lundi 9 août 2010

156. L'Anse-à-Canards

À quoi ça sert d'avoir une auto si on ne peux pas aller au bout du monde? C'est ce que je me suis dit ce matin en me réveillant. Et je suis parti à la recherche de l'Anse-à-Canards. C'était bien à Black Duck Brook, les deux noms sont d'ailleurs sur l'affiche à l'entrée du village, mais aucune indication en français pour s'y rendre nulle part. Un peu triste, compte tenu que la route 430 porte fièrement le nom de la route des français...
Après avoir pris le petit-déjeuner avec la propriétaire du B&B où je logeais (carrément, elle m'attendait pour prendre son café). Elle a déjà travaillé pour la municipalité en 1990. La popupation de Cap-St-George était alors de 3000 habitants. Elle est d'à peine 1000 aujourd'hui. Je me suis informé de toutes les nouvelles constructions qu'on voit le long de la route. Ce sont les familles des gars qui travaillent en Alberta ou dans le Nord et qui font ben de l'argent. La famille reste ici dans une grosse cabane. Ça a fait monter le prix de l'immobilier, si bien que ceux qui choississent de ne pas partir ne peuvent pas se payer une maison. Ouin.
* * *
Il reste bien peu de choses de l'Anse-à-Canards. Je n'ai pas rencontré Marguerite Benoit, la fameuse correspondante de Radio-Canada éleveuse de moutons. Je n'ai d'ailleurs pas vu de moutons non plus. Marguerite a déménagé, s'est établie en Floride, va donc savoir. Au bout du village, une route de gravier continuait à filer le long de "la barre", étroit bras de mer d'où on peut voir la mer de chaque côté. Curieux comme pas un, j'ai entrepris de me rendre au bout. Le bout du monde, ça doit ressembler à ça. La route se terminait par un quai surplombé de petites maisons abandonnées où les pêcheurs devraient loger à un certain point. La route étant désormais carrossables, ils y conduisent sans doute au lieu d'y loger.
J'ai refait le chemin inverse et repris la route pour Gros Morne, ma destination ce jour là.
Sur la route, j'ai réalisé qu'il y a trois postes de radio dans le coin. Il y a Radio-Canada français qu'on capte à merveille partout. L'entrevue portait sur le festival des graffitis de Montréal, peu pertinent pour mon voyage, ou pour les habitants de la péninsule de Port-au-Port non plus d'ailleurs. Ensuite, une chaîne qui diffuse de la musique classique et qui vous donne envie d'aller voir dans votre coffre si vous n'y auriez pas laissé des collants et un tutu trainer. La troisième est la plus étrange. Je suis tombé dessus à plusieurs reprises quand elle joue de musique de Terre-Neuve, genre de toune à trois temps sur fond d'accordéon qui semble se répéter en boucle. Mais cette musique d'ambiance est entrecoupée d'un hard rock incroyable qui vous donne envie de vous teindre les cheveux en bleu et de vous faire le percing du sourcil ou du nombril avec un rail de chemin de fer. J'essaye de voir qui écoute ça et je n'arrive pas à imaginer la clientèle visée par cette impressionnnante combinaison musicale.
Je suis arrivé à Rocky Harbour vers l'heure du souper et heureusement que j'avais réservé car je coucherais dans l'auto ce soir. J'ai mangé un excellent souper avec un dessert qui m'a rappelé le pain aux épices de Peggys Cove.

