lundi 28 décembre 2009

130. Nouel blanc

Blanc comme du sable.
À la dernière minute, le prix d'un billet qui se refuse pas, et je suis parti passer la semaine de nouel au chaud. Le père nouel passe là aussi, ç'a l'air.
On décore les palmiers, j'y aurais pas pensé. On vend des sapins de nouel au coin des rues. C'est juste que les vendeurs sont en bedaine au lieu de porter une tuque pis des mitaines. Le reste, c'est pareil. Nouel. Sauf le sapin de nouel en plastique gonflable qui flotte dans la piscine, ça j'en avais jamais vu.
Beaucoup de monde en vacances. Des gens qui passent l'hiver là aussi. Et des gens qui vivent là, tout court, aussi. Sur les autoroutes, des grandes affiches pour faire la promotion de chirurgie plastique. Restez jeunes, qu'ils disent les panneaux. Alors on rencontre beaucoup de gens qui se sont fait étirés la face et qui ont constamment l'air surpris, du genre qu'ils viennent de voir la madone apparaître derrière leur sapin en plastique dans leur piscine. Je sais pas si leur chirurgie elle a fonctionné mais ils sont pognés avec leur air de grand étonné pour le reste de leur vie, c'est quand même pas jojo.
- Hey, t'as l'air surpris!
- T'aurais du voir la facture du chirurgien, tu aurais l'air surpris toi aussi.
Joyeux Noël.

dimanche 6 décembre 2009

129. Maudit nouel à marde

Beau matin ensoleillé, j'aurais marché au bout du monde avec mon chien si j'avais eu un GPS pour m'indiquer la route. Lui, il aurait été bien d'accord vu que ç'aurait été plein de nouvelles affaires à sniffer.
Au lieu de ça, j'ai été pris d'une envie sordide de ramper sous mon escalier pour aller voir ce qu'il pouvait bien y avoir dans les boîtes de décoration de Noël. Pour être certain de pas rater mon coup, j'ai mis de la musique triste à faire brailler Marie, son bébé, Joseph pis les trois rois mages à s'en moucher sur leurs capes de velours.
C'est que c'est tout plein de souvenirs ces maudites boîtes-là! J'ai retrouvé un ange qui a l'air sur la grosse brosse mais qu'on sortait à tous les ans parce qu'on disait que c'était la blonde de Fripon, le toutou-lapin préféré de mon bébé. J'ai retrouvé un maudit gros chien rouge avec une tuque à pompon qui trônait toujours sur la bibliothèque du sous-sol. Pis j'ai trouvé des milliers de lumières de Noël achetées en spécial après les Fêtes l'année passée par un passant qui pensait passer le prochain Nouel dans les parages.
Pis hier, chu allé magasiner pis y'a don' ben du monde dans les magasins! Pis le monde, sont ben enragés dans les stationnements. Pis là je dois me dépêcher parce que je suis invité à un brunch de Nouel pis je suis un peu en retard. J'ai pas encore emballé le cadeau.
Le soir de Noël, j'aimerais ça qu'il neige un ti-peu. Peut-être que je me taperai une messe de minuit avec une belle chorale qui a pratiqué depuis l'été passé. Ensuite, je reviendrai à la maison, et on ira prendre une grande marche mon chien pis moi, peut-être jusqu'au bout du monde si le Père Noël m'apporte un GPS.

jeudi 26 novembre 2009

128. Histoire de tables

Il était une fois des tables.
Il faut savoir qu'au départ, il y avait sept tables.
Alors les sept tables, elles ont décidé de former le Comité des tables.
Autour des tables, on encadre le personnel.
Des fois, il faut leur rappeler quel chapeau ils portent.
Un moment donné, on s'est aperçu que les mêmes personnes étaient assises autour de deux tables alors on a décidé d'éliminer une table.
Il faut tenir compte de ce qui se passe sur le terrain, mais ça laisse des gros trous.
Dans le fond, ce qu'il faudrait, c'est une table avec des dents.

C'était mes notes de réunion des derniers jours. Il y a une chose qui m'a vraiment fait peur, mais comme ça n'avait rien à voir avec les tables, je n'en ai pas parlé plus haut. Je suis certain que ça va vous faire peur aussi; il s'agit d'une coalition de bambins. Les coalitions, ça fait très sérieux. Si les bambins se mettent à s'organiser en coalition, moi ça m'inquiète.

Beaucoup.

lundi 19 octobre 2009

127. Sur le gros nerf

Je suis là, étendu sur le flanc, presqu'inconscient. Il m'empoigne une épaule, me colle la hanche au mur et j'entends trois craquements d'os bien distincts. Cric. Crac. Croc. C'est la fin de deux semaines de torture, de douleurs lancinantes, continues. Mon nerf sciatique coincé est finalement libéré, alléluia. Le docteur Rowan est mon héro, je ne sais plus comment le remercier.
C'est arrivé tout bêtement deux semaines plus tôt : six heures d'une conduite inconfortable, un mauvais mouvement et ce fameux nerf, le plus long du corps humain, se coince semble-t-il entre deux vertèbres. L'enfer commence. Au début, je me dis, ben voyons ça va finir par passer. Mais ça ne passe pas. C'est d'épuisement que je m'endors, réveillé quelques minutes plus tard mais cette maudite douleur qui reprend de plus belle. J'aurais donné mon âme au diable, si j'en avais une et s'il existait, sans aucune hésitation pour quelques moments de répit.
Il faut dire que les gens sympathisent beaucoup. Tout le monde a une histoire de dos courbatu, de nerf étiré ou pincé. C'est soit la belle-mère, un beau-frère ou, championnes dans le domaine, les femmes enceintes. Pour ce que ça peut avoir de réconfortant, tout le monde veut ton bien et y va de son conseil. J'ai présentement une liste de physiothérapeutes, de chiropraticiens, de massothérapeutes, de masseurs et de masseuses qui ferait rougir les pages jaunes. Et bien sûr, ce sont les meilleurs, ceux qui ont guéri les beaux-frères enceintes.
À chaque fois, j'écoutais les histoires avec un intérêt non-feint, espérant y trouver un truc miracle, une guérison magique, un "pelule" efficace ou un gourou hallucinogène. J'étais prêt à faire un chèque en blanc à n'importe quel charlatant qui m'aurait fait miroiter une guérison, une quelconque amélioration de ma condition.
Finalement, c'est mon patron qui m'a donné le plus grand espoir. De retour d'une petite vacance, il est passé me voir à mon bureau pour discuter d'un dossier. Devant mon visage grimaçant de douleur, il s'est informé de ma santé et je lui ai expliqué le nerf coincé et tout et tout. Il m'a fait le commentaire qui de tous, m'a apporté le plus grand soulagement : Bof, ça va finir par passer...

jeudi 8 octobre 2009

126. Un taxi (suite et fin)

C'est un peu de ma faute, c'est moi qui avais engagé la conversation au sujet de l'affichage dans l'aérogare.
Mais je n'en demandais pas tant.
On est ensuite passé à la météo du coin. Moi, je lui dis qu'il fait beau à Québec.
Lui, il me répond que c'est vrai, mais que c'est pas une raison pour s'imaginer que l'hiver ne va pas se pointer.
Et l'hiver, il me précise que ce sera son dernier.
C'est vrai que j'aurais pu dire un « ouan » et m'en tenir à ça. Mais du fond de son taxi, je me demande bien pourquoi ce sera son « dernier ». Un cancer? Il est en phase terminale? Alors je ne peux pas m'empêcher et je lui demande : Pourquoi vous dites le dernier?
Alors son visage s'illumine.
Il vient de s'acheter une motorisée. Avec deux pop-outs. Une grosse. Trente-cinq pieds monsieur.
C'est son copain Michel qui l'a trouvé pour lui. Son copain Michel, il a une blonde que mon chauffeur de taxi appelle « sa bibitte ». Là, je me demande si la blonde de Michel aime se faire appeler « la bibitte » mais finalement, ça n'a pas grand chose à voir avec l'histoire.
Michel savait que l'autre se cherchait une motorisée. Par un beau dimanche après-midi, Michel se promenait sur le boulevard Charest quand il l'a aperçue. (On se dirigeait justement vers Charest et il m'informe qu'il va me montrer exactement où était stationnée la motorisée. Pas besoin de vous dire que j'ai hâte.)
Donc, dimanche, Michel sur Charest qui se promène (avec ou sans sa bibitte, j'ai oublié de lui demander) et il tourne autour de la motorisée quatorze fois.
Dans ma tête, il y a eu comme une pause et je ne l'écoutais plus que distraitement. Quatorze? Pourquoi quatorze? Et qui est-ce qui compte le nombre de fois qu'il fait le tour de quelque chose?
La chance dans toute l'histoire, c'est justement que la « bibitte », elle n'aimait pas les grosses. Et trente-cinq pieds, ça tombe dans la catégorie des grosses alors Michel, il ne pouvait pas l'acheter. C'est là qu'il a eu l'idée d'en parler à son copain, qui lui, justement, en cherchait une grosse. Avec autant de pop-outs que possible.
Alors, en passant, j'ai vu « l'emplacement » de la motorisée qu'il a acheté, me suis montré intéressé (ça me dépasse encore), ai regardé le photos de la maison/chalet qu'il serait prêt à « laisser-aller » pour 275 000 $ mais il faut pas le dire à personne car il se peut qu'il essaie de la vendre à 299 000 $ l'été prochain. Alors, chut!

samedi 3 octobre 2009

125. Un taxi dans la nuit

L'aéroport de la ville de Québec a subi d'importantes rénovations. En fait, je crois que plus rien ne reste du hangar qui faisait autrefois office d'aérogare. C'est moderne, ça a l'air d'un aéroport.
La devanture de l'édifice est tout en verre, on dirait que c'est la mode dans les aéroports. Quand on se dirige vers la sortie, il y a 5 ou 6 énormes affiches, à l'intérieur, qui indiquent "taxi" avec un flèche qui pointe vers le bas. Je sais pas pour vous, mais moi quand une affiche a une flèche qui pointe vers le bas, ça veut dire : "Regarde en-dessous, t'es rendu." Si l'affiche veut me dire d'aller plus loin, la flèche pointe vers le haut, faudrait s'entendre là-dessus.
Bref, je me dirige vers la première flèche venue, en me disant qu'il doit y avoir une porte qui donne accès à l'extérieur (en fait, 5 ou 6 portes, une pour chaque affiche...) Sous l'affiche, il y a un banc, pas de porte. Il y a quelqu'un assis sur le banc et ça donne l'étrange impression que toutes les personnes qui sont assises sur des bancs, sous les affiches de taxi, attendent pour un taxi. Qui ne viendra jamais.
* * *
Où j'ai la tête de raconter ça au chauffeur de taxi, je n'en sais trop rien. Je continue de m'étonner à chaque fois que je perds une bonne occasion de me fermer la yeule.
Il m'écoute, et me demande calmement : Voulez-vous que je vous explique pourquoi la signalisation est mauvaise?
Euh.. oui, que je lui réponds.
Il respire d'aise : C'est parce que l'aéroport est administré par des bouffons. Des bouffons, monsieur.
Ah bon. J'entrevois un conseil d'administration composé de clowns, ce qui n'est quand même pas si original que ça.

mardi 22 septembre 2009

124. Violence à l'épicerie

J'arrive de l'épicerie, où je n'étais pas allé depuis avant la guerre, c'est certain.
Les choses ont bien changé.
Je suis assez systématique dans mes emplettes, je commence dans la sections des fruits et légumes où je zigzague entre les présentoirs. Ensuite, je file vers les belles rangées droites et je les fais dans un certain ordre, un peu préoccupé de ne pas avoir à refaire la même allée deux fois. Si on termine au fond, on a pas le choix de rebrousser chemin pour se rendre aux caisses, et là j'ai l'impression de m'être fait avoir par le système capitaliste qui m'oblige à repasser deux fois au même endroit, question que j'achète plusse, manège dans lequel j'embarque comme une joueuse de bingo le lundi soir.
Devant ma trajectoire inébranlable, je me retrouve inévitablement à rencontrer les mêmes personnes qui font le même trajet mais à l'envers. Cette fois, c'est une dame d'origine pas-canadienne et qui froufroute des grands pans de robe et de foulards derrière son petit chariot. À ses côtés, fiston dans ses Nike avec un t-shirt Adidas et des jeans Wrangler.
À la première rangée, fiston (nous l'appellerons Oussama, le nom lui ira bien plus tard, vous verrez) se ramasse un épouvantail, décoration d'Halloween réduite à 50%, compte tenu que la célèbre fête est à nos portes, plus que 6 semaines, c'est le temps des rabais sur les boîtes de 48 sacs de crottes jaunes qui ne contiennent que 2 ou 3 crottes jaunes et qui font brailler les enfants le matin du 1er novembre.
À la deuxième rangée, l'allée pharmacie, il se ramasse une brosse à cheveux.
Et là, ensuite, rangée 3 à 8, il frappe l'épouvantail avec la brosse, parfois en le tenant par les cheveux, parfois en le lançant par terre et en se jetant dessus à grands coups de brosse.
Et l'autre froufroute comme si de rien n'était.
Aujourd'hui, la cour a décidé de cesser de talonner Harkat. Moi je dis qu'elle devrait se mettre sur les talons du mignon petit Oussama de l'épicerie.

