vendredi 4 novembre 2011

187. Aide-toi car personne le fera pour toi

Au fil du temps, autant dans le milieu professionnel que dans mes contacts personnels, j'ai rencontré beaucoup de gens déprimés, vivant une sorte de désespoir pas très clair à mes yeux. Un jour, j'en avais parlé à un patron que j'estimais beaucoup et il m'avait répondu : You know Ronald, only 5% of the people are normal. Je me souviens avoir été choqué par l'énormité de ce qu'il venait de dire. Devant mon air ahuri, il ajoute : Think of the team we work with. This one has slammed the door to the last meeting. This other cries three or four times a day regularly. Je lui ai dit d'arrêter : j'avais compris.
Cette discussion me revient de temps en temps quand une personne me raconte ses problèmes, ses maladies, les choses impensables qu'elle a vécu ici ou là. Comme si chaque chose qui lui arrivait était un malheur personnel insurmontable qui n'arrive à personne d'autre.
À vouloir aider les autres à s'en sortir, il m'est apparu clair que bien des personnes qui ont le mal de vivre attendent un sauveur. Leurs bobos sont des cris qui appellent au secours et ils continuent de s'enliser dans leur misère en se disant qu'à s'enfoncer de plus en plus dans la merde, il va bien finir par se passer quelque chose, quelqu'un va bien finir par les apercevoir et leur donner le coup de main qu'il faut pour s'en sortir.
Or voilà : j'ai l'impression que ce coup de main qu'il faut, c'est plutôt un coup de pied qui leur expliquerait sans trop de frioritures que justement il n'y pas personne pour les aider à s'en sortir et qu'à s'enfoncer comme ça, ils ne vont qu'aller plus creux et qu'il sera de plus en plus difficile de s'en sortir. Seul. Car c'est pas vrai que quelqu'un va passer par là pour les sauver. Le seul vrai espoir, c'est de les trouver toi-même tes solutions mon pote.

jeudi 6 octobre 2011

186. Et si tout ça n'avait pas de sens

Il y a un certain risque à se donner du temps pour penser. La vie nous charrie, nous pousse vers l'abattoir comme des sardines sur la courroie prêtes à être entassées dans une boite de conserve rectangulaire.
Et voilà que tout à coup, j'ai le temps de regarder tout ça d'un autre oeil, ni l'un ni l'autre des miens.
La question de la langue est au coeur de ma vie. La survie du français (si je n'étais pas en vacances, je dirais l'épâââânouissement) est au coeur de ma vie. Elle ne l'a pas toujours été cependant, car j'ai connu des années d'insouciance où tout portait à croire que rien de tout ça n'était en péril.
Mais voilà que je vis en reclus pour une semaine, coupé de tous mes ponts, dans le pays de l'Oncle Sam où ma langue est une anomalie qui va bien réussir à guérir un jour. On me prendrait en pitié en cachette que je n'en serais pas surpris.
Le long des rues hypnotisantes bordées de fleurs recèlant des hauts-parleurs qui diffusent discrètement une musique à vous enliser dans une léthargie certaine, j'entends venu d'on ne sait où Dust in the Wind. Et me voilà devenu cette poussière qui se surprend à être ému sans trop savoir pourquoi, me demandant quel curieux souvenir peut bien éveiller cette chanson qui remonte à la fin de mon secondaire. Je cesse de marcher, j'ai une poussière dans l'oeil voyez-vous. Comment une chanson anglaise peut-elle s'être infiltrée (filtre d'aspirateur, poussière, décidément on n'en sort pas) dans mon intérieur sans que je puisse me souvenir du moment. Comment faire une place à ses souvenirs qui n'ont rien à voir avec le français? Est-ce commettre un péché contre-nature qu'on me reprochera quand je retournerai en poussière (elle était trop facile)?
Si dès lors je me sens coupable de ce flirt irrévérencieux, comment vivront les jeunes d'aujourd'hui qui se laissent pénétrer de toute part par l'Ennemi sans l'ombre d'un remords et en en tirant une jouissance éphémère jusqu'à ce qu'Il pousse encore d'un cran le fantasme dont ils rêvent tous secrètement d'être les protagonistes?
Je retourne à ma marche de santé. Tra-la-la-la-lère...

mercredi 5 octobre 2011

185. Coma volontaire

Je vous confie un secret. Cette semaine, je me tape une générale de ce que j'espère sera ma vie plus tard. Un avant-goût, une avant-première du grand spectacle.
Précisons tout d'abord que j'ha-ghi l'hiver pour m'en confesser. Dès que le froid commence, qu'il faut troquer la gougoune d'été pour la grosse botte feutrée, je me mets à regarder les oies et à les envier. D'ailleurs, je suis certain que les cris qu'elles font sont en réalité des rires gras qui se moquent de nous.
Je pense que j'ai déjà déblatéré sur les choix qu'on fait dans la vie et les choix qui nous sont imposés et qui n'en sont pas vraiment. Si bien qu'avec ma moitié de siècle bien entamée, je me retrouve avec si peu de garanties que je pourrais tout aussi bien avoir dix-huit ans. Il m'arrive d'avoir une petite tempête intérieure qui hurle et qui se dit que c'est pas du tout ce que je voulais, mais voilà, j'y suis. Je suis dans cet ailleurs imprévu avec des souvenirs qui n'ont pas voulu se poursuivre - ou parce que j'ai voulu garder le cap sur un petit bonheur très égoiste dans lequel personne n'a voulu m'accompagner.
Alors il y a bien des chances pour que le reste de ma vie, ce soit ce que je vis cette semaine. Quand les oies quitteront le Canada, je les suivrai. Elles auront fini de rire de moi. Les journées couleront paisiblement et tout à coup plus rien ne sera urgent. Je dormirai et me réveillerai quand bon me dira. Je mangerai au soleil avec un chat qui dort sous la table, un perroquet qui se tape un contenant de beurre d'arachide tous les matins, un très vieux chien qui déambule sans trop savoir où il en est et deux tortues qui cherchent désespérement la mer. J'irai à la plage de temps en temps, mais je n'en ferai pas une obsession puisqu'elle sera toujours là et qu'il fera à peu près toujours beau de toute façon. J'écrirai aussi, c'est la seule discipline à laquelle je me contraindrai. Et je lirai beaucoup, quand j'en aurai envie, à profusion.

