vendredi 26 décembre 2008

91. Conseils matrimoniaux

Personne m'a jamais demandé de donner des cours de préparation au mariage mais si on me demandait, j'en donnerais. Peut-être.
Une chose qui me semble évidente dans le développement de la relation de couple, c'est la rapidité.
(Je sais pas à quoi vous pensez présentement, mais c'est pas ça.)
En effet, la vie de couple implique un tas de petits travaux quotidiens ou ponctuels qu'il faut se taper, préférablement à deux, ou en partage équitable selon les versions de l'un et de l'autre (qui peuvent différer, d'où l'invention de la séparation.)
Lorsque vient le temps de se répartir les-dits travaux, c'est là que la rapidité entre en jeu. Et plus on a d'expérience dans les relations de couples (ça explique que la première fonctionne rarement), meilleur on est à ce jeu. Je m'explique.
La vaisselle. Le premier à dire à l'autre que le savon à vaisselle lui rend les mains sèches et lui fait craquer la peau se ramasse à écouter les nouvelles pendant que l'autre se les fait tremper dans l'évier.
Les poubelles. Le premier qui s'assure d'oublier de les sortir le matin fatidique deux ou trois semaines d'affilées, s'assure du même coup que l'autre va s'en occuper.
Vous comprenez l'astuce? Tout est dans la rapidité à établir votre stratégie.
Moi, par exemple, en plein mois de juillet, j'ai annoncé que mon dos commençait enfin à se remettre de la corvée de pelletage de hiver précédent. Quand l'hiver suivant arriva, il n'a même jamais été question de la pelle. D'ailleurs, c'est quoi une pelle? Je ne m'en souviens plus. Et depuis que je vis à Ottawa et qu'il neige à toutes les bordel de journées que le Ciel amène, je me tape dans le dos tous les matins, ensuite je tapote mon oreiller et je me rendors au son délicieux de la pelle qui gratte les marches et l'entrée.
On ne gagne pas toujours à ce jeu-là car, bien sûr, il se joue à deux. Sous prétexte que ça lui donne des étourdissements, par exemple, me voilà en train de repeindre toutes les pièces de la maison. Mais c'est de bonne guerre car si j'y avais pensé avant, c'est lui qui serait accroché au rouleau et au pinceau.
On ne peut pas toujours penser à tout... question de rapidité.

90. Enfin le 26 décembre!

C'est pas que j'aime pas Noël, comprenez-moi bien. D'habitude, Noël commence tout de suite après l'Halloween, la plupart du temps le soir même. Quiconque est déjà allé dans un grand magasin le soir du 31 octobre les a déjà vus ramasser les citrouilles et sortir les boules de nouelle .
Mais cette année, Noël a commencé bien plus tôt que ça et on voyait partout des sorcières et des pères noël en plastique dès le début octobre.
C'est pour ça que je suis un ti-peu tanné, mais rien de grave.
Noël, c'est aussi à peu près le temps de l'année que les journées commencent à allonger, et que miraculeusement, les stations de radio cessent de jouer de la musique de nouelle. La cuvée des chansons de nouelle de cette année a été particulièrement agaçante, comme si les artistes s'étaient passé le mot pour reprendre tous les chants traditionnels en version langoureuse. Et quand je dis langoureuse, ça frisait presque l'indécence, et moi je fais pas dans la censure, c'est pas mon affaire. Disons quand même que ça me fait sourciller quand j'entends Mitsou chanter Mon beau sapin comme si elle voulait coucher avec. Ou l'autre qui chante Santa Claus is coming to town comme si c'était les Chippendales qui débarquaient au 281...
Alors moi quand le 26 décembre arrive, ça fait bien mon affaire et ça me rend de bonne humeur.

jeudi 25 décembre 2008

En ce matin de la Noël

Cher monsieur E.D. Smith,
Je vous écris ce matin pour vous parler de ma première Noël dans ma nouvelle maison, dans laquelle j'ai entrepris des travaux depuis que je suis en vacances. En effet, je suis en train de refaire le salon et tout n'est que bâches, plâtrage, sablâge en prévision du peinturâge à venir. Les meubles et les accessoires du salon sont dispersés un peu partout dans cette foutue maison de Barbie qui refuse de contenir toutes mes possessions, de sorte que je fais des dons au Value Village du coin, de quoi enrichir tous les pauvres de la planète, à qui cette institution fait la charité, c'est ce qui est écrit sur le panneau.
Mais la salle à manger est restée intacte. Pas de cochonneries à traîner nulle part, et vous savez pourquoi? Parce que ce matin, c'est le jour de mon petit déjeuner de Noël, avec mon café de Noël, mes oeufs de Noël, mon bacon de Noël, mes toasts de Noël et VOS confitures de fraises de Noël.
Je tiens à vous préciser, cher monsieur E.D. Smith, que je suis un fidèle mangeur de vos confitures de fraises depuis au moins 30 ans, ce qui n'est quand même pas rien. J'ai acheté un nouveau pot cette semaine en prévision de ce fameux déjeuner de Noël. Il est vrai que j'ai eu une petite appréhension quand j'ai vu sur l'étiquette qu'elles avaient une « saveur améliorée ». C'est que j'ai eu des mauvaises expériences avec les produits « améliorés », comme le Bounce amélioré qui colle comme du velcro et qui fait maintenant des noeuds dans mes chausettes, ou mes lames de rasoir améliorées qui m'ont arraché la moitié de la face et que j'ai dû jeter pour acheter d'une autre marque. Mais vous, monsieur E.D. Smith, je vous ai fait confiance.
Et ce matin, le nouveau pot était sur la table de mon déjeuner de Noël, avec son petit cercle jaune sur l'étiquette qui disait « saveur améliorée » et qui me hantait.
Le couvercle a fait « plop », comme d'habitude; c'était de bon augure. J'y plonge la cuiller. Et qu'est-ce que je ramasse? Une grosse criss de fraise. Je fouille encore. D'autres grosses criss de fraises. Je goûte du bout des lèvres. Même saveur, pas améliorée du tout. Juste des grosses criss de fraises.
Mon cher monsieur E.D. Smith. Je mange vos confitures depuis 30 ans, je crois vous l'avoir dit. J'aime le goût, évidemment, mais j'aime surtout.. ou J'AIMAIS surtout le fait qu'il n'y avait pas de grosses fraises entières dans vos confitures, le genre qu'on en prend une cuillèrée et qu'on ramasse juste une grosse maudite fraise gommante qu'il faut ensuite s'évertuer à effoirer sur toute la toast. C'est pour ça que j'aimais vos confitures.
Pis dites-moi pas de les passer au blender, ce jour arrivera bien vite assez!
Alors je tenais à te partager, mon gros Smith, que t'a gâché mon matin de Noël avec tes grosses maudites fraises. Je sais que tu pognes la claque pour tous les autres qui font les smattes avec leur produits « nouveau et amélioré » mais tu le mérites bien. Mets-toi tes grosses fraises où je pense et rends-moi mes Noël d'antan.
Je souhaite un Joyeux Noël à tout le monde qui lit mon blogue mais pas à toi Smith.
Siape
PS - À part le choc des grosses fraises, je passe une superbe journée sous un soleil radieux (qui est drôlement bienvenu soit dit en passant...)

mardi 23 décembre 2008

88. Shopping the Noël

Je me suis décidé à en finir hier soir. J'ai trouvé un centre commercial ouvert jusqu'à 23h et je l'ai choisi en me disant que le monde qui a magasiné toute la journée allait bien finir par lâcher le morceau pis rentrer à la maison.
J'avais raison. La grève des autobus aidant, y'avait pas plusse de monde au St-Laurent qu'un 15 janvier. Parfait.
Beau cave, j'ai choisi le stationnement du cinéma là où y'a du monde même le 15 janvier. Pas trop loin de la porte, une série de stationnements couverts, avec des affichettes avec une silhouette de bagnole. C'est écrit dessus : Petite seulement. J'en vois une libre alors je me garroche pour me faire couper par un cowboy qui conduit une Pontiac Grand Prix avec roues chromées et tout et tout. Pas dans l'esprit des Fêtes du tout le mec, il s'en fout que je conduis une petite auto et pas lui.
J'ai attendu un peu qu'il sorte de son bazou, qu'il s'éloigne un peu. Il avait l'air d'une armoire à glace alors on est jamais trop prudent.
Quand la zone a semblé sécuritaire, j'ai écrit dans la crasse de sa portière : " L'affichette veut dire petite AUTO, pas petite QUÉQUETTE". Et je suis parti en sifflottant.
Bon, je l'ai pas fait pour vrai mais ça fait du bien d'avoir pensé de le faire et de vous partager ce moment chrismasy.

lundi 1 décembre 2008

87. C'est comme ça chez Walmart

Il était une fois un Walmart qui devait choisir l'employé du mois. Le choix portait sur trois candidats, ayant vite tassé la comique qui travaillait au centre de jardinage.
D'abord celui qu'on appelait en coulisse Jos-90 pour son allure froide et un peu pognée. Jos-90 n'avait pas d'amis, même dans son département. Mais il était un bon employé car il suivait méticuleusement les ordres du bureau central, quelque part aux États-Unis.
Venait ensuite le Nerd de la gang, probablement le plus intelligent du groupe mais aussi doué pour s'entretenir avec la clientèle qu'une poignée de porte. Le Nerd avait quelques amis mais qui riaient de lui doucement dans son dos et qui se foutaient un peu de sa gueule à l'occasion.
Personne ne prenait le troisième au sérieux, Jumping-Jack de son surnom. Le genre qui réprimait toujours une envie de rire, même dans les pires situations. Il était sympathique mais personne ne le voulait vraiment dans son cercle d'amis.
Il y avait bien un quatrième larron mais de son propre aveu, il ne voulait pas être l'employé du mois.
C'est donc Jos-90 qui remporta le concours de l'employé du mois, de justesse, la majorité n'ayant pas voté pour lui.
Un soir, le génie de Walmart lui apparut et lui demanda de faire trois souhaits. Il eut un peu envie de rire mais comme il ne riait que rarement, il ne le fit pas. Il savait déjà ce qu'il voulait, il y avait pensé depuis longtemps.
D'abord, il demanda qu'aucun des autres employés ne reçoivent pas de dinde à Noël. Le génie du Walmart trouva qu'il y allait fort mais il lui dit que c'était pas grave parce que lui, il en recevrait une de dinde, bien grasse, nourrie aux États-Unis.
Ensuite, Jos-90 demanda que les autres reçoivent moins de cadeaux que lui. Le génie lui mentionna que les autres ne seraient pas contents et qu'il se retrouverait peut-être seul au Walmart. Alors Jos-90 annonça son troisième vœux : que les autres n'aient pas le droit de sortir du Walmart, même s'ils n'étaient pas content.
Le génie, qui n'était pas vraiment un bon génie, trouva que le plan était diabolique et lui confirma à Jos-90 que ses vœux seraient exaucés.
Quand le gérant du Walmart annonça tout ça aux autres, l'impensable se produisit.
Jumping-Jack se calma le pompon un peu et décida même d'en parler au Nerd. Les deux n'étaient pas d'accord avec ce qui se passait et décidèrent d'aller dépoussiérer leur aïeux, parce qu'ils étaient bien plus populaires qu'eux mais aussi question de les consulter pour la forme. Ils s'enquiquinèrent même avec le dernier luron qui ne voulait pourtant rien savoir du Walmart.
C'est une histoire à suivre. En attendant, le Nerd a beaucoup de difficulté à réprimer son fou-rire. Lui que personne n'aime pourrait bien avoir sa photo dans l'entrée du Walmart...