samedi 15 août 2009

123. Quand ça tourne pas rond

Mes vacances s'achèvent et je n'ai pas l'habitude de blasphémer ou même de me plaindre en général de la vie. Mais trop c'est trop et je me permets de dire ma façon de penser ce matin sur quelques petites machinations que la vie apporte, pour le simple plaisir de vous faire chier.
Après quelques jours à l'extérieur de la ville, je suis rentré au bercail avec l'intention de :
- visiter quelques amis
- refaire ma cuisine
Je suis dans cette ostie de cuisine à marde depuis neuf jours et je n'ai vu personne. Et tout ça pourquoi? Vous voulez savoir?
Les cibouère de vis de penture. (cibouère devrait-il prendre la marque du pluriel? je m'en câlice).
Jusqu'à maintenant, j'ai rencontré - mettons - quatre ou cinq sortes de vis. Il y a classique avec la fente au milieu, tournevis plat. On la retrouve sur les plaques des prises de courant, les interrupteurs. Sur ces machins, elle collabore assez bien. Mais ailleurs, elle peut vous faire baver à en cracher votre luette.
Vient ensuite celle en croix. Celle-là, il y a a des dizaines de sortes au bas mot. La moitié de mon coffre à outil contient des tournevis en forme de croix pour toutes les éventualités. Les profondes, les larges, les minces, les plates. Name it tabarnac.
D'après les bites que j'ai dans ma trousse de tournevis (j'ai fini par acheter un kit de 104 morceaux, 1 tournevis et 103 bites), il y a beaucoup de sortes de vis.
La vis ultime, c'est celle qui est carrée et qui se visse avec une tournevis qui a lui aussi le bout carré. Il doit bien y en avoir 5 ou 6 grosseurs mais au moins, tabouère, une boutte de tournevis carré dans une vis avec une coche carrée, ça se visse, ça peut pas aller nulle part (encore que j'ai ai déjà strippé quelques-unes).
Là, j'ai refait mes armoires de cuisine. Changé la quincailleries, incluant les poignées et les osties de pentures à marde. Cinq trous pour chaque penture, deux ou trois pentures par porte. Vingt portes. Ça en fait de la sacrament de tite-vis (parce que des pentures, ça prend des vis minuscules que tu peux pas te mettre entre les doigts à moins d'avoir des doigts de ballerine ce que je n'ai pas et j'ai dû échapper au moins un quart des vis que j'ai essayé de visser, sont toutes derrière le frigidaire quelque part).
Combien de sortes de vis vous pensez? Trois sortes : celles qui s'attachent au cadre sont différentes de celles qui s'attachent à la porte et bien entendu, les poignées c'est toute une autre histoire.
Tout ça pour dire que si toutes les vis étaient carrées (aucune des vis de mes armoires est carrée), si toutes les pentures et les poignées avaient le même type de vis, ma cuisine serait terminée depuis longtemps.
Et je serais allé voir des amis pendant mes vacances.

jeudi 6 août 2009

122. Nouvelles considérations sur l'amitié

J'arrive du centreville où j'étais allé chercher un cadeau pour un ami sans catégorie définie, justement. J'avais également une lettre à poster et je l'aurais bien fait chez moi à ma « super-boîte » mais elle était là dans mon auto et je me suis dit, tiens, je vais la poster ici, maintenant.
Pour votre information, les boîtes aux lettres comme dans le bon vieux temps, ça n'existe plus. Pas entre Somerset et Sparks en tout cas. J'ai marché une dizaine de coins de rue avant d'en trouver une au coin de Sparks et Bank. Pour les touristes, sans doute.
Mais la n'est pas mon propos.
En attendant le passage pour piéton au coin d'une rue, j'étais derrière une femme qui parlait à son cellulaire. Au début, je n'y prêtais pas attention mais à un certain moment, elle s'est écrié :
- Baptême, t'es mon amie Georgette!
Je ne sais pas trop ce que l'autre lui a répondu, mais l'autre d'enchaîner :
- T'es mon amie pis si toi tu peux pas me dire si j'ai l'air toutoune dans cette robe-là, je me demande ben qui c'est qui pourrait me le dire.
- Y'a juste toi qui peux me dire si j'ai l'air toutoune.
- J'ai-tu l'air toutoune ou ben non?
Et je me suis dit que l'amitié, c'est sans doute ça aussi. Avoir quelqu'un qui peut te dire si t'as l'air toutoune ou non.

121. Considérations sur l'amitié

Je me questionne souvent sur l'amitié. Quand est-ce qu'une connaissance devient un ami? Il y a des connaissances qui resteront des connaissances. « Ah oui, je le connais. »
Définitions :
Une connaissance, c'est une personne qu'on connaît, mais même si on le voyait jamais, on s'en foutrait.
Une amitié, c'est aussi une personne qu'on connait, mais c'est une personne qu'on souhaite revoir.
Jusque là, tout va bien. Mais il y a une autre degré qu'il faut considérer. Car parmi les amitiés, il y a les amitiés de circonstance et les amitiés durables.
Définitions :
Une amitié de circonstance, c'est une personne que vous connaissez et que vous souhaitez revoir parce que les circonstances s'y prêtent.
Une amitié durable, c'est une personne que vous connaissez et que vous souhaitez revoir et que vous reverrez même si les circonstances ne s'y prêtent pas.
En d'autres mots, si l'amitié de circonstance déménage, vous ne la reverrez sans doute jamais. Une carte de Noël la première année, un courriel de temps en temps les premiers mois et puis pfffttt.. L'amitié durable vous fera faire des détours, des plans pour vous revoir, vous garderez contact malgré la distance, les obstacles, les conjoints jaloux et autres heurts de la vie.
Je suis en vacances et je suis en train de faire un petit bilan de tout ça. La plupart des amitiés sont assez faciles à classer, mais il m'en reste quelques unes avec lesquelles j'ai de la difficulté.
J'y travaille.

mardi 4 août 2009

120. Au seuil du néant

Dans sa tête, des portes claquent. Des tiroirs s'ouvrent. Le contenu s'échappe dans la mêlée. Tourbillonne et s'enflamme. Elle en attrape des bribes. Les lit avant qu'elles ne s'enflamment comme le reste. Poussière.
- Je pense que je vais pleurer moi là.
De violents coups de vents s'acharnent sur les quelques photos qui restent épinglées.
- Ne me faites pas mal.
Le tonnerre secoue les murs. Des éclairs l'épuisent.
- Quand est-ce que papa va arriver?
Autour d'elle on s'affaire. On veut qu'elle soit à l'aise. On lui parle fort dans l'espoir qu'elle entende. Elle entend. Elle entend des grondements furieux, une mer déchaînée.
- J'ai mal partout en dedans.
Une voix lui dit qu'elle a des enfants. Un fils. Une fille. Elle est une enfant. Elle est toute petite, elle est fragile.
- Ça pas d'allure à deux ans. Aidez-la quelqu'un.
Tout se met à tanguer à nouveau. Cette fois, c'est un bombardement. Une avalanche de venin qui perfore des parois déjà percées.
- Sortez-moi d'ici. Quand est-ce qu'il va venir me chercher?
Je reste seul avec elle. Je ne peux pas quitter la pièce comme ça. Pas comme ça. Ce sera sans doute mon dernier souvenir. Pas comme ça.
Je lui parle tout doucement. Je l'apprivoise. J'apprivoise celle qui nous a mis au monde, qui a fait de nous qui nous sommes. Petit être humain de rien du tout, tout recroquevillé, elle se sent en confiance avec cet étranger. L'instinct de survie lui dicte quand même de se protéger.
- T'es smart toi. Je l'ai toujours su. Tu prends des décisions pis c'est les bonnes. Ça va bien aller pour toi.
Puis elle ose.
- Prends le peigne pis peigne mes cheveux.
Je prends mes doigts, je les glisse dans ses cheveux en bataille. Ils sont doux. Je le lui dis. Je lui dis aussi de se laisser aller, de prendre du repos. Je lui dis qu'elle peut partir si elle en a envie. Elle se tourne péniblement, prend la position du fœtus.
- Je suis si contente.
Je lui dis de partir, de se reposer. Je profite de l'accalmie pour quitter la pièce. Je me retourne sur le seuil. La tempête est passée.
Je pense à moi, au souvenir que je viens de créer, égoïste. Je quitte.

vendredi 12 juin 2009

119. Drame à la portugaise

Mardi 18h00
Nous sommes mardi. Je sors faire faire un pipi à mon toutou. Nous sommes à peine sortis de la maison qu'une dame d'un certain âge nous aborde. Elle me demande dans un anglais cassé par un accent solide :
(1) Si le chien que j'ai en laisse s'appelle bien Gaston.
Moi je pense, tiens tiens, il est plus connu que moi cet animal. Je lui réponds que oui et elle ajoute :
(2) Qu'elle est bien désolé que mon copain ait quitté Ottawa.
Moi je pense, tient tiens, il est plus connu que moi cet animal. Je lui réponds que c'est ben correct et là Gaston il tire sur sa laisse à se défaire parce qu'il est sincère avec son envie de pipi.
(3) Elle se met à pleurer.
Moi je pense, tiens tiens, pourquoi elle pleure celle-là? Alors je lui dit, non non, il faut pas pleurer. Je pense qu'elle pleure parce que mon copain il est parti. J'ai envie de lui sortir une banalité du genre un-de-perdu et dix-de-retrouvés mais je réalise que je ne la connais pas même si elle connaît beaucoup de choses à mon sujet. Et j'ai le chien qui tire sur sa laisse comme un défoncé parce que l'envie de pipi c'est du sérieux.
(4) Là elle me dit non non, je pleure parce qu'elle a pas écouté mon copain.
Moi je me dis, tiens tiens, il avait un service de counselling maison pour les braves dames de ma rue et je le savais même pas. Les choses qu'on sait pas des fois c'est surprenant.
(5) Elle me dit que son chien Dolce est un schnauzer albino et qu'elle n'a pas suivi les conseils de mon copain d'aller le faire tondre au coin de la rue parce que ça coûtait un peu plus cher. Elle est allé exactement où il lui avait dit de NE PAS aller et son chien, il a l'air d'un rat.
C'est pour ça qu'elle pleure. Alors moi je suis un peu soulagé de voir qu'elle pleure pour ça et je lui dit une banalité du genre ça-va-repousser et je lui dit que je dois quitter parce que mon chien il tire sur sa laisse comme un taré profond bicause l'envie de pipi.

Samedi 12h30
Nous sommes samedi. Je sors faire faire un pipi à mon toutou. Nous sommes à peine sortis de la maison qu'un chien blanc qui ressemble à un rat nous aborde. Mon chien il oublie tout à coup son envie de pipi et il se met à renifler le derrière du chien blanc et l'autre il lui ventile les arrières aussi. Le chien blanc il est libre comme un pompon, pas de laisse ou rien.
Là, je me dis, c'est pas que je suis futé, mais je ne connais qu'un chien blanc sur la rue, et encore que de nom. Le collier porte un « D » en diamant, signe irréfutable qu'il est le chien d'une dame qui pleure sur l'épaule du premier passant sur sa rue.
Alors je marche un peu avec mon chien et l'autre il nous suit partout. Mon chien ça ne l'empêche pas de faire ses nombreux pipis et de renifler tous les poteaux du quartier, un peu comme s'il téléchargeait ses courriels de la journée.

12h52
Je fais entrer mon chien dans la maison et je pars sur la rue avec « D » dont j'oublie le nom mais je sais que ça commence par un « D ». Mon chien, il n'aime pas du tout me voir partir avec un autre, appelons ça de la jalousie.
Moi je veux bien rapporter « D » à sa propriétaire mais je n'ai aucune idée de l'endroit où elle habite. Comme je ne connais absolument personne sur ma rue - et croyez-moi, je m'en porte bien - j'aborde une voisine qui arrose ses fleurs. Je lui demande si elle connaît le chien blanc que j'ai au bout de laisse.
Elle me dit que oui, c'est déjà ça de pris. Mais elle ne sait pas où l'autre habite mais elle connaît l'auto. On part tous les deux, comme deux vieux amis qui vont faire marcher leur chien, à la recherche de l'auto de l'autre qui a un chien albino et qui se promène sans laisse.

13h03
La voisine à l'arrosoir, elle me dit que l'auto elle est pas là mais me pointe une maison et me dit que c'est là qu'elle habite la dame qui pleure avec son chien albino. Elle me dit qu'elle est bizarre la dame et elle me quitte en me souhaitant bonne chance. Elle a un air inquiet qui m'intrigue un peu mais moi je me dis, je monte, je sonne, je lui remets son chien, elle pleurniche de joie, et l'affaire est dans le sac.

13h06
Je monte les marches qui mènent à la maison en question. Là dans l'entrée, se trouve une très très vieille dame, pas du tout l'autre. En voyant le cabot blanc, elle s'écrit « Dolce, Dolce » et se met à pleurer. Décidément, ça court sur la rue le pleurnichage mais au moins, elle a l'air de pleurer de joie celle-là. Mais à part « Dolce», je ne comprends rien de ce que raconte la vieille dame.

13h07
La voisine de Dolce arrive avec des sacs d'épicerie. Elle me voit là sur le perron avec le chien et la vieille dame et elle s'approche. Elle me dit que la vieille elle a le radar un peu désajusté et que je n'en tirerai rien. De plus, elle ne parle que le portugais alors même si son disque-dur roulait au max, je n'y comprendrais rien. Elle m'apprends aussi :
(1) que si l'auto est pas là, c'est que l'autre est pas là non plus.
(2) que si la vieille est dehors, c'est qu'elle a également fait sortir le chien.
(3) que si je laisse le chien avec la vieille, elle va le laisser partir de nouveau.
Mais ça je l'avais déjà compris.

13h09
Je retourne à la maison avec le shnauzer albino rasé comme un rat. Mon chien il est tout content de le revoir et il lui renifle le derrière du chien blanc et l'autre il lui ventile les arrières aussi. Mais là je réalise que Dolce c'est un mâle aussi et qu'il a encore toutes ses couilles et toutes les fonctions qui viennent avec lesdits appendices. Et mon chien, il n'y comprend pas grand chose mais il aime pas les intentions de Dolce et c'est assez évident. Et moi c'est pas que j'ai un problème avec les entourloupettes entre mâles, mais il me semble que le mot « consentant » prend tout son sens. Gaston, non seulement il a pas l'air très consentant mais il a pas l'air du tout de savoir de quoi il s'agit au juste.

