce qui s'en vient. J'aimerais bien y croire mais j'aimerais aussi envoyer un courriel à Celui qui fait tous ces plans, juste pour Lui dire que côté distribution des épreuves, Il pourrait revisiter ses listes. Y'en a qui ont compris, qui ont déjà réussi le test et qui ont même gagné le t-shirt alors ce serait bien de passer à autre chose.
Il est tard hier soir quand je reprends la route. Je m'engage sur un pont à voies multiples. Le véhicule de gauche tangue à droite, à gauche et je l'aperçois qui s'approche dangereusement de mon flanc. Sur un pont, perché au milieu d'un havre profond, ça vous fout une trouille difficile à décrire. J'appuie sur le klaxon et le son qui sort du capot ressemble à un pouet-pouet de clown de cirque qui ne perturbe en rien le tracé dangereux du SUV d'à-côté.
Quand je réussis à prendre mes distances, une adrénaline que je n'ai pas senti jusqu'alors me sort par les lobes d'oreilles et me titille la racine des cheveux. Je roule calmement vers la maison en me disant que tout ça ne tient qu'à un fil de toute façon, hein?
Vous n'y comprendrez peut-être rien mais je retiens que l'égoïsme est peut-être le défaut le plus utile pour que nos qualités puissent continuer à vivre.

23. La Saint-Valentin

mercredi 14 février 2007

Souvenirs d'une douche froide pour coeur chaud
Je me souviens du temps de plus en plus jadis où, jeune freluquet d’âge scolaire, on m’avait initié aux mystères de la Saint-Valentin. Fête que je soupçonne être tout droit issue du cerveau machiavélique d’un sombre capitaliste ayant flairé l’affaire et investi sa fortune dans une palette allant du rouge sang au rose pompon.
Toujours est-il qu’à cette lointaine époque, on en était encore aux grands cartons de valentins à découper. Comme on n’en donnait pas à tout le monde et à son chien, ledit carton pouvait servir pour au moins toutes les années du cycle primaire. Les filles ne s’en donnaient pas entre elles, les garçons encore moins. De toute façon, on était toutes des valentines, le valentin d’expression française n’étant apparu que dans la période la plus ingrate de mon adolescence, celle où Cupidon rivalise avec le comédon. Ce dernier, grand vainqueur, aurait découragé le plus tenace des prétendants de faire connaître ses intentions à la valentine élue.
Ce temps est révolu. Quelques décennies plus tard, les enfants reviennent de l’école avec la liste de TOUS les élèves de la classe que Madame a préparée afin que toutes les petites amies et tous les petits amis écrivent des valentins à tous les petits amis et à toutes les petites amies de la classe. Le 13 au soir, on était une demi-douzaine de parents en ligne chez Walmart avec des restants de valentins hors-de-prix. L’histoire aurait pu se terminer là.
Pour la plus jeune, l’affaire fut vite réglée. Elle identifia toutes ses cartes de valentins au plus sacrant, se souciant peu du destinataire et encore moins du message. Madame (elle le méritait bien) s’est donc ramassée avec une carte sur laquelle on peut lire : "Tu me fais baver, Valentine". Quant aux autres fillettes, elles doivent toutes être de bonnes joueuses de tennis parce qu’elles ont toutes reçu de ma fille des souhaits allant du "Tu me fais frémir" au "Je tremble devant toi".
La plus vieille commence à comprendre un peu plus de quoi il en retourne. Elle a pris soin de lire minutieusement les souhaits inscrits et en a éliminé d’emblée une bonne partie. En fait, toutes les allusions érotico-cochonnes ont été mises de côté, au grand soulagement du paternel qui se disait que, finalement, les cours de catéchèse ne sont peut-être pas une perte de temps aussi monumentale qu’on pourrait le croire.
Les meilleures amies ont vite reçu les plus beaux et les plus gros avec des souhaits tous très politiquement corrects. L’affaire s’est corsée pour les garçons où l’enjeu est un peu plus délicat. Elle a même été forcée, à un certain point, de retourner dans la pile des rejets et de signer quelques cartes affichant un cow-boy qui se cache l’entrejambe avec un coeur froufroutant d’une main et qui fait tournoyer son lasso de l’autre en susurrant "Attends que je t’attrape".
C’est alors que j’ai découvert qu’il y a des garçons qu’elle ne peut déjà plus blairer. À neuf ans et demie. Mais - liste de Madame oblige - elle se devait de leur en offrir. Ce fut la partie la plus difficile de l’opération, aucun boniment n’étant assez nuancé pour que le récipiendaire n’y voit aucune espèce de brin d’amitié la trahir. Après de longues tergiversations, j’ai finalement pogné les nerfs et je lui ai dit que même si je faisais tous les Walmarts et tous les Zellers de la ville, je ne trouverais pas de "Joyeuse Saint-Valentin, trou d’cul". Elle a finalement daigné leur préparer un minuscule valentin sur lequel il faut être perspicace pour lire "Tu me fais tourner la tête", ce qui n’était pas tout à fait faux à 21h20 quand on accuse près d’une heure et demie de retard sur le rituel du coucher.
Et demain, dès l’ouverture des centres commerciaux, les vitrines et les présentoirs passeront du rose poupoune au vert lutin en prévision de la Saint-Patrick. Ainsi va la vie.