mercredi 14 septembre 2011

184. Quand la nuit pose trop de questions

On s'est tous déjà fait dire que la nuit porte conseil. J'arrive d'une grande marche pour tenter de voir quel conseil elle a bien pu vouloir me donner la nuit dernière. D'abord, je vous mets ça en contexte. J'arrive d'une fin de semaine de réunions et je me suis tapé un vol aux petites heures du lundi matin pour une réunion à l'extérieur de la ville, avec retour au clair de lune mardi soir. Devant mon horaire bien gras et débordant de la ceinture, mon copain m'a suggéré de prendre le chien avec lui, de garder le chien à mon retour, bref : de me laisser dormir paisiblement pour une nuit complète dans mon propre lit sans chien qui gratte à la porte pour sortir aux petites heures (je le soupçonne de n'avoir aucun besoin naturel autre que celui de sniffer les buissons, ce qu'il pourrait tout aussi bien faire un peu plus tard, mais là n'est pas mon sujet.) Tout ça pour dire que je me suis couché hier soir avec la perspective agréable de dormir du sommeil du juste aussi tard que possible puisque je n'ai pas d'engagement au bureau avant cet après-midi.
J'avais même pris soin de débrancher le téléphone, juste au cas où il y aurait un décès dans la famille et qu'on déciderait d'interrompre mon sommeil pour m'en aviser, en me disant que ça peut bien attendre à mon réveil.
Sauf que voilà qu'à 3h du matin, genre, je fais un rêve inexplicable. Comme tous les rêves, il s'est estompé un peu depuis. Mais en gros, il y avait eu un meurtre dans l'appartement où je vivais. Je me souviens vaguement qu'il s'agissait d'une jeune femme dont il fallait se débarrasser pour obtenir un héritage quelconque. Je me souviens aussi que c'était un homme assez corpulent qu'il a fallu mettre dans un sac poubelle en attendant de savoir quoi en faire. Ne cherchez pas le lien entre les deux, je n'ai pas réussi à le trouver. Ce n'est qu'un détail dans le rêve de toute façon. L'essentiel du rêve, c'était de me débarrasser du sac poubelle qui était tout bêtement dans le salon de l'appartement, contre le divan pour être plus précis. Il fallait le contourner pour se rendre dans les autres pièces, et dois-je préciser que mon appartement était assez visité : un vrai moulin.
J'ai donc passé le plus clair de la nuit (ce n'est même pas un jeu de mots) à tenter de me débarrasser d'un cadavre dans un sac poubelle.
Je suis encore un peu fatigué ce matin, mais j'ai vérifié et il n'y a rien à traîner dans les coins de mon salon.

mardi 30 août 2011

183. Bilan estival

Si l'été 2011 a servi à quelque chose, c'est bien de m'avoir réconcilié avec les petits milieux ruraux du genre où je suis né et que j'ai furieusement ignoré depuis nombre d'années.
J'ai eu deux occasions de me rendre dans mon coin de pays natal au cours de l'été. Les deux fois, j'ai eu cette impression de vie simple, de bonne humeur contagieuse et d'harmonie humide et chaleureuse avec l'univers. Tout ça s'est déclenché cet après-midi après une conférence que j'offrais. J'ai une habitude très sérieuse de toujours prendre un dessert en de telles occasions, mélange de tradition ou de compensation personnelle pour mission-accomplie ou d'un appel du corps qui laisse présager un diabète hériditaire, leg paternel. Toujours est-il que les organisateurs de la rencontre m'avaient invité à dîner et que ceux qui avait pris le "buffet-go-crazy" ont eu droit à un dessert qui me faisait saliver abondamment, dessert que le temps ne me permettait pas de prendre, moi qui avais commandé à la carte. (J'haïs les buffets pour m'en confesser.) Comme les organisateurs devaient retourner là-bas, je n'ai pas osé commander ledit dessert, mais en sortant du restaurant, j'ai réalisé que mon envie avait atteint la proportion d'une obssession.
Et c'est là, dans un Tim Horton juste à côté, où j'ai renoué avec la vie de campagne. Moi qui ai l'habitude de prendre le muffin aux bleuets sans gras, j'ai décidé d'enfourner la gros beigne aux fraises recouvert de sucre à glacer. La préposée est souriante, je lui commande le beigne en tentant d'articuler malgré mes mâchoires qui frétillent d'impatience. Elle me répond : "Le donut qu'est roulé dans la poudre blanche?". Je dis oui, vaguement confus avec la référence à la poudre blanche, ce qui a pour effet de faire disparaitre tout relent de culpabilité : qu'est-ce qu'une dépendance aux desserts quand la cocaine serait bien plus dommageable?
Et là, elle me pousse dans un grand éclat de rire : Attention de pas salir ta belle suit avec ça! Comme si on était de grands amis. Comme si j'étais un régulier de l'établissement et que je me tapais un beigne roulé dans la cocaine à tous les matins. Je réalise à quel point il est bon de côtoyer des gens qui ne sont pas pognés dans des principes douteux qui veulent qu'on ne blague pas avec les étrangers. Des gens qui se rendent la vie agréable en rendant leur travail agréable en étant eux-mêmes agréables. Je réalise que partout où je suis passé en Acadie, les commerçants se sont informés de moi. D'où je viens? Si je passe des belles vacances? Si je connais un tel qui vit à Ottawa lui aussi? Si je vais revenir...
Je me tape le beigne joyeusement. J'ai de la poudre blanche dans la barbe. Du coulis de fraise sur la cravate. Mais ce jour-là, je me dis que peut-être que ce serait pas si bête après tout...