13h10
J'enferme Dolce dans le garage.

14h15
Je décide de retourner voir sur la rue, question de constater si l'auto de l'autre est revenue. Pas d'auto mais un voisin en train de laver son auto juste en face de la vieille portugaise. Je lui demande s'il connaît la dame, s'il sait quand elle va revenir. Secrètement, j'ai un espoir qu'il va me dire d'apporter le chien, qu'il va s'en occuper, que je vais pouvoir aller faire mes courses comme j'avais prévu le faire ce jour-là.
Rien de tout ça. Il me dit, non je ne sais rien. Et il ajoute que c'est mieux comme ça. Il a l'air mystérieux, un peu nerveux.
Je retourne à la maison, pas plus avancé. L'albino est dans le garage, il hurle comme un goret qu'on égorge.

14h47
Carol sonne à la porte. Les voisins jasent bicause le goret qu'on égorge dans mon garage. C'est une autre voisine, elle a entendu parler de mon histoire avec Dolce, elle apporte de la bouffe que je peux lui donner. Elle me dit que c'est parfait pour les chiens affamés à qui on doit donner une nouvelle nourriture. Moi j'ai envie de lui dire que Dolce il est pas affamé mais que c'est un foutu pervers qui veut se taper mon petit Gaston sans couilles mais je la remercie et lui dit que je vais voir à nourrir Dolce, oui oui bien sûr merci madame.

15h03
Je descends au garage nourrir Dolce. Je remarque qu'il a au cou un petit truc qui se dévisse. J'ouvre et j'y retrouve un numéro de téléphone. Je compose, c'est la voix de la portugaise de l'autre jour, je laisse un message, mon nom, mon adresse, mon numéro de téléphone, j'ai ton chien, viens le chercher.

15h30
Je décide de retourner voir sur la rue, question de constater si l'auto de l'autre est revenue. Pas d'auto mais deux voisines qui me voient venir et qui me font signe de la main. Je leur rends leur signal et elle m'invitent à les rejoindre.
L'un d'elle me dit - c'est Thelma - qu'elle va me dire ce que les autres hésitent a me dire : la portugaise, elle est coin-coin, pire que sa vieille mère. Thelma, elle ajoute que si j'ai le chien, la portugaise va m'accuser de l'avoir volé. Si elle vient chez moi, elle va raconter à la police que je l'ai attirée subtilement en volant le chien d'abord, pour ensuite procéder à des attouchements sur sa personne.
Moi je pense ben-voyons-donc. Et là je pense que j'ai un chien dans le garage et que je viens de laisser un message sur la boîte d'un portugaise coin-coin avec mon nom, mon adresse, mon numéro de téléphone, j'ai ton chien, viens le chercher.

15h47
Je sors Dolce du garage et je le laisse sur mon balcon, bien enfermé par une barrière mais aussi bien visible de la rue. Si la portugaise passe, elle va le voir, moi je vais faire comme si je suis pas là, elle va prendre son foutu clébard et l'histoire va s'arrêter là.

16h36
Je décide de retourner voir sur la rue, question de constater si l'auto de l'autre est revenue. Je sors par la porte arrière, discrètement. Pas d'auto de la portugaise mais une auto-patrouille de la police d'Ottawa devant la maison. Ça se corse et là je pense que je vais me faire accuser de kidnapping de chien albino et de recel dans mon garage dans le but d'appâter une portugaise coin-coin pour procéder à des attouchements non-consentis. Je prends mon courage à deux mains et décide d'affronter l'adversité.
Thelma me voit venir et vient m'informer. On voit qu'elle aime le drame Thelma, ça se sent ces choses-là. Elle me dit que quelqu'un sur la rue a décidé d'appeler la police quand on a constaté que la vieille, elle est enfermée dehors. Oui, oui, enfermée dehors qu'elle me dit Thelma, parce qu'elle n'a pas de clef pour entrer dans la maison. Alors la police a été contactée. (Moi je pense que c'est Thelma qui a téléphoné mais en fin de compte, ça a bien peu d'importance.)

16h42
La police procède a un interrogatoire. Oui, j'ai le chien. Oui, il est dans mon garage. Non, la vieille elle comprend rien. Oui, la vieille elle est portugaise. (C'est bizarre que j'ai dit oui parce que la vieille elle pourrait être italienne ou arabe que je n'en saurais pas la différence.)
À ce point, un autre voisin se pointe avec de la soupe et des craquelins pour la vieille. Elle n'a pas mangé de la journée, enfermée dehors qu'elle est.

17h12
Je décide de rapporter la pièce à conviction sur les lieux du crime. Dolce il est bien content de revoir la vieille. La vieille elle pleure encore un peu quand elle voit Dolce. Pendant ce temps, Dolce il mange la soupe que le voisin a apporté pour la vieille. Soudain, une deuxième auto-patrouille se pointe sur la rue. L'affaire se corse de plus en plus. Dolce se tape les craquelins de la vieille pendant que tout le monde sort de sa maison. Deux autos-patrouille sur la rue, c'est du jamais vu.

17h15
Un policier sort de la deuxième auto-patrouille. Il est portugais, tiens-donc. La vieille quand elle l'aperçoit, elle s'écrit Robertoooo! Lui, il lui raconte des trucs en portugais et il se tourne vers moi : « Ouin, je m'appelle Michael mais elle me prend pour un certain Roberto. Je pense qu'elle fait du chapeau. » Je lui confirme qu'elle fait du chapeau. Dolce il renifle l'entre-jambe du policier portugais, ça le gêne un peu.

17h45
Les deux policiers, je crois qu'ils sont un peu tannés de s'occuper d'une vieille portugaise qui fait du chapeau et d'un schnauzer albino tondu qui a l'air d'un rat. Ils demandent à la cantonade s'il y a quelqu'un qui veut apporter la vieille chez lui pour quelques heures. Tout le monde s'intéresse tout à coup beaucoup aux orteils qui sortent de leurs sandales ou au bout de leurs souliers, ça dépend. Ils se tournent vers moi et me demandent si je veux bien garder le schnauzer albino qui a l'air d'un rat pour la nuit. Moi je dis non. Là, le policier, il dit que peut-être la vieille elle veut pisser vu qu'elle est dehors embarrée dehors depuis onze heures ce matin et qu'il est presque six heures du soir. Une des voisines, Carol, la viande-à-chien, elle a pitié et décide de prendre la vieille chez elle. Quand elle est partie, les policiers ils se regardent et ils demandent encore à la cantonade : « C'est qui qui est parti avec la vieille pour qu'on l'écrive dans notre rapport? » Heureusement, un voisin sait qui elle est parce que moi je sais seulement qu'elle s'appelle Carol et qu'elle a de la viande-à-chien. Ensuite, ils demandent encore à la cantonade si quelqu'un veut prendre le chien. Tout le monde s'intéresse tout à coup beaucoup aux orteils qui sortent de leurs sandales ou au bout de leurs souliers, ça dépend, sauf moi parce que moi j'ai déjà dit non. Je regarde plutôt les autres qui s'intéressent beaucoup à leurs orteils ou au bout de leurs souliers. Les policiers, ils pensent sûrement refaire le coup de l'envie de pisser mais Dolce il est justement en train d'asperger le pneu d'une des auto-patrouilles alors ça règle le cas. La fille police, elle se tourne vers moi et elle me dit : « Bon, on va le prendre le chien. » Elle ouvre la portière et Dolce, il saute sur le siège arrière, pas du tout inquiet que ce sont habituellement des criminels qui s'assoient là, avec des menottes et le policier qui leur met la main sur la tête pour les aider à entrer, je n'ai jamais vraiment compris pourquoi.

18h07
Je retourne chez moi. En passant, je vois Dolce sur la banquette arrière. Les policiers, ils parlent dans leurs micros et ils ont l'air tout sérieux. Moi j'aurais bien aimé qu'ils mettent les sirènes pour partir mais non, ils repartent tout tranquillement sans éclat et le calme revient sur ma petite rue.

lundi 25 mai 2009

118. Repenser l'impensable

L'école, c'est la faute à Charlemagne.
Le mariage, je pense pas que personne l'ait réclamé. Je pense personnellement que c'est une femme qui a inventé ça, et qu'elle n'a jamais osé l'avouer de peur de représailles.
L'école, faudra la repenser un de ces jours; le mariage, je crois qu'il est en train de régler son compte tout seul. Si la tendance se maintient, le nombre de divorces excédera bientôt le nombre de mariages et tout rentrera dans l'ordre.
La procréation est bien embêtante. Intimement liée au mariage pendant des années, c'est le concept du pourvoyeur qui a évolué. En effet, le pourvoyeur n'a plus vraiment besoin de faire partie du mariage. Il pourvoie. Et s'il ne pourvoie pas, l'ex le poursuit. Alors il pourvoie.
Ce serait si simple si on s'entendait tout le monde ensemble pour régler ça une fois pour toutes. Je me fais porteur du nouveau concept, vous n'avez qu'à signer la pétition.
Au lieu d'un mariage pour la vie, pour le meilleur et pour le pire, je propose une série d'ententes à l'amiable de cinq ans, renouvelables MAIS - et c'est là l'ingéniosité de la chose - renouvelable seulement dans des circonstances exceptionnelles.
Par exemple, pour renouveler l'entente, il y aurait un tribunal. (Vous allez dire que ça va coûter cher mais poursuivez votre lecture et vous allez voir que ça coûte moins cher qu'un tribunal de divorce.)
Ce tribunal pourrait porter le nom de Inquisition Quinquennale sur l'Entente à l'Amiable (IQEA).
Ainsi, aux cinq ans, les couples se rendraient à l'IQEA pour leur procès. Le juge procéderait à un interrogatoire serré des deux parties, séparément pour préserver la confidentialité et le liberté d'expression. On devrait fournir des témoins pour confirmer qu'il y a lieu de renouveler l'entente. Au terme du procès, les jurés auraient à déterminer si l'entente est renouvelable ou non, pour-leur-bien. Si oui, on signe à nouveau pour un autre cinq ans. Si non, on repart chacun de son côté avec ses pompons et ses gugusses, à la recherche d'une autre personne intéressée à s'engager dans une entente à l'amiable. Pour cinq ans.

samedi 16 mai 2009

117. Ces choses simples de la vie

Shampooing ou Shampoo? Je ne l'ai jamais su. On m'a appris à l'école que si ça finit par "ing", c'est anglais. Ben non. Shampooing, c'est le bon mot. Petit Robert à l'appui.
Le mot shampoo date en anglais de 1762, où il avait le sens de « masser ». Le mot était emprunté à l'anglo-indien « shampoo », qui venait à son tour de l'hindi chāmpo (चाँपो /tʃãːpoː/), l'impératif de chāmpnā (चाँपना /tʃãːpnaː/), « huiler, masser les muscles », et qui était dérivé lui-même du mot Sanskrit/Hindi chāmpnā (चाँपना /tʃãːpnaː/), désignant les fleurs de la plante Michelia champaca (famille des Magnoliaceae) traditionnellement utilisées pour faire des huiles odorantes pour cheveux.
Ça vous en bouche un coin, hein? Copié/collé de Wikipédia, rien de moins.
Tout ça pour dire qu'hier, j'avais besoin de shampooing. La même sorte que d'habitude, de préférence. Cheveux normaux, rien à signaler.
J'entre. La fille elle s'y connaît en shampooing, on voit bien rien qu'à la voir.
Elle parle français, en plus, ça aide à trouver ce que je cherche parmi ces dédales de bouteilles, toutes plus performantes les unes que les autres.
Je lui donne la marque recherchée.
- Pis, il est comment votre cheveu? qu'elle me demande comme on s'informe d'une parenté éloignée.
- Ben, il va assez bien je dirais. Il se fait rare, mais c'est l'âge.
- Ouin, qu'elle me dit en me regardant l'air un peu dépité.
Faut dire que si elle est pas mon genre, de toute évidence, je suis pas le sien non plus.
Elle me conduit à l'étagère de produits recherchés, en chaloupant de la hanche dangereusement dans ces rangées étroites.
- Euh, sur ma bouteille à la maison, ça dit cheveux normaux.
- Ça existe plus, qu'elle me dit. C'est pour ça que je voulais savoir comment est votre cheveu.
(Ça m'a toujours agacé cette habitude de parler des cheveux au singulier et ça me fait venir une image en tête d'un bébé de bande dessinée qui n'avait qu'un long cheveu pour toute coiffure. Mais elle, elle a le tour de m'agacer encore plus que l'expression en question.)
J'aurais pu lire les étiquettes, je décide plutôt de compter combien il y a de sortes de shampooings différents sous cette même marque. Toutes les bouteilles ressemblent à s'y méprendre à la bouteille pour cheveux normaux que j'ai à la maison, et qu'on ne produit plus. Il y en a douze sortes, j'oublie la plupart.
Cheveux abimés. Sont pas abîmés mes cheveux.
Cheveux teints. Sont pas teints, putain.
Cheveux minces. C'est pas toujours mince un cheveu?
Cheveux gras. Beurk.
Cheveux frisés. Z'ont un centimètre de longueur, faut pas charrier.
Et ça se complique.
Cheveux teints abimés. Ben là.
Cheveux minces et frisés. Ça doit être ça qu'on appelle des p'tits cheveux frisés.
La fille est là, debout, un tantinet impatiente.
- C'est juste que moi, j'aimais bien la sorte "pour cheveux normaux".. Pis j'en trouve pas dans toute cette panoplie.
- Les gens qui ont les cheveux normaux, ils prennent celui-ci. Elle me tend une bouteille d'un ton décidé, genre, enweille passe à la caisse tarlet, j'ai pas yinque ça à faire à soir.
Comme un bon garçon, je file vers la caisse et dépose la précieuse bouteille sur le comptoir. Je paye, je sors.
Cheveux stressés, que dit la bouteille. Je me demande si elle s'est foutu de ma gueule.

samedi 9 mai 2009

116. Mes profs de gym

Y'en a qui ont déçu leurs parents, leur père ou leur mère. Y'en a qui se sont déçus eux-même, qui ont déçu leur entourage, déçu leurs partisans, déçu leur miroir.
Moi c'est mes profs de gym que j'ai déçu. Je me souviens de chacun d'eux, de leur visage dépité devant ma maladresse et mon manque d'intérêt pour la chose physique à laquelle ils essayaient tant bien que mal de m'intéresser.
D'abord, il y a eu le jeune William. Il devait sortir tout droit de l'université et nous étions ses premiers élèves. Dans mon petit village, je me souviens qu'il faisait fondre toutes les gazelles en chaleur alors je suppose qu'il était jeune et en bonne forme physique.
L'Université ne l'avait pas préparé à me rencontrer. J'étais le plus petit de la classe, pas doué pour les sports pour cinq cennes. (Je ne le suis toujours pas d'ailleurs, j'en fais un principe). On était à l'époque où les cours d'éducation physique mettaient les garçons d'un bord et les filles de l'autre. Selon la formation qu'il avait reçu, je devais être capable de faire la même chose que tous les autres garçons, sinon mieux. Les autres garçons de la classe avaient pourtant compris : quand il fallait faire des équipes, William le prof choisissait les deux colosses de la classe qui faisaient ensuite un tri parmi les restants. Je me ramassais toujours bon dernier et finissait par rejoindre l'équipe qui n'avait pas le choix, l'équipe qui allait perdre. Le flash qui me revient, c'est la gueule du petit William qui me regardait découragé, prêt à démissionner. Il a quitté le village après sa première année d'enseignement, il a peut-être même quitté la profession. Je crains qu'il ne soit devenu clochard, alcoolique, sans-abri. Il était mignon quand même.
Ensuite, il y a eu le gros Henri. Je doute fort qu'il était formé pour se retrouver dans un gymnase et, si c'était le cas, il n'avait pas fait le vœux d'être un modèle de condition physique. Je soupçonne qu'il avait dû haïr l'éducation physique autant que moi quand il était enfant car il s'en foutait pas mal. Pendant les deux années qu'il était mon prof de gym, je me la suis coulé douce et lui aussi.
Mon calvaire s'est terminé au secondaire où le prof était un genre de gros ours poilu qui m'haïssait carrément. Il n'est pas passé par l'étape du dégoût, ou rien comme ça. Le premier jour, il m'a choisi comme cobaye pour la lutte gréco-romaine et s'est amusé pendant un bon deux mois à me lancer au tapis et à s'effouerer sur moi de tout son long, la plupart du temps en sueur qui sentait pas bon. De là, juché sur mon petit être frêle et fragile, il donnait son cours aux autres et leur montrait quoi faire, me donnant en exemple quand venait le temps de signaler quoi ne-pas-faire.
Vingt ans plus tard, son fils à commis un geste indescriptible qui a fait la une de Photo-Police. Bien des gens ont eu beaucoup de pitié et de compassion pour mon ancien prof de gym.
Pas moi.
Par contre, j'en avais beaucoup pour son fils.

samedi 25 avril 2009

115. Blond et heureux

Je suis présentement à un congrès de blonds aux yeux bleus. Étant moi-même blond aux yeux bleus depuis quelques années, le sujet m'intéressait mais le programme promettait d'examiner la chose sous les angles de l'adolescence, des différents genres de blonds, des différences entre le cheveu blond chez les hommes et les femmes, et plein d'autres trucs avec lesquels je suis moins familier. C'est pas parce qu'on est blond qu'on connaît toutes les teintes.
La plupart des présenta-teur-trice-s et des anima-teur-trice-s sont blond-e-s. Pour certain-taine-s, on s'en doute dès le début; d'autres l'avouent au cours de leur présentation. D'une façon ou d'une autre, personne n'est vraiment surpris. La majorité des gens dans la salle est blond de toute façon. Jusqu'à maintenant, la plupart des présentations portent sur les aspects négatifs d'être blond alors que moi je n'ai pas vraiment vécu mon état négativement. Je suis un dumb blonde, je m'assume, je suis bien dans ma blondeur. Tiens, déjà je viens de dire un mot tabou. Le gros mot qui commence par un "D".. Dumb, bien entendu. Plusieurs témoignages portaient justement sur la situation des écoles où des ados se font traiter de "dumb blonde" dans les corridors, certains qui subissent même de la violence physique. Quelques blonds aux yeux bleus se sont suicidés, on en connaît tous.
Je n'ai jamais caché que j'étais blond. Au cours la journée, je me suis d'ailleurs demandé depuis quand je le suis... Certains ont avoué le savoir depuis qu'ils sont aussi jeunes que quatre ans, en se regardant dans le miroir, souvent. Est-ce que je le savais? Est-ce que je m'en doutais? Le miroir ne me renvoyait pas cette image en tout cas. Je me souviens avoir été envieux de l'apparence de certains blonds dans mon adolescence mais j'y voyais là pure jalousie: j'aurais voulu être aussi blond alors que la nature ne m'avais pas fait ainsi et continue de me mettre au défi.
C'est beaucoup plus tard dans la vie que la blondeur est devenue une caractéristique identitaire pour moi. Sans doute que si je l'avais pas découvert, des congrès comme celui-ci me feraient réfléchir. D'ailleurs, je dois reconnaître que je me sens bien avec d'autres blonds aux yeux bleus.
Est-ce qu'on naît blond? Malgré le fait que je n'en étais pas conscient, je crois que oui. J'ai grandi dans un village où tout le monde semblait avoir le cheveu foncé. Je suppose qu'il y en avait qui se teignaient les cheveux en cachette comme partout. Mais je n'en étais pas conscient, sauf dans des cas extrêmes: un vieillard qui portait une perruque blonde dans son hangar pour faire le clown avec les enfants du coin et un autre qui rêvait ouvertement d'être albinos. Je ne m'identifiais ni à l'un, ni à l'autre.
J'ai quand même beaucoup de compassion pour tous ceux et celles qui souffrent ou qui ont souffert de leur différence. Je crois la comprendre même si je ne l'ai pas vécue.
Brun à nouveau, moi? Non, je le pense pas. Ça ne m'empêche pas de bien aimer les bruns et même quelques brunettes. J'ai des bons amis qui sont albinos.
Je suis blond et heureux. Très.

vendredi 24 avril 2009

114. Obèse et heureux

Je suis présentement à un congrès sur l'obésité. Étant moi-même obèse depuis quelques années, le sujet m'intéressait mais le programme promettait d'examiner la chose sous les angles de l'adolescence, des différents genres d'obésité, des différences entre l'obésité chez les hommes et les femmes, et plein d'autres trucs avec lesquels je suis moins familier. C'est pas parce qu'on est obèse qu'on connaît toutes les recettes de foie gras.
La plupart des présenta-teur-trice-s et des anima-teur-trice-s sont obèses. Pour certain-taine-s, on s'en doute dès le début; d'autres l'avouent au cours de leur présentation. D'une façon ou d'une autre, personne n'est vraiment surpris. La majorité des gens dans la salle est obèse de toute façon. Jusqu'à maintenant, la plupart des présentations portent sur les aspects négatifs de l'obésité alors que moi je n'ai pas vraiment vécu mon état négativement. Je suis gros, je m'assume, je suis bien dans mon enrobage. Tiens, déjà je viens de dire un mot tabou. Le gros mot qui commence par un "G".. Gros, bien entendu. Plusieurs témoignages portaient justement sur la situation des écoles où des ados se font traiter de "gros" dans les corridors, certains qui subissent même de la violence physique. Quelques gros se sont suicidés, on en connaît tous.
Je n'ai jamais caché que j'étais gros. Au cours la journée, je me suis d'ailleurs demandé depuis quand je le suis... Certains ont avoué le savoir depuis qu'ils sont aussi jeunes que quatre ans, en se regardant dans le miroir, souvent. Est-ce que je le savais? Est-ce que je m'en doutais? Le miroir ne me renvoyait pas cette image en tout cas. Je me souviens avoir été envieux de l'apparence de certains obèses dans mon adolescence mais j'y voyais là pure jalousie: j'aurais voulu moi aussi être si bien enrobé alors que la nature ne m'avais pas fait ainsi et continue de me mettre au défi.
C'est beaucoup plus tard dans la vie que l'obésité est devenue une caractéristique identitaire pour moi. Sans doute que si je l'avais pas découvert, des congrès comme celui-ci me feraient réfléchir. D'ailleurs, je dois reconnaître que je me sens bien avec d'autres gros.
Est-ce qu'on naît gros? Malgré le fait que je n'en étais pas conscient, je crois que oui. J'ai grandi dans un village où tout le monde semblait grignoter du céleri. Je suppose qu'il y en avait qui mangeait des éclairs au chocolat en cachette comme partout. Mais je n'en étais pas conscient, sauf dans des cas extrêmes: un vieillard qui se cachait dans son hangar pour se gaver de friandises avec les enfants du coin et un autre qui rêvait ouvertement d'être pâtissier. Je ne m'identifiais ni à l'un, ni à l'autre.
J'ai quand même beaucoup de compassion pour tous ceux et celles qui souffrent ou qui ont souffert de leur différence. Je crois la comprendre même si je ne l'ai pas vécue.
Maigre à nouveau, moi? Non, je le pense pas. Ça ne m'empêche pas de bien aimer les maigrichons et même quelques maigrichonnes. J'ai des bons amis qui sont squelettiques. Mais moi, avec le temps, je dois bien l'admettre: j'aime trop les desserts.
Je suis gros et heureux. Très. Avec tous les synonymes que le mot comporte.

lundi 13 avril 2009

113. Cimetière des temps modernes

Les choses étant ce qu'elles sont, on ne visite plus nos morts comme on le faisait dans le passé. Je passe bien saluer mon père dans mon village quand j'y vais mais disons que j'y vais pas souvent. S'il attend mes visites, il doit commencer à savoir comment c'est long une éternité.
Je pense bien que je traîne avec moi un ordinateur de poche depuis qu'ils existent. J'ai acheté le premier dans un Consumers Distributing, c'est vous dire comment ça fait longtemps que je me promène avec ça! J'ai eu trois ou quatre versions des Palm et maintenant j'ai un Blackberry. À chaque fois, je transfère les adresses de l'un à l'autre, tous compatibles par la magie de l'ordinateur. Bref, j'ai là-dedans quelques quatre cents noms, des plus récents à des oubliés sur qui je tombe de temps en temps en scrutant mon écran en me demandant qui ça peut bien être. Et un mort, sur qui je tombe aussi de temps en temps.
On fait quoi avec un mort dans son Blackberry? Je crois pas que le guide d'instruction traite de ça. À chaque fois que je passe sur son nom avec ma petite roulette, je m'y arrête, pense à lui, m'en ennuie un peu. La première fois, je me suis demandé si je devais tout simplement l'effacer. Maintenant, je ne me le demande plus car je sais que je ne vais pas le faire. Il va rester là, avec son numéro de téléphone, son adresse courriel. D'un bouton, je pourrais composer son numéro, tomber sur sa boîte vocale, pourquoi pas... Avoir ce dernier lunch qu'il a annulé et qui ne s'est jamais produit.
C'était avant Facebook. Maintenant, c'est pas juste mon Blackberry qui sert de mausolée. Ici et là sur la grande toile, des amitiés qui dansent, qui fêtent, qui rient aux éclats, et qui continueront de le faire pour toujours? Combien de temps pourra-t-on googler les disparus et les voir revenir à la vie d'un seul clic?
Quand on y pense, c'est quand même bien. Je crois.

lundi 6 avril 2009

112. Zing-a-ling

Je m'en étais douté un peu mais je n'avais pas imaginé le pire. Quand même.
Elle m'avait dit que tout ça se passait dans une cuisine, et j'avais eu une pensée négative que j'ai essayé de chasser le plus vite possible. Faut pas toujours penser au pire, que je me suis dit.
Je me suis donc rué sur mon ordinateur, j'ai fait un petit googling, et j'ai cliqué sur la vidéo. On peut aussi cliquer sur la bande sonore mais là on n'a pas la cuisine, et ça gâche tout. Enfin, ça gâche plusse.
Là je me sens pas gentil du tout parce que dans la vie, tout est question de goût. Et de toute évidence, si la chanson en question a remporté la palme, c'est qu'elle doit bien plaire à quelqu'un, quelque part.
C'est juste que moi, l'Acadie, la francophonie, j'aimerais qu'on lui donne une petite chance de tourner la page et de se pitcher dans le futur. Le présent serait déjà pas si mal mais je vise haut.
Ça commence dans une cuisine, ça je le savais déjà. Les Acadiens, on trame tout dans la cuisine. Dans la vidéo, ils sont osés pas mal car ils se rendent dans l'autre coin mais on perd jamais la cuisine de vue. Dès la première image, y'a un violon qui sort d'on ne sait trop où. Mais tout ce qu'on a besoin de savoir, c'est que les Acadiens, ils ont toujours un violon de caché quelque part dans le frigidaire ou dans l'armoire. Et ils te sortent ça n'importe quand, juste pour le trip. L'autre te sort une guitare de la boîte à pain pis le party est pogné. Tu sais jamais si Edith Butler ou la Sagouine va pas sortir de derrière le poêle. Tout y passe : le violon de ma Louisiane, l'autre qui se prend un cuillerée de fricot, le quai ensoleillé, les carillons de Grand-Pré. On n'est pas à un cliché près.
Est-ce que les Acadiens doivent aller à Lamèque comme d'autres vont à la Mecque?