22. Cellulaires

mardi 13 février 2007

À chaque fois que je suis à l'aérogare - et j'exagère à peine - il y a quelqu'un qui se tape un orgasme au cellulaire à contacter quelqu'un pour lui dire négligeamment, mine de rien, comme ça : "Je t'appelle de l'aéroport."
Mais c'est quoi le trip? Il s'en fout peut-être l'autre que vous soyez à l'aéroport et il vous imagine peut-être aux chiottes juste pour se créer sa propre image de vous à sa façon. Moi, si quelqu'un m'appelle juste pour me lancer au hasard qu'il est à l'aéroport, je vais m'imaginer le jet-set aux chiottes, c'est certain. Qu'on se le tienne pour dit.
Revenons aux choses importantes. Je vous blogue de l'aéroport où mon vol pour Halifax accuse un bon deux heures de retard. Compte tenu que tous les vols en partance pour l'est américain sont annulés, je me prépare mentalement à passer la nuit ici, ce qui serait plate rare étant donné que je n'ai même pas une foutue paire de chaussettes dans mes bagages. J'en ai pas besoin car j'habite à l'autre bout aussi et j'ai tout ce qu'il faut là-bas, incluant le désodorisant et le dentifrice que je n'ai plus besoin de ziplocker pour monter à bord.
Trop d'une même bonne chose lasse même le meilleur chrétien. Moi, le numéro 3 chez Moe's, je suis pu capable. Comment un endroit comme Dorval, renommé PET on ne sait trop pourquoi, peut-il n'avoir qu'une seule binerie pour tout service alimentaire dans l'aire des passagers? Aucun endroit n'a de frites plus graisseuses et Moe doit avoir la peau sacrément grasse à engouffrer ses patates dans la même huile depuis toutes ces années. Remarquez que je ne m'en plains pas car si on est pogné pour manger des frites, aussi bien les manger graisseuses.
J'ai mangé. J'ai lu un peu. J'ai un ti-peu mal au ventre. C'est à cause des frites de chez Moe's.

21. Revenir ou y aller?

dimanche 11 février 2007

À chaque fois que je reviens ici en avion, je réalise que je n'y viens pas mais que j'y reviens. À chaque atterrissage, je prends de plus en plus conscience que j'habite ici.
Hier, brunch avec le cowboy et souper avec des amis. Avec le comboy, je cause comme je n'ose qu'avec un taux d'alcool assez élevé mais je n'ai bu que du café. Plus tard, avec les amis, je cause comme je n'ose qu'avec un taux d'alcool assez élevé mais j'ai bu beaucoup de vin. Allez donc savoir la différence.
En attendant le cowboy, je me rends à un kiosque à journaux du centre commercial adjacent. Ils sont deux derrière la caisse. Peut-être un couple, qu'est-ce que j'en sais. Lui, les cheveux jaune-poussin et elle percée de partout à se demander si elle est encore waterproof. Le présentoir des journaux d'Ottawa est vide. Je demande au poussin s'il lui en reste des exemplaires. Il me répond : On n'en a pas de journaux le samedi parce qu'on est pas ouvert.
Quoi répondre à ça?
Dans sa boutique pas-ouverte, il y a aussi des cartes de Saint-Valentin. En français svp. Je pense à mes filles et j'aimerais bien leur en envoyer. Sont toutes cochonnes ou déprimantes.
" Si je te mange tout rond...".
(On ouvre la carte) "
"... c'est parce que tu ressembles à du bonbon. Joyeuse Saint-Valentin "
(On referme la carte et on tombe sur le cul.)
Mais c'est quoi ça?! Qui offre une carte comme ça? Un illettré, je ne vois pas qui d'autre.
Une autre :
" Quand je te vois..."
(On ouvre la carte.)
"... c'est comme si voyais une montagne de chocolat."
(On referme la carte et on entend l'autre lui lancer la carte en crachant : " Dis moé donc que j'sus grosse tant qu'à faire!)
Il y en a qui sont destinées à une fille de son père. C'est justement ce que je cherche.
"J'ai un petit secret pour toi. Ton papa..."
(On ouvre la carte, de plus en plus inquiet, faut dire.)
".. pour la Saint-Valentin veut être ton roi!"
(On referme la carte en imaginant toutes ces petites filles qui n'en dormiront pas des nuits.)
Je n'ai pas remercié le poussin et son associée perforée en sortant. De toute façon, leur boutique n'était pas ouverte.
Moi je pense que les gens qui écrivent des cartes pour Hallmark vivent de profondes déprimes cycliques. La gang qui fait le contrat des cartes de Saint-Valentin passe le reste de l'année à se vômir dessus dans un asile, c'est certain.
La plupart ne comprendront rien au reste de mon blogue mais retenez que j'étais un peu pompette. Je suis revenu me coucher à l'appart. et je suis tombé endormi rapidement avec un sourire de crétin dans la face. Je ne sais pas s'il s'agissait de l'effet de l'alcool mais j'entendais dans ma tête :
I Don't Wanna Take Away His Life I Don't Wanna Be... A Murderer!
Sur un fond d'anniversaire de mariage, ça faisait son petit effet.

20. Vincent Rivers

jeudi 8 février 2007

J'ai soupé dans une binerie avant de me rendre au théâtre. À la table d'à-côté, un couple qui avait déjà été jeune semblait planifier leur future vie à deux dont tous les détails semblaient devoir être prévus. C'est pas tout le monde qui aime le rock'n'roll.
Elle : Elle en avait vu d'autres et n'en était pas à sa première élaboration de contrat.
Lui : Probablement en deuil de sa mère, il s'en cherchait une autre.
À chaque clause, elle lui demandait : " Comprends-tu? " avec sa variante " Tu comprends? ".
Moi, les gens qui me demandent toujours si j'ai compris, ça me tue.
J'ai essayé d'envoyer des ondes au quinquagénaire endeuillé pour qu'il réponde quelque chose du genre : "Me prends-tu pour un cave, tabarnac? ". Mais ça n'a pas marché. C'est dommage que je sois si poche à envoyer des ondes.
Je devais rejoindre un couple d'amis au théâtre pour 19h30. En route, je rencontre un copain de l'Ouest, un cowboy évidemment. Ça m'étonne toujours de rencontrer des gens d'ailleurs ici. Surtout un cowboy.
Je me suis trompé de théâtre un peu. Vers les 19h40, mon cellulaire sonne. Je me dis que c'est eux qui se demandent ce que je fous. Non, c'est un gars de par chez-nous à qui je m'empresse de demander où est le théâtre en question. Il me renvoie encore à celui d'où je viens que-je-sais-que-c'est-pas-le-bon. Finalement, je me mets en marche en direction de la ville voisine et je trouve. Fin de la parenthèse.
Je vois Vincent Rivers. Je pense à une ancienne collègue en me disant qu'un jour elle va boire son gin sec elle aussi. La pièce ne ménage ni les mères, ni les préjugés. Au sortir, c'est une tempêtette qui s'excite sur la ville. Ça me plaît beaucoup. Je marche. Je pense aux préjugés. Je pense aux mères aussi. Je me dis que si j'avais été gay, ma mère à moi elle m'aurait aimé comme ça. Peut-être même un peu plus. Elle aurait probablement eu le reflexe curieux de prier pour la forme. Mais pas longtemps parce que ma mère n'était pas vraiment pieuse.