mardi 28 juin 2011

182. Les grands débarras

Je ne crois pas que je suis une exception. Je prédis même que la tendance sera à vivre de moins en moins avec la même personne toute la vie durant. Je parle pour mon église, une église pas très catholique d'ailleurs.
Sauf que je suis de ceux qui ne sont pas faits pour ça. Je suis pas moderne. Je veux pas être avant mon temps. J'aurais voulu une petite vie toute simple : manger, boire, devenir grand-père et mourir. Mais ça ressemble pas beaucoup à ça ma vie, et il semble bien que j'y peux rien.
Je raconte tout ça parce que je me retrouve encore une fois devant le même dilemne. Que faire des souvenirs? La première fois, je savais exactement quoi faire parce que je n'avais pas songé à d'autres options que de faire le grand vide, à me débarrasser de tout par de grands gestes joyeux et hystériques. Glad a fait une fortune avec moi et mes éboueurs en parlent encore. J'avais besoin de reprendre ma vie en main, de me sentir chez moi, de reconstruire, de repartir à zéro - expression consacrée s'il en est - de tout foutre en l'air.
On fait quoi de tout ce qu'on accumule? Je ne saurai jamais si j'ai bien fait de me débarrasser de tout ce qui me rappelait Relation no. 1. Est-ce que je serais celui que je suis aujourd'hui si j'avais continué à vivre dans mon passé? Si j'avais tout gardé, aurais-je pu développer l'identité que j'ai maintenant?
Donc, en fin de semaine, je me suis retrouvé devant une peinture reçue de Relation no. 2. Depuis un bout de temps, je l'avais retirée du mur et rangée dans un coin. Mais là j'avais besoin du coin, et je fais quoi avec la peinture? Je l'aimais dans le temps, je l'aime moins. En fait, je sais même plus si je l'aime encore. Et là je regarde autour, et je vois plein de souvenirs-en-devenir de Relation no. 3. Je suis pas pour passer ma vie à tout crisser à la poubelle à chaque fois que quelqu'un passe faire un tour dans ma vie!
Alors la question se pose : comment on fait pour vivre dans ses souvenirs quand ils sont pas beaux?

mardi 21 juin 2011

181. La fête des pères

Alors hier c'était la fête des pères. C'est plus tout à fait ce que ça a déjà été. Fini les cartes faites à la main ou les photocopies que la madame a fait colorier. Fini les cadeaux qu'on sait pas trop ce que c'est, mais qu'on dit que c'est beau pis qu'on met des crayons dedans, même si le bambin te regarde d'un air bizarre quand tu le fais.
Tout juste un mot sur Facebook pour te souhaiter une bonne journée, mais heille je ne m'en plains pas. Je vois des conjoints qui font la même chose pour souhaiter bon anniversaire à leur mari ou à leur femme. C'est comme quand j'écoute les radios communautaires pis que j'entends l'autre qui appelle pour faire souhaiter Joyeux Noël à sa blonde.
Ma plus belle fête des pères, ça devait être en 2006 je dirais. J'étais là-bas dans cette belle grande maison qui commençait à me ressembler. J'étais déjà séparé, mes filles vivaient avec moi. Il faisait un temps superbe et nous avions planifié un souper entre nous dans la cour arrière sur la petite terrasse. Mon aînée avait un copain, mais il serait avec sa famille lui aussi ce soir-là. Ce serait intime.
Alors qu'on planifiait le tout, l'une des filles reçoit un appel d'une de ses amies. Son père venait de sacrer le camp et on ne savait pas trop où il était. On l'invite, ce ne sera qu'une personne de plus. On l'aime bien, on la fera rire un peu. Re-dring. C'est le copain. Ça va pas chez-lui, il vient d'y avoir une chicane. Curieux puisqu'habituellement, sa famille sont des gens qui ne se parlent pas. Mais bon, il sera de la partie aussi. La salade grossit. Les brochettes se multiplient. La terrasse sera trop petite, on décide de transporter la table sur le gazon, parmi les fleurs, pourquoi pas.
Et ils sont tous là. Mes deux filles. Le copain un peu triste, mais tout content d'être avec nous, sa famille de remplacement. L'amie est là, ses grands yeux bleus tout rouge qui ne sait pas trop quoi penser de tout ça, mais qui semble avoir tout juste reçu un billet de retour de l'enfer. Le chien court partout, c'est cloturé et il est heureux. En fait, tout le monde qu'il aime est là. Et moi, je suis le père de tout ça. Un père chanceux qui a le sentiment ce soir là d'avoir pris les bonnes décisions, d'avoir fait les bons choix. Pour mon bonheur à moi, et pour le bonheur des autres.
Je me demande c'était quoi la plus belle fête des pères de mon père à moi?