lundi 24 novembre 2008

86. Concours « En revenant de Rigaud »

Au Tim Horton de Rigaud, j'entends une des serveuses qui dit à l'autre :
- Y'en a une des trois qu'est tombée enceinte.
Avouez que ça laisse un peu perplexe. Pour le reste de mon beigne, j'ai imaginé les scénarios suivants.
Scénario 1 : On pense toujours au pire, c'est bien connu. Trois filles se sont faites attaquer par un violeur en série. Y'en a une des trois qu'est tombée enceinte.
Scénario 2 : Une clinique de Montréal offre un traitement miracle pour rendre la fertilité aux couples qui éprouvent des problèmes à procréer. Trois serveuses du Tim sont allées suivre des traitements. Y'en a une des trois qu'est tombée enceinte.
Scénario 3 : Nicole Kidman fait la promotion de chutes d'eau en Australie qui feraient des miracles pour rendre la fertilité aux femmes pour qui ça pose problème. Trois amies de la serveuse du Tim Horton de Rigaud sont allées y faire trempette. Y'en a une des trois qu'est tombée enceinte. (Je me dis qu'il doit y avoir une méchante partouze gay en haut de la chute!)
Scénario 4 : La serveuse du Tim Horton de Rigaud a trois chattes. Elles étaient toutes en chaleur en fin de semaine et elles sont sorties malgré sa surveillance. Y'en a une des trois qu'est tombée enceinte.
Scénario 5 : Au lieu de trois petits cochons, l'histoire présente trois petites cochonnes. Et c'est pas en soufflant que le gros méchant loup fait des ravages. Y'en a une des trois qu'est tombée enceinte.
Je crois avoir fait le tour des possibilités. Vous pensez à autre chose?

85. Coin Viger

Ce que vous allez lire se déroule en moins de 10 secondes au coin de la rue Viger à Montréal et d'une autre rue qui commence par un saint. Il y en a quelques-unes à Montréal.
Je suis - du verbe suivre - une Mercury Topaz et on s'entend que les conducteurs de Mercury Topaz sont pas particulièrement portés sur le slalom. Bref, je le double assez rapidement, question de principe.
Ce faisant, je frappe dans un nid de poule montréalais, sans doute un vieux restant de l'hiver dernier car l'hiver ne fait que commencer. Immédiatement après, un feu rouge.
Je stoppe et dès que l'auto s'immobilise, je suis assailli par deux hommes des deux côtés de ma voiture. Celui du côté conducteur frappe à ma fenêtre en criant. De l'autre côté, même coups portés à ma vitre mais une allure de Viking et il brandit ce qui semble être un bouclier en plus. Je n'y comprends rien mais il me vient à l'esprit que le conducteur de la Topaz est peut-être un justicier routier qui cache dans son coffre une horde d'enragés qui se précipite sur les chauffeurs qui osent le doubler. Je baisse la vitre côté conducteur d'un centimètre en verrouillant mes portières habilement. Il me crie encore plus fort : « Roule pas, tu vas passer dessus. » Alors là, je me dis que j'ai frappé quelqu'un.. distrait par le nid de poule.. se peut-il? L'autre frappe de plus belle avec son bouclier dans la main et je me dis que ça va passer au vert bientôt, avec l'autre qui me dit de ne pas « rouler dessus » et tout et tout. Je sais pas si vous avez déjà conduit à Montréal mais quand ça passe au vert, tu as tout intérêt à t'être fait une opinion, ce qui n'était pas mon cas. Celui qui gesticule à ma gauche finit par me dire : « Bouge surtout pas, je vais le ramasser. » Je le vois qui avance devant l'auto, ce qui règle un peu mon dilemne au cas où le feu devient vert. Au moins, ce sera pas ma faute si je ne m'engage pas dans l'intersection... Il se penche devant l'auto et brandit à son tour un bouclier. Il s'avance vers moi et me dit « Tiens le v'là ton cap de roue. » Là je me dis qu'en Acadie, on dit « une » cap de roue mais je n'ai pas le temps d'analyser tout ça car le feu passe au vert. J'appuie profondément sur les quatre boutons baisse-vitre et j'aurais bien baissé le toit si j'avais conduit une décapotable. Mes deux comparses lancent les deux enjoliveurs que j'ai perdus en frappant le nid de poule.. l'un dans le siège arrière, l'autre sur le siège du passager. Je passe en première, ni vu, ni connu. La Topaz me suit lentement.
Y'a quand même du ben bon monde à Montréal.

lundi 17 novembre 2008

84. La passion

En fin de semaine, j'ai tout à coup remarqué la plante. Avant de déménager, on l'avait rasé bas de sorte qu'il ne restait que trois ou quatre tiges sans feuilles qui se pointaient hors de terre, question de faire le voyage Halifax-Ottawa plus facilement.
C'est une plante tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Je ne me souviens pas de son nom, un nom ordinaire, surtout pour un gars comme moi qui n'y attache aucune importance. Elle a des feuilles vertes avec une tache violette au centre qui occupe de plus en plus d'espace sur la feuille selon la dose de soleil qu'elle reçoit. Ici, elle est plein soleil alors le violet domine.
Si je vous en parle, c'est que cette foutue plante à 13 ans. C'est mon père qui en avait donné deux à mes filles alors qu'elles étaient toute petites. Bien entendu, il ne savait pas qu'il allait mourir quelques semaines après. Et là, je dis ça et je me trouve crétin parce qu'il le savait peut-être. Qu'est-ce que j'en sais moi de ce qu'on ressent quand on est sur le déclin? Peut-être qu'un grand-père ça ressent une petite chaleur en dedans quand il voit ses petits-enfants et que ça l'inspire à donner des plantes vertes avec leur tache violette et tout et tout?
Si je vous en parle, c'est que quand il a donné ces plantes à mes filles - qui devaient faire dans les 7 et 5 ans alors vous imaginez comment horticoles elles pouvaient être - il m'a expliqué comment les rendre plus touffues. Ces plantes, elles sont pas très futées. Elle poussent en longueur : je me rajoute une feuille et je te fais sortir un bout de tige; le bout de tige pousse et je te rajoute une feuille et je te fais sortir un bout de tige; et je continue comme ça moi et mes feuilles vertes avec leur tache violette. Bref, le paternel il m'avait expliqué comment « pincer » le bout de tige pour stopper le prolongement de la branche et inviter la plante à produire d'autres feuilles à la base ou à tout le moins, à faire grossir les feuilles qu'elle a déjà.
Si je vous en parle, c'est que quand mon père il m'a expliqué tout ça, ben moi j'écoutais pas. J'écoutais pas parce que les plantes je m'en fous un peu dans la vie. J'écoutais pas parce que je me disais que les fillettes, elles allaient pas faire grand chose de ces plantes (là-dessus j'avais raison, la preuve c'est que c'est moi qui s'en occupe). J'écoutais pas parce que je savais pas que c'était la dernière fois que je parlerais avec mon père vivant.
Alors les plantes, elles me suivent partout. Je m'en occupe du mieux que je peux. Je les transplante, je les coupe, j'en transplante, j'en donne à des amis. Je les mets au soleil, avec leur tache violette qui s'étend. Mais à chaque fois que je pince la tige pour les rendre plus touffues, je ne sais pas si je le fais bien. Je ne sais pas si je fais la bonne chose. J'écoutais pas quand mon père il me l'a expliqué.

mercredi 12 novembre 2008

83. Pauline

Mon travail m'oblige à participer de temps en temps à des trucs mondains, du genre pas mon genre. Au début, je m'efforçais de jouer le jeu et de trouver des choses intéressantes à raconter à des gens qui n'en avaient rien à en foutre. Je suppose que c'est un apprentissage mais j'ai vite cessé ce petit jeu. Maintenant, je fais ma petite affaire, je ravage les petits fromages, je dévalise le buffet et je ramasse tout ce qui se boit et qui passe près de moi sur un plateau. Je suis le meilleur client des barmans. Il n'est donc pas rare de me retrouver tout seul dans mon coin et, chose fascinante, je le reste rarement car des gens que je ne connais pas trouvent des choses qu'ils trouvent intéressantes à venir me raconter, en s'efforçant de jouer le jeu.
Ce soir là, je yeuxtais un pâté de foie gras quand j'ai aperçu la Pauline Marois toute seule comme un coton. Vous aurez deviné que c'était avant les élections car aujourd'hui elle serait encadrée de quatre gorilles. Me voilà l'envie qui reprend de jouer le jeu, je lui raconter des choses que je trouve intéressantes. Je m'approche, elle y va d'un grand sourire. Quand elle sourit, ses yeux sourient aussi, c'est astucieux. Pas besoin de lui faire la causette, c'est elle qui semble contente de quitter son ermitage social. Je trouve le tour - comment j'ai fait me dépasse encore - de lui refiler l'information que je suis Ontarien, donc que je voterai pas pour elle aux élections éminentes, ni contre elle d'ailleurs pour les mêmes raisons. Elle trouve ça génial et elle est charmante et tout et tout, avec beaucoup de classe.
Mais là, c'est la campagne électorale au Québec et je les journaux et il semblerait qu'elle a un peu trop de classe pour le Québécois moyen. D'après ce que j'ai pu en comprendre, elle aurait plusse de chances d'être élue si elle portait des bigoudis sur ses pancartes promotionnelles. Elle passerait mieux si on la voyait avec des pantoufles en phentex de temps en temps. Elle atteindrait des records dans les sondages si elle rotait pendant le débat de chefs. Et si elle trouvait ça drôle d'avoir roté à la télé, elle deviendrait première ministre sur-le-champ, le brave peuple l'adulerait.
Je vous raconte ça parce que moi, voyez-vous, je vote pas nécessairement pour la meilleure personne aux élections. Je vote pour celui ou celle qui me fera pas trop honte. Dans l'isoloir, je les imagine tous en train de serrer la main d'un autre chef d'état et je vote pour celui qui me ferait le moins honte.
La Pauline elle me ferait pas honte du tout.

dimanche 9 novembre 2008

82. Un passé plus que présent

Comment dire?.. Ben j'ai l'impression d'avoir passé à travers un Bescherelles des temps composés et décomposés, moins que parfaits, plus qu'antérieurs, enfin vous voyez le genre.
D'abord le souper de famille qui s'est très bien soupé-de-famillé en soi. C'était la fête d'Obama a la télé alors on a perdu des joueurs de temps en temps mais c'est ok. J'étais bien prêt à partager la fébrilité de mon retour aux sources avec le dieu qui sauvera la planète.
Ensuite, la mère, coincée dans les fils d'araignée alzeimeriens. La frangins-frangines m'avaient prévenu qu'elle n'était pas très à jour en politique internationale, tout inquiets qu'ils étaient que je n'aie une mauvaise réaction à l'idée qu'elle ne me reconnaisse pas. Mais moi, vraiment vraiment là, je n'en fais pas un plat parce que c'est la maladie. Et cette maladie, ça ne semble pas la faire souffrir car elle rigole toujours comme avant la mère et moi j'aime bien ça la voir rigoler pour des riens. J'ai pris des photos avec elle et ce sont de beaux souvenirs parce qu'elle s'est toujours marrée comme une jouvencelle asiatique en prenant des photos et elle se marre encore beaucoup. Et moi je me bidonnais aussi alors les photos sont plutôt réussies.
Oh, un petit détail. Je me suis laissé poussé quelques poils au menton depuis la dernière fois que je l'avais vue. Alors je savais que je n'avais pas augmenté mes chances de figurer à son répertoire restreint de connaissances, mêmes vagues. Or, parmi toutes les raisons qu'elle m'a donné de croire qu'elle n'avait pas la moindre idée de qui j'étais (la palme va à - « Pis, comment va ta mère? »), v'là-t'y pas qu'elle me touche le duvet facial de sa belle main - ma mère a de très belles mains, tout le monde le dit - et que dans un éclairci du brouillard crânien, elle plisse les yeux : « T'en avais pas de barbe avant, hein? »
Curieux que je reste de marbre devant tout ce dont elle ne se souvient pas mais qu'elle m'émeut avec ce vague restant de mémoirette confuse.
Je ne sais pas si c'est ce qui a donné le ton mais j'ai ensuite passé le reste de ma fin de semaine avec une amie d'enfance, perdue et retrouvée souvent. Et on n'a fait que se rappeler des souvenirs d'enfance, peut-être pour être certain qu'on s'en souvient, mais tout ça sur un fond de tentative de comprendre pourquoi on semble elle et moi moins affectés par les valeurs chrétiennes que bien d'autres. On a conclu que c'était en 8e année, quand le dimanche la messe avait été annulée et que le lundi matin, on avait une suppléante. C'est que le curé Haché, il était parti avec la soeur Doucette. Quand il est parti, il avait oublié d'avertir l'évêque alors il y avait pas eu de messe. Toute la paroisse elle était là mais personne le savait qu'il y avait plus de curé. Mais la soeur Doucette, elle avait dû mieux se préparer parce que la directrice, elle avait eu le temps de trouver une suppléante pour le lundi matin.
Alors mon amie et moi, on pense que cette fin de semaine-là, nos valeurs ont peut-être été bousculées un peu.
Du coup, on a ouvert une autre bouteille de vin.

mardi 4 novembre 2008

81. Le retour de l’enfant prodige

Tout à fait cliché mais c’est bien comme ça que je me sens ce soir en me préparant pour aller faire un visite éclair dans mon coin de pays natal. Tout est parti d’un voyage d’affaire que j’ai décidé de prolonger de quelques jours. En fait, d’un soir au Nord pour voir ma mère et d’un soir au Sud pour voir ma fille. Quelque chose de très ordinaire quoi.
Or je reçois un appel de ma frangine qui me demande des détails sur mon arrivée, question de réunir la famille au grand complet, chose qui ne s’est pas produite depuis un siècle ou deux. Voilà qui suffit pour que mon imagination – terreau fertile s’il en est – se mette à imaginer des scènes de retrouvailles bourrées d’émotions, digne du retour de l’enfant prodige au bercail. Je sais déjà que tout ce qui sera truffé lors de cette rencontre seront les classiques œufs farcis frettes préparés le soir d’avant à la mayonnaise douteuse mais rien ne peut m’empêcher de penser que c’est un moment un peu spécial, ne serait-ce que parce qu’il a pour prétexte mon humble présence auprès des mes frères et sœurs aînés et que mon statut de petit dernier m’oblige à jouer au grand garçon. Bref, ce qui devait être tout simple prend des proportions innatendues.
Je me retrouve tôt à l’aéroport, ayant prévu y prendre mon petit-déjeuner. Mon premier reflexe est de me demander ce que j’ai bien pu oublier à la maison. J’ai peu dormi, trop intéressé à me faire une liste mentale de ce que je devrais préparer à mon pseudo-réveil. Choisir un livre assez mince pour glisser dans mes bagages, dans la pile de mes achats des derniers mois que je n’ai pas le temps de lire figure à celle-ci. Elle figure aussi au palmarès des choses que j’ai oubliées. Je me retrouve donc à la librairie de l’aéroport par pur reflexe comme le fumeur chronique qui s’achète des cigarettes.
Comme d’habitude, la sélection en français est assez mince et je me demande s’il existe un contraire à l’expression « l’embarras du choix ». Je n’en trouve aucune et je suis tenté par un titre d’Amélie Nothomb que je ne connais pas. Ce doit être nouveau car il me semble que j’ai tout lu ce qu’elle a écrit même si je n’aime pas particulièrement. Elle est de ces auteurs qui ont écrit un truc qui m’a plu et dont j’ai lu le reste des œuvres en quête de la même extase. De plus, j’ai un peu peur d’elle et de ce que son esprit tordu pourrait bien pondre un jour. J’ai bien quelques amies sorcières – c’est bien pratique – mais pas du genre qui vous annonceraient la fin du monde sur un ton badin comme cette Nothomb pourrait le faire.
Mon choix – ou mon pas de choix – tombe sur Kathy Reichs, une Américaine qui vit au Québec et dont le titre du livre traite d’Acadie. De Tracadie, pour être plus précis. C’est traduit et je me délecte déjà des anachronismes et des allures tordues que prendra certainement Tracadie dans la tête d’une Américaine qui n’a entendu parler des Acadiens que de la bouche des Québécois. Je feuillette et j’achète d’un pas décidé, sourire entendu irréprésible : l’héroïne s’appelle Évangéline, ça va être tordant.
Je ne suis pas déçu : Évangéline a 10 ans et son livre préféré qu’elle traîne sur une plage de la côte américaine n’est rien de moins que le poème lyrique de Longfellow. Son passe-temps de vacances ? Évider du poisson avec son oncle. Cette fillette parle de la déportation comme si elle était née avec une carte-puce de la bibliothèque du Centre d’études acadiennes rivée dans le cervelet. C’est à mourir de rire et je passe trois mouchoirs à m’essuyer les yeux pendant mon petit-déjeuner.

mercredi 15 octobre 2008

80. Leçon de trilinguisme

J'écoutais pas, je vous le jure. Mais j'ai entendu.
Ils avaient tous les deux vingt ans, max. Un gars, une fille, vendeurs dans une boutique du Marché-By.
- Il m'a flushé.
- Ah ouin?
- Il a dit « Pitché! » pis y'a raccroché.
- Han? Pitché? Comme dans « Mâ te pitcher dans 'és boîtes? »
- Ouin, ça doit être ça.
Sauf que moi, j'étais avec ma fille pis on a entendu la même conversation. Elle écoutait pas elle non plus, je vous le jure. Mais elle a entendu.
Ma fille et moi, on sait que si le gars a raccroché en disant « Pitché! », c'est que le copain, il est Acadien.
Et en Acadien, ça veut pas dire qu'il veut la « pitcher » dans les boîtes, ça veut dire qu'il a pitié d'elle mais d'une pitié méprisante, ce qui se traduit mieux par « Pauvre conne. »
Mais ma fille et moi, on lui a pas dit à la fille que c'est ça que ça voulait dire parce qu'elle avait l'air déjà assez bouleversée de s'être fait pitcher dans les boîtes, sans qu'en plus on lui apprenne qu'elle est une pauvre conne.
C'est quand même commode d'être trilingue.

lundi 13 octobre 2008

79. Tant à découvrir

Vendredi j'ai pris congé. Je m'étais fait une petite liste de choses à faire et le changement pour des plaques d'immatriculation en français en faisait partie. Difficile de dire pourquoi ça continuait de me trotter dans la tête. Sûrement parce que la défense du français est en quelque sorte mon gagne-pain mais sans doute aussi par respect pour le comité de crétins qui a dû voir à la traduction de Yours to Discover. J'imaginais des mois de réunion et des votes contre les suggestions des traducteurs dépités : La tienne à découvrir (trop littéral), Découvrez la vôtre (trop suggestif) Découvrez-vous (trop tentant) et Découvrez-la (purement cochon).
C'est donc par pitié pour tous ces gens que je me suis pointé au comptoir de l'agence de distribution des plaques d'immatriculations. Cette fois-ci, je me suis rendu directement au comptoir des informations, question de ne pas perdre une minute. Je suis en congé mais mon intention première n'est quand même pas de le passer dans une file d'attente.
Je suis chanceux, il n'y a qu'un type devant moi. C'est un Chinois qui tente d'expliquer dans son anglais approximatif qu'il y a une erreur sur son permis. On a inversé son nom et son prénom et il aimerait que ce soit corrigé. Disons qu'il s'appelle Ming Wâ, on l'a appelé Wâ Ming et ça l'agace un peu. Mais il sourit toujours en expliquant tout ça. Il sourit aussi quand elle lui dit qu'il va devoir faire un changement de nom. Il prend un numéro et s'assit tranquillement en attendant qu'on l'appelle à nouveau.
Arrive mon tour et je lui demande si ça va être long pour obtenir des plaques en français. À côté d'un changement de nom, j'ai presque honte de la déranger pour si peu. Elle me flanque un tourne-vis dans la main et me demande mes papiers, que j'ai avec moi, petit futé que je suis.
- Allez chercher vos plaques et je vous complète les formulaires en attendant. Ça va aller vite.
- Wow, que je dis.
Je sors dévisser mes plaques. Faut dire aussi que je n'ai jamais réussi à retenir mon numéro de plaque et que ça m'agaçait un peu. Quatre lettres et trois chiffres, c'est pourtant pas difficile mais je suis tombé sur quatre lettres qui ne faisaient aucun sens pour moi. Même aujourd'hui, je ne m'en souviens déjà plus. Une série de consonnes sans aucun référent auquel je pourrais me raccrocher : BFZT ou BZVL je ne sais plus...
J'apporte donc les plaques BLRF Yours to Discover en me disant que je fais un bon coup. Ça peut pas être pire.
Je remets donc les plaques au comptoir des renseignements. Elle les repousse gentiment et me tendant un dossier que je dois apporter à un comptoir de service. Elle m'indique aussi de prendre un numéro. Elle doit voir dans ma face que je débine car elle ajoute : « Ça va aller vite. ».
Ouais.
Elle a raison, les numéros défilent à toute allure.
Devant moi, le Chinois qui change de nom. Il doit prendre sa photo à nouveau. Il sourit toujours, devant la caméra encore plus. La fille qui prend la photo lui dit « No expression, please. » Cette fois, ça le fait franchement rire. « No, no. No teeth please. » Moi je me dis qu'il va enlever son dentier, c'est certain. Mais non, il met sa main devant sa bouche le con.
Après quatre reprises, il finit par se donner un air à-peu-près sérieux et la photo satisfait la commis.
C'est ensuite mon tour. Une commis vérifie mes documents et une autre apporte les plaques. Je jette un coup d'oeil furtif : Tant à découvrir, en toutes petites lettres mais c'est bien en français.
En quinze minutes, tout était réglé et j'étais à quatre pattes dans le stationnement en train de remettre les nouvelles plaques. Toutes neuves, pas d'insectes effoirés dessus. Du coup, je décide de me rendre à un lave-auto, question que l'auto soit aussi propre que les plaques neuves.
Je retourne à la maison, pas mal fier de mon coup.
Mon copain est justement dans le garage en train de bricoler.
- Ah, tu changer les license plates? (sic).
- Ben oui.
- BEAD, that's easy enough to remember. It's an English word!
- Phoque.