19. Visite chez les cowboys

mardi 6 février 2007

Je suis dans l'Ouest canadien depuis dimanche après-midi. C'était la première fois que je prenais un taxi et que les bouches d'aération étaient calfeutrées avec du carton. Il fait froid ici, est-ce que j'ai besoin de préciser?
Me voilà encore une fois confronté à rencontrer un tas de gens avec qui je vais passer quelques jours. Tout le monde se connaît, je suis le petit nouveau. C'est facile pour eux de se souvenir de mon nom, c'est l'enfer de me souvenir des leurs. J'ai rencontré une Judy le premier soir et j'étais quasiment déçu d'apprendre qu'elle prenait sa retraite le mois prochain parce que c'est la seule dont je me souvenais du nom.
On est allés faire une randonnée hier soir et souper dans un centre d'interprétation aborigène de l'endroit. À chaque fois que je viens dans l'Ouest, je me tape une soirée de contes traditionnels par un "elder" de l'endroit. Signe des temps, le "elder" d'hier soir accompagnait son récit d'une présentation Power Point. Ça fait changement.
On a aussi eu droit à de la "cowboy poetry", art avec lequel je n'étais pas familier. En gros, ça consiste à raconter une histoire en vers dont la rime est très approximative mais en bougeant les mâchoires le moins possible.
Je crois avoir déjà partagé le fait que je suis beaucoup plus jeune que mes collègues. Ce congrès témoigne que je suis également une exception à l'échelle du pays. Dans cette organisation, on reste longtemps. Très longtemps. Je mentionne ce fait pour mettre en contexte la bévue d'hier soir.
Quand on est arrivés au centre d'interprétation, l'autobus nous a descendu le plus loin possible de l'édifice, tout au fond du stationnement qui n'avait pas été déneigé depuis le mois de septembre dernier. La procession s'est mise en branle à la queue-leu-leu mais d'une lenteur hallucinante. Du genre qui me donnait l'envie de faire beep-beep et de passer devant tout le monde. Quand j'ai aperçu les hôtes dans l'entrée principale qui regardaient venir ce curieux cortège, j'ai dit tout haut, en anglais svp : "Ils doivent croire que c'est un Club d'Âge d'Or qui débarque!"
Personne n'a ri.

18. Carnaval

vendredi 2 février

Ce matin, je suis parti pour Québec. J'ai oublié mon livre mais c'est mieux que d'avoir oublié ma carte d'identité ou l'heure du vol. D'ailleurs, j'en fais maintenant une vraie obsession.
À bord, j'ai lu le magazine En route. J'y ai appris qu'on a ouvert une succursale de Starbuck's dans la Cité interdite. Ça m'a déprimé un peu et je me suis endormi.
À Québec, c'est le Carnaval. Il fait un temps superbe après une semaine de grands froids. Les rues sont sales. Ils vont salir leur Bonhomme, c'est certain.
Les trottoirs et les endroits publics sont bondés de touristes qui ont tous l'air plus
Américains les uns que les autres. Le chauffeur de taxi me rassure : il parait que ce sont des Ontariens. Je ne suis pas certain qu'il fait la différence entre les deux. De toute façon, qui qu'ils soient, ils seront bien servis. Sur Grande Allée, il y a le Icecothèque mais pas de Glacecothèque. Je comprends pas.
Ça me rappelle qu'il y a un Starbuck's dans la Cité interdite et je décide d'aller me coucher.

17. Résolution

1er février 2007

Un mois déjà. Le temps a passé vite et si c’est un signe, les prochains fileront à toute allure aussi.
Au bureau, c’est le bilan. On ose parler de ce qu’on a tu pendant tout le premier mois de l’année de peur de susciter des envies, de faire flancher les autres : on parle de la victoire sur la cigarette. D’emblée, les hommes admettent qu’ils ont lamentablement échoué. Ils ne prennent même pas part à la discussion : ils se défilent en douce pour aller fumer sous le parapet de l’entrée principale. Le technicien en informatique mène la file, évidemment.
Il reste les femmes dans la salle à manger. Et moi, observateur silencieux. Une par une, elles admettent avoir flanché à un moment ou un autre. Parfois plus d’une fois. À trois heures du matin. Dans l’auto, pogné dans le traffic. Après le sexe. Gros éclat de rire.
La fameuse « patche » n’a pas eu l’effet escompté. Elles l’ont toutes essayé pour quelques jours mais n’appréciaient pas le mauvais goût dans la bouche ou le contact avec la peau. Certaines ne pouvaient pas dormir avec ce truc collé aux endroits les plus suspects. Une a admis avoir eu envie de la lécher; l’autre de l’enlever pour la rouler et la fumer.
Elles racontent leurs trucs. Elles rivalisent d’ingéniosité pour éviter d’y penser, changer leurs habitudes pour que la tentation ne soit pas trop forte. Ces trucs ont tous un point en commun : manger. Elles ont remplacé la cigarette par une grande variété d’astuces, toutes reliées à la bouffe.
Je les écoute, je rigole quand c'est le temps. Je pense : "Oh shit, elles vont toutes être grosses."

