dimanche 18 janvier 2009

99. Je te frotte et je t'astique

Elle est au bas de l'escalier roulant qui ne fait que descendre. Celui qui monte est à l'autre bout de l'édifice, assez vaste par ailleurs. Les enfants sont pas-du-monde, ils sont tannés d'attendre. Elle fulmine : « Mut-yan faire un moé un septième ciel, attend qui redescende pis y va se ramasser les deux pieds sur terre j't'en signe un papier. » Elle raconte ça à son bambin qui tire sur sa poussette, qui veut pas s'asseoir dedans, qu'à l'air fatigué comme un enfant fatigué.
Nous sommes au Salon de l'auto de Montréal que j'ai visité en fin de semaine. Son mari est resté bloqué dans la première salle de l'exposition, pompeusement qualifiée de « Septième Ciel » d'une part parce que c'est à l'étage supérieur, et d'autre part, parce que cette pièce recèle les plus belles autos, les plus chères, les plus sportives, bref celles qu'il ne lui a pas dit qu'ils examineraient parce qu'elle est venue là pour examiner plutôt les mini-fourgonnettes avec de la place en masse pour la carosse et le siège d'auto pour le petit.
Moi aussi je suis venu voir pour une bagnole qui pourrait éventuellement remplacer mon actuel véhicule et j'ai perdu un peu de temps au Septième ciel, mais coudon, c'est pas tous les jours qu'on voit ces bolides.
Il y a trois sortes de visiteurs au Salon de l'auto.
Je vous ai présenté le couple typique qui s'y trouve. Il l'a convaincu de venir pour examiner les fourgonnettes, elle a accepté à condition qu'on emmène les enfants, il lui a promis qu'on examinerait juste ce qu'on a les moyens d'acheter mais elle ne sait plus où il est rendu. Probablement en train de baver sur une Lamborgini deux places en s'imaginant cruiser par une belle journée d'été.
Quand ils sont ensemble, l'effet n'est pas moins désastreux. Au kiosque des Jeep, entre autres, je la vois qui examine la Cherokee, la Patriot ou la Liberty. Lui, il est dans la Wrangler en train de voir où il mettrait sa caisse de bière et sa canne à pêche pis comment ce serait commode un Jeep comme ça pour aller au « campe » les fins de semaines.
L'autre type de visiteur est un peu plus encombrant. Il a une quinzaine d'années, rêve d'avoir son permis de conduire et est prêt à conduire n'importe quoi. L'auto de son père, de sa grand-mère, il s'en fout. On le retrouve à tous les volants, ils sont habituellement quatre dans le véhicule que vous voulez examiner donc pas possible de le faire. Et ils restent dedans longtemps, assez longtemps pour s'imaginer en train de se promener dans leur petit bled pour impressionner les pitounes.
Et l'autre genre, c'est le gars comme moi qui a sa liste, qui veut voir les trois modèles qui l'intéresse, qui se met en ligne pour attendre que les maris en rût, les gouines écoénergitiques et les ados aux culottes pendantes libèrent le véhicule.
Les kiosques sont occupés par quelques employés qui frottent les poignées après qu'on y a touchées et qui astiquent les pare-chocs et par quelques jolies filles qui se sont blanchies les dents hier soir et qui sourient pour que ce soit bien clair que si t'achètes la bagnole, elle va te trouver pas mal intéressant. Je demande à l'une d'elle si le modèle qui m'intéresse est disponible en traction intégrale. Bien qu'elle continuait à sourire, elle est payée pour ça après tout, on dirait qu'elle souriait jaune un peu avec ses dents blanches. Elle savait pas trop quoi faire la mignonne alors elle s'est tournée vers les dépliants et a commencé à essayer de déchiffrer ça mais elle faisait un peu pitié alors je lui ai juste demander de me donner le dépliant et que je vérifierais moi-même.

