dimanche 15 février 2009

104. T'entends-tu le tchou-tchou?

Il y a des lunes que je n'avais pas pris le train. Il aura quelques autres lunes avant que je m'y redépose le cul, croyez-moi.
Comme je suis plutôt habitué à l'avion, je ne peux m'empêcher de comparer.
J'ouvre une parenthèse.
Mon vol de retour du pays du soleil avait 3 heures de retard. J'en ai profité pour aller me taper un dernier coucher de soleil. Au lieu d'arriver à Toronto à 22h, il était donc 1h du matin, oubliez la correspondance pour Ottawa. Je me suis donc retrouvé dans un hôtel assez minable à 3h du matin. Après un gros 30 minutes d'attente aux téléphones (j'avais le combiné de la chambre d'hôtel en français et mon BlackBerry en anglais, tous les deux rivés à l'oreille, déterminé à savoir lequel répondrait le premier, encore plus déterminé à coller une plainte aux langues officielles si l'anglais répondait le premier (le français a gagné alors je n'aurai pas le plaisir de me plaindre). Après maintes entourloupettes, je suis finalement arrivé à Ottawa à 11h le lendemain matin, fourbu, avec 3 heures de sommeil, le reste bien ramassé dans les poches sous mes yeux. Taxi, maison, sable dans les bobettes, tristesse, douche, noeud de cravate et hop, présentation à un groupe d'enseignants venu au Parlement canadien apprendre le-Ciel-sait-quoi, moi qui cause ayant l'air de savoir ce que je raconte, j'en reviens pas, je m'impressionne un peu mais pas trop parce que je suis si fatigué.
Retour au bureau, quelques blagues salaces pour leur faire apprécier mon retour. Constat de trop fatigué pour prendre la route pour Montréal où j'ai une réunion le lendemain. Achat d'un billet de train, d'où j'écris.
Fermation de la parenthèse.
Donc, le train.
Déjà c'est mieux que l'avion. Beaucoup plus d'espace, du vin à volonté, hic, le personnel fin comme ça se peut plus - du monde qu'à l'air d'aimer sa job. Mais dans ma pensée tout avionesque, j'avais oublié le cellulaire. Ma voisine, rangée d'en face, siège arrière en diagonale, maximise ses voyages en train. Elle a un bidule bluetooth dans l'oreille et parle à une collègue tout en se faisant les ongles. Comme ces petits machins ne fonctionnent pas toujours 20/20, elle hurle là-dedans.
C'est moi le premier qui fais une plainte. Je la fais fort, pas si brave que ça parce que je sais pertinemment qu'elle ne m'entendrait pas de toute façon. Mais ça a son petit effet car mes voisins acquiescent du bonnet et quelques-uns y vont de leurs commentaires. Le personnel finit par intervenir et lui disent qu'il y a des plaintes. Elle les regarde incrédule, finit ce qu'elle voulait bien finir avec sa collègue, interrompt enfin la conversation, se concentre sur ses ongles. Je m'assoupis presqu'instantanément.
Tidelidi-tidelida
Juste derrière, un papa répond à son cellulaire. Il parle à sa fillette, enfin je l'espère. Il parle de lui-même à la troisième personne du singulier. "Ton tipapa est dans le train là." "T'entends-tu le tchou-tchou?" C'est mignon. Au début. Sauf qu'il dit ça à toutes les fois que le train turlute, c'est-à-dire à toutes les fois qu'on se tape un passage à niveau. Et il y en a beaucoup entre Ottawa et Montréal.
Mon voisin, lui, a son ordinateur sans fil et navigue sur Cupid.com. IL semble aimer les blondes et les grosses boules. Je remarque son jonc de mariage et son fond d'écran, une petite brunette assez plate ma foi.
Quand on lui demande s'il veut un repas, il répond : "Oh non, si je mangen avant d'arriver à la maison, ma femme va me tuer."
Moi je pense, pis elle va faire quoi ta femme si elle réussit à hacker ton disque dur? Elle va te le faire bouffer?
Enfin. Il y a du vin à volonté. C'est quand même bien le train. Hic.