jeudi 11 septembre 2008

78. Le bec cloué

À la une, l'ADQ appuie Harper.
Page 3, le diocèse de Montréal octroie une bourse d'études à un prètre qui vient d'être accusé d'attouchements sexuels sur une tite-fille de 8 ans. Il s'en vient étudier à Ottawa.
Plus loin, une candidate à la vice-présidence américaine brandit au bout de ses bras son enfant trisomique, symbole de sa pureté chrétienne, elle qui continue d'avoir des enfants - donc de fourrer, la cochonne - même si ses chances virevoltent autour des 75% d'avoir un enfant anormal. Ça pourrait lui rapporter des votes, paraît-il.
Pis Dion qui se fait chier sur l'épaule par un macareux.
Aujourd'hui, j'ai comme rien à dire, mettons.

jeudi 4 septembre 2008

77. Un nouveau soap américain

Quand on n'est plus élève ou enseignant, il ne reste de la Rentrée que l'excitation provoquée par les nouvelles émission. Avec mes nouvelles 798 chaînes de télé, 13 gratuites et le reste pour une bouchée de pain, je ne sais plus à quel sein (sic) me vouer. Parmi tous les galas de la Rentrée, je dois faire des choix.
J'ai donc décidé de me consacrer au reality show de Sarah Palin, un mélange de Nana Mouskouri (les lunettes) et de Desperate Housewives (les cheveux et le beau petit mari). Il s'agit d'une télésérie qui se déroule en Alaska et qui est commanditée par les produits congelés McCain, si j'ai bien compris.
Dès le premier épisode, on est plongé dans une aventure abracadabrante du quotidien de l'héroïne. Sa fille aînée est enceinte d'un gentil garçon qui n'a pas du tout envie de se marier à 18 ans (il veut atteindre l'âge légal pour au moins pouvoir se saoûler à ses noces) et elle décide de le garder au nom de la morale chrétienne. On apprend aussi du même coup que Sarah, le personnage principal, aurait eu une aventure extra-conjugale avec le collègue de son beau petit mari. L'ayant préféré à ce dernier le temps d'une session de touche-pipi, on l'imagine déjà encore plus séduisant et on se met à fantasmer sur l'acteur qui a bien pu décrocher le rôle : Johnny Depp? Difficile à imaginer en partenaire d'affaires. Brad Pitt? Trop cliché. Comme il n'est pas encore apparu dans la série, tous les paris sont ouverts mais sa gueule ne devrait pas tarder à faire l'objet d'un prochain épisode.
En attendant mieux, c'est mon choix d'émission fétiche pour l'automne 2008. Si j'ai le temps, j'écouterai peut-être les nouvelles aussi.

jeudi 28 août 2008

76. Café frais

À mon bureau, c'est bien pratique, quand on fait du café, on met devant la cafètière une petite affichette qui dit " café frais ". C'est génial quand on arrive le matin.
Il est tout près de 17h et je viens d'aller voir s'il reste du café. Le pot de café est bien là, le fond grillé d'un cercle brun-noir, dégageant une odeur de sabot de rosse en rût, arborant fièrement son affichette de café frais.
Moi je vous le demande : Quand faut-il cesser de se fier aux affichettes pleines de bonnes intentions?

mardi 26 août 2008

75. Chatter jadis et naguère

Je dinais avec une amie, elle aussi parent d'ados, et on piaillait à tout rompre sur les méfaits du clavardage chez la nouvelle génération, des effets pervers de cette communication électronique qui nous soustrait à l'obligation de se dire les choses dans le blanc des yeux et de se regarder en face. Je lui racontais qu'il n'était pas rare de voir les jeunes débouler de l'autobus scolaire en se précipitant vers leur ordi pour chatter avec leurs amis, avec qui ils viennent de passer la journée.. sans s'adresser la parole.
Puis je me suis souvenu de ma première blonde, le premier grand amour de ma vie, une fille de 5e année B aux grands yeux bleus et aux cheveux bruns. Elle portait souvent un chandail turquoise et j'aimais bien son chandail turquoise. Peut-être que ça allait bien avec ses yeux mais qu'est-ce que j'en sais?
Donc environs 11-12 ans qu'elle avait la fille. Et ses parents avaient déjà décidé pour elle qu'elle serait promise à un bon garçon de son petit village alors elle était triste toujours avec ses grands yeux. Et moi j'aimais pas la voir triste. Alors à tous les soirs, je lui écrivais une lettre que je mettais dans une enveloppe et que je lui remettais le lendemain pour qu'elle lise en secret rendue chez elle. Elle avait pas le droit de la lire sur l'autobus car elle aurait risqué que quelqu'un lui chipe la lettre et rigole avec les potes et que ce soit la fin du monde, rien de moins. Donc, elle attendait d'être rendue chez elle, d'avoir aidé sa mère à préparer le souper, car vous l'avez deviné, c'était une bonne fille. Ensuite, elle montait sagement à sa chambre mansardée (bon je sais pas - j'ai jamais vu sa chambre mais j'aime penser qu'elle avait une chambre mansardée avec ses grands yeux et son chandail turquoise) et elle se garrochait sur la lettre comme une folle perverse assoiffée de mots. Elle lisait mes messages enflammés de toute l'énergie calorifère de mes onze ans et... y répondait, de sa belle écriture apprise par les Soeurs mais avec la touche spéciale de ses grands yeux.
Ça a duré deux ans! Ses dernières lettres m'annonçaient que son futur avait commencé à venir souper à la maison les dimanches soirs. (Vrai, vrai, même si je sais que j'ai l'air de raconter quelque chose sorti tout droit des Filles de Caleb.)
Je l'ai perdu de vue pendant plusieurs années. À vingt ans, mon emploi d'été comme étudiant était à la régie des alcools de mon village et je l'ai revue. Elle était venue au magasin, avec lui, acheter le vin et la bière, avec le permis nécessaire, pour ses noces.
On ne s'est pas parlé mais on s'est beaucoup regardé et ses yeux, ils étaient encore tristes.

vendredi 1 août 2008

74. De nouvelles plaques?

Ben voyons! Pourquoi de nouvelles plaques alors que je me suis usé les talons dans tous les bureaux de services pour avoir les premières? C'est pourtant simple...
Hier, je batifolais d'un site Web à un autre quand ma souris est tombée sur le site de l'Office des affaires franco-ontariennes ou quelque chose du genre. Ce qui importe, c'est que le site annonçait en grandes pompes que l'Ontario offrait désormais une version française de ses plaques d'immatriculation. Il n'en fallait pas plus que le francophone qui ne sommeille pas en moi ne se réveille pas puisqu'il est déjà bien éveillé.
Je sais pas pourquoi mais j'ai comme un feeling que ça va pas être si simple que ça d'avoir des plaques d'immatriculation en français. Je vous en donnerai des nouvelles.

lundi 28 juillet 2008

73. Le grand déménagement - Tome II

Deux équipes de déménageurs. L'une pour le chargement; l'autre pour la livraison.
Le chauffeur reste le même, les deux autres sont des accolytes locaux, embauchés sur le tas. Ils ont quand même quelque chose en commun, ma tendance naturelle à généraliser aidant. Il semble, en effet, que ces équipes soient constituées d'un débrouillard et d'un con-de-service. Dans les deux cas, je ne vous demande pas de deviner lequel à pris les choses en main, dans les deux sens de l'expression.
J'avais acheté une nouvelle table de salle à manger qui se trouvait encore dans sa boîte originale lors du déménagement. Sur le côté, en grosses lettres : Made in Vietnam. Le fûté dit à l'autre : « Hey, c'est peut-être tes parents qui ont fabriqué cette table-là! » L'autre n'y comprend rien mais reconnaît de toute évidence le nom de son pays. Le génie du tandem reprend : « Ton papa, ta maman, y'ont p'être faite la table, s'tie. » L'autre rigole timidement, un peu par obligation.
Moi je crois qu'il n'a rien compris du tout si ce n'est que son comparse s'imagine que ses parents se sont exilés clandestinement et qu'ils sont enfermés là-dedans. Il me semble qu'il a été particulièrement précautionneux avec la boîte en question, mais c'est peut-être mon imagination. La table était en bon état, pas de trace de passagers illicites.
Ils nous ont laissé des meubles et des boîtes un peu partout. Quand les trois étages ont été remplis à capacité, ils ont été refoulés au garage. J'espère pouvoir y remettre mon auto avant les premières neiges.

dimanche 20 juillet 2008

72. 400 ans plus tard

Je viens d'assister à une partie du spectacle de McCartney à Québec. Bien malgré moi car j'étais sorti dans l'espoir de casser la croûte mais la foule m'en a empêché. J'ai donc observé l'écran géant sur la Grande Allée, à un angle de 10 degrés, étant le dernier arrivé. D'où j'étais, je devinais que McCartney chantait et je voyais Tom Cruise à la guitare et Gregory Charles à la batterie. C'était quand même bien.
Comme je suis arrivé vers la fin, j'ai attrapé le meilleur. Quand le spectacle s'est finalement terminé, vers minuit, les gens se sont rués vers les sorties. Chose pratique, les Plaines sont en haut et tout le monde est stationné en bas. La gravité permet donc aux bonnes gens d'évacuer rapidement. Tout le monde semblait avoir faim - moi aussi d'ailleurs - mais les restos de Québec ferment à minuit. Ehh.. c'est comme ça. Les deux cent milles personnes qui assistaient au spectacle, dont la plupart qui n'avaient pas mangé de la journée, se sont ruées au Jac & Jill de la Place d'Youville. J'ai suivi la foule et je me suis ramassé un sac de chips et des pinottes.
Assis sur un banc en face du stationnement d'Youville, j'ai pu aider quelques touristes.
Les premiers attendaient l'autobus. Comme il n'y en avait pas, je leur ai suggéré de se rendre à la rue adjacente d'où on entendait beugler un type qui refoulaient les gens tout au bas sur le boulevard Charest pour les autobus. La plupart des touristes qui étaient venus pour le spectacle étaient anglophones alors ils doivent être encore là, quelque part à attendre l'autobus.
Un autre s'est assis sur le même banc, à côté de moi. Il avait un ami imaginaire qui ne voulait plus le suivre. Il avait beau insister, rien à faire, l'autre avait décidé de ne plus bouger. Je n'ai pas su quoi faire pour l'aider.. les aider.. je ne sais plus.
Un troisième est passé et il semblait Acadien par son accent, que j'ai reconnu, imaginez-vous donc. Il cherchait son auto qu'il avait stationné " dans un stationnement près d'une église ". À Québec. Près d'une église. Je lui ai souhaité bonne chance en lui suggérant une église toute proche. Il doit être en train d'y prier Saint-Antoine-de-Padoue à l'heure qu'il est.

