lundi 29 mars 2010

139. Erreur sur la personne

Samedi matin, j'ai eu la désagréable surprise de retrouver un truc curieux sur mon pare-brise d'auto. Habituellement, je la stationne dans le garage mais comme j'effectue des rénovations dans le sous-sol, j'y avais entreposé des meubles et la bagnole était à la belle étoile.
Ça ressemblait à du sirop d'érable et j'étais prêt à me faire un partie de cabane à sucre. Mais ça n'en était pas. C'était un genre de résine, ou de colle, mais en tout cas, il était impossible de le décoller. Et comme le tout avait coulé un peu sur le capot, je n'ai pas pris de chance et je l'ai apporté à des spécialistes de la chose. 350$ plus tard, je ne savais toujours pas ce que c'était mais l'auto était impeccable.
Je n'ai pas fait de profonde réflexion à savoir ce qui c'était passé : des jeunes qui veulent faire un niaiserie. Je me souviens quand même m'être demandé pourquoi le pare-brise et non la vitre arrière qui donnait sur la rue. Mais bon. Incident clos.
Pour une journée.
Le lendemain soir, c'était mon party de bureau. J'y suis arrivé en retard car le service de nettoyage a pris la journée pour l'opération nettoyage. À mon retour, vers une heure du matin, on avait lancé de la peinture rouge sur toute la partie arrière de la maison et une roche de bonne dimension avait percé la fenêtre de la cuisine.
L'auto n'était donc pas juste une niaiserie. La roche dans la fenêtre de la cuisine et la peinture rouge en témoignent clairement.
Comment on se sent? Très, très impuissant et surtout on n'y comprend vraiment rien. J'ai contacté la police qui a traité l'affaire comme quand on complète un formulaire. Pauvre eux, ils en ont vu d'autres, je comprends.
...
Ce soir, j'ai tout compris. J'arrive de l'assemblée annuelle de la corporation de mon quartier. Sur ma rue, et même au fond du quartier, bien loin de ma maison, il y a tout plein de gens qui s'inquiètent beaucoup des autos qui s'arrêtent dans le stationnement pour visiteurs qu'il y a devant chez moi. Je dois dire que je n'ai jamais remarqué ces autos, sans doute parce que m'en fous complètement. Il semble selon les voisins qui ont la langue déliée et qui ont bien insisté pour que la secrétaire de la réunion ne les nomme pas, qu'il se passe des choses inquiétantes dans ces autos, un trafic quelconque. La recommandation du conseil d'administration a été d'appeler la police à chaque fois qu'on voit une auto suspecte. Une dame a dit - et c'est là que j'ai cliqué - que c'était très dérangeant de sortir faire marcher son chien le soir et d'être « témoin de ce trafic ».
...
Vendredi soir dernier, je suis sorti vers 23h30 pour faire marcher Gaston, afin qu'il me laisse dormir un peu plus tard samedi matin. Vendredi soir dernier, je n'ai rien vu, mais ma vie a changé.

mercredi 17 mars 2010

138. Un francophone chez les thaîlandais à la Saint-Patrick

Dans le coin où je bosse, y'a un petit resto thaïlandais pas mauvais du tout. Le fait qu'il n'y ait rien d'autre qui soit potable dans le périmètre le rend encore plus sympathique. Et les sculptures aussi. À chaque fois, y'a un sculpteur, thaïlandais assurément, qui gosse tantôt un melon, tantôt un rutabaga pour en faire une véritable œuvre d'art. Même chose dans les assiettes, y'a un thaïlo qui vous gosse un éléphant ou un cygne et qui l'assoit sur votre salade, c'est joli comme tout, et je n'ose jamais le manger tellement c'est beau. Des fois, je me demande s'il vont refiler mon éléphant ou mon cygne à quelqu'un d'autre dans le prochaine assiette et je bouffe la trompe de l'éléphant ou j'arrache la tête du cygne de mes dents, juste au cas.
J'avais prévu que la personne que je rencontrais ce midi serait en retard. Juste une intuition qui s'est avérée être vraie. Qu'à cela ne tienne, j'avais apporté un carnet pour préparer mon après-midi et rédiger une ébauche de lettre. Sauf que j'avais pas de stylo.
J'étais seul dans le resto, à l'exception de quatre jeunes filles dans la jeune vingtaines complètement à l'autre bout de la salle. Elles avaient l'air de parler bas-culottes, ça ne m'intéressait pas du tout et en plus elles étaient trop loin. Tout à coup, y'en a une qui s'époumonne : Oh-my-god! qu'elle dit.
- I have met the most wonderful guy this weekend, I HAAAVE to tell you all about it.
Tiens, tiens, que je me dis.
Là elle se penche et sur le ton de la confidence cochonne, elle leur chuchote, mais assez fort pour que je l'entende :
- This guy, you see him from a mile, and you know instantly that he's French.
D'habitude, je n'écoute pas les conversations dans les restaurants. Je les entends, mais je ne les écoute pas. Cette fois-ci, si j'avais eu un appareil auditif, j'aurais monté le volume. Un mec incroyable, tout ça associé au fait qu'il ait l'apparence francophone? J'ai besoin d'en savoir plus long. D'ailleurs, une des comparses m'aide dans ma réflexion et demande :
- What do you mean? What does he look like?
Et moi j'ai envie de m'en mêler et d'ajouter : Ouain, conte-nous ça.. C'est quoi avoir l'air francophone? Come on, des détails!
Elle sait qu'elle a toute leur attention. Elle les regarde, complice comme ça se peut pas, c'est clair qu'elles ont toutes des images dans la tête. Sauf moi, j'ai pas d'image d'un gars que tu vois d'un mille pis que tu sais qu'il est francophone.
Elle se penche à nouveau :
- He's got this French look. You see him and you just know he's French.
Et là l'autre conne, elle demande la question qui tue, celle qui change toute la conversation, et qui fait en sorte que je n'en saurai pas plus.
- Does he speak English?
Pauvre imbécile. On s'en câlice-tu un peu? Pour une fois que j'avais la chance de savoir ce à quoi ça a l'air un vrai francophone, fallait que cette pouffiasse s'inquiète de son bilinguisme.

