lundi 28 juin 2010

150. Se tenir debout

Ce soir, j'ai décidé d'en finir avec ce problème. Je suis revenu du bureau plus déterminé que jamais. Il faut savoir se tenir debout de temps en temps et faire un homme de soi.
Il doit bien y avoir trois semaines que l'ampoule qui est sous le micro-ondes perché au-dessus de la cuisinière est grillée. Elle est bien commode car elle projete une petite lumière discrète, tout juste suffisante pour que le chien Gaston il aille boire la nuit. Dès que je m'en suis aperçu, je me suis dit que je devrais acheter une nouvelle ampoule dès ma prochaine épicerie. Je devais flairer les emmerdements car j'ai eu l'idée de la retiré de son socle avant de le faire, question d'être bien certain que c'était une petite ampoule pour électro-ménagers tout ce qu'il y a de plus commun, ce qu'elle n'était pas évidemment. Il s'agit d'une minuscule chose, plus petite qu'une ampoule d'arbre de Noël qui était camouflée derrière une vitre que j'ai dû faire glisser à l'aide d'un tournevis.
Une autre semaine s'est ensuite écoulée avant que je trouve le guide qui accompagnait le micro-ondes, question de savoir (1) comment retirer cette foutue ampoulette de son petit socle et (2) quoi acheter pour la remplacer. Le fameux guide ne disait rien de tout ça, si ce n'est qu'il fallait faire glisser la vitre avec un tourne-vis, ce que j'avais déja fait et - ô information suprême - que ladite ampoule se prévalait d'un gros 20 watts.
J'ai donc fait précisément 6 grands magasins pour trouver la chose. Elle n'existait nulle part et je me voyais déjà commander ça en ligne à partir d'un site frauduleux de la côte ouest américaine. Au quatrième magasin, une affichette indiquait qu'on était en rupture de stock pour les ampoules de 20 watts. J'ai eu tous les symptômes d'une défaillance cardiaque et je jubilais à l'idée que l'ampoule en question ait déjà existé, qu'on lui avait déjà fait une place sur les étagères, qu'on la lui réservait pour l'accueillir à nouveau un jour.
Je ne saurai jamais ce que j'aurais fait si je n'avais pu en trouver ce soir. Virer une brosse peut-être. Occuper le parterre de la colline parlementaire. Mais ce soir, j'ai fait deux autres magasins. Un autre de la même chaîne que celui qui affichait la rupture de stock et le vieux Home Hardware du coin Heron et Walkley, celui aux employés androgynes à l'allure inquiétante mais d'une gentillesse difficile à trouver de nos jours. L'espace est tout petit, la marchandise est empilée jusqu'au plafond et menace de s'écrouler à tout moment. Bien sûr, ils avaient la bonne ampoule.
Ce magasin sort tout droit de la préhistoire et me rappelle le magasin à Ti-Jean-Louis dans mon village natal, celui-là même qui peinturait sa camionnette au latex de la même couleur que son magasin. Magasin de l'ancien temps; micro-ondes dernier cri.
Go figure...

mercredi 16 juin 2010

149. Solution pour couples en péril

De tous les couples que je connais, c'est la bonne vieille histoire du « ti-couvert de la toilette en l'air » qui semble remporter la palme de causes de frustrations de madame, au grand dam de monsieur qui l'oublie souvent. (On ne parlera pas des éclaboussures de pipi que madame décrie de hauts cris et qui justifient souvent l'embauche de d'une femme de ménage bicause j'en-ai-assez-de-laver-ta-pisse-mon-écœurant.)
Or ce midi, devant l'urinoir, les affaires bien en main, je me suis demandé pourquoi ces trucs de génie ne sont jamais présents dans les résidences. Plus de chicane au sujet du ti-couvert parce que plus de ti-couvert. Plus de pisse qui r'vole partout parce que tout est bien circonscrit dans un réservoir où monsieur peut s'amuser comme bon lui semble à faire des ronds, pisser loin, pisser proche, pas d'éclaboussure.
Bien sûr, il faudrait briser la norme, oser l'installer en résidence, bref être le premier à vouloir sauver son couple. Il y a bien sûr la question de la revente, ce qui pourrait poser problème avant que l'urinoir de maison soit devenu un classique, voire un critère recherché par les couples en thérapie. J'ai même pensé qu'il pourrait être délicat de tenter de revendre la maison à un couple de lesbiennes, mais j'ai tout de suite imaginé un arrangement floral décoratif pour garnir l'objet devenu excédentaire pour ces acheteuses potentielles.
De retour à la table, fort excité de mon idée géniale, je me suis d'abord informé auprès de ma compagne si elle savait ce qu'était un urinoir ou plus précisément si elle en avait déjà vu un. Elle m'a révélé que toutes les femmes ont déjà vu l'objet en question puisque les lignes d'attentes sont toujours plus longues pour les femmes que pour les hommes et qu'elles finissent toujours par se décider d'utiliser les toilettes des hommes un jour ou l'autre au cours de leur vie. Elle s'est quand même intéressé à savoir si l'engin disposait d'une chasse-d'eau, sans doute déjà répugnée à l'idée que l'urine flotte là-dedans pendant des jours en attendant son évaporation. Je l'ai rassurée là-dessus, rassuré moi-même qu'elle n'en avait vraisemblablement jamais fait usage.
Curieuse, elle m'a demandé pourquoi cette information m'intéressait, et c'est alors que je lui ai révélé cette brillante idée. Humblement, je crois qu'elle m'a trouvé génial. Très sincèrement, elle semblait croire que je devrais faire la promotion de cette idée pour redonner au mariage son éclat d'antan, car il est vrai qu'à l'époque des toilettes extérieures, les unions duraient beaucoup plus longtemps.
Et si la modernité des lieux d'aisance en était la cause?