vendredi 18 juillet 2008

71. Les préparatifs - Tome I

Le jour J approche à grand pas. La maison est vendue, les prochains proprios ont même fait livrer trop tôt leur nouvelle télé écran plasma de 52 pouces qu'ils installeront sûrement dans la salle familiale du sous-sol ou dans le salon du rez-de-chaussée ou dans la salle récréative du bout du corridor ou dans leur chambre à coucher, pourquoi pas, les cochons. Bref, ils auront l'embarras du choix alors que moi je me demande comment je vais coincer mes possessions dans une maison en rangée trois fois plus petite que celle dont je me départis. Du coup, j'ai retourné leurs livreurs avec leur camelote et je leur ai dit de revenir dans deux semaines.
D'ailleurs, demain, c'est la "vente de garage", moment charnière où je devrais en théorie me débarrasser de tout ce que je n'aurai pas de place à ranger à Ottawa. Je suis chanceux car mon copain il connaît bien de genre d'événements et je lui fais une confiance aveugle. Le samedi matin, il part souvent prendre une marche dans le quartier avec le chien et il passe toujours jeter un coup d'oeil dans les ventes de garages des autres. Immanquablement, l'un ramène quelque babiole et l'autre des brindilles, des vestiges d'os qu'ils rangent quelque part, et que je ramasse ensuite dans le fond d'un placard ou que je tire dans le fond de la cour au bout de mes bras.
Ce matin, tous ces cossins qu'il a ramenées (mon copain, pas le chien) au fil des ans sont à vendre, avec des centaines d'autres que j'ai accumulées depuis que mon père m'a donné ma première allocation de cinq cennes par semaine.
Il est 6 heures du matin et on a annoncé la vente entre 9h et midi. Je ne suis pas assez réveillé pour me demander ce qu'on fait debout à 6h mais suffisamment pour savoir qu'il me faut du café. Comme on a déjà écoulé notre stock, je me propose de somnambuler dans un service à l'auto pour prendre du café et des bagels.
- Surtout pas Starbucks, qu'il me dit.
- Comment ça? émet ma bouche pâteuse.
- Les gens qui font des ventes de garage boivent du Tim, c'est comme ça.
Habituellement, l'expression "c'est comme ça" met fin à nos discussions mais là trois heures avant le début de la vente, je ne comprends pas tout à fait. Jusqu'à ce que je regarde dehors pour y voir trois autos devant la maison qui attendent qu'on sorte nos cochonneries.
C'est pas des billets pour le spectacles d'Elton John qu'on met en vente, c'est de la scrap que je veux pas traîner à Ottawa.
Il y a un petit crachin fin qui tombe. À 6h du matin, ça a quelque chose de sinistre. Je réussis à me faufiler entre les autos en file d'attente sur ma petite rue pas très large pour aller chercher du café. Au retour, je songe à contacter l'escouade anti-émeute et je me résigne à me stationner un peu plus loin. Devant chez moi, c'est pris. Mon entrée de maison, je n'y pense même pas.
Quand j'arrive, les gens sont déjà entrés dans la maison. Pas le temps de rien sortir et de toute façon avec cette petite pluie fine, c'est peut-être aussi bien ainsi. C'est quand même curieux de voir autant de monde dans la maison avant même que j'ai eu le temps de me brosser les dents.
- C'est combien?
Là je suis fourré parce que je n'ai aucune idée de ce que vaut la camelote que je leur propose. Je me réfères à l'expert. Il leur sort des prix venus de nulle part et j'observe, mi-fasciné, mi-en crisss de voir partir une lampe que j'ai payée cent piasses pour un loonie.
Il me fait des gros yeux : on déménage dans trois jours pis si on la vend pas la maudite lampe, on va la mettre au bord du chemin mercredi matin.
Ouais.
Après la première demi-heure, je commence à comprendre l'astuce. Quand quelqu'un te demande un prix, tu penses qu'il va offrir ta gugusse à quelqu'un que t'aime pas. Tu penses que ce quelqu'un que t'aime pas va pas aimer le cadeau qu'il reçoit mais qu'il va être obligé de le mettre sur son manteau de foyer pour ne pas blesser la personne qui le lui offre.
- Vingt-cinq cennes!
C'est pas croyable tout ce qu'on peut vendre.

mardi 17 juin 2008

70. Élucubrations existentielles

Toutes les compagnies d'aviation annoncent les passagers du fond de l'avion en premier "pour faciliter l'embarquement". Je n'ai jamais vu en quoi ça facilite quoique ce soit parce que c'est toujours le bordel à bord de toute façon. Le problème, c'est les illettrés qui peuvent pas lire leur carte d'embarquement et qui ont le culot tenir leur boutte quand quelqu'un leur signale qu'ils ont pas le bon siège. Le problème, c'est les crétins qui ont des valises trop grosses et qui savent pu quoi faire avec quand vient le temps de s'asseoir et qui regardent les autres passagers comme des chiots qui viennent de faire pipi par terre, l'air de dire "C'est pas ma faute, c'est le compartiment qu'est trop petit". Pis d'abord, pourquoi quand on prend l'avion, ils font pas asseoir ceux qui ont des sièges côté hublot d'abord? Ça éviterait le problème des épais qui veulent regarder les petites autos en-bas mais qui sont pas foutus de se mettre en ligne les premiers.

69. Il était une fois dans un jardin

Lundi ou mardi, je ne sais trop. Je viens de faire un suduko, preuve irréfutable que je suis en vacances. Je l'ai fait pour me prouver que je le suis, preuve irréfutable qu'on puisse douter que le susse.
Ce sont mes derniers jours dans cette maison que je dois vider de son contenu, caser dans des boîtes, préparer pour de nouveaux propriétaires. Encore une fois, je n'ai pas la moindre idée des sentiments qui sont suscités par ce changement et encore moins de ceux que je devrais feindre d'abhorrer. Car elle n'est pas que bons souvenirs cette maison. Mais est-ce que je ne me laisse pas aller un peu trop au sentimentalisme? Ce n'est qu'une maison après tout...
Je n'arrive pas à savoir pourquoi mais c'est le jardin qui me hante. Je suis allé m'y balader ce matin, genre de Marie-Antoinette pas rasée, avec un café à la main. D'abord des vieux relents de bordure taillée d'une manière obsessive, ensuite une plantation bleu-blanc-rouge pour faire plaisir à l'Acadien que tout le monde semble voir en moi. Deux symboles des vies que j'ai côtoyées ici.
Un sapin que j'ai planté à une fête des pères quelconque. Un lilas que j'ai acheté quand je suis devenu un homme libre et qui se plaît à ne produire que trois fleurs à chaque printemps, comme pour me rappeler la trinité que nous formions mes filles et moi quand je lui ai redonné la chance d'étendre ses racines.
Dans tout ça, mon chien qui ne se doute de rien. Il galope comme un crétin d'un bout à l'autre de la cour, langue pendante s'agitant en tous sens au gré de ses sauts désarticulés.

dimanche 11 mai 2008

68. Ces choses qui ne devaient pas arriver

En moins de 24 heures, il m'arrive deux choses qui ne devaient pas m'arriver. Je m'explique. Quand j'avais 20 ans (ou même 40 tant qu'à y être), si quelqu'un m'avait dit : « Mon pote, à la Fête des mères en 2008, tu iras acheter des fleurs pour la mère de tes enfants avec ton chum! », moi je lui aurais répondu : « Ben voyons don' ».
Si ce même crétin m'avait relancé en ajoutant : « Pis ce jour-là, tu vas être invité à une conférence des Organisations internationales non-gouvernementales - les OING - pis tu vas loger au Môtel Bel-Air de Haut-Bertrand! », c'est sûr que je lui aurais répondu « Ben là, ben là, ben voyons don' ».
Et pourtant.
Le Môtel Bel-Air, c'était, et c'est encore, des petites chambrettes en face du garage chez Michel Cormier où on allait manger de la crème glacée molle dans le restaurant adjacent. Je n'ai jamais connu personnellement ledit Michel Cormier mais il était le seul pendant toute ma plus tendre enfance à vendre de la crème glacée molle. C'était la traite du dimanche quand on faisait des grandes promenades pour aller nulle part, preuve irréfutable que l'essence était moins chère dans le bon vieux temps. Quand je demandais à mon père où on allait, comme ça, pour notre promenade du dimanche après-midi, il répondait immanquablement avec un sourire en coin qu'on irait « là-bas au boutte du chemin ». À tous les coups, on se ramassait à Maisonnette. Après quelques fois, j'avais un peu compris l'astuce, comme le chien de Pavlov. Sauf que je n'ai jamais su si mon père avait lui aussi compris qu'en allant à Maisonnette, on était jamais bien loin de passer manger une crème glacée molle chez Michel Cormier. Quelques kilomètres de détour en tournant à gauche au Pont Rouge - qui n'était pas rouge du tout - et on y était. Il y tirait son compte aussi car il aimait bien arrêter chez T'chophile Dugas pour jaser pendant que je lichais mon cornet dans le siège en arrière, pas attaché. Ou alors ils s'arrêtaient au 5-10-15 chez Dugas où c'est ma mère qui se réjouissait toujours à l'idée de jaser avec Madame Dugas. Moi, j'avais peur de Madame Dugas car elle était immense. Joviale, mais d'une immensité qui me foutait la trouille. Et elle faisait des blagues que je comprenais pas ou que je trouvais pas drôle. Ou les deux, ce qui était encore pire. Quand on arrêtait au 5-10-15, j'étirais mon cornet le plus longtemps possible.
Je pense que Michel Cormier a été bien en avance sur son temps avec sa crème glacée molle. De mémoire, personne d'autre n'en a vendu dans mon coin de pays avant que j'atteigne l'adolescence. Il avait peut-être la clef d'une multinationale sans jamais le savoir. Imaginez un peu : « Michel Cormier, PDG fondateur et actionnaire principal des Dairy Queen du monde entier ». [Trouvez le lien avec mon « autre » chose improbable, et vous êtes un petit futé.]
Il s'en faut de peu pour que le 5-10-15 Dugas ait été le précurseur des Dollar Store, toute notion d'inflation confondue.
Mardi, je pars pour le Môtel Bel-Air de Haut-Bertrand et je rencontre les organisations internationales non-gouvernementales. Je vous en donnerai des nouvelles.