16. Prendre sa place

mardi 30 janvier 2007

Le bureau a la particularité d'être éloigné des restos donc tout le monde y bouffe dans une grande salle commune, si commune qu'on l'appelle la salle à manger.
Les premiers jours, je n'y ai pas pensé et je me suis assis machinalement avec les quelques personnes dont je réussissais à me souvenir des noms. Je n'ai pas pensé - j'y arrive - que quand on commence à s'asseoir à un endroit, on y reste.
Après une semaine, imaginez que j'aurais décidé de changer de place. Tout d'abord, je me serais assis avec ceux dont je ne connais pas encore les noms et ils auraient été blessés que je ne souvienne pas de leurs noms après une semaine. Ou ils m'auraient trouvé idiot, ce qui n'est pas plus souhaitable.
Et les autres. Les autres, dont je me souviens du nom, se seraient sentis trahis, abandonnés et auraient conclu que je les trouvais plates.
Le bilan : Je me serais retrouvé assis à perpet. avec une gang dont je ne connais pas les noms en me faisant mitrailler du regard par ceux dont je connais les noms.
J'ai choisi la sécurité. Après bientôt un mois, je dois me résigner que je resterai assis à cet endroit jusqu'à ma retraite. Je souris en passant à ceux dont je ne connais pas les noms, juste au cas des fois que la chicane pognerait à ma table. On ne sait jamais.
Au fait, il me vient un terrible doute tout à coup. Et si j'avais pris la place de quelqu'un d'autre?

15. Une dose de maturité

lundi 29 janvier 2007

Il faisait plutôt beau ici.
Je suis allé visiter des open houses et ça m'a augmenté le stress d'un cran à songer à toutes les prochaines étapes qui s'en viennent.
Je suis allé souper chez des amis et ça m'a vieilli d'un cran à songer à tous les changements qui nous tombent dessus sans crier gare.
Je suis revenu à la maison et j'avais le courriel d'une amie qui m'annonçait le grand départ d'un proche. Ça m'a fait songer qu'on est là que pour une petite visite et que ce serait pas trop bête d'en profiter.
Les maisons que j'ai visitées m'ont paru moins chères.
La maturité qui vient avec l'âge rend les discussions avec les vieux amis tellement plus profondes.
La vie m'a paru moins conne. Je suis sorti prendre une marche. Une longue marche.
Ici, les mendiants ne manquent pas et rivalisent d'astuces pour vous extirper quelques sous.
Le premier m'a raconté - il pleurait pour de vrai - qu'il était venu visiter son frère. Ce dernier ayant déménagé, il n'avait aucun moyen de le rejoindre. Mais si je lui donnais 35$, il pourrait prendre l'autobus pour Montréal et retrouver le reste de sa famille. J'ai passé mon tour.
Plus loin, une dame fort bien vêtue accrochait tout le monde en leur disant qu'elle n'était pas une mendiante. Simplement, son mari et les enfants étaient rentrés à l'hôtel et elle avait besoin de 25¢ pour téléphoner. Ou de 10$ pour un taxi.
Il y avait des options quand même et les deux étaient nettement moins cher que le premier au frère disparu. J'allais opter pour le téléphone à 25¢ quand un passant lui a dit : Ça fait deux ans que tu les cherches, c'est pas 25¢ qui va t'arranger ça. J'ai compris et j'ai passé encore une fois.
Ce matin, j'arrive au bureau. Une dame arrive de dieu-sait-où et me demande si je travaille dans la boîte. Oui, que je dis. Elle me demande si elle peut aller aux toilettes vu qu'à côté, les tuyaux ont gelé et qu'ils ont pas d'eau. Elle est au bureau depuis 7h et à 8h30, elle n'en peut plus et son patron va arriver bientôt pour appeler l'entretien. Elle parle et moi je l'imagine en train de dévisser un robinet pour aller le vendre sur le marché noir. J'ai songé pour un instant à lui donner 25¢.
Heureusement que je l'ai pas fait. Elle travaille pour l'association apostolique communautaire des évêques chrétiens d'à-côté et elle m'aurait réclamé dix piasses.

14. Billet de saison

vendredi 26 janvier 2007

Le théâtre est une chose qui m'a manquée Là-bas. En français, bien entendu. Ici, ça existe et j'ai décidé de m'abonner à la saison en cours.
Les choses simples ne le sont que rarement. Il ne semble pas y avoir de billets de saison à cet endroit. Je lui ai donc demandé un billet pour la prochaine représentation.
- Vous êtes intéressé à la carte Liberté?
Je demande ce que c'est puisque je sais déjà que ce n'est pas un billet de saison. Il n'y en a pas : elle me l'a dit.
- La carte Liberté vous permet d'économiser sur les spectacles.
Tiens, tiens.
- Pour cent dollars, vous économiserez six dollars sur chacun des cinq prochains spectacles.
OK. Je n'étais pas le meilleur en mathématos mais il me semble que mon cent dollars va finir par m'en coûter soixante-dix. Je lui partage cette équation, comme ça, pour voir.
- Oui mais si vous apportez une personne âgée ou un adolescent avec vous, ils bénéficient de rabais eux aussi avec votre carte. Et plus vous en apportez avec vous, plus vous économisez.
Je me vois déjà en train de ramasser pour soixante-dix dollars de ti-vieux et d'ados boutonneux, question d'en avoir pour mon argent avec ma carte Liberté. Je lui dis que, bon, ça va, je vais prendre un billet. J'ai envie d'analyser tout ça à tête reposée, que je lui dis.
- Mais si vous avez trois personnes âgées avec vous et deux adolescents, c'est une économie de trente dollars.
Je lui dis que j'ai un peu mal à la tête et que je veux juste un billet. C'est un peu vrai parce que le sens venir.
Si elle joue dans la pièce, quelque chose me dit que ça va être bon.

