dimanche 8 août 2010

154. Rose Blanche

Je pensais cet hôtel bruyant et je me suis endormi en rechignant, convaincu que le toot-toot des traversiers et les pétarades des motos qui sont stationnées sous ma fenêtre me réveilleraient. Si tout ce boucan a eu lieu – et il l’a sans doute été – je n’ai rien entendu. Je me suis réveillé sur le tard, reposé comme il y a longtemps que je l’ai été. Pas de chien, pas de téléphone, rien à faire si ce n’est en faire à ma tête.
Je descends au resto de l’hôtel, pas certain de vouloir y manger. J’aimerais bien de l’au-then-tique sans trop savoir de quoi il pourrait bien s’agir. À l’entrée, on annonce des crêpes aux raisins, et ça me convainc que ça doit être une recette locale qui remonte à la colonisation, rien de moins. De crêpes je n’ai pas vu sur le menu : je suppose que c’est un truc pour le brunch, un peu plus tard. Je commande des œufs et des « fish cakes », c’est assez typique à mon goût.
Autour de moi, il y a une longue table de gens de l’endroit. J’en reverrai souvent au cours de mon séjour, car nous sommes en pleine saison touristique, mais c’est aussi la saison du retour des grands déportés qui viennent en vacances dans leur coin de pays. En effet, j’ai noté plusieurs autos de l’Alberta sur le traversier…
Port-aux-Basques, c’est avant tout le port d’accueil des véhicules qui arrivent ou repartent de Terre-Neuve. Bien entendu, du lot, il y a des touristes, mais il y a aussi des marchandises, des gens qui se déplacent par affaires aussi. Je ne crois pas que la petite ville veut vraiment se donner une vocation touristique, mais voilà, les touristes arrivent par bateau, inévitablement. Aux habitants, ça a quand même amené une série de maisonnettes colorées le long d’une promenade de bois au bord de l’eau, avec une vue imprenable sur les gros traversiers de Marine Atlantic. Et un Tim Horton. La file est tellement longue pour le service au volant que la ville a construit une voie dédiée.
Tous ces noms français me titillent et je décide de prendre la direction opposée à mon objectif de voyage pour me rendre à l'Isle-aux-Morts et à Rose-Blanche. Le français est disparu de ce coin de pays mais la toponymie elle, est bien restée. Au phare de Rose-Blanche, je fais le malin et je demande à la guide dans un anglais parfait, ce que ça signifie. Elle me répond que ça vient du français "white rocks" parce que les roches sont blanches dans le coin. (Et là, je me sens vraiment méchant car il n'y a pas plus gentils que les gens du coin.) Je lis plus tard sur une affiche très honnête qu'en fait, ce sont les anglos qui n'ont rien compris. Les francos avaient appelé l'endroit Roche Blanche mais les anglos ont compris Rose Blanche, ce qui donne à peu près raison à la guide du phare - mais qui démontre aussi que l'incompréhension entre anglos-francos ne date pas d'hier.

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