lundi 24 mars 2008

67. Joyeuses Pâques

Ce jour-là, si on s'appelle Pascal, c'est le boutte-d'la-marde. La radio essaie de nous faire avaler que Pâques c'est la plus grande fête chrétienne mais nous les auditeurs on n'est pas dupes. La preuve, c'est que Noël coûte beaucoup plus cher. J'ai ma théorie sur la résurrection parce que c'est quand même vrai que c'est à peu près vers Pâques que mes cartes de crédit loadées à Noël me permettent de revivre un peu.
Y'à Benoit XVI qui prend bien son temps à urbiner et à orbiner. Certains disent qu'il se fait vieux ce pape tout neuf mais moi je dis que ça l'amuse de vois ce bon peuple réuni sous une pluie torrentielle pour le voir gesticuler un peu de son perchoir. Quand il commence à faire le tour de tous les pays où ça ne va pas bien, je change de poste.
La prochaine station a un petit concours et il faut téléphoner pour dire quelle personne de l'entertainment industry est la préférée du public. Moi je pense tout de suite à B-16 mais ça doit être parce que c'est Pâques.
Entertainment industry. On n'a rien de tel en français car on pourrait jamais faire subventionner ça. L'industrie culturelle, ça fait tellement plus noble.
Poste suivant. Un vox-pop sur le parvis de Sainte-Anne-de-Beaupré. Il y a l'autre qui explique que la bonne Sainte-Anne a une oreille de catégorie A.
- Y'a personne qui m'écoute comme la bonne Sainte-Anne.
Aïe, c'est pas gentil pour ceux qui t'entendent pour de vrai ça...
- Pis à Pâques, on dirait qu'elle écoute encore plusse.
Ça marche pour moi en tout cas : continue d'en rajouter, je suis tout ouïe.
Le prochain chrétien est un peu plus terre-à-terre quand l'interviewer lui demande ce qu'il fait là :
- J'ai jamais manqué mes Pâques en soixante-quatorze ans pis j'reste yinque à côté.
Enfin une foi qui s'explique. Surtout à -30C un lendemain de tempête.
Fini la radio. J'insère un cd que j'ai acheté récemment : Pascale Picard (tiens donc!). C'est une jeune Québécoise qui chante en anglais pour le marché francophone.
Je vous souhaiterais bien de Joyeuses Pâques mais je sais pas trop ce que ça veut dire.

samedi 15 mars 2008

66. Une écharpe tachetée

Je mets ça sur le dos du déménagement en Ontario. Ça ne m'était arrivé qu'en de très rares occasions mais là, c'est deux fois la même fin de semaine.
D'abord, y'a ce type au bar qui racolle et qui commence par me dire qu'il aime bien mon écharpe. Retenez bien que la première phrase de notre entretien était la sienne :
- J'me suis tacheté le même foulard que toué.
Ç'aurait dû en rester là mais la nature humaine n'est pas faite ainsi. Je lui réponds une banalité dont j'ai oublié l'ampleur mais qui amène mon compère à me répondre :
- Ahh.. t'es pas Français.
Il me laisse à peine le temps de prendre ça pour un compliment qu'il en rajoute pour préciser la teneur de ses propos :
- Le français, c'est pas ta langue, hein?
Tiens donc!
Je devais être dans un état d'esprit proche d'une torpeur béatifiante car au lieu de l'envoyer chier, je décide de m'enquérir de l'étendue de son savoir en linguistique des accents :
- Alors, comment t'as deviné que je suis un anglophone qui parle français?
- Ben, c'est facile : tu pa'les pas comme moué.
En effet, l'équation est d'une simplicité qui me renverse. Mon voisin de bar n'est jamais descendu de son arbre, voilà qui explique tout.
Nous poursuivons ensuite notre conversation comme de vieux potes. Je tiens le rôle de l'Anglophone de passage à Montréal, lui de chanteur dans un groupe. (En fait, il m'explique qu'il est le screamer dans un band de heavy metal et après l'avoir googlé, ce crétin disait vrai. Pour le groupe heavy metal, mais aussi pour le screamage.)
Ils ont joué dans un bar quelque part et un recruteur les a invités au Texas, déplacement et hébergement payé avec un cachet. Ce bout-là, je sais pas si c'est vrai mais lui y croyait en tout cas.
Plus tard, dans une boutique, la vendeuse me demande mon numéro de téléphone et quand je lui donne le 613, elle confirme ses doutes à haute voix :
- Ahh je me disais aussi que vous étiez pas d'ici.
Pour l'emmerder un peu, je lui lance :
- Ah oui?! Comment ça?
Même réponse :
- Ben, vous parlez pas comme nous autres. (Notez la nuance où celle-ci appartient à un groupe plus étendu que mon compère du bar.)
Je ne sais pas trop si elle s'est rachetée, mais quelques instants plus tard, elle cause avec deux bambins qui courent partout dans la boutique pendant que leur mère fait son shopping.
Le plus vieux des deux enfants :
- Nous, on est Français. (avec l'accent et tout et tout)
La vendeuse :
- Ahhh.. vous êtes chanceux. Vous parlez bien vous autres!
Comme diraient les Français : « On est toujours le Belge de quelqu'un d'autre! »

jeudi 13 mars 2008

65. Robe de bal

Je suis à Montréal pour faire l'achat de la robe de bal de mon bébé qui va finir son secondaire dans quelques mois. Je l'ai fait pour l'aînée et il semble que ce soit désormais une tradition. Heureusement que je n'ai pas sept filles comme dans Barbe-Bleue et les sept naines.

64. Trois fois passera...

Nous sommes en groupe de discussion. Comme d'habitude, l'hyperactive a pris le contrôle et gère la discussion. Trois participantes arrivent en retard.
La première est franco-ontarienne. Elle arrive en s'excusant, emprunte une chaise libre de la table voisine en s'excusant encore, s'assure que la chaise n'est à personne, s'assoeit et ne desserre pas les lèvres de toute la session. Elle aurait aussi bien pu être Acadienne.
La deuxième est Québécoise. Elle arrive en sacrant après les ascenceurs qui l'ont mis en retard, se tire une chaise de la table voisine, fait deux ou trois interventions complètement hors sujet, l'hyperactive essaie de la ramener gentiment sur le sujet. Elle boude, sort son miroir de son sac à main et se refait les lèvres en ne prononçant plus un mot.
La troisième est Française et elle enseigne à Toronto. Deux bonnes raisons pour être frustrée, je suppose. Elle arrive en demandant pourquoi elle n'a pas de chaise et demande à l'hyperactive de lui donner un plan de la discussion car elle trouve ça inconcevable qu'elle n'en ait pas. Elle intervient à tout rompre et plus personne ne peut placer un mot.
C'est arrivé comme ça, je vous le dis.

samedi 8 mars 2008

63. Journée de la femme

Quinze heures de route la veille de la journée de la femme. Toutes les stations se sont empressé de dépoussiérer Lise Payette que je n'avais pas entendue depuis ma tendre enfance. (Je me souviens que je suppliais mes parents pour veiller tard afin d'écouter Appelez-moi Lise qui passait dans les Maritimes à des heures hallicinantes. Ciel.. a-t-elle été ma première fag-attraction?!)
Toujours est-il que, station après station, que je scanne avec l'énergie du désespoir à tous les cinquante kilomètres, on ne parle que de ça. Les sujets sont invariablement les mêmes : sont pognées avec les enfants-à-maison, sont moins payées, devraient être payées pour rester-à-maison. Bref, elles veulent rien savoir de la maison mais malgré tout, y'en a toujours une pour vous pousser une petite recette de sucre-à-crème vous-m'en-donnerez-des-nouvelles.
J'ai l'air d'un beau petit macho, comme ça, mine de rien mais vous ne trouverez pas plus grand allié pour l'égalité des sexes. Je pense juste que dans les deux clans, y'a des connasses et c'est dommage que c'est justement celles qu'on entend à la radio pour parler des droits des femmes. Les autres sont p.-d.-g. quelque part et sont trop occupées pour donner un point de vue sensé ce jour-là.
Je me lasse vite de ce que j'entends et je me mets surtout à retenir des expressions et des propos que je questionne.
- Je vais être franche avec vous. (Tiens donc.. le reste, c'était de la frime?)
- Je vais être bien franche avec vous. (Pour le reste, tu avoues donc que tu fabulais un peu?)
- Je vous mentirais si je vous disais que... (Mais t'as eu envie de nous en passer une, hein pouffiasse?)
- Je vous avoue que j'aime bien la lasagne. (Pis tu nous cachais une pareille niaiserie..!?)
- Moi, je vous dirais que... (hmmm.. y'a quelque chose qui me dit que tu vas nous le dire!)
La palme revient à la pauvre fille qui s'est mise à parler de son chien. Comment elle en était arrivée là dans le contexte d'une table ronde radiophonique sur la condition féminine reste encore un mystère pour moi.
- Même si ça fait juste cinq minutes que je suis partie, mon chien, lui, y branle de la queue à se défaire quand il me voit rentrer à la maison. Mon chum est jamais content comme ça lui.
(T'a jamais pensé que ton chum, il branlait peut-être de la queue pendant que t'étais partie cinq minutes, pauvre idiote?!)