lundi 30 mars 2009

111. Des vieilles cassettes

Rien à voir avec le cap des cinquante ans, vraiment pas, je vous le jure. Mais ce fut l'occasion de passer une belle fin de semaine avec mes filles et de faire plein d'affaires qui faisaient leur affaire. Comme de regarder des vieilles cassettes vidéo VHS de leur enfance. On s'était couchés vers les 4h du matin alors moi je m'étais dit que ça dormirait jusqu'à 2h de l'après-midi, minimum. Ben non, c'était debout à 9h du matin et ça voulait voir des vieilles cassettes VHS. C'était pas prévu évidemment mais on s'est retrouvés tous les trois, quatre avec le chien, dans le lit à regarder des cassettes. Ce qui était vraiment pas prévu, mais tellement prévisible, c'est que tout le monde sur les cassettes aurait 20 ans de moins. Moi inclus. Cheveux longs, noirs, frisés. La face en coin de porte, 30 livres de moins au bas mot.
Les disparus sont réapparus. Mon beau-père, mon père. Ils étaient plus jeunes, mais ils étaient comme je les avais connus. Enjoués, rieurs.
Puis ma mère. Dans la vidéo, elle jouait le rôle d'une femme plus jeune, alerte dans sa cuisine, cinglante avec ses commentaires toujours bien placés, coquette aussi. Rien à voir avec celle qui vit toujours là-bas et qui s'accroche aux bribes de souvenirs que le brouillard de son cerveau veut bien lui relâcher en de trop rares occasions.
J'y avais pas pensé avant de regarder les vidéos avec mes filles, mais c'est pas les souvenirs de ceux qui sont partis qui dérangent le plus. C'est ben pour dire, hein?

dimanche 29 mars 2009

110. Minuit ce soir

Ce serait un peu crétin de dire que ça ne change rien. Quand mon toit de maison a atteint l'âge vénérable de 25 ans, je savais qu'un jour je devrais y voir. Quand l'odomètre de mon auto a tourné les 100 000 km, j'ai eu un pincement au cœur, sachant très bien qu'elle venait de passer au rang de bagnole. Ce soir, dans mon lit vers minuit, quand mon propre compteur oscillera vers les 50 ans, je vais pas m'imaginer en train de faire des bulles dans la fontaine de Jouvence.
Je vous entends déjà :
- C'est juste un chiffre! (premièrement, c'est un nombre, pas un chiffre).
- On a l'âge de son cœur! (elle est bonne celle-là, ça s'adonne qu'on a le même âge).
Ben voyons donc...
Tout ce qui me réconforte, c'est que je voudrais pas avoir dix ans parce que je venais de me casser cinq dents d'en avant. Je voudrais pas avoir vingt ans parce que j'étais innocent sans bon sens. Je voudrais pas avoir trente ans parce que j'aurais pas mes deux grands enfants. Je voudrais pas avoir quarante ans parce que j'étais innocent sans bon sens et je me préparais à me casser d'autres dents pis j'avais pas mes grands enfants. Non vraiment, je suis plutôt content d'avoir bientôt mes cinquante ans.
Je vais me coucher.
Ce sera comme quand on remarque un yogourt qui a la date du jour. On ferme la porte du frigo en se demandant ce qu'on va faire avec le lendemain. On sait pas ce qui va se passer pendant la nuit.
Demain sera un autre jour.

samedi 14 mars 2009

109. Mînque, mînque, font les canards.

Je suis allé prendre une bonne marche du samedi matin avec mon chien dans les bois derrière la maison. Le ruisseau qui passe derrière est en dégel, les canards sont revenus. On les voit de la cuisine, du petit balcon aussi. On les voit seulement quand la neige est basse comme à ce temps-ci de l'année, et quand les herbes ne sont pas trop hautes, comme quand elles sont recouvertes de neige basse comme à ce temps-ci de l'année. Enfin, vous comprenez l'idée. Plus tard, quand la neige sera fondue, que les herbes auront repris du volume, on entendra les canards mais on ne les verra plus à moins de se rendre au ruisseau ou à l'étage d'où on continue de voir le ruisseau (et les canards, par ricochet).
Je me souviens d'un canard qui était dans mon premier livre de lecture à l'école. Je ne sais pas pourquoi il faisait coin coin. Je les écoutais ce matin, et je suis convaincu qu'ils font mînque, mînque, rien à voir avec des coin-coin. Je me disais même que s'il y en avait un qui s'aventurait à faire coin coin dans le petit ruisseau derrière ma maison, les autres lui donnerait sûrement une volée à la récréation pour le remettre sur le droit chemin. Je crois qu'ils seraient tous sous le choc s'ils apprenaient que dans les livres de lecture de la première année à l'école, les enfants apprennent qu'ils font des coin-coin pour tout et pour rien.

lundi 9 mars 2009

108. Dimanche de printemps

Un couple d'amis qui se sépare et ça me dérange sans trop que je sache pourquoi. Un couple mais que je connaissais séparément, circonstances curieuses, c'est la vie, c'est ma vie, et patati et patata. Je pense que c'est parce qu'ils avaient l'air de bien s'aimer tous les deux. Non mais quoi? On a besoin de croire que les gens s'aiment, non? Et que s'ils s'aiment, c'est for-the-long-run. Alors moi je vous le dis que les gens qui s'aiment autour de moi, ils devraient juste continuer de s'aimer toujours sans faire d'histoires et surtout pas de se mettre à ne plus s'aimer. Ça gâche un peu un beau dimanche qui se donne des airs de printemps.
Je suis dans un petit café du centreville. J'attends quelqu'un. Je l'ai vue tourner à l'envers dans un sens unique juste à côté, sans doute à la recherche d'un stationnement. Je ne l'ai plus revue. Si on entre à l'envers dans un sens unique, est-ce qu'on n'en ressort jamais?
Juste derrière moi, dans le petit café, il y a un piano. (Plus loin, il y a deux mandolines mais ne gâchons pas la scène.) Il y a un jeune couple qui me demande s'il peuvent en jouer - du piano - et moi je dis oui, bien sûr. Il est rouquin, les cheveux en feu, elle a les yeux bleus, si bleus que je les avais remarqués en entrant dans le café. Ils jouent ensemble une mélodie qui me fait voir des grosses vagues et des baleines qui jouent dedans. Ils sont beaux, ils jouent bien. Je ne leur demande pas s'ils s'aiment : ils penseraient que je suis un vieux fou. Mais ils pourraient aussi me décevoir et j'aime mieux rester avec mes vagues, mes baleines et les couples qui s'aiment dans ma tête.

dimanche 1 mars 2009

107. L'espoir

Fouille-moi pourquoi et je te dirai que c'est à force d'entendre parler de rivières asséchées, de forêts décrissées et de lacs pollués que j'en suis venu à me demander où tout ça s'en va.
Il y a bien un Américain qui m'a dit y'a pas si longtemps que tout ça c'est de la foutaise, des inventions des médias pour faire peur au monde, mais j'ai tendance à lui faire moins confiance qu'à tous les conférenciers que j'ai entendus au cours des derniers jours.
Et ça m'amène à parler d'espoir. De tout ce qui est fragile : la planète, la francophonie, la vie. Et quelques autres choses, j'en suis certain.
Comment on fait pour se garder la tête hors de l'eau quand le bateau s'enfonce et que tout les autres passagers font des bulles autour de soi? Quand la chaloupe prend l'eau?
La première chose qui me vient à l'esprit, c'est qu'on croit tous à l'inattendu. On est tous suffisamment crétins pour croire que Spiderman va débarquer un bon matin pour régler tout ça. Obama en est la preuve vivante. On espère tous dans le fin fond de soi, l'inattendu, le gros changement de cap qui rend tout possible. Un pouche-pouche miracle pour réparer la couche d'ozone. Une « pelule » qui guérit tous les cancers.
Il nous faut aussi croire qu'on peut faire une différence. Bon, là aussi, les gourous ça aide beaucoup mais au départ, chaque être humain doit fondamentalement croire que son sac d'épicerie recyclable en grosse jute qu'il a payé une piasse pis qu'il oublie toujours d'apporter quand va faire son épicerie, c'est une bonne affaire. Que grâce à lui, on ne sera pas ensevelis un jour par les sacs de plastiques qui prennent quatre cent trente-cinq ans à se fondre dans la nature.
Et finalement il faut croire que le monde est bon et que les gros méchants n'existent pas. C'est la partie la plus toffe. Il faut croire que personne n'a d'intérêt à ce que le français disparaisse au Canada. S'accrocher dur à l'idée qu'il n'y pas pas de gros capitalistes qui troqueraient leur mère pour un steak ou qui anéantiraient un peuple pour son sous-sol.
L'espoir? Ben oui.

106. Au son du skidoo

Au Sud, c'est niaiseux, mais mon oreille ne faisait pas la distinction entre le cliquetis des feuilles de palmier et une pluie raide qui tombe à gros grains. De sorte qu'avant d'ouvrir les rideaux le matin, je n'arrivais jamais vraiment à savoir s'il faisait beau ou mauvais.
Ce matin, à Yellowknife, c'est au son des skidoos que je me réveille. Pas de doute sur la température : fait frette! Les tentures sont d'ailleurs d'une épaisseur impressionnante, renforcée d'un gros store opaque. Quand le soleil s'étend un peu trop sur la nuit, on est prêt!
Outre les sons matinaux et l'apparat des fenêtres, qu'est-ce qui me frappe dans ce Grand Nord austère?
1. Le son des pneus à crampons qui cliquetiquent sur la chaussée de glace régulièrement recouverte de gravier. 2. Aucune neige pendant les trois jours nuageux mais une fine bruine de glace lors d'une journée ensoleillée sans le moindre coussin de ouate à l'horizon. 3. Un déneigement continuel - ou déglacement plutôt - pour éliminer la glace qui s'accumule partout, surtout sur les trottoirs.
À part ça, quelqu'un m'a dit que la ville était devenu un peu comme n'importe où au Canada après l'ouverture du Walmart, du Canadian Tire et du Tim Horton.

105. Question environnementale

Elle commence par nous dire que l’environnement c’est ben important. Moi je suis bien d’accord et c’est justement pour ça que je suis venu l’écouter me parler de ce qu’elle fait dans sa communauté.
Ensuite elle nous explique que les bonnes pratiques écologiques, c’est une question d’habitude et de culture organisationnelle.
Jusque là, tout va bien.
Là elle nous explique qu’elle va nous donner un exemple « personnel » qui va nous démontrer à quel point on peut avoir de l’influence sur les autres quand on a des bonnes pratiques écologiques.
Tiens tiens. Moi j’aime bien quand les gens ils nous donnent un exemple personnel. Comme j’offre moi-même souvent des petits sermons sur ci ou ça, je me dis que je vais voir comment elle nous met la table avec son petit exemple personnel. Je ne savais pas qu’elle allait redéfinir le concept, et franchement je ne lui en demandais tant.
Son exemple personnel, c’est la fois où elle est allée à la toilette. Je fronce déjà du sourcil. Elle nous dit sur le ton de complicité parentale qu’on sait tous que les enfants ont le nez fourré partout et qu’ils nous suivent souvent, nous les parents, quand on va à la toilette. Moi je me dis que mes enfants ont dû manquer de quelque chose car je ne souviens pas de les avoir vus aux chiottes avec moi. Passons.
Donc, elle est assise sur la toilette, qu’elle nous dit pendant que moi j’essaie de chasser l’image. Sa fille, 7 ans, pas un petit bébé curieux qui rampe partout, non non, sa fille 7 ans, dis-je, l’observe. Ça aussi j’essaie de chasser de mon esprit.
Et là, la petite fille, observatrice comme tout, et environnementaliste comme ça se peut pas, dit à sa mère : « Heille maman, t’en prends donc ben du papier de toilette! Tu le sais tu que tu tues des arbres en prenant quasiment la moitié du rouleau? »
Et là elle nous explique comment elle est fière de sa fille et elle continue en nous expliquant comment elle a eu une influence positive et bla bla bla. Mais moi je suis juste pris avec l’image d’une mère beurrée du postérieur, qui a mangé je ne sais quoi la veille, et qui a besoin de la moitié d’un rouleau de papier de toilette avant de pouvoir remonter ses bobettes, et de sa petite fille qui commente sur l’état de l’environnement.
Je dois sans doute être tordu pour avoir passé à côté de son message, tout bombardé que j’étais d’images peu reluisantes d’une si touchante scène familiale.
Je crois avoir retenu que je devrais faire un effort pour utiliser des sacs recyclables quand je fais l’épicerie. Je vais m’y mettre, promis.