103. Rire de joie

Il n'y a rien de plus curieux que d'aller chercher quelqu'un à la gare ou à l'aéroport. Pas que ça m'amuse d'aller chercher quelqu'un mais être mêlé à la foule qui attend quelqu'un et les observer discrètement, c'est à mourir de rire.
C'est presque toujours pareil. Les gens sourient bêtement en scrutant la file qui descend de l'autobus, du train ou de l'avion. Souvent sur la pointe de pieds pour ne pas le manquer comme si l'autre allait filer : " Eh vous m'avez pas vus alors j'ai repris le prochain vol pis chu rentré chez nous! ".
Et ils sourient encore. Et là, ils l'aperçoivent. Et ils se mettent à RIRE. Rigoler comme si l'autre leur avait joué un bon tour d'arriver là, à la porte des arrivées, heille toi mon coquin.
Pourquoi ce rire? Quand les gens sont heureux, ils s'exclament à grands coups de ah-ben-là et de chu-don-ben-content mais en général ils ne rient pas SAUF quand ils accueillent celui ou celle qu'ils sont justement venus chercher. Alors là, ils rient de bon coeur, ils rient de joie. L'autre, qui débarque, il rit aussi mais la plupart du temps, il a l'air de a) rire pour faire comme les autres b) rire parce qu'il se demande pourquoi les autres rient c) rire de ceux qui l'attendent et qui ont l'air fou en train de rire pour rien.

samedi 7 février 2009

102. La veille du départ

Il me reste deux soirs ici et je me prépare mentalement de la même façon que ça fait un an que je raconte que j'ai cinquante ans. Quand le moment arrive, le choc est moins brutal.
J'écoute un poste de radio qui joue une petite musique pour te faire manger du sable tellement tu deviens obsédé à l'idée de devoir te plonger la sandale dans de la grosse neige sale. L'auteur devrait être traîné en justice pour avoir incité des auditeurs au suicide.
Je suis allé à la plage cet après-midi et j'ai fait une longue marche. Je me traînais la gougoune comme un condamné à perpétuité qui a sa dernière chance d'aller prendre une bière avec ses potes. Il faisait même pas beau. Mais maudit qu'il faisait beau.
Ça se pourrait tu que je suis pas fait pour l'hiver moi là?

jeudi 5 février 2009

101. Au pays d'Obama

Quelques jours avant mon départ pour des petites vacances au soleil, je me suis rendu en librairie pour acheter quelques bouquins, question de ne pas m’ennuyer sur la plage. Je regarde toujours les présentoirs qui sont les plus prêts de l’entrée car j’aime bien la lecture commerciale, les meilleurs vendeurs, bref le genre de trucs que tu lis sans remettre ta vie en question. J'aime la plage mais aucune envie de marcher vers l'horizon jusqu'à ce que ça fasse glou-glou.

Je suis dans une librairie tout ce qu’il y a de plus francophone et pourtant… Devant moi, une petite montagne de livres aux titres variés avec le même sujet. Obama. Ôbama. Ôbama au plus haut des cieux. Certains en français, d’autres en anglais, on ne se gêne pas avec des questions linguistiques. On le voit sur tous les angles, même en costume de superhéro de bande-dessinée, avec costume moulant et tout et tout, sur une des pages couvertures. Quelques livres sont consacrés à son épouse, uniquement. Eh oui.

Tout ça frise l’hystérie collective. Ce matin, mon journal consacre un cahier à ses fillettes, comment elles sont devenues des guides pour la tenue vestimentaire des enfants. Ben voyons donc.

Moi ça m'inquiète un peu que le star system soit rendu à se mêler de politique. Ma petite impression, c'est que l'ours moyen ne fait plus la différence entre fiction et réalité, tellement pogné dans tous les shows qui te montrent les amygdales de ton voisin, à son insu, paraît-il. C'est quand même spécial les États-Unis.

Je m'arrête, tout d'un coup que le FBI lirait mon blogue et que je ne pourrais plus m'en retourner... Déjà que j'ai dû changer mon nom à la frontière pour entrer au pays!