lundi 3 mars 2008

62. Des raisins mi-sucrés

C’était le genre que t’haïs rien qu’à le voir. Le découvrir n’arrangeait pas les choses.
Il est monté dans l’avion comme s’il en était le propriétaire. Tite-bedaine, cravate trop courte. Grosses lunettes démodées, moustache pu-la-mode. Il tasse les choses qui étaient jusqu’alors bien rangées dans le compartiment " au-dessus de vous" et y bourre son gros manteau. (Pourquoi les épais portent-ils tous des gros manteaux de cuir noir qui pèsent une tonne?)
Je suis soulagé qu’il ne s’assoit pas dans ma rangée mais je déchante vite quand je réalise qu’il va porciner juste derrière moi, geste qu’il fait sans grâce aucune en arrachant presque mon dossier pour insérer sa corpulence dans le siège. L’avion a bougé, je vous mens pas.
Aussitôt en position assise, il commence à débiter ses prouesses professionnelles à sa voisine, qui - comble de malheur - s’y intéresse. Si elle avait pu être unilingue-inuktitut au moins, mais non. Elle est anglophone comme lui.
Un vrai casse-pied ce type que je vous dis moi.
Je ne sais pas ce qu’il fout là-derrière mais il se tortille comme un damné. Il serait bien le genre à porter un boxer trop grand qui lui pogne dans la craque, tiens. À chaque fois qu'il gigote, je reçois son genou de crétin dans le dos. Le vol est complet, pas moyen de bouger. Pas moyen de dormir non plus, évidemment.
En plus moi des abrutis du genre qui me bousillent la quiétude, ça a le don de siphonner toute mon énergie qui se concentre sur la haine que j’ai pour tous ceux de son espèce. Je peux pas lire, je peux pas écrire, je peux pas dormir (je sais, je l’ai déjà dit), je peux juste haïr profondément un type que je ne connais même pas et que je reverrai jamais. En tout cas, je l’espère.
Fallait s’y attendre, il décide de pitonner sur son écran tactile qui se trouve justement derrière ma tête. Il pitonne pas, il mitraille, le sacrament. Le voyage va être long. J’ai la pression qui doit se taper le Guinness dans le domaine. Si les autorités portuaires savaient à quoi je pense en ce moment, je serais bon pour côtoyer Hussein en prison.
J'essaie d'écouter un peu de télé moi aussi, pour me changer les idées, mais mon dévolu se jette sur la pauvre Maria qui s'en va visiter sa copine lesbienne dans un champ de raisin avec ses Aéropoints-Gold, une fois en français, une fois en anglais. Je lui souhaite de faire toute la traversée de l'Atlantique aller-retour avec un débile dans le siège arrière.
La descente vers ma destination est comme une délivrance. Plus on descend, plus je me sens léger à l’idée d’être enfin délivré de ce supplice.
On touche le sol et comme de raison, mon gros épais sort son cellulaire sans écouter les consignes qui lui disent d’attendre l’arrêt complet de l’appareil. Je l’entends qui pitonne. Au moins, c’est plus l’écran tactile du dossier qui en souffre.
- Allô ma pitoune!
Tiens, il parle français cet abruti? Mais je suis pas surpris qu’il parle à une pitoune.
- T’ennuies-tu de ton ti-papa? Papa est dans l’avion là pis y s’en vient à la maison.
- ...
- Ta-tu-mi-ton-ti-pyjama-à-pattes?
- ...
- Onnnhh.. que papa a hâte de te voir!
- ...
- Passe-moi moman ma toutoune.
- ...
- Ouain, ouain, c'est ça. Papouche te fait des gros bisous pis un prout su'a bedaine. Passe-moi moman maintenant ma chouchoune.
- ...
- Je t'aime mon raisin.

De toute évidence, raisin-toutoune passe l'appareil à sa maman.

- Hi Sweetie! How's it going?
- ...
- Can you keep Chloé up for a bit? I'm just getting off the plane and I should be home in a half hour at the most.
- ...
- Love you too, Sweetie.
Pis là, il raccroche. L'avion s'immobilise. Le cordon ombilical nous relie à nouveau au monde des marchants. La clochette qui libère instantanément nos ceintures de sécurité se fait entendre. Les engins se calment. Débute la tite-musique de la carlingue, celle qu'on se demande toujours si elle joue tout le temps mais que les réacteurs nous empêchent de l'entendre pendant le vol, comme la lumière dans le frigidaire.
Mon crétin d'arrière-banc est donc un gentil papa francophone qui parle anglais avec sa Sweetie mais français avec son raisin-toutoune. Qu'il appelle d'ailleurs Chloé - et non Clouée - même quand il parle à sa Sweetie.
Je m'extirpe de mon siège, lui du sien. Il ouvre le coffre « au-dessus de vous », enfile son manteau qui lui va pas si mal finalement. On attend que la porte de l'appareil s'ouvre.
- Looks kinda cold out there, han?
- Ben oui, que je lui réponds avec un sourire tout croche.
Un ben bon gars, finalement...

mercredi 20 février 2008

61. De la boue partout

Je ne sais pas trop ce qui m’a pris mais me revoici chez les voisins du Sud, cette fois-ci incognito, bien décidé à trouver quelque part un coin de ce gros pays bien dodu qui n’a pas été construit l’an dernier. Au mieux, je trouverai bien un patelin tranquille qui n’ait pas (encore) été ravagé par des promoteurs éleveurs de vaches grasses. Je trouverai une terrasse de café qui n’est pas un Starbucks en tout point identique à celui du Centre Rideau et je m’y assoirai avec le roman que je viens d'acheter et qui sent le papier neuf. Je cherche de l’authentique à la Pagnol et l’optimisme ne me faisant jamais faux bond, je vais trouver.
Bon. L’aéroport de Tampa aurait pu être de mauvais augure. Je l’ai quitté sur une autoroute en construction dont seule la voie allant vers l’Ouest était à peu près terminée. La voie inverse, celle que théoriquement je prendrais pour le retour, n’était que poutres et traverses. Qu’à cela ne tienne, je suis là pour un gros quatre jours alors ils devraient avoir terminé tout ça, moyennant quelques heures supplémentaires à des Mexicains illégaux pendant le President’s Day, durent-ils en couler quelques-un dans le béton pour boucher les trous.
La carte routière de l’agence de location n’indique que trois ou quatre routes et sortir de là semble tenir du jeu d’enfant. Devant moi, ça ressemble à un gros foulard gossé au tricotin où chaque laine passe sous l’une et par-dessus la suivante. Le périphérique sur lequel je roule fait des bonds à travers tout ça pour sauter sur la tête de quelques milliers de Tampaneurs avant d’enjamber une flaque d’eau artificielle qu’on a sans doute mis là pour avoir une raison de construire un pont.
Il fait beau, le soleil est de plomb et j’ai déjà toute la misère du monde à m’imaginer en train de gratter mon pare-brise. Ce que j’ai pourtant fait quelques heures plus tôt avec les narines qui me restaient collées dans le frimas du matin. Je vois une affiche qui indique Gulf Beaches et sans même y penser, je traverse trois ou quatre voies pour enfiler cette bretelle qui devrait me mener directement sur le sable, rien de moins. (Plus tard, je réaliserai que toutes les foutues sorties indiquent Gulf Beaches et je ne m'énerverai plus autant.)
On est samedi alors j’aurais dû songer que ne serais pas le seul à rechercher la mer. À la queue-leu-leu, pare-choc à pare-choc, lentement, une heure et des poussières plus tard, trois stationnement complets visités, dont l’un deux fois juste au cas, me voilà stationné sous un palmier en train de déchiffrer les codes secrets qui me permettront d’acheter une passe spéciale de stationnement. Contrairement à ce que j’avais imaginé, la plage est loin d’être bondée. Faut dire qu’elle s’étend sur des kilomètres alors quand même. Je songe un instant à toutes ces autos mais je me dis tout de suite que les Américains doivent avoir l’habitude d’apporter un véhicule de rechange. Deux bagnoles pour un baigneur me semble la seule explication possible.
Y’a des transats partout, plusieurs sont libres alors je m’étend. Y’a les vagues et ça tombe bien, j’aime les vagues. Comme j’ai pas dormi beaucoup, je pique du nez rapidement, c’est voulu. Je suis réveillé au son d’un gamin à peine plus haut que son seau de plage qui se promène parmi les touristes avachis et qui s’époumone à aviser son prochain : Be careful, I’m throwing mud everywhere! Ce qu’il fait effectivement avec sa petit pelle orange en puisant dans la mixture qu’il a concocté sur le rivage plus tôt, mignon bambin accroupi et gazouillant qu’il était alors.
This is America. Tout est permis et surtout, il a compris qu’il est tout puissant et que les autres n’ont qu’à bien se tenir.

vendredi 8 février 2008

60. Passer à travers

Mon « ginger cookie », un café chez Bridgehead, quoi demander de plus. J'arrive d'un lancement et je m'attendais au petit cocktail qui s'ensuit mais non, rien. On lance, on remercie sa mère, son chat et on salue la compagnie. Moi, ça faisait drôlement mon affaire. Je m'emmerde ferme dans ses trucs et toutes mes compétences sociales s'envolent dès qu'on se guinde le petit doigt. De plus, on est vendredi et à 3h et demi, j'ai pas de problème à commencer ma fin de semaine. Du tout.
Je suis passé par le marché By qui reste bien vivant même en hiver. Je précise ça parce que je passe pas souvent dans ce coin en plein jour. On n'y vend pas de fleurs, évidemment, et on fait plutôt dans la tuque pis les mitaines. Au lieu de se réchauffer le coeur, on se réchauffe les bouts qui dépassent.
Le café chez Bridgehead, ça reste ma plus belle découverte à Ottawa. Je suis accroc.
Je ne suis pas le seul d'ailleurs car, à la caisse, on se bidonne. Au téléphone, on cherche un certain Patrick et on a demandé au commis de faire l'annonce à haute voix dans le café : « Est-ce qu'il y a un prénommé Patrick? C'est son patron au téléphone qui lui fait dire de rentrer au bureau. » Au moins, il est pas venu le chercher par l'oreille.
Verre de vin du vendredi. Bilan de la semaine. Début non-événementiel à Banff. J'y suis arrivé le jour du SuperBowl, dont je me foutais pas mal. Dans un bar, les gars se tirent en l'air à chaque fois qu'il y a un bon coup à la télé. Un Algérien que je connais vaguement entre et s'adresse à MOI pour demander qui joue. Je jette un (premier) coup d'oeil à la télé et je réponds : « Euh.. des gros monsieurs? ». Il a trouvé ça rigolo et on est sortis prendre un verre ailleurs où c'était plus tranquille et que ça sentait moins le dessous-de-bras de mâle surexcité. Au retour, trajet en mini-bus pour l'aéroport avec un Japonais à l'ouïe vacillante (il hurlait à son voisin constamment) et un Québécois, ingénieur en odeurs porcines. Comme quoi la diversité des métiers est sans limite. Au retour, l'agente de bord nous avise : Hand me your headsets when I'll go through the cabin - Lanchez-moi vos écoutcheurs quand je passerai à travers de la cabine. Air Canada fait bien des efforts.

jeudi 31 janvier 2008

59. Virée chez les voisins

Samedi 26 janvier 2008
À 4h du matin, j’aurais bien annulé ce petit voyage pour retourner dans les draps chauds que je venais de quitter. À peine trois jours en Floride me donneraient tout juste le goût de m’étendre au soleil à tout jamais alors que je devrais trop vite revenir au froid glacial d’un janvier bien canadien. J’avais pris cette décision sur un coup de tête ayant entrevue la possibilité de me libérer pour une fin de semaine prolongée.
C’est bien la première fois que j’entasse dans mes bagages des sandales et des bottes d’hiver, un bikini et une paire de cache-oreilles. La dernière aussi, j’espère. Je pars d’Halifax pour me rendre sur une plage de sable chaud mais je retourne directement au bureau à Ottawa par après. Je dois donc prévoir à peu près tous les climats de la planète. Il tomberait une mousson d’été que je ne serais pas pris au dépourvu.
J’arrive donc à l’aérogare pas trop convaincu que je fais une bonne affaire. En face du café où j’entends prendre un croissant, c’est la porte d’embarquement pour Punta Coconut (quelque chose du genre en tout cas) et je vous jure que ça sent la crème solaire. Soit ils sont prêts pour se tirer dans le sable en parachute ou ils portent les même t-shirts empesés et indécrottables que l’hiver dernier. Il me prend une envie de faire demi-tour et d’aller faire un ange dans la neige qui recouvre mon parterre à la maison.