13. D'hier à aujourd'hui

mercredi 24 janvier 2007

Je commence par hier puisque chronologiquement, hier vient avant aujourd'hui et ça risque d'être moins mêlant.
Je suis parti de Là-bas tôt le matin pour venir Ici. Vol sans histoire, pour une fois, rien à se plaindre.
À l'atterrissage, au bout de l'aile, le soleil se lève. Comme je n'ai pas grand chose à faire, je me surprends à vérifier le temps qu'il prend à poindre complètement. Je calcule dans les sept minutes trente secondes, ce qui m'inquiète un peu car il me semble qu'on avait appris à l'école huit minutes douze secondes précisément. Comme quoi le soleil fait bien ce qu'il veut.
Il finit par se tirer en l'air au moment même où l'avion se pose sur la piste. Je n'aime pas beaucoup les coincidences sans incidences. On roule, balourd engin pas fait pour rouler. C'est quand même merveilleux de m'être levé Là-bas et de me retrouver Ici, à l'heure pour le boulot, fuseau horaire aidant.
Ce que j'ai pas dit, c'est que le soleil il m'a foutu un petit cafard passager. Je repense à Là-bas, au petit bécot que j'ai laissé sur le front de ma grande adolescente qui s'est endormie avec un popsicle sur le divan du sous-sol et qui sent encore si bonne (ndlr-sic) que j'ai envie de la bercer à chaque fois. Je pense au chien, au chat qui veulent se frayer un chemin jusqu'à elle dans la quiétude du matin mais qui vont mener un boucan d'enfer si je les laisse passer. C'est de voir la connivence qui s'installe entre ces deux-là quand ils trament un plan pour se faufiler là où ils n'ont rien à faire! Toujours en train de se battre mais joyeux larrons quand il s'agit de faire ouvrir une porte défendue.
Petit cafard me donne l'air d'un grand veau prêt à chialer pour me retrouver Là-bas. Cibouère que c'est donc difficile d'être heureux...
La journée s'annonce calme au bureau. V'là tu pas qu'une amie téléphone : dans un seul souffle, elle me raconter une histoire abracadabrante qui explique pourquoi elle ne m'a pas appellé avant et m'invite à souper avec l'autre qui débarque en visite et que j'ai connue avant la guerre. Avec elle, pas question de discuter du plan. Un plan, c'est un plan et un plan ça se suit, surtout si c'est elle qui l'a créé. On rigole toujours elle et moi. On rigole au point que j'ai vraiment l'impression d'avoir engoté trois verres de vin avant la fin de son appel. Je me retrouve en route pour chez elle avant même d'avoir compris ce qui m'arrivait. Au volant, son conjoint que j'ai rencontré une seule fois avant l'invention du micro-ondes. À côté, l'amie-venue-d'ailleurs que j'ai rencontré avant mon service militaire. J'ai la brève inquiétude d'être monté dans la première auto qui passait sur ma rue mais je me rassure : tout le monde parle français.
Après l'hier vient l'aujourd'hui. Après le boulot, je suis allé souper avec une amie genre grande-soeur. Contrairement à bien d'autre, je ne me souviens pas à quand remonte cette amitié ni à quel moment précis elle a pris forme. J'ai bien enseigné à sa fillette, mais là on remonte à l'ère du Néanderthal. Je me souviens vaguement d'une carte d'affaires sortie des limbes, d'un appel et qu'on a repris les choses où on les avait laissées, c'est-à-dire nulle part.
Je n'en parle pas mais je suis à peu près certain qu'elle est un peu sorcière. J'ai quelques amis qui sont un peu magiques et j'aime bien. D'ailleurs, tout le monde devrait avoir une amie sorcière. On réfléchit bien avec ces gens-là.
De retour à l'appart, j'ai un appel d'un copain. On avait perdu contact depuis un ou deux ans. On se met à jour sur nos trajets respectifs. On cause comme des gamines pendant une grosse heure qui passe vite. Il traîne une histoire d'amour avec une chanteuse d'opéra depuis bien longtemps et ça progresse à pas de tortue. Ma vie est plate à côté de la sienne.
On va se voir en mars bicause il vient Ici et on va en profiter pour peindre ma rue en vert.

12. Fin de semaine

dimanche 21 janvier 2007

Je vous épargnerai cette fois les péripéties que j'ai vécues samedi matin pour prendre l'avion car c'est tout à fait désolant. Disons simplement que sans porte-monnaie, donc sans permis de conduire avec photo, il n'est pas possible de monter à bord et ce n'est pas de la rigolade. J'ai bien essayé ma carte Optimum de Shoppers Drug Mart mais rien à faire. Ils ont été gentils quand même de recéduler un autre vol plus tard dans la journée sans frais. Je devais avoir l'air tellement débiné qu'ils ont décidé de ne pas en rajouter.
Je passe une belle fin de semaine avec mes deux filles. Nous avons fait un souper du dimanche soir comme je les aime. J'espère que ces moments vont continuer d'arriver régulièrement car j'aime bien me retrouver avec elles.
Je suis aussi allé voir Night at the Museum que j'ai trouvé bien amusant dans son genre. Une fois passé l'absurde du scénario, on plonge là-dedans et on oublie tout. C'est pas endormant, c'est déjà ça. Et c'est tristounet vers la fin, un peu waltdisneyien, juste comme j'aime ça.

11. Cinéma

jeudi 18 janvier 2007

Chaque ville semble avoir son vieux cinéma. Ma nouvelle ville n'est pas une exception et je me suis retrouvé dans une salle qui ressemblait étrangement à toutes les vieilles salles que j'ai visitées. Quand je me suis assis, j'ai crû pour un instant que je disparassais de la surface de la planète et que je ne reverrais plus jamais l'écran.
J'étais avec une bonne amie de là-bas qui se retrouve ici elle aussi, preuve irréfutable que le destin est bien imprévisible.
The Queen, c'était le film. Ça fait faire un retour à l'été 97. Quelques scènes questionnables et incongrues. Faut dire que je n'avais jamais imaginé la reine au volant d'une Jeep en train de faire du dune-buggy dans les rivières. Pas plus que je n'avais songé un seul instant à un Tony Blair qui vit dans un 3½ crasseux alors qu'on déménage nos Premiers Ministres au 24 Sussex au premier matin de leur élection.

