lundi 28 juillet 2008

73. Le grand déménagement - Tome II

Deux équipes de déménageurs. L'une pour le chargement; l'autre pour la livraison.
Le chauffeur reste le même, les deux autres sont des accolytes locaux, embauchés sur le tas. Ils ont quand même quelque chose en commun, ma tendance naturelle à généraliser aidant. Il semble, en effet, que ces équipes soient constituées d'un débrouillard et d'un con-de-service. Dans les deux cas, je ne vous demande pas de deviner lequel à pris les choses en main, dans les deux sens de l'expression.
J'avais acheté une nouvelle table de salle à manger qui se trouvait encore dans sa boîte originale lors du déménagement. Sur le côté, en grosses lettres : Made in Vietnam. Le fûté dit à l'autre : « Hey, c'est peut-être tes parents qui ont fabriqué cette table-là! » L'autre n'y comprend rien mais reconnaît de toute évidence le nom de son pays. Le génie du tandem reprend : « Ton papa, ta maman, y'ont p'être faite la table, s'tie. » L'autre rigole timidement, un peu par obligation.
Moi je crois qu'il n'a rien compris du tout si ce n'est que son comparse s'imagine que ses parents se sont exilés clandestinement et qu'ils sont enfermés là-dedans. Il me semble qu'il a été particulièrement précautionneux avec la boîte en question, mais c'est peut-être mon imagination. La table était en bon état, pas de trace de passagers illicites.
Ils nous ont laissé des meubles et des boîtes un peu partout. Quand les trois étages ont été remplis à capacité, ils ont été refoulés au garage. J'espère pouvoir y remettre mon auto avant les premières neiges.

dimanche 20 juillet 2008

72. 400 ans plus tard

Je viens d'assister à une partie du spectacle de McCartney à Québec. Bien malgré moi car j'étais sorti dans l'espoir de casser la croûte mais la foule m'en a empêché. J'ai donc observé l'écran géant sur la Grande Allée, à un angle de 10 degrés, étant le dernier arrivé. D'où j'étais, je devinais que McCartney chantait et je voyais Tom Cruise à la guitare et Gregory Charles à la batterie. C'était quand même bien.
Comme je suis arrivé vers la fin, j'ai attrapé le meilleur. Quand le spectacle s'est finalement terminé, vers minuit, les gens se sont rués vers les sorties. Chose pratique, les Plaines sont en haut et tout le monde est stationné en bas. La gravité permet donc aux bonnes gens d'évacuer rapidement. Tout le monde semblait avoir faim - moi aussi d'ailleurs - mais les restos de Québec ferment à minuit. Ehh.. c'est comme ça. Les deux cent milles personnes qui assistaient au spectacle, dont la plupart qui n'avaient pas mangé de la journée, se sont ruées au Jac & Jill de la Place d'Youville. J'ai suivi la foule et je me suis ramassé un sac de chips et des pinottes.
Assis sur un banc en face du stationnement d'Youville, j'ai pu aider quelques touristes.
Les premiers attendaient l'autobus. Comme il n'y en avait pas, je leur ai suggéré de se rendre à la rue adjacente d'où on entendait beugler un type qui refoulaient les gens tout au bas sur le boulevard Charest pour les autobus. La plupart des touristes qui étaient venus pour le spectacle étaient anglophones alors ils doivent être encore là, quelque part à attendre l'autobus.
Un autre s'est assis sur le même banc, à côté de moi. Il avait un ami imaginaire qui ne voulait plus le suivre. Il avait beau insister, rien à faire, l'autre avait décidé de ne plus bouger. Je n'ai pas su quoi faire pour l'aider.. les aider.. je ne sais plus.
Un troisième est passé et il semblait Acadien par son accent, que j'ai reconnu, imaginez-vous donc. Il cherchait son auto qu'il avait stationné " dans un stationnement près d'une église ". À Québec. Près d'une église. Je lui ai souhaité bonne chance en lui suggérant une église toute proche. Il doit être en train d'y prier Saint-Antoine-de-Padoue à l'heure qu'il est.