dimanche 14 mars 2010

136. Coin-coin fait le petit lapin

Entendons-nous tout de suite que je ne saute jamais de joie hors du lit (sauter de joie, sauter hors du lit, vous voyez l'idée) quand mon chien m'ordonne de le sortir le matin en grattant furieusement contre la porte du salon que j'ai peinturé l'automne dernier.
Cependant, je dois bien reconnaître qu'une fois vaguement habillé, approximativement dehors et quelque peu orienté sur le sentier qui passe derrière chez moi, il m'arrive assez souvent de penser que s'il n'était de ce sale cabot, je passerais à côté de quelque chose.
Derrière chez-moi, il y a un sentier. Le long du sentier, une crique, genre de ruisseau qui se gonfle au printemps et qui disparaît sous les hautes herbes en été. Si on n'y prête pas attention, on pourrait penser que c'est un déversement d'égout, mais non. Il a son propre petit courant, même une petite rigole à un certain dénivellement - accentué l'été dernier par un téléviseur dont une personne anti-environnementale s'était délestée en supposant que la crique était une crevasse sans fond - et une vie végétale et animale propre à ce type de cours d'eau.
L'hiver dernier, comme ça en sortant mon chien le matin, ronchonnant sans trop savoir pourquoi, j'ai vu le ruisseau se cristalliser dans ses premières phases de gel. J'ai vu une maman cane sortir des foins avec sa nichée qui la suivait comme des bambins de garderie reliés à une corde, j'ai vu un téléviseur s'enliser.. bon, enfin.
Hier matin.. Non, commençons avec vendredi soir. Je buvais du café comme un condamné dont ç'aurait été le dernier vœux, question de rester réveillé pour travailler à un projet que j'ai entrepris. Comme je bois rarement du café après midi, l'effet a dépassé de loin mes attentes et j'ai pu me consacrer à mes activités jusqu'à 4h du matin, et même là, je m'endormais pas tellement, imaginez. À 7h15, comme un vaillant réveil-matin qu'il est, mon chien a entrepris un sablage en règle de ma porte de salon, m'avertissant ainsi que j'avais tout intérêt à me lever si je voulais pas qu'il la décape complètement.
Je ne me souviens pas du laps de temps qui s'est écoulé entre le moment où je me suis carrément propulsé hors du lit et le moment où je me suis retrouvé sur le sentier, à la remorque de mon chien de 15 livres qui tirait sa charge alourdie par le sommeil.
Pourtant, ce matin-là, j'ai pu assister au retour des canards sauvages. Ils arrivaient en petits groupes, se déposant sur la crique dans de grands éclaboussements. Il faut croire que le voyage met de la mine dans le crayon, car on voyait tout aussitôt les femelles s'envoler rapidement, poursuivies par des mâles dont les intentions étaient à peine cachées, sinon par quelques plumes.
Tout à coup, sur le sentier, j'ai vu un mâle se dandiner derrière un lapin, probablement une lapine, mais à ce point-ci, qu'est-ce que ça changerait hein? Le lapin faisait quelques sautillements, le canard réagissait aussitôt par quelques dandinements. Le lapin de sautiller encore, regardant derrière l'air inquiet, l'air de dire « Ben voyons donc.. », ou peut-être « What the fuck..?! » s'il était anglais. Le canard de s'avancer encore, intéressé comme tout à faire plus amples connaissance.
C'est donc ben beau la nature...