98. L'heure juste

Je n'avais pas besoin de montre du tout mais j'ai bien dû passer une dizaine de minutes à les examiner sans vraiment les voir.
J'étais sur le point de sortir de cette petite boutique où je n'avais rien trouvé d'intéressant quand je me suis laissé accroché par la conversation du caissier avec un copain (ou un client, qu'est-ce que j'en sais?).
Je suis pas du genre à écouter les conversations des autres bien que je commence à croire que je le suis car il me semble que j'en ramasse beaucoup. Je suis peut-être un écornifleux qui s'ignore, va donc savoir.
Toujours est-il que le caissier, c'est un jeune de 18 ans, du genre qui travaille dans les petites boutiques les fins de semaines. Il a les cheveux pognés dans la gomme, des trous partout au point qu'il est sans doute plus waterproof, porte des jeans de 200$ et un t-shirt beaucoup trop petit pour lui. Bref, un jeune tout ce qu'il y a de plus ordinaire.
L'autre, je le vois juste de dos mais c'est sans importance. Il vient de lancer une vraie bombe et l'autre l'apostrophe. L'autre, il vient de faire son frais-chié (ça s'écris-tu comme ça?) et il a laissé tomber nonchalamment qu'il n'aime pas la musique française.
Mon jeune caissier perforé ne l'a pas trouvé drôle.
T'es con qu'il lui dit, t'es Québécois pis tout ce que tu trouves à faire, c'est chier sur la musique française, tu préfères des tounes américaines faites à la machine, la grosse criss de machine qui programme des chansons pour être certain que ça se vend, tous les sons analysés pour accrocher des petites oreilles habituées au commercial comme les tiennes, si tu prenais la peine de mettre de la musique française dans ton ipod américain, c'est pas parce qu'il est américain ton ipod que tu peux pas downloader de la musique française dedans t'sais, de la musique française, tu comprendrais que c'est intelligent, que c'est des sons faits par des gars qui trippent sur la musique, pas juste des cons qui ont étudié quel son qui va avec quel son pour faire plusse de cash, tu écouterais des mots intelligents au lieu des sons anglais qui sont juste là parce que ça vend plusse, la musique anglaise criss ça fait même pas de sens les mots, c'est juste des mots qui sont plogués là parce que le son vend plusse, pour faire du cash, rien que du cash avec des gars comme toi qui connaissent rien pis qui se font pogner dans la grosse machine...
Et ça continue comme ça pendant une bonne grosse dizaine de minutes pis moi je regarde les montres parce que j'en reviens pas. L'autre, il dit rien du tout et il est de dos mais j'aimerais lui voir la face comme vous savez pas comment.
Franchement, ça m'a fait du bien d'entendre ça.
J'ai quasiment acheté une montre.

jeudi 15 janvier 2009

97. Saturnin et les autres

J'ai encore espoir de finir d'installer mon bureau à la maison et de ne plus voir aucune boîte qui me rappelle le déménagement de l'été dernier. Ce soir, j'ai ouvert une boîte qui contenait un DVD de Saturnin, que j'ai acheté il y a de ça quelques années dans un moment de nostalgie.
Pour ceux qui ne savent pas, Saturnin c'est un canard qui avait sa propre émission de télé, diffusée le samedi matin quand j'étais petit. Futé comme pas un, Saturnin réussissait à sauver sa gang des pires malheurs qu'on puisse imaginer. Je n'ai jamais regardé le DVD mais je me souviens vaguement qu'il avait pour amis une belette qui s'appelait probablement Belette et un gros hamster qui ne s'appelait pas Gros Hamster, ça j'en suis certain. Si jamais un jour je me décide à regarder ce DVD, je vous le dirai comment ils s'appelaient les amis de Saturnin.
Mais c'est pas de Saturnin que je veux causer vraiment, c'est de la mémoire. De temps en temps, des trucs comme Saturnin, ça me ramène en arrière et me voilà à me souvenir de toutes sortes de choses qui n'étaient pas particulièrement importantes mais qui semblent avoir laissé une trace dans mes souvenirs.
Comme avez-vous déjà essayé de vous souvenir du plus vieux souvenir possible de votre enfance?
Là faut pas se laisser avoir avec des souvenirs qui sont pas vraiment des souvenirs parce que vos parents prenaient des photos comme des délurés et que vous avez des albums pleins du moindre pet que vous faisiez quand vous étiez enfant et là vous allez me dire que vous vous souvenez de votre premier changement de couche. Non, non, pas ce genre de souvenirs-là.
Juste un souvenir, un feeling, des images personnelles du premier événement dont vous vous souvenez pis qu'il y avait pas de photographe aux alentours.
Moi j'ai beau me forcer, je peux pas remonter avant 5 ou 6 ans. Je suis dans le magasin (mes parents avaient une épicerie) avec ma mère. Elle est derrière le comptoir et elle parle avec Madame Cormier, enseignante de l'école de par-en-bas, signifiant que c'était vers Bas-Paquetville. (À noter que Bas-Paquetville n'existe pas vraiment mais que comme il y avait un Haut-Paquetville, les gens qui habitaient de l'autre côté de l'église avaient tendance à nommer l'autre extrémité du village Bas-Paquetville.) Madame Cormier faisait figure de « principale » de l'école, fouillez-moi pour savoir si c'était un angliscisme ou non. Qu'elle l'ait été ou non n'a pas tellement d'importance; elle assumait le rôle et avait la tête de l'emploi.
Bref, elle et ma mère causaient comme elles avaient l'habitude de le faire mais cette fois je me suis rendu compte qu'elles parlaient de MOI. Elle parlaient d'un truc qui s'appellait l'école et de savoir si je devrais commencer en première ou en deuxième année étant donné que je savais déjà lire et écrire. (Ma grande soeur m'avait appris sur un petit tableau vert avec des lettres en haut et des dessins en bas accroché sur le mur de la cuisine, entre la porte de la véranda et la porte de la toilette. Mais ça je peux pas vous garantir que je m'en souviens parce qu'il y a une photo qui montre ma soeur Claudette et moi en train en train d'apprendre quelque chose avec la grande bouche ouverte comme un débile.)
Vous aurez compris que je n'ai pas encore fini d'explorer la boîte que j'avais commencé à défaire tout à l'heure. J'y retourne à l'instant. Sacré Saturnin...