Je vous ai pas raconté ça, hein? Et ben depuis que je vis en Ontario, mes nouvelles pièces d'identité chèrement acquises portent toutes le prénom de Joseph, en bon catholique de 6 jours que j'étais à l'époque de mon baptême. (Je suis né un lundi et il fallait que les bébés soient baptisés le dimanche suivant sous peine de brûler en enfer ou quelque chose du genre.) Donc, Joseph. Le douanier me demande mon prénom, et moi le con je lui réponds par le prénom que j'entends d'habitude quand les gens m'interpellent. Il me dit le plus sérieusement du monde que c'est pas ça que mon passeport raconte. J'ai le flash de m'être trompé de passeport avec mon conjoint mais il vient de passer et personne n'a fait d'histoire. Alors je lui dit ben-voyons-don' en anglais, évidemment. Pas impressionné le type du tout. Son air bête pré-requis pour l'emploi se renfrogne. Il me dit que je dois lui donner mon vrai nom si je veux entrer aux États-Unis alors là j'ai le flash et je lui débite les deux prénoms. Non, qu'il me dit. Seulement le premier : Joseph. Là je rigole comme un con et je lui donne un abrégé des principes de l'église catholique mais il ne trouve pas ça drôle du tout et ça me fait passer un peu l'envie de déconner avec lui. Il me tend mon formulaire et moi je me dis, c'est foutu pour le voyage. Non, il me demande simplement de RAYER mon vrai prénom et il me dit : "In the United States of America, you are Joseph."
Faudra pas que j'oublie si je croise Obama sur la plage.

dimanche 1 février 2009

100. Une Citroën beige

Je parle souvent de mon petit village natal comme d'un endroit assez ordinaire où il ne se passe à peu près rien. J'en parle surtout quand je m'adresse à un groupe et que je veux donner de l'intensité au fait qu'une chanson - qui porte son nom - a fait de ce bled insignifiant un lieu mythique connu partout dans le monde. C'est un petit air qui swing du genre la-wing-a-han mais qui s'est quand même classé au Temple de la renommée de la chanson française. Go figure!
Et voilà que ça me revient ce matin. Je suis en train de lire un roman, le mec vient de trouver la calandre d'une Citroën, flashback au Salon de l'auto, Citroën beige parmi les reliques du Septième ciel. Flashback à Paquetville, Citroën beige dans le village. Les hommes assis autour de la truie* au garage à André-à-Moïse n'en reviennent pas.
(Je patine un peu pour reprendre la route avec mon histoire, mais tout ça c'est pour expliquer qu'il s'en passait des choses dans mon petit village. C'est que la Citroën beige, elle était pas arrivée n'importe comment. On continue.)
On l'appellera Madame T, pour ne pas la nommer. Madame T était veuve, je pense. Peut-être vieille fille, c'est bien possible mais ça ne change rien au récit. Je ne lui connaissais pas d'enfants mais c'est bien dommage car elle était plutôt gentille. Moi je l'aimais bien en tout cas. Elle était revenue au village sur le tard et s'était installée dans une vieille maison, sans doute celle de ses parents décédés, qu'est-ce que j'en sais. Ça non plus, c'est sans importance.
Elle menait une petite vie sans histoire, ça sentait bon dans sa cuisine, la maison était toujours propre. Madame T était toujours bien mise, sentait bon comme sa cuisine.
Je me souviens vaguement aller la visiter, souvent sur l'initiative d'autres amis pas si bien intentionnés que ça et qui disaient : Allons voir la vieille T; on va avoir un snack. Moi j'aimais bien aller chez Madame T et pas juste pour ses biscuits. J'irais même jusqu'à dire qu'il y avait un certain exotisme à aller chez Madame T.
Comment Madame T a-t-elle rencontré un Français, entretenu des fréquentations et décidé de le marier? Tout ça bien avant Internet? Ça me dépasse. Qu'il se soit installé dans mon village, acheté une Citroën beige, enlevé le premier étage de la vieille maison pour en faire un coquet bungalow flanqué d'un abri d'auto dépassait toutes les bonnes gens du village.
Tout le monde est allé voir l'opération je-te-tranche-un-étage comme on va voir Paul McCartney sur les Plaines d'Abraham. Tout le monde est retourné voir ce que c'est un abri d'auto (que tout le monde s'est d'ailleurs mis à appeler un carport, et j'aime espérer que c'est pas le Français qui leur avait appris ça). Et tout le monde surveillait, guettait, les départs et les arrivées de la Citroën beige parce que tout le monde était fasciné par son air de spoutnik bien entendu, mais aussi parce que tout le monde était fasciné de la voir s'élever de quelques pouces du sol à son départ et toucher presque le sol quand elle était au repos.
C'est ça aussi mon village...
* - si vous savez pas ce qu'est une truie à Paquetville, je vous invite à deviner