dimanche 15 février 2009

104. T'entends-tu le tchou-tchou?

Il y a des lunes que je n'avais pas pris le train. Il aura quelques autres lunes avant que je m'y redépose le cul, croyez-moi.
Comme je suis plutôt habitué à l'avion, je ne peux m'empêcher de comparer.
J'ouvre une parenthèse.
Mon vol de retour du pays du soleil avait 3 heures de retard. J'en ai profité pour aller me taper un dernier coucher de soleil. Au lieu d'arriver à Toronto à 22h, il était donc 1h du matin, oubliez la correspondance pour Ottawa. Je me suis donc retrouvé dans un hôtel assez minable à 3h du matin. Après un gros 30 minutes d'attente aux téléphones (j'avais le combiné de la chambre d'hôtel en français et mon BlackBerry en anglais, tous les deux rivés à l'oreille, déterminé à savoir lequel répondrait le premier, encore plus déterminé à coller une plainte aux langues officielles si l'anglais répondait le premier (le français a gagné alors je n'aurai pas le plaisir de me plaindre). Après maintes entourloupettes, je suis finalement arrivé à Ottawa à 11h le lendemain matin, fourbu, avec 3 heures de sommeil, le reste bien ramassé dans les poches sous mes yeux. Taxi, maison, sable dans les bobettes, tristesse, douche, noeud de cravate et hop, présentation à un groupe d'enseignants venu au Parlement canadien apprendre le-Ciel-sait-quoi, moi qui cause ayant l'air de savoir ce que je raconte, j'en reviens pas, je m'impressionne un peu mais pas trop parce que je suis si fatigué.
Retour au bureau, quelques blagues salaces pour leur faire apprécier mon retour. Constat de trop fatigué pour prendre la route pour Montréal où j'ai une réunion le lendemain. Achat d'un billet de train, d'où j'écris.
Fermation de la parenthèse.
Donc, le train.
Déjà c'est mieux que l'avion. Beaucoup plus d'espace, du vin à volonté, hic, le personnel fin comme ça se peut plus - du monde qu'à l'air d'aimer sa job. Mais dans ma pensée tout avionesque, j'avais oublié le cellulaire. Ma voisine, rangée d'en face, siège arrière en diagonale, maximise ses voyages en train. Elle a un bidule bluetooth dans l'oreille et parle à une collègue tout en se faisant les ongles. Comme ces petits machins ne fonctionnent pas toujours 20/20, elle hurle là-dedans.
C'est moi le premier qui fais une plainte. Je la fais fort, pas si brave que ça parce que je sais pertinemment qu'elle ne m'entendrait pas de toute façon. Mais ça a son petit effet car mes voisins acquiescent du bonnet et quelques-uns y vont de leurs commentaires. Le personnel finit par intervenir et lui disent qu'il y a des plaintes. Elle les regarde incrédule, finit ce qu'elle voulait bien finir avec sa collègue, interrompt enfin la conversation, se concentre sur ses ongles. Je m'assoupis presqu'instantanément.
Tidelidi-tidelida
Juste derrière, un papa répond à son cellulaire. Il parle à sa fillette, enfin je l'espère. Il parle de lui-même à la troisième personne du singulier. "Ton tipapa est dans le train là." "T'entends-tu le tchou-tchou?" C'est mignon. Au début. Sauf qu'il dit ça à toutes les fois que le train turlute, c'est-à-dire à toutes les fois qu'on se tape un passage à niveau. Et il y en a beaucoup entre Ottawa et Montréal.
Mon voisin, lui, a son ordinateur sans fil et navigue sur Cupid.com. IL semble aimer les blondes et les grosses boules. Je remarque son jonc de mariage et son fond d'écran, une petite brunette assez plate ma foi.
Quand on lui demande s'il veut un repas, il répond : "Oh non, si je mangen avant d'arriver à la maison, ma femme va me tuer."
Moi je pense, pis elle va faire quoi ta femme si elle réussit à hacker ton disque dur? Elle va te le faire bouffer?
Enfin. Il y a du vin à volonté. C'est quand même bien le train. Hic.

103. Rire de joie

Il n'y a rien de plus curieux que d'aller chercher quelqu'un à la gare ou à l'aéroport. Pas que ça m'amuse d'aller chercher quelqu'un mais être mêlé à la foule qui attend quelqu'un et les observer discrètement, c'est à mourir de rire.
C'est presque toujours pareil. Les gens sourient bêtement en scrutant la file qui descend de l'autobus, du train ou de l'avion. Souvent sur la pointe de pieds pour ne pas le manquer comme si l'autre allait filer : " Eh vous m'avez pas vus alors j'ai repris le prochain vol pis chu rentré chez nous! ".
Et ils sourient encore. Et là, ils l'aperçoivent. Et ils se mettent à RIRE. Rigoler comme si l'autre leur avait joué un bon tour d'arriver là, à la porte des arrivées, heille toi mon coquin.
Pourquoi ce rire? Quand les gens sont heureux, ils s'exclament à grands coups de ah-ben-là et de chu-don-ben-content mais en général ils ne rient pas SAUF quand ils accueillent celui ou celle qu'ils sont justement venus chercher. Alors là, ils rient de bon coeur, ils rient de joie. L'autre, qui débarque, il rit aussi mais la plupart du temps, il a l'air de a) rire pour faire comme les autres b) rire parce qu'il se demande pourquoi les autres rient c) rire de ceux qui l'attendent et qui ont l'air fou en train de rire pour rien.

samedi 7 février 2009

102. La veille du départ

Il me reste deux soirs ici et je me prépare mentalement de la même façon que ça fait un an que je raconte que j'ai cinquante ans. Quand le moment arrive, le choc est moins brutal.
J'écoute un poste de radio qui joue une petite musique pour te faire manger du sable tellement tu deviens obsédé à l'idée de devoir te plonger la sandale dans de la grosse neige sale. L'auteur devrait être traîné en justice pour avoir incité des auditeurs au suicide.
Je suis allé à la plage cet après-midi et j'ai fait une longue marche. Je me traînais la gougoune comme un condamné à perpétuité qui a sa dernière chance d'aller prendre une bière avec ses potes. Il faisait même pas beau. Mais maudit qu'il faisait beau.
Ça se pourrait tu que je suis pas fait pour l'hiver moi là?

jeudi 5 février 2009

101. Au pays d'Obama

Quelques jours avant mon départ pour des petites vacances au soleil, je me suis rendu en librairie pour acheter quelques bouquins, question de ne pas m’ennuyer sur la plage. Je regarde toujours les présentoirs qui sont les plus prêts de l’entrée car j’aime bien la lecture commerciale, les meilleurs vendeurs, bref le genre de trucs que tu lis sans remettre ta vie en question. J'aime la plage mais aucune envie de marcher vers l'horizon jusqu'à ce que ça fasse glou-glou.

Je suis dans une librairie tout ce qu’il y a de plus francophone et pourtant… Devant moi, une petite montagne de livres aux titres variés avec le même sujet. Obama. Ôbama. Ôbama au plus haut des cieux. Certains en français, d’autres en anglais, on ne se gêne pas avec des questions linguistiques. On le voit sur tous les angles, même en costume de superhéro de bande-dessinée, avec costume moulant et tout et tout, sur une des pages couvertures. Quelques livres sont consacrés à son épouse, uniquement. Eh oui.

Tout ça frise l’hystérie collective. Ce matin, mon journal consacre un cahier à ses fillettes, comment elles sont devenues des guides pour la tenue vestimentaire des enfants. Ben voyons donc.

Moi ça m'inquiète un peu que le star system soit rendu à se mêler de politique. Ma petite impression, c'est que l'ours moyen ne fait plus la différence entre fiction et réalité, tellement pogné dans tous les shows qui te montrent les amygdales de ton voisin, à son insu, paraît-il. C'est quand même spécial les États-Unis.

Je m'arrête, tout d'un coup que le FBI lirait mon blogue et que je ne pourrais plus m'en retourner... Déjà que j'ai dû changer mon nom à la frontière pour entrer au pays!

Je vous ai pas raconté ça, hein? Et ben depuis que je vis en Ontario, mes nouvelles pièces d'identité chèrement acquises portent toutes le prénom de Joseph, en bon catholique de 6 jours que j'étais à l'époque de mon baptême. (Je suis né un lundi et il fallait que les bébés soient baptisés le dimanche suivant sous peine de brûler en enfer ou quelque chose du genre.) Donc, Joseph. Le douanier me demande mon prénom, et moi le con je lui réponds par le prénom que j'entends d'habitude quand les gens m'interpellent. Il me dit le plus sérieusement du monde que c'est pas ça que mon passeport raconte. J'ai le flash de m'être trompé de passeport avec mon conjoint mais il vient de passer et personne n'a fait d'histoire. Alors je lui dit ben-voyons-don' en anglais, évidemment. Pas impressionné le type du tout. Son air bête pré-requis pour l'emploi se renfrogne. Il me dit que je dois lui donner mon vrai nom si je veux entrer aux États-Unis alors là j'ai le flash et je lui débite les deux prénoms. Non, qu'il me dit. Seulement le premier : Joseph. Là je rigole comme un con et je lui donne un abrégé des principes de l'église catholique mais il ne trouve pas ça drôle du tout et ça me fait passer un peu l'envie de déconner avec lui. Il me tend mon formulaire et moi je me dis, c'est foutu pour le voyage. Non, il me demande simplement de RAYER mon vrai prénom et il me dit : "In the United States of America, you are Joseph."
Faudra pas que j'oublie si je croise Obama sur la plage.

dimanche 1 février 2009

100. Une Citroën beige

Je parle souvent de mon petit village natal comme d'un endroit assez ordinaire où il ne se passe à peu près rien. J'en parle surtout quand je m'adresse à un groupe et que je veux donner de l'intensité au fait qu'une chanson - qui porte son nom - a fait de ce bled insignifiant un lieu mythique connu partout dans le monde. C'est un petit air qui swing du genre la-wing-a-han mais qui s'est quand même classé au Temple de la renommée de la chanson française. Go figure!
Et voilà que ça me revient ce matin. Je suis en train de lire un roman, le mec vient de trouver la calandre d'une Citroën, flashback au Salon de l'auto, Citroën beige parmi les reliques du Septième ciel. Flashback à Paquetville, Citroën beige dans le village. Les hommes assis autour de la truie* au garage à André-à-Moïse n'en reviennent pas.
(Je patine un peu pour reprendre la route avec mon histoire, mais tout ça c'est pour expliquer qu'il s'en passait des choses dans mon petit village. C'est que la Citroën beige, elle était pas arrivée n'importe comment. On continue.)
On l'appellera Madame T, pour ne pas la nommer. Madame T était veuve, je pense. Peut-être vieille fille, c'est bien possible mais ça ne change rien au récit. Je ne lui connaissais pas d'enfants mais c'est bien dommage car elle était plutôt gentille. Moi je l'aimais bien en tout cas. Elle était revenue au village sur le tard et s'était installée dans une vieille maison, sans doute celle de ses parents décédés, qu'est-ce que j'en sais. Ça non plus, c'est sans importance.
Elle menait une petite vie sans histoire, ça sentait bon dans sa cuisine, la maison était toujours propre. Madame T était toujours bien mise, sentait bon comme sa cuisine.
Je me souviens vaguement aller la visiter, souvent sur l'initiative d'autres amis pas si bien intentionnés que ça et qui disaient : Allons voir la vieille T; on va avoir un snack. Moi j'aimais bien aller chez Madame T et pas juste pour ses biscuits. J'irais même jusqu'à dire qu'il y avait un certain exotisme à aller chez Madame T.
Comment Madame T a-t-elle rencontré un Français, entretenu des fréquentations et décidé de le marier? Tout ça bien avant Internet? Ça me dépasse. Qu'il se soit installé dans mon village, acheté une Citroën beige, enlevé le premier étage de la vieille maison pour en faire un coquet bungalow flanqué d'un abri d'auto dépassait toutes les bonnes gens du village.
Tout le monde est allé voir l'opération je-te-tranche-un-étage comme on va voir Paul McCartney sur les Plaines d'Abraham. Tout le monde est retourné voir ce que c'est un abri d'auto (que tout le monde s'est d'ailleurs mis à appeler un carport, et j'aime espérer que c'est pas le Français qui leur avait appris ça). Et tout le monde surveillait, guettait, les départs et les arrivées de la Citroën beige parce que tout le monde était fasciné par son air de spoutnik bien entendu, mais aussi parce que tout le monde était fasciné de la voir s'élever de quelques pouces du sol à son départ et toucher presque le sol quand elle était au repos.
C'est ça aussi mon village...
* - si vous savez pas ce qu'est une truie à Paquetville, je vous invite à deviner

dimanche 18 janvier 2009

99. Je te frotte et je t'astique

Elle est au bas de l'escalier roulant qui ne fait que descendre. Celui qui monte est à l'autre bout de l'édifice, assez vaste par ailleurs. Les enfants sont pas-du-monde, ils sont tannés d'attendre. Elle fulmine : « Mut-yan faire un moé un septième ciel, attend qui redescende pis y va se ramasser les deux pieds sur terre j't'en signe un papier. » Elle raconte ça à son bambin qui tire sur sa poussette, qui veut pas s'asseoir dedans, qu'à l'air fatigué comme un enfant fatigué.
Nous sommes au Salon de l'auto de Montréal que j'ai visité en fin de semaine. Son mari est resté bloqué dans la première salle de l'exposition, pompeusement qualifiée de « Septième Ciel » d'une part parce que c'est à l'étage supérieur, et d'autre part, parce que cette pièce recèle les plus belles autos, les plus chères, les plus sportives, bref celles qu'il ne lui a pas dit qu'ils examineraient parce qu'elle est venue là pour examiner plutôt les mini-fourgonnettes avec de la place en masse pour la carosse et le siège d'auto pour le petit.
Moi aussi je suis venu voir pour une bagnole qui pourrait éventuellement remplacer mon actuel véhicule et j'ai perdu un peu de temps au Septième ciel, mais coudon, c'est pas tous les jours qu'on voit ces bolides.
Il y a trois sortes de visiteurs au Salon de l'auto.
Je vous ai présenté le couple typique qui s'y trouve. Il l'a convaincu de venir pour examiner les fourgonnettes, elle a accepté à condition qu'on emmène les enfants, il lui a promis qu'on examinerait juste ce qu'on a les moyens d'acheter mais elle ne sait plus où il est rendu. Probablement en train de baver sur une Lamborgini deux places en s'imaginant cruiser par une belle journée d'été.
Quand ils sont ensemble, l'effet n'est pas moins désastreux. Au kiosque des Jeep, entre autres, je la vois qui examine la Cherokee, la Patriot ou la Liberty. Lui, il est dans la Wrangler en train de voir où il mettrait sa caisse de bière et sa canne à pêche pis comment ce serait commode un Jeep comme ça pour aller au « campe » les fins de semaines.
L'autre type de visiteur est un peu plus encombrant. Il a une quinzaine d'années, rêve d'avoir son permis de conduire et est prêt à conduire n'importe quoi. L'auto de son père, de sa grand-mère, il s'en fout. On le retrouve à tous les volants, ils sont habituellement quatre dans le véhicule que vous voulez examiner donc pas possible de le faire. Et ils restent dedans longtemps, assez longtemps pour s'imaginer en train de se promener dans leur petit bled pour impressionner les pitounes.
Et l'autre genre, c'est le gars comme moi qui a sa liste, qui veut voir les trois modèles qui l'intéresse, qui se met en ligne pour attendre que les maris en rût, les gouines écoénergitiques et les ados aux culottes pendantes libèrent le véhicule.
Les kiosques sont occupés par quelques employés qui frottent les poignées après qu'on y a touchées et qui astiquent les pare-chocs et par quelques jolies filles qui se sont blanchies les dents hier soir et qui sourient pour que ce soit bien clair que si t'achètes la bagnole, elle va te trouver pas mal intéressant. Je demande à l'une d'elle si le modèle qui m'intéresse est disponible en traction intégrale. Bien qu'elle continuait à sourire, elle est payée pour ça après tout, on dirait qu'elle souriait jaune un peu avec ses dents blanches. Elle savait pas trop quoi faire la mignonne alors elle s'est tournée vers les dépliants et a commencé à essayer de déchiffrer ça mais elle faisait un peu pitié alors je lui ai juste demander de me donner le dépliant et que je vérifierais moi-même.

