lundi 19 octobre 2009

127. Sur le gros nerf

Je suis là, étendu sur le flanc, presqu'inconscient. Il m'empoigne une épaule, me colle la hanche au mur et j'entends trois craquements d'os bien distincts. Cric. Crac. Croc. C'est la fin de deux semaines de torture, de douleurs lancinantes, continues. Mon nerf sciatique coincé est finalement libéré, alléluia. Le docteur Rowan est mon héro, je ne sais plus comment le remercier.
C'est arrivé tout bêtement deux semaines plus tôt : six heures d'une conduite inconfortable, un mauvais mouvement et ce fameux nerf, le plus long du corps humain, se coince semble-t-il entre deux vertèbres. L'enfer commence. Au début, je me dis, ben voyons ça va finir par passer. Mais ça ne passe pas. C'est d'épuisement que je m'endors, réveillé quelques minutes plus tard mais cette maudite douleur qui reprend de plus belle. J'aurais donné mon âme au diable, si j'en avais une et s'il existait, sans aucune hésitation pour quelques moments de répit.
Il faut dire que les gens sympathisent beaucoup. Tout le monde a une histoire de dos courbatu, de nerf étiré ou pincé. C'est soit la belle-mère, un beau-frère ou, championnes dans le domaine, les femmes enceintes. Pour ce que ça peut avoir de réconfortant, tout le monde veut ton bien et y va de son conseil. J'ai présentement une liste de physiothérapeutes, de chiropraticiens, de massothérapeutes, de masseurs et de masseuses qui ferait rougir les pages jaunes. Et bien sûr, ce sont les meilleurs, ceux qui ont guéri les beaux-frères enceintes.
À chaque fois, j'écoutais les histoires avec un intérêt non-feint, espérant y trouver un truc miracle, une guérison magique, un "pelule" efficace ou un gourou hallucinogène. J'étais prêt à faire un chèque en blanc à n'importe quel charlatant qui m'aurait fait miroiter une guérison, une quelconque amélioration de ma condition.
Finalement, c'est mon patron qui m'a donné le plus grand espoir. De retour d'une petite vacance, il est passé me voir à mon bureau pour discuter d'un dossier. Devant mon visage grimaçant de douleur, il s'est informé de ma santé et je lui ai expliqué le nerf coincé et tout et tout. Il m'a fait le commentaire qui de tous, m'a apporté le plus grand soulagement : Bof, ça va finir par passer...

jeudi 8 octobre 2009

126. Un taxi (suite et fin)

C'est un peu de ma faute, c'est moi qui avais engagé la conversation au sujet de l'affichage dans l'aérogare.
Mais je n'en demandais pas tant.
On est ensuite passé à la météo du coin. Moi, je lui dis qu'il fait beau à Québec.
Lui, il me répond que c'est vrai, mais que c'est pas une raison pour s'imaginer que l'hiver ne va pas se pointer.
Et l'hiver, il me précise que ce sera son dernier.
C'est vrai que j'aurais pu dire un « ouan » et m'en tenir à ça. Mais du fond de son taxi, je me demande bien pourquoi ce sera son « dernier ». Un cancer? Il est en phase terminale? Alors je ne peux pas m'empêcher et je lui demande : Pourquoi vous dites le dernier?
Alors son visage s'illumine.
Il vient de s'acheter une motorisée. Avec deux pop-outs. Une grosse. Trente-cinq pieds monsieur.
C'est son copain Michel qui l'a trouvé pour lui. Son copain Michel, il a une blonde que mon chauffeur de taxi appelle « sa bibitte ». Là, je me demande si la blonde de Michel aime se faire appeler « la bibitte » mais finalement, ça n'a pas grand chose à voir avec l'histoire.
Michel savait que l'autre se cherchait une motorisée. Par un beau dimanche après-midi, Michel se promenait sur le boulevard Charest quand il l'a aperçue. (On se dirigeait justement vers Charest et il m'informe qu'il va me montrer exactement où était stationnée la motorisée. Pas besoin de vous dire que j'ai hâte.)
Donc, dimanche, Michel sur Charest qui se promène (avec ou sans sa bibitte, j'ai oublié de lui demander) et il tourne autour de la motorisée quatorze fois.
Dans ma tête, il y a eu comme une pause et je ne l'écoutais plus que distraitement. Quatorze? Pourquoi quatorze? Et qui est-ce qui compte le nombre de fois qu'il fait le tour de quelque chose?
La chance dans toute l'histoire, c'est justement que la « bibitte », elle n'aimait pas les grosses. Et trente-cinq pieds, ça tombe dans la catégorie des grosses alors Michel, il ne pouvait pas l'acheter. C'est là qu'il a eu l'idée d'en parler à son copain, qui lui, justement, en cherchait une grosse. Avec autant de pop-outs que possible.
Alors, en passant, j'ai vu « l'emplacement » de la motorisée qu'il a acheté, me suis montré intéressé (ça me dépasse encore), ai regardé le photos de la maison/chalet qu'il serait prêt à « laisser-aller » pour 275 000 $ mais il faut pas le dire à personne car il se peut qu'il essaie de la vendre à 299 000 $ l'été prochain. Alors, chut!

samedi 3 octobre 2009

125. Un taxi dans la nuit

L'aéroport de la ville de Québec a subi d'importantes rénovations. En fait, je crois que plus rien ne reste du hangar qui faisait autrefois office d'aérogare. C'est moderne, ça a l'air d'un aéroport.
La devanture de l'édifice est tout en verre, on dirait que c'est la mode dans les aéroports. Quand on se dirige vers la sortie, il y a 5 ou 6 énormes affiches, à l'intérieur, qui indiquent "taxi" avec un flèche qui pointe vers le bas. Je sais pas pour vous, mais moi quand une affiche a une flèche qui pointe vers le bas, ça veut dire : "Regarde en-dessous, t'es rendu." Si l'affiche veut me dire d'aller plus loin, la flèche pointe vers le haut, faudrait s'entendre là-dessus.
Bref, je me dirige vers la première flèche venue, en me disant qu'il doit y avoir une porte qui donne accès à l'extérieur (en fait, 5 ou 6 portes, une pour chaque affiche...) Sous l'affiche, il y a un banc, pas de porte. Il y a quelqu'un assis sur le banc et ça donne l'étrange impression que toutes les personnes qui sont assises sur des bancs, sous les affiches de taxi, attendent pour un taxi. Qui ne viendra jamais.
* * *
Où j'ai la tête de raconter ça au chauffeur de taxi, je n'en sais trop rien. Je continue de m'étonner à chaque fois que je perds une bonne occasion de me fermer la yeule.
Il m'écoute, et me demande calmement : Voulez-vous que je vous explique pourquoi la signalisation est mauvaise?
Euh.. oui, que je lui réponds.
Il respire d'aise : C'est parce que l'aéroport est administré par des bouffons. Des bouffons, monsieur.
Ah bon. J'entrevois un conseil d'administration composé de clowns, ce qui n'est quand même pas si original que ça.