10. Météo

mardi 16 janvier 2007

Ai-je dit qu'il faisait beau dans ma nouvelle ville? Ben c'est fini. Fait frette maintenant et le gros tapis blanc est partout.
Derrière mon édifice, le petit chemin qui mène à mon arrêt d'autobus est devenu un genre d'Himalaya-wannabe. La brèche dans la clotûre est un canyon perdu derrière le Mont Logan qu'a laissé une charrue morte de rire.
Il fait frette à se les geler. Ma passe d'autobus a fendu en deux quand je l'ai sortie de son petit compartiment. On parle de -28 avec le facteur éolien.
Parlant de facteur, je suis allé m'acheter des timbres avant de partir. Ça fait deux semaines que j'ai une lettre dans mon sac à dos mais j'attends toujours une hausse du coût des timbres pour en acheter. Y'a plus de prix sur les timbres. Juste un curieux tappon dont je n'ai pu distinguer les formes sans mes lunettes (avec mes lunette non plus d'ailleurs). J'ai demandé à la commis bilingue pourquoi il n'y avait pas de prix sur les timbres qu'elle m'avait remis. Il aurait fallu qu'elle parle français pour que ce soit plus confus que l'explication qu'elle m'a fournie. J'ai quand même compris que ces timbres-là seraient encore bons quand on y imprimerait la face du Prince William.
C'est plate mais juste au moment où j'ai repris la correspondance écrite traditionnelle qu'on écrit avec un stylo qu'on aime sur du papier qu'on aime et dont on lèche la colle qu'on aime pas de l'enveloppe dont on a pas vraiment d'opinion, voilà que les timbres n'ont plus de prix d'écrit dessus. Juste un tappon inscriptible.
Que c'est donc difficile de perpétuer les traditions...

9. Premier retour

dimanche 14 janvier 2007

Je suis venu passer la fin de semaine chez moi, revoir ma fille, revoir mon chum, revoir la ville. Mon chien, ma chatte. À peu près dans cet ordre là.
Je suis parti samedi matin aux petites heures pour me rendre à l'aérogare. Désormais grand habitué des autobus de la ville, j'étais bien déterminé à m'y rendre sans qu'il m'en coûte un sous : j'ai ma passe après tout, dans la pochette de mon sac à dos, bien rangée. Le soir d'avant, je me rends sur le site Web du réseau d'autobus, je tape l'heure de mon vol et j'ai le trajet à suivre. Un seul autobus, ciel que c'est simple...
Comme je dois quand même me réveiller très tôt, je ne prends aucun risque. Je programme mon Palm qui constitue mon réveil habituel. Je programme aussi mon cellulaire pour qu'il trompettine à la même heure. Deux réveils valent mieux qu'un. Je dors donc tranquille et tout ça sonnne comme prévu une demi-heure avant que l'autobus ne passe. Je me prépare sans même rusher, je descends dans la rue tranquille. Il est 5h45 et il est tombé une fine neige. Les roues de ma valise font comme des rails de chaque côté de mes pas.
Calvert! Mon vol est à 6h45 et au lieu de prévoir être là une heure avant, j'ai tapé l'heure du vol, crisse de môron, d'épais de ciboire de con. Même pas une heure avant le départ et je suis là la contempler les tites-roues de ma tite-valise dans la maudite neige à marde.
D'où est sorti ce taxi, j'en ai pas la moindre idée mais toujours est-il qu'il passait. Je lui fait signe (genre la valise au bout des bras en hurlant) et comme s'il se doutait de quelque chose, il tourne de bord dans la rue et se stationne direction sud, direction aérogare.
Le reste de l'histoire est prévisible : je vous ai déjà donné le punch puisque je vous ai dit que je m'étais rendu à destination. De justesse quand même.

8. Réunion de bureau

mercredi 10 janvier 2007

Première réunion du personnel cadre ce matin.
Sur un ordre du jour, rien ne ressemble plus à point sur le site Web qu'un autre point sur le site Web d'un autre ordre du jour de n'importe quelle organisation. J'avais une intense impression de déjà-vu mais un déjà-vu trois ou quatre fois déjà, dans à peu près toutes les organisations pour lesquelles j'ai travaillé.
Réunir un groupe de directeurs autour de la question de l'apparence et de la structure d'un site Web équivaut à peu près à sortir quelques bambins des boules chez Ikea pour les asseoir avec des ingénieurs de la NASA sous prétexte qu'on les a surpris à construire des fusées en Légo. Tout ça pour les consulter sur un nouveau moyen de propulsion des navettes, thermodynamique* si la chose est possible. (*C'est un nouveau mot que j'ai appris en fin de semaine et que j'essaye de ploguer depuis.)
La webmestre avait quand même du caractère et s'était bien préparée aux conneries qu'elle allait entendre. Je l'ai quand même vu faiblir d'un cran quand j'y suis allé des mes propres idées sur la cyber-chose. Elle s'est pratiquement affaisée quand mon patron a trouvé que j'avais des bonnes idées... Je soupçonne qu'elle soit sur la grosse brosse à l'heure qu'il est.