dimanche 13 juin 2010

148. Sympathique comme un charriot d'épicerie

Bonnes gens, avant de prendre ami, emmenez-le à l'épicerie.
J'en arrive et je m'étonne toujours un peu de constater à quel point la manipulation du charriot révèle le tempérament des personnes qui les conduisent.
Il y a ceux qui laissent leur charriot à l'angle de deux allées et qui congestionnent toute la circulation de l'épicerie. Ceux-là sont des égo-centristes indépendants à qui le monde appartient et qui ne feront pas un pouce pour vous dépanner si vous êtes dans la merde. Passez.
Il y a ceux qui prennent toute l'allée. Ils ne circulent ni à droite, ni à gauche. Ils avancent et vous vous tassez machinalement pour le charriot royal et la majesté qui y est accrochée puissent passer. Vous vous retenez pour ne pas faire une courbette et le baise-main. Abstenez-vous, à moins de souffrir d'une forme de masochisme social médiéval.
Il y a ceux qui parlent à leur cellulaire, mais on les retrouve également sur la route et sur les trottoirs. Je passe.
Il y a ceux qui conduisent n'importe comment et qui heurtent tout ce qu'ils trouvent sur leur passage, incluant les autres charriots et vos talons. Dans la vie, comme amis, ce sont des personnes qui heurtent tout ceux qu'ils trouvent sur le chemin et qui vous collent aux talons.
Avis : Jeune homme au mitan de la vie, ou sur la pente descendante mettons, cherche conducteur de charriot qui garde la droite dans les allées et qui, à défaut d'avoir la vue périphérique, joue suffisamment bien du globe oculaire pour respecter son prochain à l'épicerie.

mardi 8 juin 2010

147. Quand le temps s'arrête

Ce blogue vieillit avec moi, et inévitablement je me répéterai car je ne sais plus très bien ce que j'y ai déjà consigné. Ça fera dire aux mauvaises langues que je deviens gâteux, ce qui est peut-être bien vrai après tout.
Une amie me partageait qu'elle doit se décider à se rendre dans la maison, désormais vide, de sa mère. Ou la vendre sans y mettre les pieds.
Ça m'a rappelé la chance inouïe que j'ai eue lorsque je me suis rendu en visite chez ma sœur et qu'elle m'a offert de loger dans l'ancien appartement de mes parents, inhabité depuis leur départ, dix ans auparavant. Ma sœur n'ayant jamais pu se résoudre à y faire le « ménage », signifiant ici vider les lieux de leur contenu...
Je m'y suis donc retrouvé par un soir d'automne. Elle habitait à l'étage, mes parents ayant occupé le sous-sol pendant les plus belles années de leur retraite. Après le décès de mon père, ma mère ne s'y sentait plus à l'aise : trop de souvenirs qui la hantaient, disait-elle. Elle est donc partie vagabonder de résidences pour personnes autonomes en foyer pour personnes âgées, pour échouer dans une chambrette de mouroir impersonnelle. Consolant de savoir qu'elle avait déjà commencé à partir avant d'y entrer, de sorte qu'elle a passé plusieurs années à s'y croire en visite.
J'ai déposé mes valises dans la cuisine de l'appartement.
Rien n'avait changé.
Au point que mon père aurait pu sortir du salon sur un pas de danse comme il le faisait souvent et ma mère sortir de sa chambre, surprise en flagrant délit de sieste : « Ah ben la belle visite! Moi qui dort JAMAIS pendant la journée, je me suis fait prendre! » Pourquoi elle se sentait coupable de faire une sieste pendant la journée continue de me surprendre! Et moi de lui dire qu'elle avait bien mérité ses siestes pour avoir tant travaillé. Et elle de nier l'évidence, non, non, je ne dors jamais le jour, voyons-donc! (Elle avait la particularité d'avoir les cheveux aplatis sur le côté de la tête sur lequel elle s'était assoupi, et elle avait un côté de la tête plate très souvent, même quand on ne la surprenait pas.)
J'ai donc déambulé dans l'appartement avec un curieux sentiment mi-voyeur, mi-nostalgique. Le fauteuil de mon père, devant la fenêtre où il avait découvert les oiseaux (ça je sais que j'en ai déjà parlé ailleurs dans le blogue!). Le piano de ma mère, cet instrument qu'elle avait continué à jouer sans difficulté, même lorsque sa maladie lui empêchait de se souvenir où était le piano dans la résidence où elle habitait.. ou même de se souvenir qu'il y en avait un!
Ma sœur m'avait prévenu qu'elle n'avait rien touché depuis leur départ. Elle était très sérieuse car dans le porte-journal, il y avait les journaux de 1996. Curieusement, on annonçait le mariage de je-ne-sais-trop quel joueur de hockey, qui venait justement de faire la manchette pour un divorce tapageur.
Était-ce bien de se retrouver dans ce musée? Oui. Dix ans après leur départ, des vies éteintes reprenaient leur cours, les souvenirs qui s'effacent si facilement refaisaient surface, je me suis surpris à sourire. J'ai retrouvé au haut de garde-robe de ma mère les boîtes de Sweet Mary dans lesquelles ma mère conservait les photos de famille depuis l'époque où elle tenait épicerie, récupérant ces boîtes de chocolat qu'elle trouvait solides. C'était avant le Tupperware, bien entendu.
Ce soir-là, j'ai monté les précieuses boîtes en haut, chez ma sœur. Nous avons passé la soirée à regarder tous ces souvenirs.
Quelques mois plus tard, l'appartement était la proie des flammes. Tout y est passé, sauf les photos que personne n'avait songé à remettre dans la garde-robe.