Dimanche 27 janvier 2008
Il y a la dame qui entre dans le magasin et qui indique à la caissière qu’il y a une bouteille de bière contre un poteau devant la boutique. C’est son quartier, ça l’indigne.
Dans sa jeunesse, elle devait être maîtresse d’un champ de coton car il lui semble tout à fait naturel que la caissière sorte de sa boutique, ramasse l’objet de son profond dégoût et le mette au rebut. La caissière l’entend autrement.
Dans ce rutilant décor emprunté tout récent où se côtoient minarets aux coquilles vides et resto-minute bondés de tout acabit, pépé s’assied avec sa salade méditerranéenne. Le chef sort en coup de vent et l’engueule comme c’est pas possible en lui disant de ne jamais remettre les pieds dans l’établissement. Ce serait en français qu’on serait à Paris. Pépé il mange sa salade goulûment et répond entre deux lampées de Root Beer qu’il n’en a rien à foutre et qu’il repassera bien quand il le voudra.

Lundi 28 janvier 2008
Je savais que les Américaines se faisaient refaire les nichons à la puberté mais je ne savais pas que les mannequins en vitrine avaient de faux-seins aussi. On nage dans l’illusion où on réussit à donner un air faux aux imitations pour faire plus réel.
Sur l’autoroute parsemée de centres de villégiature, il arrive que l’oeil soit blessé par la vue d’une bicoque à laquelle les propriétaires s’accrochent sans doute. Mais la plupart du temps, elles sont cachées par un immense panneau routier qui rassure les passants en annonçant que s’élèvera sur ce site un beau complexe d’habitations ou, mieux encore, un centre commercial. On finira bien par les convaincre d’une façon ou d’une autre; les autres l’ont été.
Ce soir, on est allés voir un coucher de soleil sur le Golfe du Mexique. Il était haut de trois ou quatre pouces dans le ciel quand nous sommes arrivés (imaginez la distance entre mon pouce et mon index). Une demi-heure plus tard, il était à un demi pouce de l’horizon et la plage s’était tranquillement remplie de spectateurs. Des familles, des amoureux, des vieillards, des motards. Un peu de tout. Et moi.
Quand le soleil a touché l’eau, on entendait les déclics des appareils-photos. Le soleil, il faisait le pont entre lui et la plage avec sa grande bavure orange. J’en dessinais des couchers de soleil comme ça quand j’étais petit et j’en avais jamais vu.
Quand le soleil il est disparu sous l’eau, les gens sur la plage, les familles, les amoureux, les vieillards et les motards, ils ont applaudi. Quoi, je sais pas vraiment. Ils ont applaudi comme quand un spectacle finit et qu’on en a eu pour son argent. Ils pensent sans doute que c’est avec leurs taxes que leur gouvernement offre des couchers de soleils gratuits comme ça et moi je leur ai pas dégonflé leur ballon. Et je leur ai pas dit non plus que j’en dessinais des comme ça quand j’étais gamin.

Mardi 29 janvier 2008
Je me suis réveillé tard et je suis allé lire à la piscine du quartier. À côté, un couple d’octogénaires. Le pépé, il dodeline sérieusement de la tête sur son transatlantique. J’ai bien envie d’aller la lui coller sur l’oreiller mais je réalise qu’il est tout tordu et que c’est comme ça qu’il réussit à prendre position pour s’étendre près d’une piscine et probablement dans son lit aussi d’ailleurs. La mémé, elle lit un magazine. Le monde semble bien se porter et rien ne trouble la paix d’un après-midi ensoleillé près d’une piscine.
La mémé, elle interrompt le calme de l’après-midi parce qu’elle a trouvé une information choc. Elle brasse le pépé pour qu’il l’écoute. Elle est tout excitée. Il paraît que dans une certaine chaîne de restaurants (le nom m’a échappé), si on enlève une olive de chacune des salades vendues pendant dix ans, ça représenterait une économie de 40 000 $.
Le pépé, il dodeline et s’ébroue de plus belle à cette idée.
Ensuite, c’est le clapotis du filtreur de la piscine qui continue comme si le monde n’avait pas changé.

lundi 21 janvier 2008

58. Les chats sont bien traités

Faut s'être fait coïncer dans un aérogare pendant un mauvais temps pour comprendre.
C'est aujourd'hui que ma chatte devait déménager ici. Comme je veux vendre la chaumière là-bas, vaut mieux qu'elle ne soit plus là. C'est pas qu'elle importune les visiteurs - ça c'est la job du chien - mais c'est qu'elle s'époile partout. Elle perd tellement de poils pendant une semaine que quand je passe l'aspirateur, je pourrais prendre le poil recueilli dans le sac et me tricoter trois ou quatre autre chats.
Elle avait son vol de réservé, la cage toute prête et les astuces pour l'y faire pénétrer (viens minou minou) et tout et tout. Air Canada téléphone hier pour aviser qu'il fait frette au Canada pis que ce serait mieux que mon minou remette son voyage à plus tard.
Dites-moi maintenant qu'Air Canada s'est déjà câlissé de votre sort et je serai rassuré. Même dans la pire des merdes, je n'ai jamais senti autant d'empathie (en fait, aucune trace aucune) alors lâchez-moi avec les préoccupations quant à mon confort. Mon chat. Eh ben...
De la viande pour chats à saveur de souris avec ça?

lundi 7 janvier 2008

2007, la déroutante

Je ne suis pas d'un naturel nostalgique mais cette fin d'année avait de particulier que je me suis tapé quinze heures de route pour me rendre à la maison.

J'avais quitté Ottawa aux petites heures du matin et les lumières de la colline parlementaire n'avaient rien pour me mettre dans l'ambiance. Les arbres étaient décorés de super-bleu-électrique ou en rose pompon-de-petite-culotte. Je me suis demandé où étaient passés les bons vieux vert et rouge traditionnels mais je me suis dit que le parti au pouvoir avait probablement choisi de se moquer de leurs adversaires. Tout est permis en politique.

Bien vite, les yeux rivés sur la 417, de régions francophones à anglophones, je scannais d'un doigt autoguidé les stations qui semblaient être davantage dans l'esprit des Fêtes.

C'est sans doute ce fameux I'll be home for Christmas qui m'a donné le coup d'envoi et dès les premiers kilomètres, j'avais le coeur ramolli comme du sucre à la crème que ma mère dégelait pour la visite. Si j'avais été au volant d'une Chevrolet Biscayne 1962, j'aurai pu figurer dans un film américain qui traite du retour aux sources. (Avez-vous remarqué que les gens retournent toujours dans le bourgade natale au volant d'une vieille bagnole?) Mais je n'aurais pas pu scanner les stations de radio.

Mes souvenirs à moi étaient tous en français et j'ai vite dû me rendre à l'évidence que ce n'est plus très « tendance ». À Montréal, Mario Pelchat chantait un Silent Night tellement langoureux que les rois mages auraient fort bien pu être danseurs au 281 dans leur temps libre. Dans le coin de Trois-Rivières, un auditeur a téléphoné à la station pour une demande spéciale. Rapapampam qu'il voulait entendre. Au lieu de quoi il a reçu Wrap-a-pampam chanté par nulle autre que Nana Mouskouri.

À la hauteur de Québec, Éric Lapointe crachait un Frosty the Snowman sur un air heavy metal qui me faisait imaginer le fameux Bonhomme Hiver en veste et chaps de cuir. À Edmunston, dernier bastion à majorité francophone sur ma route vers Halifax, même les anges dans nos campagnes entonnaient l'hymne des cieux en anglais.

Et qu’est-ce que c’est que ces chansons – j’en ai répertoriées trois – où un certain vieux monsieur s’avance « avec sa canne dans la main » ? Soudain, j'avais une grosse envie d'entendre Omer à Adolphe chanter le Minuit Chrétiens dans l'église de mon village.

Au lieu de ça, j'ai tourné la page de l'année 2007 en écoutant le spécial Coup d'envoi du 400e anniversaire de la ville de Québec et je suis encore en train de me demander qui est le môron qui a choisi comme chanson de clôture un braillage en anglais de je-ne-sais-trop-qui. Je ne suis d'ailleurs pas trop certain que c'était de l'anglais mais chose certaine, les Québécois, eux, doivent être persuadés que c'en était.

Mais ce n'est pas la seule chose déroutante qui ait marqué l'année. Dans les dernières semaines, il m'arrivait de ne plus me très bien savoir qui était premier ministre du pays. En effet, Mulroney et Chrétien avec leur fichus bouquins étaient à la télé plus souvent qu'ils ne l'ont été lorsqu'ils étaient en poste. C'est quand même agaçant que des abrutis dont on se croit débarrassé reviennent nous hanter de leur vivant. Ils pourraient au moins avoir la décence de mourir avant, il me semble.

Heureusement, Harper s'est pointé vers minuit et une pour nous annoncer une baisse de la TPS car je ne me serais plus souvenu de lui. Il n'est pas peu fier de son huart qui fait belle figure à côté de l'aigle américain qui bat de l'aile.

La fin d’année nous amène aussi beaucoup d’images télévisuelles, toutes plus déroutantes les unes que les autres. J'étais certain d'avoir capté les Grammys ou les Oscars en voyant Paris Hilton déambuler le long d'une haie d'honneur truffée de photographes en rut. Je m'étais grossièrement gouré car elle sortait en fait de prison, où elle avait passé quelques minutes (quatre-vingt-deux exactement) pour la punir de conduite dangereuse au volant, en état d'ébriété ou autre insignifiance du genre.

La mode, chez ces célébrités américaines, est en effet aux délits de tout acabit, la plupart du temps en lien avec leur bagnole ou avec leurs enfants. Les deux sont d'un chic fou et ils ne peuvent s'en passer bien qu'ils ne savent pas trop quoi en faire par la suite. Je les soupçonne d'être tous actionnaires du National Enquirer, voilà tout.

La nouvelle francophone tente toujours d'être à la hauteur mais ce n'est pas chose facile. Britney oublie ses enfants dans son auto? Myriam kidnappe les siens. Anna Nicole Smith meurt dans des conditions suspectes? La mairesse Boucher s'éteint dans un habillement suspect. Un pont s'écroule à Minneapolis? Un viaduc s'effondre à Laval. On abolit l'esclavage? On établi une commission sur les accommodements raisonnables.

Décidément, on ne s'en laisse pas passer aussi facilement. Sur cette veine, 2008 promet et je vous en souhaite une bien bonne !