7. Premier bilan

mardi 10 janvier 2007

Déjà une semaine... Bilan somme toute positif.
1. Je prends l'autobus en sifflotant et je n'ai pas couru après une seule fois. J'ai compris que les sièges latéraux sont inconfortables pour lire : tu penches à gauche, tu penches à droite, ben tannant. J'ai encore l'obssession de perdre ma carte que je mets pourtant toujours dans la même poche de mon sac à dos quand je m'asseois. Je vérifie plusieurs fois pendant le trajet et elle est toujours là. Pour une raison ou pour une autre, je suis convaincu qu'un jour, je vais monter à bord, la montrer au chauffeur et la lancer sur le trottoir d'un grand geste théâtral pour qu'elle se ramasse sur le trottoir. Quand j'y pense, j'ouvre la pochette de mon sac à dos pour vérifier si elle est bien là.
2. Le boulot me plaît bien. Les collègues sont ben corrects. J'arrive d'un souper chez mon patron qui avait invité tout le personnel cadre. Ça fait du bien d'être le plus jeune, le beaucoup plus jeune mais ça a aussi ses désavantages. Ils ont parlé de golf toute la soirée et des meilleurs terrains un peu partout dans le monde. (C'est pas qu'en vieillissant je prévois aller jouer au golf en Roumanie mais vous comprenez le point que j'essaye de faire...)
3. La ville est très agréable. Je crois exercer un certain pouvoir sur la météo car je n'ai qu'à vanter le beau temps ou à mettre des souliers pour aller travailler pour qu'il se mette à neiger. Autrement, il fait très beau.
4. Mon appartement est assez bien installé. Il me reste quelques bidules à installer mais si je m'en suis passé pour une semaine, il y a de bonnes chances pour que mon subconscient enregistre que ce n'est pas urgent.
5. J'ai suffisamment d'amis ici pour me faire une vie sauciale bien remplie. Les activités ne manquent pas mais le temps, lui fait souvent défaut pour tout faire ce que je souhaiterais faire.
6. Avec tous les meubles Ikea que j'ai dans mon appartement, je vais me louer une table dans un marché aux puces au printemps pour vendre toutes mes allan keys (et quelques morceaux qui restent aussi).

6. Le câble

dimanche 7 janvier 2007

C'est un soleil de plomb qui m'a tiré des bras de Morphée ce matin. J'étais bien décidé à faire le petit ménage nécessaire aujourd'hui mais un tel beau temps me disait que le ménage pouvait attendre. Je n'ai pas été très difficile à convaincre.
J'avais réussi avec succès à installer la maudite boîte digitale du câble hier et je n'étais pas peu fier. J'ai donc quand même pris le temps de pitonner un peu pour voir tout ça. Y'a tellement de chaînes là-dessus que j'aurais pu y passer la journée facilement si je n'avais pas été autant attiré par l'idée d'aller marcher en ville. De toute façon, après un bout de temps, on se lasse de Michigan Matters et de Sounds of India...
Au centreville, c'était carrément l'été. Quelques restos avaient même sortis les tables sur les terrasses. À l'extérieur, les marchands ont dû prendre des coups de soleil, c'est certain. Ceux qui vendaient des tuques et autres lainages à pompon avaient l'air complètement hébétés et les gens les regardaient bizarrement.
Pour le patinage sur le canal, il faudra repasser.

5. Visite à la mecque

samedi 6 janvier 2007

Première fin de semaine seul ici dans la grande ville.
Je me suis réveillé assez tôt avec une seule idée en tête : laisser de côté tous les guides d'instruction pour la connexion digitale du câble, de l'internet et de la nouvelle télécommande multifonctions et partir pour la mecque du consommateur : IKEA.
Pas rasé, pas douché, sans manger, me voilà à l'arrêt d'autobus, le coeur palpitant à l'idée de me retrouver au monde de la gugusse en kit avec l'idée de m'acheter un pupitre et une chaise pour travailler.
Une fois l'autobus en branle, je reprends tranquillement mes esprits. Rendu là-bas, premier arrêt : la cafétéria pour le déjeuner à 1$. Le principe de l'assemblage en kit est bien présent là aussi car quand j'ai fini par acheter les confitures suédoises, le café sans précision d'origine et quelques autres accompagnements, tout ça a fini par me coûter le prix d'un déjeuner ordinaire de la binnerie du coin.
Je me lance ensuite à l'aventure d'acheter ce dont j'avais besoin, en y rajoutant un panier à linge sale - assez génial dans son genre faut le dire - une petite lampe et quelques autres bébelles inutiles et je me mets à la queue d'une file assez impressionnante pour un samedi matin. Rendu à la caisse, pas de porte-monnaie. À l'appart. le porte-monnaie.
Re-autobus, re-appart. re-autobus, re-Ikea. La file qui m'avait étourdi ce matin a pris des proportions indescriptibles. Faut vraiment être décidé. Je suis le prochain à la caisse, j'ai mon porte-monnaie. Je positionne les articles dans le panier pour être certain qu'elle pourra zieuter mes codes à barre correctement. Que je suis donc un bon client! Horreur, la maudite chaise que j'ai acheté se vend de toute évidence en deux parties : je n'ai que la base!
Je roucoule au client qui me suit s'il accepte que je me garroche chercher la pièce essentielle qui me manque. Ouf, je reviens de justesse : le trou de cul est en train de tasser mon panier.
Et voilà, j'ai tous mes achats. Il ne me manque que le taxi pour rapporter tout ça et il se fait attendre une bonne demi-heure. Je me fais une note personnelle de rappeler à tous mes amis de la région que plus personne ne doit aller chez Ikea sans m'avertir au préalable.
Je vous fais grâce de l'assemblage des meubles en question tellement ce serait un cliché lamentable.
J'ai tout juste le temps de finalement m'occuper de ma personne et des amis viennent me chercher pour souper ensemble. Après 17 ans d'éloignement, on se retrouve comme si rien n'avait changé : on rigole à se faire crisser dehors d'un endroit si respectable.
Je suis de plus en plus convaincu que je vais bien me plaire ici.

4. Les écureuils

vendredi 5 janvier 2007

La secrétaire avec qui je travaille était malade aujourd'hui. Étant donné que la dernière avait fait un crise cardiaque après un mois avec moi, disons que ça m'inquiète un peu.
J'ai finalement trouvé la brèche dans le grillage, le trou dans le mur, la fente dans la clôture. C'est vrai que c'est encore plus court pour me rendre à mon arrêt mais je dois passer sur des rues résidentielles. C'est pas que c'est un problème mais sur le boulevard, il y avait pas d'écureuils.
J'aime pas les écureuils d'Ottawa. Et ils le savent. En fait, j'aime pas les écureuils en général depuis que j'en ai trouvé un mort dans ma remise. À Ottawa, ils sont gros. Énormes. Mon chien Gaston aurait peur d'eux lui aussi, j'en suis certain. Ils sont presqu'aussi gros que lui. Un écureuil, c'est un rat avec une queue touffue : c'est la drag queen des rongeurs.
Il y en a partout. Ils me regardent et ils ont l'air de dire : tu nous aimes pas hein? on te fait peur hein? ben r'garde nous aller, on va courir partout pour t'énarver encore plusse...
Et ils courent partout comme s'ils avaient un autobus à attraper...