mardi 13 janvier 2009

96. Pledge

Dans une autre vie, j'avais une femme de ménage. Je vous dis pas ça pour vous faire tomber sur le cul, c'est juste pour vous expliquer pourquoi ça fait 30 ans que j'ai pas acheté de Pledge.
Mon premier souvenir du Pledge, c'était dans l'épicerie de mes parents. C'était une canette brune avec des lettres or. Tu pesais sur le piton, ça faisait un jet blanc de mousse sur les meubles, tu l'essuyais et le meuble était propre. Plus de poussière, un peu brillant. Dans la maison, quand ma mère passait le Pledge, ça sentait le Pledge dans la maison. Tu arrivais de l'école pis tu te disais : Ah, ça sent le Pledge, ma mère a passé le Pledge sur les meubles. Tu regardais les meubles et les meubles avait plus de poussière dessus, ils étaient propres, ça sentait le Pledge. Vous saisissez l'idée?
Dans ma nouvelle maison, je me suis acheté des meubles qui semblent attirer la poussière comme les spots jaunes dans la neige attirent mon chien. En fin de semaine, je me suis dit : Tiens, je vais aller acheter du Pledge, je vais en mettre sur les meubles, ça va enlever la poussière, ça va être propre et dans la maison, ça va sentir le Pledge.
Je suis arrivé à l'épicerie et me suis dirigé d'un pas confiant vers les produits nettoyants. Premier constat : le Pledge brun et or qui sent le Pledge, ça n'existe plus. Ou en tout cas, il n'y en avait pas à mon épicerie et il n'y en a jamais eu parce que j'ai vérifié les étiquettes sur le bord de la tablette.
De nos jours, le Pledge sent l'orange. Je sais pas ce qui s'est passé avec les oranges mais tout à coup, elles sont devenues symbole de propreté. Les enfants d'aujourd'hui arrivent à la maison après l'école et si ça sent l'orange, ils ne savant pas si leur mère va les empoisonner au Pledge ou si elle vient de leur presser un jus d'orange.
J'ai compté huit sortes de Pledge au total. Il y en avait un qui enlevait la poussière mais qui contrôlait aussi les allergies. Pouvez-vous imaginer quelqu'un qui se dirait : Bah, je veux pas contrôler les allergies, je veux juste enlever la poussière. Il aurait l'air fin s'il développait des allergies, hein? Je suis certain que tout le monde veut se protéger des allergies.
Un autre offre une « Protection + ». Comment résister à ça? Tu veux enlever la poussière mais si en plus tu peux protéger tes meubles, heille, c'est winner ça. Personne ne se dirait : Bah, je veux juste enlever la poussière, pas besoin de protéger mes meubles. Tout le monde veut protéger ses meubles.
Une autre sorte de Pledge vous promet des meubles d'une beauté naturelle. Autrement dit, si t'achète pas ça, tu te ramasses avec une beauté artificielle. Qui veut ça? Je suis certain que tout le monde veut la beauté naturelle, je suis même à peu près certain qu'il y en a qui se pledgent la face en cachette pour avoir une beauté naturelle.
La preuve, il y a du Pledge qui est « extra hydratant ». Je savais qu'il y avait des crèmes pour hydrater la peau mais là tu peux dépoussiérer tes meubles et t'hydrater la face avec le torchon.
Pour les plus vieilles croûtes, tenez-vous bien, il y a même le Pledge à l'huile d'orange revitalisante « pour redonner une allure neuve à vos meubles ». J'étais un peu perplexe avec l'huile d'orange parce que je suis jamais tombé sur une orange huileuse. « Hmm... le jus d'orange est pas bon ce matin, il goûte l'huile. » Les ébénistes n'ont qu'à bien se tenir, le nouveau Pledge peut te refistoler n'importe quelle vieille armoire d'un coup de pouche-pouche.
J'ai finalement acheté du No-Name. La cannette était brune et ça m'a rendu nostalgique. Mes meubles sont propres. Ça sent pas le Pledge dans ma maison mais ça sent pas non plus l'orange huileuse, je n'ai pas encore développé d'allergie, je ne sais pas si mes meubles sont protégés mais je sais qu'ils n'ont pas l'air de souffrir de déshydratation ni d'avoir besoin d'un face-lift.
Des fois je m'ennuie de l'épicerie de mes parents.