samedi 28 mai 2011

180. Trente ans et cinquante livres

Blogue, je t'ai négligé. C'est que j'étais bien occupé. D'ailleurs, ce soir j'ai terminé le quatre-vingtième scénario (oui, tu as bien entendu) pour un projet qui me tient à coeur et je suis à nouveau tout à toi.
Il me reste à taper ça demain, mais ce n'est rien. J'ai tout écrit à la main, dans l'avion, sur une table de Tim Horton et dans le petit chalet où je suis pour la fin de semaine.
C'est un peu le retour aux sources pour moi. La fameuse péninsule où je suis né. Je suis ici pour affaires, mais c'était plus fort que moi. Je suis à cinq minutes où j'ai pu montrer mes cartes pour la première fois, confirmer que j'avais 19 ans, que je pouvais entrer au maudit Belair qui me refusais l'accès jusqu'alors. (Bien que j'avais réussi à m'y faufiler à quelques reprises avant l'âge légal.)
Sitôt les formalités finies, je décide de me rendre au Belair, juste pour un verre. Juste pour voir de quoi ça a l'air. D'abord tournée dans Tracadie à la recherche d'un guichet automatique. Pas évident du tout. Il me vient à l'esprit que merde ça fait longtemps que j'ai pas cherché un guichet automatique puisque d'habitude je trébuche dessus que je le veuille ou non.
Cent piasses en poches, je me diriges vers ce fameux Belair. Le stationnement est vide, c'est de mauvaise augure. Toutes les affiches sont pourtant là, l'entrée et tout et tout, la même d'ailleurs. Porte fermée. Affiche qui indique que c'est ouvert jusqu'à 2h, pourtant. Tant pis pour le Belair. Toutes les autos sont stationnées près du Jukebox, sans doute la raison pour laquelle le Belair fait de mauvaises affaires. Je suis un inconnu, qu'est-ce que j'en ai à foutre. J'entre au Jukebox. C'est bondé. Je paye mon cinq piasses. Je commande un drink. La serveuse semble trouver mon pourboire généreux.
Le Jukebox, c'est un petit club dans un strip mall. Trois bars, une vaste piste de danse. Je me retrouve à peu de choses près au poulailler de Losier Settlement où j'allais cruiser les filles après avoir fermé le centre récréatif où je travaillais. Sauf que tout le monde à trente ans de plus et une petite cinquantaine de livres de plus, toutes mal localisées. C'est la même gang, j'en suis convaincu. La preuve : après à peine dix minutes, je me fais cruiser par une Pallot de Rocheville.
Je regarde tout autour. C'est un peu ahurissant. Ça me fait sourire, mais je me sens bien. J'ai fait un maudit bout de chemin depuis la Péninsule. Et là je commets l'impensable : je saute sur la piste de danse. Je suis vivant.

samedi 16 avril 2011

179. Bilingue? Pourquoi? Pour quoi?

Je suis sur Facebook une ancienne connaissance qui fait carrière en politique. Aux dernières élections, il s'est servi de cette plateforme pour informer ses amis facebookiens de ses allées et venues et, bien entendu, de ses réflexions sur les aléas de la campagne en cours. Comme sa circonscription était bilingue, il s'est permis un commentaire en français de temps en temps, à chaque fois pour se faire rappeler à l'ordre par un de ses « amis ». Ainsi, à chaque commentaire en français, on voyait apparaître sur le fil « English, please!!! », le rappelant ainsi à l'ordre sur la question linguistique.
J'ai la chance de travailler dans un milieu qui s'est donné depuis longtemps une politique sur le bilinguisme. C'était au temps où on croyait vraiment que le Canada serait un pays bilingue. On croyait, quoi qu'on puisse penser de Trudeau, que le rêve de l'époque était réalisable et qu'un jour pas si lointain, les Canadiens parleraient les deux langues officielles couramment. Plusieurs l'ont fait; plusieurs autres l'auraient fait si les provinces avaient alors emboîté le pas et déversé les millions que le gouvernement fédéral injectait dans le bilinguisme aux bons endroits. Aux endroits, en fait, où l'argent devait aller selon les ententes qui étaient signées. Ce ne fut pas le cas. Les provinces ont fait n'importe quoi, redirigé les fonds la plupart du temps dans leurs coffres, pour payer des postes qu'ils auraient dû payer de toute façon. Et ensuite, on dit que le bilinguisme coûte cher.

jeudi 24 février 2011

178. Olive ou Oliva?

À force d'avoir le nez collé dedans, on ne voit que ça. Même si on est loin d'être les plus égocentristes des nords-américains - pour ne nommer personne - on a quand même encore du chemin à faire.
Hier, sur la grande place, une bande de jeunes se pratiquait à faire une danse qui aurait pu être folklorique mais qui ne l'était peut-être pas tant que ça. Le chorégraphe gueulait et faisait recommencer et recommencer toujours sur les mêmes trois ou quatre notes de musique, qu'il faisait recommencer aussi à chaque fois que la troupe n'était pas à la hauteur de ses attentes. Comme dans toutes bonne troupe, les autres se pratiquaient dans les coulisses, dans ce cas tout simplement un peu à l'écart. Ça m'a rappelé mes filles qui pratiquaient leur spectacle de ballet. Sauf qu'ici, c'était en majorité des garçons qui attendaient pour faire leur numéro. Deux gars pour une fille, je dirais.
Au Canada, trouver un gars pour les troupes de danse, c'est comme demander à une classe d'adolescents de lever-la-main-ceux-qui-sont-fifs.
* * *
Ce matin, je me suis réveillé avant l'autre. À force de téter sur le même café, je commençais à trouver le temps long et j'ai entrepris de faire un mot-croisé. "Popeye's wife", c'est pas compliqué. J'ai écrit : O - L - I - V ... et là, je me suis demandé si elle s'appellerait pas Oliva? Berthe, Bertha. Marthe, Martha. Olive, Oliva? Quand l'autre s'est entr'ouvert un oeil, signe d'un réveil imminent, je lui ai demandé le nom de la femme de Popeye. Ça l'a réveillé complètement.
On ne connait de la culture que celle qu'on a vécu.

mercredi 23 février 2011

177. Sin complicaciones

Certains diraient que c'est un état végétatif. Moi je dis que c'est la belle vie, facile, pas compliquée.
Une belle surprise nous attendait : les portes-fenêtres s'ouvrent et disparaissent complètement dans le mur, laissant pénétrer le soleil et la brise goulument. On les a ouvertes et on ne les a plus jamais revues. On vit pratiquement dehors.
À date, les journées sont fort simples, ce qui risque d'en inquiéter plus d'un. On se réveille quand on est réveillés. Café, fruits, croissants devant l'océan. À l'occasion, on voit passer un bateau de touristes, bondé, projetant la voix nasillarde d'un guide qui doit bien parler dans trois ou quatre langues pour plaire à tout le monde. Ce qu'ils vont en avoir des choses à raconter.
Puis le calme revient. Une lampée de café. Ensuite vient la plage, ou la piscine, ou les deux. Puis la siesta, compromis fort acceptable à mon avis pour se donner l'illusion de s'immerser dans la culture locale. Lecture au soleil, puis balade dans la ville, question de faire des provisions. Hier, on a échappé un sac. Tout de suite, un taxi est arrivé. Taxi amigos? No gracias. Une autre bagnole s'approche clinquebardant, et nous offre un sac pour doubler celui qui s'est déchiré. Gracias, muchas gracias! Sont fins les Mexicains.
Puis re-siesta, un peu de lecture, un sudoku si j'en ai envie. Un café aussi. Petit souper bien arrosé sur la terrasse avec ce qu'on a ramené des emplettes de l'après-midi. Pas encore mis les pieds dans un resto, quelle honte. L'avantage, c'est qu'on a toujours la meilleure table et que les voisins sont pas dérangeants. Et une vue imprenable sur le coucher du soleil.
Faudrait bien que je sorte le petit guide avec toutes ces choses à faire et à voir ici. Mais je suis très occupé à ne rien faire et mes yeux fonctionnent déjà à plein régime. En fait, il est où ce guide?

dimanche 30 janvier 2011

176. L'homo sapiens dans son habitat

J'ai toujours aimé la solitude. Quand je suis seul, ce n'est donc pas nécessairement parce que je cherche à faire des nouvelles connaissances. Il m'arrive cependant souvent de faire des réflexions sur des personnes que je ne voudrais pas comme amis, même si je ne cherche pas d'amis au moment où je fais la réflexion que je n'en voudrais pas. Bon, je me comprends.
C'est évidemment dans les endroits publics où ça me frappe davantage. Dans les moyens de transports, les centres commerciaux, les cafés.
Samedi chez Starbucks. J'entre avec mon livre sous le bras. Il y a une file, mais je vois plusieurs places libres. Je fais le compte. Il y a quatre places libres, nous sommes quatre en ligne. Tout devrait bien aller. Entre Miss Granol qui se dirige vers une des places libres, y dépose sa tuque en laine naturel d'un mouton qu'elle a tondu avec ses dents, sors son sac de graines de tournesol, et se met en ligne. Il reste trois places libres. Miss Granol ne sera pas mon amie.
Dimanche, Tim Horton. Une famille à la caisse. Une seule personne devant moi. La famille prend son temps, c'est sa sortie du dimanche après tout, on leur doit bien ça. Vient le tour du con devant moi. Il est seul, ça devrait pas être long. Il arrive à la caisse : il n'a aucune idée ce qu'il veut, mais alors là aucune idée. Je crois qu'il décide ce matin-là qu'il n'aime pas le café. Il opte pour un chocolat chaud, moyen, non petit, ah et pis moyen finalement. Et là il magasine les daunottes comme d'autres transfèrent des actions sur le plancher de la Bourse. Quand vient le temps de payer, pas la moindre idée où il a fourré son foutu porte-monnaie. Il rit le con. Il finit par le trouver dans une poche intérieure de son manteau. Le con devant moi, il sera pas mon ami.
Dimanche après-midi, épicerie. C'est une gentille mémé alors je serai doux avec la mémé. Mais la maudite mémé elle a le don de laisser son panier un peu partout dans le milieu des allées et de partir gambader à droite et à gauche. Elle bloque chaque allée, partout où elle passe. Certains diront que les mémés devraient faire leur épicerie sur la semaine, genre mardi matin quand c'est pas occupé. Mais moi je dirai pas ça. Quand même. La mémé, elle serait peut-être mon amie car elle avait l'air gentil comme tout. Je lui ferais prendre des cours de conduite de panier d'épicerie, c'est tout.
Y'a des gens, comme ça, que tu rencontres une fois dans ta vie et qui te tombent sur les nerfs, mine de rien. Je me demande des fois s'il y a des gens qui m'ont rencontré une fois, comme ça, dans leur vie, et qui ne voulaient pas être mon ami.