dimanche 8 août 2010

155. Vive la rose!

J'ai quitté l'hôtel ce matin à l'heure où on ne sert plus de petit-déjeuner à Terre-Neuve. Trois restos plus tard, me me suis rabattu sur ce bon vieux Tim Horton où il est possible d'avoir un bagel et un café à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Je ne sais pas ce qui en est des autres endroits, mais ça ne manque pas de caractère dans ce Tim. Les gars et les filles qui faisaient les bars de la Main hier soir sont là, fiers de leur coup ou prêts à en remettre samedi prochain.
Je me suis ensuite dirigé vers la Péninsule de Port-au-Port, mon but pour la journée. Deux ados travaillaient dans un petit bureau d'information touristique près de l'isthme. Quand je suis entré, une lesbienne amoureuse de félins était en train de les engueuler (je connais son identité parce qu'elle avait un auto-collant aux couleurs de l'arc-en-ciel en forme de minou sur son Subaru Outlander.) Son énervement consistait à décrier les 9$/personne qu'elle et son amie (restée dans l'auto) auraient à payer pendant les quatre jours de leur séjour je ne sais trop où. Les deux jeunes l'écoutaient les yeux écarquillés, un brin effrayés. Celle qui a soulevé le débat y a aussi répondu : Well, I guess there is nothing you can do. En effet, de tout l'entretien, les jeunes n'ont pas eu à dire un seul mot.
J'ai repris la route muni de quelques brochures. Une feuille décrivait les attractions le long de la route.
De la côte française, je reconnais certains noms qui sont devenus familiers parce qu'il y avait une émission qui réunissait la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve. Leur correspondante venait de l'Anse-à-Canards et nous entretenait une fois la semaine des activités de la Grand'Terre ou de Cap-Saint-George. S'il ne s'y passait pas grand chose, elle, en revanche, avait un élevage de moutons et son train-train à lui seul alimentait tout son temps d'antenne.
J'ai bien vu un signe qui indiquait Black Duck Brook, mais jamais je n'aurais imaginé que c'était la traduction de l'Anse-à-Canards! J'ai donc en quelque sorte raté la sortie.
À la Grand'Terre, je me suis informé pour acheter un cédé d'Émile Benoit. Je voulais entendre Vive la rose! sur place. Dans un petit musée, une guide m'a dit que je pouvais retourner voir au Convenience Store. Il devait y en avoir. Et je pourrais aussi me procurer de l'essence. Si je continue ma route, il y a bien un autre magasin à Cap-Saint-George, mais pas d'essence. Je ne sais pas très bien où l'essence est entrée dans la conversation mais je suppose que c'est quand même une information utile.
Je suis ensuite allé prendre un peu de soleil au Boutte-du-Cap (sic) et rentré sagement au B&B Chez Félix, qu'une amie m'avait réservé.
À Cap-St-George, j'ai acheté un cédé de musique locale. Toutes les pièces se ressemblent mais j'aime ça écouter ça en me baladant dans ce petit village perché sur la mer. J'ai vu deux chiens courir partout dans les champs ou sur le chemin, ils s'en foutent. C'est deux-là avaient l'air heureux comme dans les vues de chien, heureux comme j'ai pas vu beaucoup de chiens aussi heureux.