lundi 12 janvier 2009

95. Entendu à la radio

Ceux qui pensent qu'ils ont tout entendu n'écoutent pas la radio francophone de l'Outaouais.
En revenant du bureau ce soir :
Un. On vous annonce dans les alentours de -28 pour la journée de demain, pis ça c'est sans compter le facteur frette.
Deux. Une radio qui joue juste des hits. Des tounes qui torchent.
Trois. La radio qui joue juste des hits pis qui joue pas de Céline.
Le facteur frette? Des tounes qui torchent? Pas de Céline?
Attachez-moi quelqu'un!

samedi 10 janvier 2009

94. Un saut dans mon passé

Ma mère m'a appris à être prévenant. Quand j'étais petit, si j'annonçais que j'allais jouer dehors, elle s'écriait : Ah mon d'jeu, tu vas monter dans un arbre pis tu vas te sacrer en bas pis te fendre la tête en deux. Non seulement c'était une bonne dose de confiance en soi mais c'était aussi m'habituer à prévoir le pire. Ça remettait aussi drôlement en doute la théorie selon laquelle l'homme descend du singe mais ma mère était comme ça. J'ai jamais grimpé dans un arbre, pas besoin de vous préciser. Tout au plus, je me balançais de temps en temps sur une branche - toujours la même - sur un érable d'un rangée d'arbre entre chez mon oncle et la maison de la vieille Lydia. J'étais certain qu'elle allait sortir en nous criant de ne pas toucher ses foutus arbres alors ça me sauvait de faire des démonstrations de mes prouesses arboricoles.

J'arrive d'une courte excursion dans mon passé, là-bas, dans l'autre ville, celle que j'ai quittée. En quittant l'aéroport, la première chose que je fais en conduisant les dents et les fesses serrées sous un verglas qui me gèle les pompons et les essuie-glace instantanément est donc de penser aux personnes que je ne veux pas rencontrer. (Prenez une pause pour faire le lien avec ma mère, les arbres et Darwin.)

Je suppose que c'est normal que quand on tourne une page, c'est pas pour revenir de temps en temps lire les pire bouts. Rien de tout ça. Par un bienheureux hasard, je retourne là-bas et je rencontre du monde qui n'étaient pas sur cette page-là pantoute. D'abord ma meilleure amie d'enfance et d'adolescence qui me donne des allures de brebis perdue et retrouvée. Ensuite, l'ami d'une amie rencontré au hasard d'une conférence que j'ai eu l'audace de relancer pour un café et qui a eu l'audace d'accepter. Pour finir, un anglophone que je connaissais vaguement et qui s'avère être tout ce qu'il y a de plus francophone et que je trouve bien plus sympathique comme ça.

Moi qui ne crois pas à grand chose, sauf peut-être à la monarchie (non mais c'est vrai, mieux vaut des tarés élevés pour gouverner que des tarés mal-élevés qui gouvernent), je dois reconnaître que la théorie de la synchronicité tient bien la route dans mon cas. Rien n'arrive pour rien, il faut être attentif aux surprises que la vie nous amène.