samedi 29 janvier 2011

175. Quand le feu ne passe plus au vert

J'ai de la difficulté à croire que tout ce branle-bas dans mon cerveau ne provient que du fait que je dois prendre une décision pour une éventuelle pension d'un ex-employeur. En effet, j'ai reçu un avis que je n'ai jamais informé ce bureau de mes intentions, et du fait, mon dossier n'est pas complet. La préposée a même ajouté que ça ne m'engage à rien, c'est une formalité. Je peux changer d'idée demain matin, elle s'en fout. Bref, elle veut une foutue lettre, peu importe ce qu'elle raconte. Mais je dois y mettre une date : la date à laquelle je prendrai avantage de cette fameuse pension. Même si la date peut changer au gré du vent et comme bon me semble, je dois en mettre une. Pas suffisant, il me semble, pour que je passe autant de temps à planifier mon avenir.
Pourtant, c'est ce qui occupe le plus clair de mes pensées.
Je n'ai jamais véritablement pensé à l'avenir. Si j'y avais pensé davantage, je ne serais pas où je suis en ce moment (je parle au sens figuré). J'aurais pris d'autres décisions, fais d'autres choix, en fonction de l'avenir avec un grand A. Je n'ai rien fait de tout ça. J'ai vécu au gré de le spontanéité, des instincts, du goût d'une forme d'aventurette. J'ai pris des décisions sans penser aux conséquences, avec une certaine envie de me faire surprendre par la vie. J'ai plongé dans l'inconnu avec la joie d'un enfant qui veut vivre des émotions fortes. J'ai fait des choix avec une envie de rire irréprésible en me disant que ça allait me mener sur des nouveaux sentiers hors-du-commun. J'ai toujours voulu m'éloigner de la banalité, d'une petite vie prévisible, d'un petit train-train sécurisant.
Je me suis permis des écarts car j'ai toujours su que je retomberais sur mes pattes. Or, jusqu'ici, retomber sur ses pattes signifie repartir à zéro, trouver un emploi ailleurs, recommencer une nouvelle vie.
Si tout à coup mes pensées sont hantées par l'avenir, c'est que je vois venir le jour où tout ça ne sera plus possible. Je vois venir le jour où je n'aurai plus envie de recommencer. Car prendre la décision de s'arrêter, c'est aussi prendre la décision de ne pas vouloir recommencer.
J'ai donc, pour la première fois de ma vie, à prendre une décision face à m'arrêter, mais m'arrêter pour ne pas recommencer. Et être heureux de l'avoir fait. Ouf.

mardi 18 janvier 2011

174. Petit jeu dangereux

Hier soir, je suis allé souper avec une bande d'amis à un resto d'une ville que je connais bien pour y avoir vécu neuf mille jours. La bouffe du resto a toujours eu bonne réputation, mais mes souvenirs se situaient dans un vieil édifice mal foutu qui nous faisait douter de la propreté des lieux. L'âge de l'édifice ou la poussière des lourds rideaux de velours rouge y étaient sans doute pour quelque chose. La boîte est passée au feu et les nouveaux locaux sont neufs, bien aménagés et respirent la propreté. Un agréable souper, en bonne compagnie.
Au retour, une surprise nous attendait : la maison avait été décorée sur le thème du jour de l'An et l'événement prenait des allures de 31 décembre. Il faut dire qu'il s'agissait de notre première rencontre de l'année, donc pourquoi pas? Une des hôtes avait tout prévu. Le premier jeu consistait à déterminer qui baiserait ce soir-là et tous y sont allés de commentaires grivois, le vin aidant à délier les langues et les esprits. Le deuxième jeu consistait à sélectionner des promesses du Jour de l'An déjà toutes préparées, pleines de sous-entendus, évidemment.
Le troisième jeu consistait à faire un tour du groupe et de donner la parole à chacun et à chacune pour qu'il fasse un voeu qu'il espérait voir se réaliser au cours de l'année. Le rire gras aurait dû se prolonger et tout le monde aurait dû faire le souhait de baiser deux fois plutôt qu'une pour que le ton se maintienne.
Cependant, il en fut autrement. Le micro est allé à une première personne qui a souhaité la santé à ses proches alors que tout le monde savait fort bien qu'il y avait de ces proches qui avaient besoins de voeux et de prières à tous les saints du ciel. Il y eu des petites hochement de têtes approbateurs, des sourires de sympathie discrets. Les autres convives ont enchaîné avec des boniments respecteux et certains ont tenté de jouer la note de l'humour à nouveau, sans grand succès.
Je voyais mon tour venir. Je cherchais ce que je pourrais trouver d'intelligent à dire qui tomberait juste au beau milieu, entre le voeu sincère et le voeu loufoque qui cacherait le sérieux que j'accordais à la chose.
Car j'étais devenu obsédé avec l'idée de faire un voeu à-propos, comme si le fait de le dire tout haut, là, devant une bande d'amis assurerait qu'il se réaliserait. (Je vous rappelle que j'avais bu pas mal, au cas où vous l'auriez oublié...) Ma vie défilait sous mes yeux, je voulais y voir un aboutissement, cette année, avant la fin de 2011. Je voulais tout à coup que ce voeu m'amène la vérité, la certitude d'être heureux, la garantie de finalement trouver ma place, ma niche, et de connaître un sentiment de bien-être personnel et d'accomplissement. Tout ça avant la fin de l'année, rien de moins.
Le micro passait, je voyais mon tour venir. Plus le temps passait, plus je réalisais que je ne pouvais pas vraiment faire le voeu que je souhaitais vraiment. Que de partager mon désir d'un petit bonheur paisible et d'un peu de calme dans cette vie qu'il m'arrive de trouver un peu trop trépidante à mon goût n'était pas la chose à faire.
Finalement, j'ai sorti une banalité, quelque chose au sujet de la lecture ou de l'écriture, je ne m'en souviens pas vraiment.
J'ai eu droit à un awwww d'approbation. Mon tour était passé.