vendredi 18 juillet 2008

71. Les préparatifs - Tome I

Le jour J approche à grand pas. La maison est vendue, les prochains proprios ont même fait livrer trop tôt leur nouvelle télé écran plasma de 52 pouces qu'ils installeront sûrement dans la salle familiale du sous-sol ou dans le salon du rez-de-chaussée ou dans la salle récréative du bout du corridor ou dans leur chambre à coucher, pourquoi pas, les cochons. Bref, ils auront l'embarras du choix alors que moi je me demande comment je vais coincer mes possessions dans une maison en rangée trois fois plus petite que celle dont je me départis. Du coup, j'ai retourné leurs livreurs avec leur camelote et je leur ai dit de revenir dans deux semaines.
D'ailleurs, demain, c'est la "vente de garage", moment charnière où je devrais en théorie me débarrasser de tout ce que je n'aurai pas de place à ranger à Ottawa. Je suis chanceux car mon copain il connaît bien de genre d'événements et je lui fais une confiance aveugle. Le samedi matin, il part souvent prendre une marche dans le quartier avec le chien et il passe toujours jeter un coup d'oeil dans les ventes de garages des autres. Immanquablement, l'un ramène quelque babiole et l'autre des brindilles, des vestiges d'os qu'ils rangent quelque part, et que je ramasse ensuite dans le fond d'un placard ou que je tire dans le fond de la cour au bout de mes bras.
Ce matin, tous ces cossins qu'il a ramenées (mon copain, pas le chien) au fil des ans sont à vendre, avec des centaines d'autres que j'ai accumulées depuis que mon père m'a donné ma première allocation de cinq cennes par semaine.
Il est 6 heures du matin et on a annoncé la vente entre 9h et midi. Je ne suis pas assez réveillé pour me demander ce qu'on fait debout à 6h mais suffisamment pour savoir qu'il me faut du café. Comme on a déjà écoulé notre stock, je me propose de somnambuler dans un service à l'auto pour prendre du café et des bagels.
- Surtout pas Starbucks, qu'il me dit.
- Comment ça? émet ma bouche pâteuse.
- Les gens qui font des ventes de garage boivent du Tim, c'est comme ça.
Habituellement, l'expression "c'est comme ça" met fin à nos discussions mais là trois heures avant le début de la vente, je ne comprends pas tout à fait. Jusqu'à ce que je regarde dehors pour y voir trois autos devant la maison qui attendent qu'on sorte nos cochonneries.
C'est pas des billets pour le spectacles d'Elton John qu'on met en vente, c'est de la scrap que je veux pas traîner à Ottawa.
Il y a un petit crachin fin qui tombe. À 6h du matin, ça a quelque chose de sinistre. Je réussis à me faufiler entre les autos en file d'attente sur ma petite rue pas très large pour aller chercher du café. Au retour, je songe à contacter l'escouade anti-émeute et je me résigne à me stationner un peu plus loin. Devant chez moi, c'est pris. Mon entrée de maison, je n'y pense même pas.
Quand j'arrive, les gens sont déjà entrés dans la maison. Pas le temps de rien sortir et de toute façon avec cette petite pluie fine, c'est peut-être aussi bien ainsi. C'est quand même curieux de voir autant de monde dans la maison avant même que j'ai eu le temps de me brosser les dents.
- C'est combien?
Là je suis fourré parce que je n'ai aucune idée de ce que vaut la camelote que je leur propose. Je me réfères à l'expert. Il leur sort des prix venus de nulle part et j'observe, mi-fasciné, mi-en crisss de voir partir une lampe que j'ai payée cent piasses pour un loonie.
Il me fait des gros yeux : on déménage dans trois jours pis si on la vend pas la maudite lampe, on va la mettre au bord du chemin mercredi matin.
Ouais.
Après la première demi-heure, je commence à comprendre l'astuce. Quand quelqu'un te demande un prix, tu penses qu'il va offrir ta gugusse à quelqu'un que t'aime pas. Tu penses que ce quelqu'un que t'aime pas va pas aimer le cadeau qu'il reçoit mais qu'il va être obligé de le mettre sur son manteau de foyer pour ne pas blesser la personne qui le lui offre.
- Vingt-cinq cennes!
C'est pas croyable tout ce qu'on peut vendre.