Sur la route du retour, je me suis mis à penser à des personnes positives que j'ai rencontrées et que j'aimerais revoir, vivantes de préférence, ce serait chouette. Nicolas Thériault, mon prof de 8e année. Louise Bourbonnais, un parent d'élève. C'est les deux premiers qui apparaissent dans mon esprit. C'est pas fin pour les autres mais c'est comme ça. Les autres, ils avaient juste à se forcer un peu. Y'a des gens qui te marquent pis d'autres qui te marquent pas, on dirait bien.

Mais je vais continuer à y penser. Il doit bien y en avoir d'autres, me semble, hein? Crime. Juste deux. Eh ben...

lundi 5 janvier 2009

93. Balade chez les voisins

Après une semaine de pinceaux et de rouleaux, j'ai décidé de me donner une petite pause à Montréal. Je suis donc parti de bon matin avec mes cahiers pour écrire, ma pelle dans le coffre parce qu'on sait jamais, et mes cheveux trop longs dans l'intention de les faire couper.
Quelques constats :
Un. Le gouvernement du Québec leur en a passé une bonne avec la réglementation sur les pneus d'hiver. C'est pas pour la sécurité du bon peuple que cette loi a été adoptée, c'est pour faire des coupures dans le déblayage des rues!
Deux. Il faut que quelqu'un m'explique l'humour des Pathétiques histoires des pays d'en haut. Pour ceux qui ne connaissant pas, c'est l'histoire du Petit Insignifiant qui pose des questions, la plupart du temps à son père, celui-ci lui répondant la partie du dialogue qui est censée être drôle. C'est diffusé à tous les temps-en-temps sur les ondes radiophoniques des stations Énergie, ça dure 30 secondes et je n'en ai pas encore pognée une qui m'a fait rire. Non seulement je ne les trouve pas drôle, mais je ne peux pas imaginer ce qui EST drôle. Bref, c'est un humour qui me dépasse. Mais si j'en parle, c'est que je trouve ça un peu inquiétant quand même. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il y a peut-être quelqu'un, quelque part, qui trouve ça drôle.
Trois. Où d'autre que dans le Village gay peut-on entendre la phrase suivante, entendue à la table d'à-côté dans un petit café : « Je te laisse le toaster et la bouilloire si tu me laisses les perruches (ou les perruques, j'entendais pas très bien, mais ça revient au même).
Ce qui m'amène à vous parler du phénomène d'entendre tout ce qui se dit aux tables voisines dans les cafés ou les restos. (J'en ai peut-être déjà parlé quelque part dans ce blogue, je sais pas. Mais c'est mon blogue et je peux bien radoter si ça me chante.)
J'ai passé la majeure partie de ma vie dans un milieu anglophone. Quand je m'installais pour écrire dans un endroit public (j'ai écrit mes meilleurs textes dans le food court du Scotia Square), je n'entendais qu'un vague murmure de voix entremêlées où il n'y avait rien à comprendre, à écouter ou à entendre.
Quand je suis dans un milieu francophone, j'entends tout. Tout. Soit les francophones parlent plus fort (j'en connais qui parlent fort), ou alors c'est que mon sens de l'ouïe est sélectif et répond mieux au français. Ce qui m'amène à...
Quatre. Les Québécois (et les Québécoises dirait un bon politicien), surtout les femmes d'un certain âge, font un abus du « j'yai dit, ama dit, j'yai dit, ama dit » quand elles racontent une histoire. J'ai beaucoup de difficulté à me concentrer sur l'histoire parce que je n'entends que des « j'yai dit, ama dit, j'yai dit, ama dit ». Je vous donne un exemple :
- J'yai dit ben en tout cas t'as de la face que j'yai dit.
- Ama dit ben m'a t'en faire qu'ama dit.
- J'yai dit heille là.
- Ama dit, croirais-tu, ama dit, j'en r'viens pas qu'ama dit.
Avouez qu'on se perd un peu dans le déroulement de l'histoire après quelques instants.
Cinq. Comme c'est beau de voir la petite vie de quartier le matin à Montréal. Les gens sortent, beau temps mauvais temps, prendre leur petit-déjeuner. Ce matin-là, il y a un peu de verglas et les gens marchent à petits pas prudents mais sortent quand même. Malgré la grande ville, ils se connaissent tous et se racontent avidement, surtout au propriétaire du café, du dépanneur ou de la boutique où ils se trouvent. Tous, ils sont attachants. Comme un roman de Tremblay...

jeudi 1 janvier 2009

92. Aurevoir 2008

Chez les francophones, le Bye-bye est un genre d'institution sacrée qu'il ne faut pas manquer. Jusqu'à maintenant, j'ai toujours vécu la veille du Jour de l'An dans les Maritimes, donc une heure plus tard que le reste de l'univers. À minuit, quand c'était le temps d'ouvrir le champagne, de s'embrasser et de se souhaiter la bonne année à grand coup d'accolades, il y avait toujours quelqu'un pour aviser les autres : « Fermez vous la yeule, le Bye-bye commence! »
C'est donc pour la première fois de mon existence, cette année, que le Bye-bye commençait à 23h et que le décompte tombait pile avec le vrai minuit et que j'ai fait et reçu mes souhaits, accolades et embrassades au bon moment et que personne n'était là pour y mettre une fin abrupte. La bouteille de champagne a eu le droit de faire son « plop » sans que personne ne dise que le bruit leur a fait perdre un petit punch dans le Bye-bye.
J'étais donc pas-peu-heureux hier soir de m'asseoir devant la télé pour écouter la fameuse émission. Tout aurait été parfait si l'émission n'avait pas été d'une platitude lamentable. En fait, sans l'affaire Bernier, l'émission n'aurait duré que le temps d'un commercial. Je ne m'étendrai pas sur le sujet, mentionnant simplement que toute émission qui vous dépoussière un Michel Louvain en complet blanc qui chante La dame en bleu risque d'être plate. C'était le cas.
À la défense des producteurs, il faut cependant dire que 2008 a ceci de particulier qu'il ne s'est rien passé pour la majeure partie de l'année. S'ils ont tenté d'écrire le script pendant l'été, il n'y avait strictement rien à raconter.
Et tout à coup, tout nous est tombé dessus. Un peu comme si 2008, elle s'était dit « Oh shit! il ne s'est rien passé. Personne va se souvenir de moi alors je vais leur en mettre plein de baluchon et ils vont tous tomber sur le cul et dire oh-là-là-2008-quelle-année!
Ça explique pourquoi ce n'est qu'au cours des dernières semaines qu'on a été bombardé d'élections au point qu'on ne savait plus s'il fallait voter pour Barrack, pour Pauline ou pour Ignatieff.
Plusieurs pensent que toutes ces éléctions ont coûté tellement cher que l'économie en a pris un coup. Mais ça n'a rien à voir du tout. Tout ça, c'est la faute du Dow-Jones, écoutez la télé un peu et vous le saurez bien. C'est important de comprendre que toute l'économie américaine est fondée sur la célèbre prétention d'épater les Jones, nom générique qui englobe tous les voisins du quartier. Ainsi, pour que l'économie se porte bien, il faut que les Américains achètent beaucoup, toujours mieux, toujours plus gros. Détail essentiel, le Dow-Jones a été imaginé à peu près en même temps que l'automobile et celle-ci est devenu la référence principale quand il s'agit de s'assurer que tout le monde est en compétition avec les Jones. Ainsi, quand on a commencé à vérifier auprès du bon peuple : How do you compare with thou Jones?, on voulait surtout savoir si votre bagnole était plus grosse que celle du voisin. Le Dow-Jones (thou Jones) venait d'être inventé.
En 2008, le prix de l'essence a connu des sommets inégalés. Les grands penseurs se disaient que plus l'essence serait chère, plus les gens voudraient aller casser la gueule de ceux qui ont tout le pétrole, quitte à se faire tuer mais ça c'est un détail. Faire le plein de son Hummer est devenu tellement cher que plusieurs Jones ont songé à acheter des bagnoles moins grosses. Entendons nous : le Hummer garde encore sa place de choix pour aller au dépanneur du coin, mais on s'est mis à acheter des SUV un peu plus modestes pour aller mettre les déchets au bord du chemin le mardi matin.
C'est ainsi que l'économie a commencé à vaciller. Je suis quand même rassuré car tout devrait rentrer dans l'ordre avec tout l'appui que reçoit l'industrie de l'automobile. Ces généreuses subventions - même d'origine canadienne - vont bien sûr bénéficier aux contribuables qui se voient attribuer des primes alléchantes pour continuer d'acheter des grosses autos. Toujours dans le but de faire économiser le citoyen, GM, Ford et Dodge offrent même une Honda Civic à toute personne qui fait l'acquisition d'une grosse cylindrée américaine.