98. L'heure juste

Je n'avais pas besoin de montre du tout mais j'ai bien dû passer une dizaine de minutes à les examiner sans vraiment les voir.
J'étais sur le point de sortir de cette petite boutique où je n'avais rien trouvé d'intéressant quand je me suis laissé accroché par la conversation du caissier avec un copain (ou un client, qu'est-ce que j'en sais?).
Je suis pas du genre à écouter les conversations des autres bien que je commence à croire que je le suis car il me semble que j'en ramasse beaucoup. Je suis peut-être un écornifleux qui s'ignore, va donc savoir.
Toujours est-il que le caissier, c'est un jeune de 18 ans, du genre qui travaille dans les petites boutiques les fins de semaines. Il a les cheveux pognés dans la gomme, des trous partout au point qu'il est sans doute plus waterproof, porte des jeans de 200$ et un t-shirt beaucoup trop petit pour lui. Bref, un jeune tout ce qu'il y a de plus ordinaire.
L'autre, je le vois juste de dos mais c'est sans importance. Il vient de lancer une vraie bombe et l'autre l'apostrophe. L'autre, il vient de faire son frais-chié (ça s'écris-tu comme ça?) et il a laissé tomber nonchalamment qu'il n'aime pas la musique française.
Mon jeune caissier perforé ne l'a pas trouvé drôle.
T'es con qu'il lui dit, t'es Québécois pis tout ce que tu trouves à faire, c'est chier sur la musique française, tu préfères des tounes américaines faites à la machine, la grosse criss de machine qui programme des chansons pour être certain que ça se vend, tous les sons analysés pour accrocher des petites oreilles habituées au commercial comme les tiennes, si tu prenais la peine de mettre de la musique française dans ton ipod américain, c'est pas parce qu'il est américain ton ipod que tu peux pas downloader de la musique française dedans t'sais, de la musique française, tu comprendrais que c'est intelligent, que c'est des sons faits par des gars qui trippent sur la musique, pas juste des cons qui ont étudié quel son qui va avec quel son pour faire plusse de cash, tu écouterais des mots intelligents au lieu des sons anglais qui sont juste là parce que ça vend plusse, la musique anglaise criss ça fait même pas de sens les mots, c'est juste des mots qui sont plogués là parce que le son vend plusse, pour faire du cash, rien que du cash avec des gars comme toi qui connaissent rien pis qui se font pogner dans la grosse machine...
Et ça continue comme ça pendant une bonne grosse dizaine de minutes pis moi je regarde les montres parce que j'en reviens pas. L'autre, il dit rien du tout et il est de dos mais j'aimerais lui voir la face comme vous savez pas comment.
Franchement, ça m'a fait du bien d'entendre ça.
J'ai quasiment acheté une montre.

jeudi 15 janvier 2009

97. Saturnin et les autres

J'ai encore espoir de finir d'installer mon bureau à la maison et de ne plus voir aucune boîte qui me rappelle le déménagement de l'été dernier. Ce soir, j'ai ouvert une boîte qui contenait un DVD de Saturnin, que j'ai acheté il y a de ça quelques années dans un moment de nostalgie.
Pour ceux qui ne savent pas, Saturnin c'est un canard qui avait sa propre émission de télé, diffusée le samedi matin quand j'étais petit. Futé comme pas un, Saturnin réussissait à sauver sa gang des pires malheurs qu'on puisse imaginer. Je n'ai jamais regardé le DVD mais je me souviens vaguement qu'il avait pour amis une belette qui s'appelait probablement Belette et un gros hamster qui ne s'appelait pas Gros Hamster, ça j'en suis certain. Si jamais un jour je me décide à regarder ce DVD, je vous le dirai comment ils s'appelaient les amis de Saturnin.
Mais c'est pas de Saturnin que je veux causer vraiment, c'est de la mémoire. De temps en temps, des trucs comme Saturnin, ça me ramène en arrière et me voilà à me souvenir de toutes sortes de choses qui n'étaient pas particulièrement importantes mais qui semblent avoir laissé une trace dans mes souvenirs.
Comme avez-vous déjà essayé de vous souvenir du plus vieux souvenir possible de votre enfance?
Là faut pas se laisser avoir avec des souvenirs qui sont pas vraiment des souvenirs parce que vos parents prenaient des photos comme des délurés et que vous avez des albums pleins du moindre pet que vous faisiez quand vous étiez enfant et là vous allez me dire que vous vous souvenez de votre premier changement de couche. Non, non, pas ce genre de souvenirs-là.
Juste un souvenir, un feeling, des images personnelles du premier événement dont vous vous souvenez pis qu'il y avait pas de photographe aux alentours.
Moi j'ai beau me forcer, je peux pas remonter avant 5 ou 6 ans. Je suis dans le magasin (mes parents avaient une épicerie) avec ma mère. Elle est derrière le comptoir et elle parle avec Madame Cormier, enseignante de l'école de par-en-bas, signifiant que c'était vers Bas-Paquetville. (À noter que Bas-Paquetville n'existe pas vraiment mais que comme il y avait un Haut-Paquetville, les gens qui habitaient de l'autre côté de l'église avaient tendance à nommer l'autre extrémité du village Bas-Paquetville.) Madame Cormier faisait figure de « principale » de l'école, fouillez-moi pour savoir si c'était un angliscisme ou non. Qu'elle l'ait été ou non n'a pas tellement d'importance; elle assumait le rôle et avait la tête de l'emploi.
Bref, elle et ma mère causaient comme elles avaient l'habitude de le faire mais cette fois je me suis rendu compte qu'elles parlaient de MOI. Elle parlaient d'un truc qui s'appellait l'école et de savoir si je devrais commencer en première ou en deuxième année étant donné que je savais déjà lire et écrire. (Ma grande soeur m'avait appris sur un petit tableau vert avec des lettres en haut et des dessins en bas accroché sur le mur de la cuisine, entre la porte de la véranda et la porte de la toilette. Mais ça je peux pas vous garantir que je m'en souviens parce qu'il y a une photo qui montre ma soeur Claudette et moi en train en train d'apprendre quelque chose avec la grande bouche ouverte comme un débile.)
Vous aurez compris que je n'ai pas encore fini d'explorer la boîte que j'avais commencé à défaire tout à l'heure. J'y retourne à l'instant. Sacré Saturnin...

mardi 13 janvier 2009

96. Pledge

Dans une autre vie, j'avais une femme de ménage. Je vous dis pas ça pour vous faire tomber sur le cul, c'est juste pour vous expliquer pourquoi ça fait 30 ans que j'ai pas acheté de Pledge.
Mon premier souvenir du Pledge, c'était dans l'épicerie de mes parents. C'était une canette brune avec des lettres or. Tu pesais sur le piton, ça faisait un jet blanc de mousse sur les meubles, tu l'essuyais et le meuble était propre. Plus de poussière, un peu brillant. Dans la maison, quand ma mère passait le Pledge, ça sentait le Pledge dans la maison. Tu arrivais de l'école pis tu te disais : Ah, ça sent le Pledge, ma mère a passé le Pledge sur les meubles. Tu regardais les meubles et les meubles avait plus de poussière dessus, ils étaient propres, ça sentait le Pledge. Vous saisissez l'idée?
Dans ma nouvelle maison, je me suis acheté des meubles qui semblent attirer la poussière comme les spots jaunes dans la neige attirent mon chien. En fin de semaine, je me suis dit : Tiens, je vais aller acheter du Pledge, je vais en mettre sur les meubles, ça va enlever la poussière, ça va être propre et dans la maison, ça va sentir le Pledge.
Je suis arrivé à l'épicerie et me suis dirigé d'un pas confiant vers les produits nettoyants. Premier constat : le Pledge brun et or qui sent le Pledge, ça n'existe plus. Ou en tout cas, il n'y en avait pas à mon épicerie et il n'y en a jamais eu parce que j'ai vérifié les étiquettes sur le bord de la tablette.
De nos jours, le Pledge sent l'orange. Je sais pas ce qui s'est passé avec les oranges mais tout à coup, elles sont devenues symbole de propreté. Les enfants d'aujourd'hui arrivent à la maison après l'école et si ça sent l'orange, ils ne savant pas si leur mère va les empoisonner au Pledge ou si elle vient de leur presser un jus d'orange.
J'ai compté huit sortes de Pledge au total. Il y en avait un qui enlevait la poussière mais qui contrôlait aussi les allergies. Pouvez-vous imaginer quelqu'un qui se dirait : Bah, je veux pas contrôler les allergies, je veux juste enlever la poussière. Il aurait l'air fin s'il développait des allergies, hein? Je suis certain que tout le monde veut se protéger des allergies.
Un autre offre une « Protection + ». Comment résister à ça? Tu veux enlever la poussière mais si en plus tu peux protéger tes meubles, heille, c'est winner ça. Personne ne se dirait : Bah, je veux juste enlever la poussière, pas besoin de protéger mes meubles. Tout le monde veut protéger ses meubles.
Une autre sorte de Pledge vous promet des meubles d'une beauté naturelle. Autrement dit, si t'achète pas ça, tu te ramasses avec une beauté artificielle. Qui veut ça? Je suis certain que tout le monde veut la beauté naturelle, je suis même à peu près certain qu'il y en a qui se pledgent la face en cachette pour avoir une beauté naturelle.
La preuve, il y a du Pledge qui est « extra hydratant ». Je savais qu'il y avait des crèmes pour hydrater la peau mais là tu peux dépoussiérer tes meubles et t'hydrater la face avec le torchon.
Pour les plus vieilles croûtes, tenez-vous bien, il y a même le Pledge à l'huile d'orange revitalisante « pour redonner une allure neuve à vos meubles ». J'étais un peu perplexe avec l'huile d'orange parce que je suis jamais tombé sur une orange huileuse. « Hmm... le jus d'orange est pas bon ce matin, il goûte l'huile. » Les ébénistes n'ont qu'à bien se tenir, le nouveau Pledge peut te refistoler n'importe quelle vieille armoire d'un coup de pouche-pouche.
J'ai finalement acheté du No-Name. La cannette était brune et ça m'a rendu nostalgique. Mes meubles sont propres. Ça sent pas le Pledge dans ma maison mais ça sent pas non plus l'orange huileuse, je n'ai pas encore développé d'allergie, je ne sais pas si mes meubles sont protégés mais je sais qu'ils n'ont pas l'air de souffrir de déshydratation ni d'avoir besoin d'un face-lift.
Des fois je m'ennuie de l'épicerie de mes parents.

lundi 12 janvier 2009

95. Entendu à la radio

Ceux qui pensent qu'ils ont tout entendu n'écoutent pas la radio francophone de l'Outaouais.
En revenant du bureau ce soir :
Un. On vous annonce dans les alentours de -28 pour la journée de demain, pis ça c'est sans compter le facteur frette.
Deux. Une radio qui joue juste des hits. Des tounes qui torchent.
Trois. La radio qui joue juste des hits pis qui joue pas de Céline.
Le facteur frette? Des tounes qui torchent? Pas de Céline?
Attachez-moi quelqu'un!

samedi 10 janvier 2009

94. Un saut dans mon passé

Ma mère m'a appris à être prévenant. Quand j'étais petit, si j'annonçais que j'allais jouer dehors, elle s'écriait : Ah mon d'jeu, tu vas monter dans un arbre pis tu vas te sacrer en bas pis te fendre la tête en deux. Non seulement c'était une bonne dose de confiance en soi mais c'était aussi m'habituer à prévoir le pire. Ça remettait aussi drôlement en doute la théorie selon laquelle l'homme descend du singe mais ma mère était comme ça. J'ai jamais grimpé dans un arbre, pas besoin de vous préciser. Tout au plus, je me balançais de temps en temps sur une branche - toujours la même - sur un érable d'un rangée d'arbre entre chez mon oncle et la maison de la vieille Lydia. J'étais certain qu'elle allait sortir en nous criant de ne pas toucher ses foutus arbres alors ça me sauvait de faire des démonstrations de mes prouesses arboricoles.

J'arrive d'une courte excursion dans mon passé, là-bas, dans l'autre ville, celle que j'ai quittée. En quittant l'aéroport, la première chose que je fais en conduisant les dents et les fesses serrées sous un verglas qui me gèle les pompons et les essuie-glace instantanément est donc de penser aux personnes que je ne veux pas rencontrer. (Prenez une pause pour faire le lien avec ma mère, les arbres et Darwin.)