3. L'autobus

jeudi 4 janvier 2007

Ce matin, j'avais l'air d'un vrai habitué : trop beau de me voir aller. J'ai même compris pourquoi tout le monde a des écouteurs dans les oreilles. Moi, le cave, j'attendais d'être bien assis dans l'autobus pour sortir mon petit transmetteur radio que ma fille m'a offert à Noël. Et je me tapais tous les mendiants qui quêtent dans le coin pendant que les autres sifflotaient distraitement comme s'ils ne les voyaient pas. Hier, en revenant à la maison, je me suis fait accrocher par un bonhomme qui voulait précisément soixante cents. Il m'a expliqué en long et en large qu'il avait les mains sales, signe tangible qu'il travaillait dur mais que - allez-donc savoir pourquoi - il lui manquait son foutu soixante cennes. Et moi j'essayais de m'en débarasser mais il ne me laissait pas parler. C'est la version ottawaienne des vendeurs en série qui nous harcèlent au téléphone à l'heure du souper...
Je reconnais même quelques passagers qui semblent avoir le même horaire que moi. D'abord, il y a le Grand Nez qui se pointe au coin de ma rue et qui marche à grandes enjambées vers l'arrêt. Il me sème vite mais je le retrouve rendu là-bas. Ensuite, il y a la petite madame à la tête toute crotonnée qui semble se donner une permanente à tous les matins comme si sa douche crachait du Tony. Et une vieille dame dont le visage est plissé comme le raisin qui traîne toujours dans le fond du sac qu'on achète à l'épicerie et qu'on a pas remarqué quand on les a achetés. Elle est très digne et marche toujours la tête très haute, presque renversée par en arrière. Où elle va à sept heures et demi du matin?
Au bureau, c'est presque déjà la routine. Quand j'arrive, le technicien informatique est en train d'en griller une dehors devant l'entrée. D'ailleurs, il est là le soir aussi et il est là également à chaque fois que je passe dans le coin. Au moins, je saurai où le trouver si j'ai des problèmes avec mon ordi.
Au midi, je me suis retrouvé avec la même gang, à la même table, aux mêmes places. Cinq francophones, une anglaise. On parle un joyeux mélange bilingue et on essaye de la garder dans le coup quand on rit trop. Aujourd'hui, c'était un peu compliqué parce que j'ai appris deux nouveaux mots du coin. Une moumoute, c'est un tapon de minous sous le lit qu'on balaie pas souvent. Une tarte à la minoune, c'est un dessert à base de caramel (qui doit ressembler à une tarte, je suppose.)
Personne n'a cru nécessaire d'expliquer ces nouveaux mots à l'anglaise.

2. Je m'installe

mercredi 3 janvier 2007

Je me suis fait installer le câble et l'internet à l'appartement hier soir. Ces choses simples ne sont jamais faciles et la soirée y est passée. Et ce n'est pas fini puisque je dois retourner chercher et installer un bidule moi-même en fin de semaine. Bon. Au moins, je suis connecté avec le monde.
J'ai dîné avec la petite gang du bureau. Faut dire que le bureau est situé dans un genre de parc industriel entre une usine de tuiles de céramiques et la coalition apostolique des évêques chrétiens. Ou quelque chose du genre : j'ai pas bien lu parce que l'affiche me fait peur et je crains qu'ils ne découvrent que je travaille dans le coin.
Donc, j'ai dîné avec des collègues dont j'essaie de me souvenir des noms au prix d'efforts qui me coupent l'appétit. C'est qu'il y a des limites à se présenter trois fois à la même personne comme si c'était la première fois qu'on la rencontrait... Mais tout le monde est patient et j'ai commencé par me concentrer sur mes voisins de bureau que je risque de croiser plus souvent.
Et je vais aussi apprendre très vite celui de celle qui nous a raconté la chicane qu'elle a eu avec sa belle-soeur au party de Noël.

1. Le grand départ

Ça commence bien... Vol annulé lundi soir, je dois prendre un autre vol le lendemain matin. J'arrive donc à mon premier jour au boulot avec quelques petites heures de retard. Étant donné que c'est pas la foule ici au lendemain du Jour de l'An, je me demande même si quelqu'un s'en est rendu compte...
L'autobus n'est pas trop un problème. Je me rends compte qu'en prenant la #8, j'arrive assez près du travail pour ne pas me compliquer la vie davantage. Une vingtaine de minutes de marche me feront du bien. Seul inconvénient pour les poumons : on refait le toit du magasin Leons et ça sent le calvert.
J'entre dans l'édifice où je travaillerai, un collègue me rencontre et me demande comment j'ai trouvé le trajet. Nous ne sommes que trois qui prenons l'autobus alors nous formons une petite gang à part. Il me montre un raccourci qui me sauve les vingt minutes de marche : je peux voir l'arrêt de la porte arrière de l'édifice. Tant pis pour ma mise en forme, il faudra que je revois la stratégie... Il n'est passé au bureau que pour faire du ménage et continue ses vacances toute la semaine. À son retour, il va montrer un trou dans le grillage qui va raccourcir le raccourci encore davantage. L'arrêt continue de se rapprocher : bientôt l'autobus va passer dans les toilettes.
Je trouve mon bureau. C'est rempli de petits messages du genre : Trouve ton intérieur, Respire la vie profondément. Je crisse tout ça à la poubelle.