mardi 4 janvier 2011

173. Ma tante Lydia

Elle débarquait chez-nous - chez son frère en fait - tous les étés pour une durée qu'elle espérait la plus longue possible, mais qui durait rarement plus d'un mois. Un mois que ma mère passait à imaginer toutes sortes de raisons pour se débarasser de cette belle-soeur fatiquante : d'autre visite s'en venait, ma mère se trouvait un bobo, et quoi encore. Ce à quoi ma tante Lydia rétorquait qu'on ne s'apercevrait pas de sa présence et qu'elle mangeait comme un oiseau.
Les intentions des uns n'avaient rien à voir avec les préoccupations des autres. Ma tante Lydia devait crécher au Canada pendant six mois pour ne pas perdre sa citoyenneté et, ultimement, la mystérieuse pension de son mari, oncle qui était déjà dans un coma profond quand je suis né, et qui s'y trouve peut-être encore, qu'est-ce que j'en sais. Mes parents, eux, s'en foutaient bien et voulaient simplement qu'elle disparaisse. C'est un des rares sujets qui faisait autant d'unanimité entre mes parents. Mon père avait une aversion pour sa soeur qui devait remonter à bien loin car personne ne l'a jamais fait autant sortir de ses gonds. Ma mère, quant à elle, haïssait passionnément sa belle-soeur, peut-être pour la vie qu'elle menait et qu'elle enviait secrétement.
Car l'oiseau qui picorait au bout de la table de la cuisine pendant quelques semaines passait les autres six mois de l'année à Miami, qu'elle prononçait Maille-ahh-mi, pour faire chier ma mère juste un peu plus. Quand elle débarquait dans mon petit village qui sentait le fumier et les relents des toilettes-de-dehors, ma tante Lydia avait un bronzage impeccable et clinguait de tous feux sous ses bijoux dorés. Elle est probablement la première femme dont j'ai vu les ongles des orteils soigneusement manicurés et colorés d'un vernis rose (un rose très sexy), sortant tout droit de sandales dorées, elles aussi. Ma mère marmonnait entre les dents, en la voyant, qu'elle l'enverrait bien faire le train de grange ainsi attriquée.
Toujours picorant sur un craquelin - je la soupçonne d'avoir introduit ce mot dans mon vocabulaire, nous qui avions toujours appellé ça un biscuit soda, toutes sortes confondues - elle racontait à ma mère ses croisières dans les îles du Sud avec monsieur Machin et madame Chose, du ben bon monde avec qui elle était amie là-bas à Maille-ahh-mi. Entre deux sonneries qui rappelaient ma mère aux clients du magasin général que nous tenions, ma tante Lydia racontait les somptueuses soirées auxquelles elle était invitée, pendant que ma mère brassait rageusement son chaudron de patates qui colleraient sûrement si un client devait prendre trop de temps au magasin.
Je revois ma tante Lydia, toute digne et pimpante, bien bronzée, cheveux blonds éclatants, bijoux reluisants, avec ses jambes enlacées sous la table, révélant ses ongles parfaitement vernis.
* * *
Je doute cependant que ma tante Lydia ait eu la vie aussi facile qu'il n'en paraissait. À Miami, elle louait un 4 pièces dont elle sous-louait une des chambres pour survivre. Un genre de bed & breakfast. La fameuse pension qu'elle attendait ne semble jamais être arrivée, et si elle revenait squatter chez mon père tous les étés, c'est qu'elle devait sans doute maintenir cet appartement là-bas pendant ses six mois au Canada, tout en ne recevant pas le revenu que la location de sa chambre lui procurait. L'été, c'est mort pour le tourisme à Maille-ahh-mi de toute façon.
Je retiens d'elle qu'elle était faite pour faire la grosse vie, et elle s'est arrangée pour la frôler pendant plusieurs années. Elle a sans doute fait ces fameuses croisières, et je ne doute aucunement qu'elle ait courtisé la crème de Maille-ahh-mi lors de soirées mondaines car elle avait tout ce qu'il fallait pour s'y glisser : la classe, l'apparence et le discours.
Ma tante Lydia, c'était un brin de rêve américain qui débarquait dans ma vie à chaque été.

172. Easy listening de mon enfance

Dans l'auto de location que je roulais (j'ai presqu'écrit "que j'avais louée", mais j'ai supposé que vous aviez compris bicause la location), j'ai synthonisé un poste "easy listening". En vacances, je voulais quand même pas me stresser avec du heavy metal.
Le poste en question semblait se spécialiser dans une certaine période que, curieusement, je connaissais bien. Je dirais début '70. Le début de mon adolescence.
J'avais été bercé jusque là par la musique de ma grande soeur, 7 ans plus âgée que moi. C'était les années dites "à gogo" et elle écoutait tout ce qui se produisait au Québec, la province voisine qui nous approvisionnait en culture française en se projetant par dessus la Baie des Chaleurs. Ses idoles étaient Donald Lautrec, Pierre Lalonde, les Classels, les (quelque chose - les bérets?) jaunes. Je la soupçonne d'avoir été très influencée par Jenny Roch. Et on entendait souvent Petula Clark. Tout ça, évidemment, en français...
Alors pourquoi toutes ces sonorités m'étaient-elles familières? Les Carpenters? Anne Murray? Ça m'est revenu...
Quand j'avais douze ou treize ans, j'ai passé mes étés à Fredericton où je m'occupais de mes nièces pendant que ma soeur et son mari travaillaient. Le matin, ma soeur allumait la radio (dans un gros monstre stéréo qui tenait davantage du cercueil que du système de son) et cette radio restait allumée toute la journée, hey hey, Mr. postman, yeah yeah.
Le Ciel sait que je ne parlais pas anglais à l'époque. Et pourtant... Ces années ont laissé des traces indubitables sur mon identité et quelque quarante ans plus tard (ouch!), j'entends yesterday one more shabada bada bada et je me revois sur Lincoln Road avec mes nièces qui jouaient dehors et moi qui faisait mon important du haut de mes douze ans.

