jeudi 22 mars 2007

23. La Saint-Valentin

mercredi 14 février 2007

Souvenirs d'une douche froide pour coeur chaud
Je me souviens du temps de plus en plus jadis où, jeune freluquet d’âge scolaire, on m’avait initié aux mystères de la Saint-Valentin. Fête que je soupçonne être tout droit issue du cerveau machiavélique d’un sombre capitaliste ayant flairé l’affaire et investi sa fortune dans une palette allant du rouge sang au rose pompon.
Toujours est-il qu’à cette lointaine époque, on en était encore aux grands cartons de valentins à découper. Comme on n’en donnait pas à tout le monde et à son chien, ledit carton pouvait servir pour au moins toutes les années du cycle primaire. Les filles ne s’en donnaient pas entre elles, les garçons encore moins. De toute façon, on était toutes des valentines, le valentin d’expression française n’étant apparu que dans la période la plus ingrate de mon adolescence, celle où Cupidon rivalise avec le comédon. Ce dernier, grand vainqueur, aurait découragé le plus tenace des prétendants de faire connaître ses intentions à la valentine élue.
Ce temps est révolu. Quelques décennies plus tard, les enfants reviennent de l’école avec la liste de TOUS les élèves de la classe que Madame a préparée afin que toutes les petites amies et tous les petits amis écrivent des valentins à tous les petits amis et à toutes les petites amies de la classe. Le 13 au soir, on était une demi-douzaine de parents en ligne chez Walmart avec des restants de valentins hors-de-prix. L’histoire aurait pu se terminer là.
Pour la plus jeune, l’affaire fut vite réglée. Elle identifia toutes ses cartes de valentins au plus sacrant, se souciant peu du destinataire et encore moins du message. Madame (elle le méritait bien) s’est donc ramassée avec une carte sur laquelle on peut lire : "Tu me fais baver, Valentine". Quant aux autres fillettes, elles doivent toutes être de bonnes joueuses de tennis parce qu’elles ont toutes reçu de ma fille des souhaits allant du "Tu me fais frémir" au "Je tremble devant toi".
La plus vieille commence à comprendre un peu plus de quoi il en retourne. Elle a pris soin de lire minutieusement les souhaits inscrits et en a éliminé d’emblée une bonne partie. En fait, toutes les allusions érotico-cochonnes ont été mises de côté, au grand soulagement du paternel qui se disait que, finalement, les cours de catéchèse ne sont peut-être pas une perte de temps aussi monumentale qu’on pourrait le croire.
Les meilleures amies ont vite reçu les plus beaux et les plus gros avec des souhaits tous très politiquement corrects. L’affaire s’est corsée pour les garçons où l’enjeu est un peu plus délicat. Elle a même été forcée, à un certain point, de retourner dans la pile des rejets et de signer quelques cartes affichant un cow-boy qui se cache l’entrejambe avec un coeur froufroutant d’une main et qui fait tournoyer son lasso de l’autre en susurrant "Attends que je t’attrape".
C’est alors que j’ai découvert qu’il y a des garçons qu’elle ne peut déjà plus blairer. À neuf ans et demie. Mais - liste de Madame oblige - elle se devait de leur en offrir. Ce fut la partie la plus difficile de l’opération, aucun boniment n’étant assez nuancé pour que le récipiendaire n’y voit aucune espèce de brin d’amitié la trahir. Après de longues tergiversations, j’ai finalement pogné les nerfs et je lui ai dit que même si je faisais tous les Walmarts et tous les Zellers de la ville, je ne trouverais pas de "Joyeuse Saint-Valentin, trou d’cul". Elle a finalement daigné leur préparer un minuscule valentin sur lequel il faut être perspicace pour lire "Tu me fais tourner la tête", ce qui n’était pas tout à fait faux à 21h20 quand on accuse près d’une heure et demie de retard sur le rituel du coucher.
Et demain, dès l’ouverture des centres commerciaux, les vitrines et les présentoirs passeront du rose poupoune au vert lutin en prévision de la Saint-Patrick. Ainsi va la vie.

Aucun commentaire: