Ce blogue vieillit avec moi, et inévitablement je me répéterai car je ne sais plus très bien ce que j'y ai déjà consigné. Ça fera dire aux mauvaises langues que je deviens gâteux, ce qui est peut-être bien vrai après tout.
Une amie me partageait qu'elle doit se décider à se rendre dans la maison, désormais vide, de sa mère. Ou la vendre sans y mettre les pieds.
Ça m'a rappelé la chance inouïe que j'ai eue lorsque je me suis rendu en visite chez ma sœur et qu'elle m'a offert de loger dans l'ancien appartement de mes parents, inhabité depuis leur départ, dix ans auparavant. Ma sœur n'ayant jamais pu se résoudre à y faire le « ménage », signifiant ici vider les lieux de leur contenu...
Je m'y suis donc retrouvé par un soir d'automne. Elle habitait à l'étage, mes parents ayant occupé le sous-sol pendant les plus belles années de leur retraite. Après le décès de mon père, ma mère ne s'y sentait plus à l'aise : trop de souvenirs qui la hantaient, disait-elle. Elle est donc partie vagabonder de résidences pour personnes autonomes en foyer pour personnes âgées, pour échouer dans une chambrette de mouroir impersonnelle. Consolant de savoir qu'elle avait déjà commencé à partir avant d'y entrer, de sorte qu'elle a passé plusieurs années à s'y croire en visite.
J'ai déposé mes valises dans la cuisine de l'appartement.
Rien n'avait changé.
Au point que mon père aurait pu sortir du salon sur un pas de danse comme il le faisait souvent et ma mère sortir de sa chambre, surprise en flagrant délit de sieste : « Ah ben la belle visite! Moi qui dort JAMAIS pendant la journée, je me suis fait prendre! » Pourquoi elle se sentait coupable de faire une sieste pendant la journée continue de me surprendre! Et moi de lui dire qu'elle avait bien mérité ses siestes pour avoir tant travaillé. Et elle de nier l'évidence, non, non, je ne dors jamais le jour, voyons-donc! (Elle avait la particularité d'avoir les cheveux aplatis sur le côté de la tête sur lequel elle s'était assoupi, et elle avait un côté de la tête plate très souvent, même quand on ne la surprenait pas.)
J'ai donc déambulé dans l'appartement avec un curieux sentiment mi-voyeur, mi-nostalgique. Le fauteuil de mon père, devant la fenêtre où il avait découvert les oiseaux (ça je sais que j'en ai déjà parlé ailleurs dans le blogue!). Le piano de ma mère, cet instrument qu'elle avait continué à jouer sans difficulté, même lorsque sa maladie lui empêchait de se souvenir où était le piano dans la résidence où elle habitait.. ou même de se souvenir qu'il y en avait un!
Ma sœur m'avait prévenu qu'elle n'avait rien touché depuis leur départ. Elle était très sérieuse car dans le porte-journal, il y avait les journaux de 1996. Curieusement, on annonçait le mariage de je-ne-sais-trop quel joueur de hockey, qui venait justement de faire la manchette pour un divorce tapageur.
Était-ce bien de se retrouver dans ce musée? Oui. Dix ans après leur départ, des vies éteintes reprenaient leur cours, les souvenirs qui s'effacent si facilement refaisaient surface, je me suis surpris à sourire. J'ai retrouvé au haut de garde-robe de ma mère les boîtes de Sweet Mary dans lesquelles ma mère conservait les photos de famille depuis l'époque où elle tenait épicerie, récupérant ces boîtes de chocolat qu'elle trouvait solides. C'était avant le Tupperware, bien entendu.
Ce soir-là, j'ai monté les précieuses boîtes en haut, chez ma sœur. Nous avons passé la soirée à regarder tous ces souvenirs.
Quelques mois plus tard, l'appartement était la proie des flammes. Tout y est passé, sauf les photos que personne n'avait songé à remettre dans la garde-robe.
mardi 8 juin 2010
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