Mais il ne faudrait pas penser que la Terre tourne autour de nos cousins américains. En 2008, nous avons au Canada pris des longueurs d'avance et nous les avons même dépassé dans quelques domaines.
Prenons par exemple nos élections. Pour la première fois de notre histoire, nous avons eu des vraies campagnes de salissage - et le mot n'est pas faible compte tenu qu'on a même eu droit à des chiures d'oiseau aux heures de grande écoute. Il faut reconnaître que dans la catégorie des bassesses, on l'emporte haut-la-main avec le Parti Conservateur, de quoi regorger notre fierté d'être canadiens. La preuve, on les a réélus!
C'est aussi au Canada en 2008 que nous avons inventé une nouvelle catégorie littéraire : le bitchage autobiographique. On raconte sa vie mais en graffignant les autres au passage. Ça s'appelle du contenu canadien. Le premier prix est remis à la Couillard - qui mérite bien cette consolation puisque son livre ne s'est pas vendu - suivi de près par Paul Martin, qui a réussi lui à bien écouler son stock, dans la région de Shawinigan paraît-il.
Nous avons aussi réussi à faire disparaître certaines personnalités des radars médiatiques. À l'instar des Ben Laden et des Saddam Hussein dont plus personne n'entend parler, nous avons réussi en quelques jours à faire disparaître Stéphane Dion au point qu'il y a même des Canadiens qui ne s'en souviennent déjà plus. Personne ne l'a même vu démissionner car on l'avait fait disparaître quelques heures avant. Un jour, il devait être notre Premier ministre, le lendemain, pfuiiiit.. disparu.
La personnalité internationale la plus connue de la ville de Québec figure également au nombre des grands disparus de 2008. Les millions de touristes qui ont déferlé sur la ville quadracentenaire ont dû se contenter de McCartney et de la Dion alors qu'on sait bien que c'est le Bonhomme Carnaval qu'on venait voir.
Nous avons aussi réussi à prouver en 2008 que notre démocratie est tout aussi bien portante que n'importe quelle autre monarco-anarchie. Au moment où tout allait au plus mal, alors que plus personne ne savait qui gouvernait le pays, nous nous sommes tournés vers la plus jolie de nos liseuses de nouvelles, recyclée en mini-reine, pour nous dire quoi faire. Celle qui ne choisit même pas les vêtements qu'elle va porter le matin et qui ne serait même pas foutue de balancer son carnet de chèques s'est retrouvée à décider comment le Canada allait être gouverné. Elle a finalement décidé de remettre tout ça à plus tard et de laisser le robot autoprogrammé par les pétrolières continuer à faire semblant de savoir ce qu'il fait. En fait, si ce n'était des cheveux en laine d'acier, on pourrait vraiment croire que c'est un humain mais ce détail technique trahit tout. Ça a cependant l'avantage que notre chef d'État à nous, s'il se fait lancer des souliers à la tête, ça va juste faire « clonk » et il n'aura pas à faire un fou de lui pour les éviter.
Non vraiment, nous n'avons rien à envier à nos cousins au niveau de la politique canadienne. Il nous manque peut-être des femmes de la trempe de la Clinton mais je suis certain que si on fouillait un peu, on en trouverait bien une qui soit aussi universellement cocue et qui ait publié un livre sur le sujet. Nous pouvons à peine accoter la Palin avec notre Verner, bien qu'elle ait pris du galon à ce titre en annonçant après les élections qu'elle venait d'apprendre qu'elle avait le droit de voter pour elle-même, dans son comté par dessus le marché. Malheureusement, nous avons dû cacher notre mignonne petite Josée pour une triste histoire de culture qu'elle ne comprenait pas très bien. Et de son balcon, c'est vrai qu'elle ne peut pas surveiller la Russie non plus.
L'année 2008 se termine quand même bien pour dix-huit de nos compatriotes qui se sont vus nommer sénateurs tout récemment, s'assurant ainsi d'une retraite solide et fort enviable. Je suis sincèrement content pour eux et je le dis avec un sourire. Car après tout, comme le dit si bien la publicité, souriez toujours à ceux qui jouent à la lotto : on ne sait jamais.
Pour les autres 30 millions dont les placements sont aussi fiables que de la saucisse Maple Leaf, je vous souhaite une ben bonne année 2009!