mardi 30 août 2011

183. Bilan estival

Si l'été 2011 a servi à quelque chose, c'est bien de m'avoir réconcilié avec les petits milieux ruraux du genre où je suis né et que j'ai furieusement ignoré depuis nombre d'années.
J'ai eu deux occasions de me rendre dans mon coin de pays natal au cours de l'été. Les deux fois, j'ai eu cette impression de vie simple, de bonne humeur contagieuse et d'harmonie humide et chaleureuse avec l'univers. Tout ça s'est déclenché cet après-midi après une conférence que j'offrais. J'ai une habitude très sérieuse de toujours prendre un dessert en de telles occasions, mélange de tradition ou de compensation personnelle pour mission-accomplie ou d'un appel du corps qui laisse présager un diabète hériditaire, leg paternel. Toujours est-il que les organisateurs de la rencontre m'avaient invité à dîner et que ceux qui avait pris le "buffet-go-crazy" ont eu droit à un dessert qui me faisait saliver abondamment, dessert que le temps ne me permettait pas de prendre, moi qui avais commandé à la carte. (J'haïs les buffets pour m'en confesser.) Comme les organisateurs devaient retourner là-bas, je n'ai pas osé commander ledit dessert, mais en sortant du restaurant, j'ai réalisé que mon envie avait atteint la proportion d'une obssession.
Et c'est là, dans un Tim Horton juste à côté, où j'ai renoué avec la vie de campagne. Moi qui ai l'habitude de prendre le muffin aux bleuets sans gras, j'ai décidé d'enfourner la gros beigne aux fraises recouvert de sucre à glacer. La préposée est souriante, je lui commande le beigne en tentant d'articuler malgré mes mâchoires qui frétillent d'impatience. Elle me répond : "Le donut qu'est roulé dans la poudre blanche?". Je dis oui, vaguement confus avec la référence à la poudre blanche, ce qui a pour effet de faire disparaitre tout relent de culpabilité : qu'est-ce qu'une dépendance aux desserts quand la cocaine serait bien plus dommageable?
Et là, elle me pousse dans un grand éclat de rire : Attention de pas salir ta belle suit avec ça! Comme si on était de grands amis. Comme si j'étais un régulier de l'établissement et que je me tapais un beigne roulé dans la cocaine à tous les matins. Je réalise à quel point il est bon de côtoyer des gens qui ne sont pas pognés dans des principes douteux qui veulent qu'on ne blague pas avec les étrangers. Des gens qui se rendent la vie agréable en rendant leur travail agréable en étant eux-mêmes agréables. Je réalise que partout où je suis passé en Acadie, les commerçants se sont informés de moi. D'où je viens? Si je passe des belles vacances? Si je connais un tel qui vit à Ottawa lui aussi? Si je vais revenir...
Je me tape le beigne joyeusement. J'ai de la poudre blanche dans la barbe. Du coulis de fraise sur la cravate. Mais ce jour-là, je me dis que peut-être que ce serait pas si bête après tout...