154. Rose Blanche

Je pensais cet hôtel bruyant et je me suis endormi en rechignant, convaincu que le toot-toot des traversiers et les pétarades des motos qui sont stationnées sous ma fenêtre me réveilleraient. Si tout ce boucan a eu lieu – et il l’a sans doute été – je n’ai rien entendu. Je me suis réveillé sur le tard, reposé comme il y a longtemps que je l’ai été. Pas de chien, pas de téléphone, rien à faire si ce n’est en faire à ma tête.
Je descends au resto de l’hôtel, pas certain de vouloir y manger. J’aimerais bien de l’au-then-tique sans trop savoir de quoi il pourrait bien s’agir. À l’entrée, on annonce des crêpes aux raisins, et ça me convainc que ça doit être une recette locale qui remonte à la colonisation, rien de moins. De crêpes je n’ai pas vu sur le menu : je suppose que c’est un truc pour le brunch, un peu plus tard. Je commande des œufs et des « fish cakes », c’est assez typique à mon goût.
Autour de moi, il y a une longue table de gens de l’endroit. J’en reverrai souvent au cours de mon séjour, car nous sommes en pleine saison touristique, mais c’est aussi la saison du retour des grands déportés qui viennent en vacances dans leur coin de pays. En effet, j’ai noté plusieurs autos de l’Alberta sur le traversier…
Port-aux-Basques, c’est avant tout le port d’accueil des véhicules qui arrivent ou repartent de Terre-Neuve. Bien entendu, du lot, il y a des touristes, mais il y a aussi des marchandises, des gens qui se déplacent par affaires aussi. Je ne crois pas que la petite ville veut vraiment se donner une vocation touristique, mais voilà, les touristes arrivent par bateau, inévitablement. Aux habitants, ça a quand même amené une série de maisonnettes colorées le long d’une promenade de bois au bord de l’eau, avec une vue imprenable sur les gros traversiers de Marine Atlantic. Et un Tim Horton. La file est tellement longue pour le service au volant que la ville a construit une voie dédiée.
Tous ces noms français me titillent et je décide de prendre la direction opposée à mon objectif de voyage pour me rendre à l'Isle-aux-Morts et à Rose-Blanche. Le français est disparu de ce coin de pays mais la toponymie elle, est bien restée. Au phare de Rose-Blanche, je fais le malin et je demande à la guide dans un anglais parfait, ce que ça signifie. Elle me répond que ça vient du français "white rocks" parce que les roches sont blanches dans le coin. (Et là, je me sens vraiment méchant car il n'y a pas plus gentils que les gens du coin.) Je lis plus tard sur une affiche très honnête qu'en fait, ce sont les anglos qui n'ont rien compris. Les francos avaient appelé l'endroit Roche Blanche mais les anglos ont compris Rose Blanche, ce qui donne à peu près raison à la guide du phare - mais qui démontre aussi que l'incompréhension entre anglos-francos ne date pas d'hier.

mardi 3 août 2010

153. Francophonie - coast to coast

Je suis en train de lire "La maudite québécoise", mauvaise idée en ce début de vacances. Totu ça se passe dans le milieu associatif de la francophonie minoritaire que je connais déjà très bien. Si je suis d'accord avec l'auteure quant au comique du système que cela constitue, je suis un peu blessé par ses commentaires sur le français des minoritaires. Mais je n'en suis qu'au premier tiers, peut-être comprendra-t-elle un peu de quoi il en retourne avant la fin du livre...
Ça explique, en tout cas, pourquoi j'ai trouvé mon petit coiffeur de Mourial pas mal comique aujourd'hui. Il devait avoir 18 ans à peine, le dernier arrivé, celui auquel on nous assigne quand on n'a pas de rendez-vous.
Je doute qu'il ait eu la possibilité de faire une phrase complète avec sujet, verbe et un quelconque complément. Pendant son cours de coiffure, on lui a appris que c'était bien de faire la causette avec le client. Il m'a donc demandé si j'avais une auto. Oui, que je lui ai dit. Il m'a dit que lui aussi, il avait une auto. Mais qu'il y avait une tite-lumière rouge qui s'était allumée dans le tsé-l'affaire-là, le dash de bord. (Il était proche quand même.) Un ami, de fort bon conseil, lui avait appris qu'il était bon de s'arrêter quand une tite-lumière s'allumait dans l'affaire. Ce qu'il a fait. Mais en s'arrêtant, elle s'est éteinte. Alors il est reparti. Et il a achevé son ratiateur.
Il m'a aussi demandé d'où je viens. Je lui ai dit Nouveau-Brunswick, mais il ne savait pas où c'était. Je lui ai dit Maritimes, et là une étincelle s'est allumée dans ses petits yeux pas très fûtés. Il m'a dit qu'il y a trrrèèèès longtemps, il était allé à Shédiac. Et que le lendemain, sa famille avait pris un traversier pour aller à l'Ile-des-Soeurs. Il devait avoir autour de 14 ans.
Mes cheveux ne sont pas très réussis, mais c'est surtout parce que j'en pouvais plus et que je lui ai dit que ma tête me convenait très bien comme elle était, à mi-chemin dans la coupe.