lundi 3 janvier 2011

171. Le décompte

Fin des vacances. C'est le retour demain et c'est très bien comme ça. Je me sens comme si j'étais parti depuis 3 semaines, c'est vous dire à quel point j'ai décroché. C'est pas que je m'ennuie de ma pelle ou de mettre des bottes au chien pour pas que le sel lui brûle les coussins des pattes, mais un coup de tête qui dure une semaine doit bien avoir une fin.
Les gens en vacances sont habituellement gentils. Et je parle pas juste de moi. Le camping, c'est encore plus propice à la jasette car il est rare qu'on s'asseoit dehors au bord d'un feu de camp pour faire la baboune. Tout le monde se salue, les échanges sont faciles.
J'ai d'abord rencontré un couple d'enseignants, comme si on avait un signe secret comme les chevaliers de colombs pour se repérer. Ça faisait pas très vacances où-on-oublie-tout, mais c'est toujours intéressant de comparer les réalités des écoles. Inévitablement, on est ensuite passé au système de santé, sujet chaud s'il en est ces jours-ci chez les Amerlocs. (Je n'utilise plus le vrai mot depuis l'avalanche de pourriel qui continue de se déverser sur le message #59!)
C'est qu'il faut vraiment faire attention à ce qu'on dit ici, selon qu'on a affaire à un républicain ou à un démocrate (recevrai-je un bombardement de pourriel pour avoir utilisé ces gros mots?). Ça me rappelle vaguement un pays où j'ai habité jadis et où les gens étaient rouges ou bleus et qu'il fallait mettre des gants blancs pour ne pas ternir leur étoile jaune. (Coloré hein?)
Contrairement au Canada, où on est quand même couci-couça encouragé à une bonne santé physique et à une saine alimentation, ici on vous encourage à doubler les calories. Pourquoi s'en faire puisque les panneaux-réclame vous offrent des lipo-succions à prix réduit?
Quand j'ai acheté un anti-moustique (inutile d'ailleurs car les campings arrosent généreusement au DDT, c'est permis...), les petits flacons se vantaient d'être conçus spécialement pour contrer le virus du Nil (pas mention s'ils éloignaient les maringouins...)
Tout est propagande, tout est manipulation des masses. Y'a pas intérêt à avoir une population en santé : l'économie s'écroulerait.
Mais je bifurque dangereusement. C'était quoi le sujet d'ailleurs?
PS - Une autre rencontre incongrue, c'est le gars qui s'adresse à moi parce qu'il m'a vu à l'ordinateur et a remarqué que - comme lui - je porte deux anneaux à l'annulaire de la main droite. J'en reparlerai.

samedi 1 janvier 2011

170. Deux mille onze

C'est ben simple, moi depuis 2000, à chaque fois que s'ajoute une année, j'en reviens pas. Faut dire que le tournant de l'an 2000 avait fait beaucoup jaser et qu'on s'en souvient probablement davantage que n'importe quel autre jour de l'An. Cette année, j'ai choisi de célébrer ce tournant dans un petit coin perdu, chose que je ne referrai plus. Il faut vivre ses expériences pour savoir si elles en valent la peine et maintenant je le sais.
L'endroit s'appelle Venus, ça donne déjà un certain sentiment d'éloignement voyez-vous. C'est un petit camping de rien du tout où j'ai planté ma tente juste assez grande pour moi et quelques traîneries. Ce qui me fascine le plus de l'expérience, ce sont les bruits. Des bruits auxquels je ne suis pas habitué. Faut dire que je suis arrivé en pleine noirceur et que je n'ai pas pu examiner les environs. Déjà les palmiers, ça fait du bruit. Les feuilles sont sèches et quand elles se frottent les unes aux autres, ça ressemble à de la grosse pluie qui tomberait à grosses gouttes. Quand on est dans une petite tente de toile, on sait qu'il ne pleut pas, mais le bruit des feuilles de palmier jette un peu de confusion dans l'esprit du petit canadien que je suis.
Vient ensuite les affaires qui tombent. Je ne l'avais pas remarqué mais juste au- dessus de ma tente, il y a un oranger. Quand une orange tombe d'elle-même, c'est qu'elle est mûre, très mûre. Alors quand elle tombe, elle fait splouche. Elle s'effouère quoi. Il y a aussi un très grand arbre que j'appellerai le chêne parce que ce qui en tombe ressemble à des glands de chêne. il est très haut, et quand les glands tombent sur le sol jonché de feuilles sèches, très sèches, ça fait un bruit d'enfer. Je ne souviens plus très bien des principes de physique de Newton, mais ces petits glands de rien du tout qui tombent de si haut, baptême que ça fait mal quand tu les reçois sur la tête.
J'ai vu mon premier armadillo le soir de mon arrivée. Dans la forêt juste derrière ma tente, j'entendais un ramage incroyable, équivalent à mon sens un homme pris de la danse de saint guy ou à un grizzli qui se serait coincé le pied dans une glacière. Rien de tout ça. Les campeurs du site voisin, intéressés par la chose eux aussi, on déniché ce petit armadillo qui se baladait tout simplement dans les feuilles sèches du sous-bois. Plus tard, les habitués ont confirmé qu'un armadillo qui se promène la nuit fait autant de bruit qu'un homme qui se serait coincé le pied dans une glacière.