mercredi 17 mars 2010

138. Un francophone chez les thaîlandais à la Saint-Patrick

Dans le coin où je bosse, y'a un petit resto thaïlandais pas mauvais du tout. Le fait qu'il n'y ait rien d'autre qui soit potable dans le périmètre le rend encore plus sympathique. Et les sculptures aussi. À chaque fois, y'a un sculpteur, thaïlandais assurément, qui gosse tantôt un melon, tantôt un rutabaga pour en faire une véritable œuvre d'art. Même chose dans les assiettes, y'a un thaïlo qui vous gosse un éléphant ou un cygne et qui l'assoit sur votre salade, c'est joli comme tout, et je n'ose jamais le manger tellement c'est beau. Des fois, je me demande s'il vont refiler mon éléphant ou mon cygne à quelqu'un d'autre dans le prochaine assiette et je bouffe la trompe de l'éléphant ou j'arrache la tête du cygne de mes dents, juste au cas.
J'avais prévu que la personne que je rencontrais ce midi serait en retard. Juste une intuition qui s'est avérée être vraie. Qu'à cela ne tienne, j'avais apporté un carnet pour préparer mon après-midi et rédiger une ébauche de lettre. Sauf que j'avais pas de stylo.
J'étais seul dans le resto, à l'exception de quatre jeunes filles dans la jeune vingtaines complètement à l'autre bout de la salle. Elles avaient l'air de parler bas-culottes, ça ne m'intéressait pas du tout et en plus elles étaient trop loin. Tout à coup, y'en a une qui s'époumonne : Oh-my-god! qu'elle dit.
- I have met the most wonderful guy this weekend, I HAAAVE to tell you all about it.
Tiens, tiens, que je me dis.
Là elle se penche et sur le ton de la confidence cochonne, elle leur chuchote, mais assez fort pour que je l'entende :
- This guy, you see him from a mile, and you know instantly that he's French.
D'habitude, je n'écoute pas les conversations dans les restaurants. Je les entends, mais je ne les écoute pas. Cette fois-ci, si j'avais eu un appareil auditif, j'aurais monté le volume. Un mec incroyable, tout ça associé au fait qu'il ait l'apparence francophone? J'ai besoin d'en savoir plus long. D'ailleurs, une des comparses m'aide dans ma réflexion et demande :
- What do you mean? What does he look like?
Et moi j'ai envie de m'en mêler et d'ajouter : Ouain, conte-nous ça.. C'est quoi avoir l'air francophone? Come on, des détails!
Elle sait qu'elle a toute leur attention. Elle les regarde, complice comme ça se peut pas, c'est clair qu'elles ont toutes des images dans la tête. Sauf moi, j'ai pas d'image d'un gars que tu vois d'un mille pis que tu sais qu'il est francophone.
Elle se penche à nouveau :
- He's got this French look. You see him and you just know he's French.
Et là l'autre conne, elle demande la question qui tue, celle qui change toute la conversation, et qui fait en sorte que je n'en saurai pas plus.
- Does he speak English?
Pauvre imbécile. On s'en câlice-tu un peu? Pour une fois que j'avais la chance de savoir ce à quoi ça a l'air un vrai francophone, fallait que cette pouffiasse s'inquiète de son bilinguisme.

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