jeudi 22 mars 2007

29. Les petites princesses

jeudi 1er mars 2007

À tous les matins, au coin de ma rue, il y a deux petites filles qui attendent l'autobus. Leur père les accompagne le plus souvent, parfois leur mêre. Enfin, je suppose que ce sont les parents. On tient plein de choses comme ça pour acquises.
Au début, je ne m'intéressais pas particulièrement à leur cas. Tout au plus, en les voyant tous les trois sur le coin de ma rue, ça me confirmais que je n'étais pas en retard. Quand leur autobus arrivait un peu trop vite, je clopinais un peu plus rapidement jusqu'au mien, des fois que ce serait un signe que je sois en retard.
Je savais depuis le début que le père les appelait ses princesses. Bon, ce n'est pas la première fois que je l'entends celle-là après tout. J'ai moi-même été l'heureux père de la Princesse-aux-cheveux-qui-puent (encourageant ainsi celle qui avait une phobie de se faire laver les cheveux) et de la Princesse-qui-pue-des-pieds (motivation pour celle qui détestait l'heure du bain mais qui une fois dedans, ne voulait plus en sortir).
Il m'a fallu un certain temps, beaucoup d'attention, et ralentir subtilement le pas à leur hauteur, pour constater que la référence royale est poussée à l'extrême. En effet, à tous les matins, en plus de leur donner de la princesse à tour de bras, le club de curling adjacent est devenu un château où elles peuvent jouer à cache-cache derrière les meurtrières, soit les poubelles qui sont près de l'entrée. Elles peuvent aussi se cacher sous le pont-levis, le perron de l'entrée principale. À chaque matin, les princesses se rendent à l'école avec un moyen de transport différent. Ce matin, il s'agissait d'un carosse tiré par des milliers de souris. Un éclat de rire royal a répondu à cette expectative. Hier, il s'agissait d'un brigantin toutes voiles dehors avec un beau prince aux commandes.
À tous les matins, je me dis qu'il y a des enfants heureux pour qui la journée commence plutôt bien. Il est difficile d'imaginer cette famille le matin autrement que dans une joie même pas simulée, des matins remplis de soleil même pas quétaine et de rires sincères de gens complètement mais alors là tout à fait heureux.
Quand je m'éloigne, j'ai quand même une pensée charitable pour le vieux bouc qui conduit l'autobus et pour l'enseignante qui les accueillera plus tard et qui les brusquera un peu quand elle en surprendra une des deux à dessiner des dragons sur le mur des toilettes.
Je parie qu'elle est la sorcière de l'histoire.

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