Je suppose que c'est normal que quand on tourne une page, c'est pas pour revenir de temps en temps lire les pire bouts. Rien de tout ça. Par un bienheureux hasard, je retourne là-bas et je rencontre du monde qui n'étaient pas sur cette page-là pantoute. D'abord ma meilleure amie d'enfance et d'adolescence qui me donne des allures de brebis perdue et retrouvée. Ensuite, l'ami d'une amie rencontré au hasard d'une conférence que j'ai eu l'audace de relancer pour un café et qui a eu l'audace d'accepter. Pour finir, un anglophone que je connaissais vaguement et qui s'avère être tout ce qu'il y a de plus francophone et que je trouve bien plus sympathique comme ça.

Moi qui ne crois pas à grand chose, sauf peut-être à la monarchie (non mais c'est vrai, mieux vaut des tarés élevés pour gouverner que des tarés mal-élevés qui gouvernent), je dois reconnaître que la théorie de la synchronicité tient bien la route dans mon cas. Rien n'arrive pour rien, il faut être attentif aux surprises que la vie nous amène.

Sur la route du retour, je me suis mis à penser à des personnes positives que j'ai rencontrées et que j'aimerais revoir, vivantes de préférence, ce serait chouette. Nicolas Thériault, mon prof de 8e année. Louise Bourbonnais, un parent d'élève. C'est les deux premiers qui apparaissent dans mon esprit. C'est pas fin pour les autres mais c'est comme ça. Les autres, ils avaient juste à se forcer un peu. Y'a des gens qui te marquent pis d'autres qui te marquent pas, on dirait bien.

Mais je vais continuer à y penser. Il doit bien y en avoir d'autres, me semble, hein? Crime. Juste deux. Eh ben...

lundi 5 janvier 2009

93. Balade chez les voisins

Après une semaine de pinceaux et de rouleaux, j'ai décidé de me donner une petite pause à Montréal. Je suis donc parti de bon matin avec mes cahiers pour écrire, ma pelle dans le coffre parce qu'on sait jamais, et mes cheveux trop longs dans l'intention de les faire couper.
Quelques constats :
Un. Le gouvernement du Québec leur en a passé une bonne avec la réglementation sur les pneus d'hiver. C'est pas pour la sécurité du bon peuple que cette loi a été adoptée, c'est pour faire des coupures dans le déblayage des rues!
Deux. Il faut que quelqu'un m'explique l'humour des Pathétiques histoires des pays d'en haut. Pour ceux qui ne connaissant pas, c'est l'histoire du Petit Insignifiant qui pose des questions, la plupart du temps à son père, celui-ci lui répondant la partie du dialogue qui est censée être drôle. C'est diffusé à tous les temps-en-temps sur les ondes radiophoniques des stations Énergie, ça dure 30 secondes et je n'en ai pas encore pognée une qui m'a fait rire. Non seulement je ne les trouve pas drôle, mais je ne peux pas imaginer ce qui EST drôle. Bref, c'est un humour qui me dépasse. Mais si j'en parle, c'est que je trouve ça un peu inquiétant quand même. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il y a peut-être quelqu'un, quelque part, qui trouve ça drôle.
Trois. Où d'autre que dans le Village gay peut-on entendre la phrase suivante, entendue à la table d'à-côté dans un petit café : « Je te laisse le toaster et la bouilloire si tu me laisses les perruches (ou les perruques, j'entendais pas très bien, mais ça revient au même).
Ce qui m'amène à vous parler du phénomène d'entendre tout ce qui se dit aux tables voisines dans les cafés ou les restos. (J'en ai peut-être déjà parlé quelque part dans ce blogue, je sais pas. Mais c'est mon blogue et je peux bien radoter si ça me chante.)
J'ai passé la majeure partie de ma vie dans un milieu anglophone. Quand je m'installais pour écrire dans un endroit public (j'ai écrit mes meilleurs textes dans le food court du Scotia Square), je n'entendais qu'un vague murmure de voix entremêlées où il n'y avait rien à comprendre, à écouter ou à entendre.
Quand je suis dans un milieu francophone, j'entends tout. Tout. Soit les francophones parlent plus fort (j'en connais qui parlent fort), ou alors c'est que mon sens de l'ouïe est sélectif et répond mieux au français. Ce qui m'amène à...
Quatre. Les Québécois (et les Québécoises dirait un bon politicien), surtout les femmes d'un certain âge, font un abus du « j'yai dit, ama dit, j'yai dit, ama dit » quand elles racontent une histoire. J'ai beaucoup de difficulté à me concentrer sur l'histoire parce que je n'entends que des « j'yai dit, ama dit, j'yai dit, ama dit ». Je vous donne un exemple :
- J'yai dit ben en tout cas t'as de la face que j'yai dit.
- Ama dit ben m'a t'en faire qu'ama dit.
- J'yai dit heille là.
- Ama dit, croirais-tu, ama dit, j'en r'viens pas qu'ama dit.
Avouez qu'on se perd un peu dans le déroulement de l'histoire après quelques instants.
Cinq. Comme c'est beau de voir la petite vie de quartier le matin à Montréal. Les gens sortent, beau temps mauvais temps, prendre leur petit-déjeuner. Ce matin-là, il y a un peu de verglas et les gens marchent à petits pas prudents mais sortent quand même. Malgré la grande ville, ils se connaissent tous et se racontent avidement, surtout au propriétaire du café, du dépanneur ou de la boutique où ils se trouvent. Tous, ils sont attachants. Comme un roman de Tremblay...

jeudi 1 janvier 2009

92. Aurevoir 2008

Chez les francophones, le Bye-bye est un genre d'institution sacrée qu'il ne faut pas manquer. Jusqu'à maintenant, j'ai toujours vécu la veille du Jour de l'An dans les Maritimes, donc une heure plus tard que le reste de l'univers. À minuit, quand c'était le temps d'ouvrir le champagne, de s'embrasser et de se souhaiter la bonne année à grand coup d'accolades, il y avait toujours quelqu'un pour aviser les autres : « Fermez vous la yeule, le Bye-bye commence! »
C'est donc pour la première fois de mon existence, cette année, que le Bye-bye commençait à 23h et que le décompte tombait pile avec le vrai minuit et que j'ai fait et reçu mes souhaits, accolades et embrassades au bon moment et que personne n'était là pour y mettre une fin abrupte. La bouteille de champagne a eu le droit de faire son « plop » sans que personne ne dise que le bruit leur a fait perdre un petit punch dans le Bye-bye.
J'étais donc pas-peu-heureux hier soir de m'asseoir devant la télé pour écouter la fameuse émission. Tout aurait été parfait si l'émission n'avait pas été d'une platitude lamentable. En fait, sans l'affaire Bernier, l'émission n'aurait duré que le temps d'un commercial. Je ne m'étendrai pas sur le sujet, mentionnant simplement que toute émission qui vous dépoussière un Michel Louvain en complet blanc qui chante La dame en bleu risque d'être plate. C'était le cas.
À la défense des producteurs, il faut cependant dire que 2008 a ceci de particulier qu'il ne s'est rien passé pour la majeure partie de l'année. S'ils ont tenté d'écrire le script pendant l'été, il n'y avait strictement rien à raconter.
Et tout à coup, tout nous est tombé dessus. Un peu comme si 2008, elle s'était dit « Oh shit! il ne s'est rien passé. Personne va se souvenir de moi alors je vais leur en mettre plein de baluchon et ils vont tous tomber sur le cul et dire oh-là-là-2008-quelle-année!
Ça explique pourquoi ce n'est qu'au cours des dernières semaines qu'on a été bombardé d'élections au point qu'on ne savait plus s'il fallait voter pour Barrack, pour Pauline ou pour Ignatieff.
Plusieurs pensent que toutes ces éléctions ont coûté tellement cher que l'économie en a pris un coup. Mais ça n'a rien à voir du tout. Tout ça, c'est la faute du Dow-Jones, écoutez la télé un peu et vous le saurez bien. C'est important de comprendre que toute l'économie américaine est fondée sur la célèbre prétention d'épater les Jones, nom générique qui englobe tous les voisins du quartier. Ainsi, pour que l'économie se porte bien, il faut que les Américains achètent beaucoup, toujours mieux, toujours plus gros. Détail essentiel, le Dow-Jones a été imaginé à peu près en même temps que l'automobile et celle-ci est devenu la référence principale quand il s'agit de s'assurer que tout le monde est en compétition avec les Jones. Ainsi, quand on a commencé à vérifier auprès du bon peuple : How do you compare with thou Jones?, on voulait surtout savoir si votre bagnole était plus grosse que celle du voisin. Le Dow-Jones (thou Jones) venait d'être inventé.
En 2008, le prix de l'essence a connu des sommets inégalés. Les grands penseurs se disaient que plus l'essence serait chère, plus les gens voudraient aller casser la gueule de ceux qui ont tout le pétrole, quitte à se faire tuer mais ça c'est un détail. Faire le plein de son Hummer est devenu tellement cher que plusieurs Jones ont songé à acheter des bagnoles moins grosses. Entendons nous : le Hummer garde encore sa place de choix pour aller au dépanneur du coin, mais on s'est mis à acheter des SUV un peu plus modestes pour aller mettre les déchets au bord du chemin le mardi matin.
C'est ainsi que l'économie a commencé à vaciller. Je suis quand même rassuré car tout devrait rentrer dans l'ordre avec tout l'appui que reçoit l'industrie de l'automobile. Ces généreuses subventions - même d'origine canadienne - vont bien sûr bénéficier aux contribuables qui se voient attribuer des primes alléchantes pour continuer d'acheter des grosses autos. Toujours dans le but de faire économiser le citoyen, GM, Ford et Dodge offrent même une Honda Civic à toute personne qui fait l'acquisition d'une grosse cylindrée américaine.
Mais il ne faudrait pas penser que la Terre tourne autour de nos cousins américains. En 2008, nous avons au Canada pris des longueurs d'avance et nous les avons même dépassé dans quelques domaines.
Prenons par exemple nos élections. Pour la première fois de notre histoire, nous avons eu des vraies campagnes de salissage - et le mot n'est pas faible compte tenu qu'on a même eu droit à des chiures d'oiseau aux heures de grande écoute. Il faut reconnaître que dans la catégorie des bassesses, on l'emporte haut-la-main avec le Parti Conservateur, de quoi regorger notre fierté d'être canadiens. La preuve, on les a réélus!
C'est aussi au Canada en 2008 que nous avons inventé une nouvelle catégorie littéraire : le bitchage autobiographique. On raconte sa vie mais en graffignant les autres au passage. Ça s'appelle du contenu canadien. Le premier prix est remis à la Couillard - qui mérite bien cette consolation puisque son livre ne s'est pas vendu - suivi de près par Paul Martin, qui a réussi lui à bien écouler son stock, dans la région de Shawinigan paraît-il.
Nous avons aussi réussi à faire disparaître certaines personnalités des radars médiatiques. À l'instar des Ben Laden et des Saddam Hussein dont plus personne n'entend parler, nous avons réussi en quelques jours à faire disparaître Stéphane Dion au point qu'il y a même des Canadiens qui ne s'en souviennent déjà plus. Personne ne l'a même vu démissionner car on l'avait fait disparaître quelques heures avant. Un jour, il devait être notre Premier ministre, le lendemain, pfuiiiit.. disparu.
La personnalité internationale la plus connue de la ville de Québec figure également au nombre des grands disparus de 2008. Les millions de touristes qui ont déferlé sur la ville quadracentenaire ont dû se contenter de McCartney et de la Dion alors qu'on sait bien que c'est le Bonhomme Carnaval qu'on venait voir.
Nous avons aussi réussi à prouver en 2008 que notre démocratie est tout aussi bien portante que n'importe quelle autre monarco-anarchie. Au moment où tout allait au plus mal, alors que plus personne ne savait qui gouvernait le pays, nous nous sommes tournés vers la plus jolie de nos liseuses de nouvelles, recyclée en mini-reine, pour nous dire quoi faire. Celle qui ne choisit même pas les vêtements qu'elle va porter le matin et qui ne serait même pas foutue de balancer son carnet de chèques s'est retrouvée à décider comment le Canada allait être gouverné. Elle a finalement décidé de remettre tout ça à plus tard et de laisser le robot autoprogrammé par les pétrolières continuer à faire semblant de savoir ce qu'il fait. En fait, si ce n'était des cheveux en laine d'acier, on pourrait vraiment croire que c'est un humain mais ce détail technique trahit tout. Ça a cependant l'avantage que notre chef d'État à nous, s'il se fait lancer des souliers à la tête, ça va juste faire « clonk » et il n'aura pas à faire un fou de lui pour les éviter.
Non vraiment, nous n'avons rien à envier à nos cousins au niveau de la politique canadienne. Il nous manque peut-être des femmes de la trempe de la Clinton mais je suis certain que si on fouillait un peu, on en trouverait bien une qui soit aussi universellement cocue et qui ait publié un livre sur le sujet. Nous pouvons à peine accoter la Palin avec notre Verner, bien qu'elle ait pris du galon à ce titre en annonçant après les élections qu'elle venait d'apprendre qu'elle avait le droit de voter pour elle-même, dans son comté par dessus le marché. Malheureusement, nous avons dû cacher notre mignonne petite Josée pour une triste histoire de culture qu'elle ne comprenait pas très bien. Et de son balcon, c'est vrai qu'elle ne peut pas surveiller la Russie non plus.
L'année 2008 se termine quand même bien pour dix-huit de nos compatriotes qui se sont vus nommer sénateurs tout récemment, s'assurant ainsi d'une retraite solide et fort enviable. Je suis sincèrement content pour eux et je le dis avec un sourire. Car après tout, comme le dit si bien la publicité, souriez toujours à ceux qui jouent à la lotto : on ne sait jamais.
Pour les autres 30 millions dont les placements sont aussi fiables que de la saucisse Maple Leaf, je vous souhaite une ben bonne année 2009!