lundi 27 février 2007
Dans un café, deux dames causent. Elles sont juste derrière moi, je ne les vois pas mais je les entends très bien. C’est l’une d’elle qui mène la discussion, l’autre se contente de hmmm-mmmer et de ah-ouais-ah-ouaiser. Je l’imagine s’agitant du bonnet dans tous les sens en guise d’approbation des propos de sa consoeur.
Quand je suis dans une ville anglaise, je n’entends que le bourdonnement des voix autour de moi. À moins que ce ne soit les propos qui sont inintéressants? Quoiqu’il en soit, quand je suis dans un milieu francophone, il me semble que j’entends tout et que les conversations m’assaillent de toute part sans que je puisse rien y faire. Il me semble aussi que les gens parlent plus fort mais là je n’ai pas d’étude psychosociale à l’appui.
Bref, malgré moi - le fait d’être seul avec mon sandwich aidant - je finis par m’intéresser à ce Réal dont il est question.
Au début, je présume qu’il est le fils de la celle qui anime cette discussion. Vers la fin, j’en suis moins certain car il a apparemment fréquenté une femme qui chauffait les autobus (des images qui me sont passées par la tête) et qui était beaucoup plus jeune que lui, dans la jeune quarantaine. Encore là, je suis dans les limbes de la présomption mais je me dis qu’il doit être au moins dans la mi-cinquantaine, pour justifier l’adverbe "beaucoup". La jeune poulette chauffeuse le gavait de cadeaux, paraît-il, allant d’un manteau de cuir à des bottes qui valaient beaucoup d’argent, selon l’informatrice. Les deux étaient d’accord que ça n’avait pas d’allure qu’une jeune femme avec une bonne job entretienne, en quelque sorte, un homme, tous âges confondus. Mais il semble qu’elle faisait beaucoup d’argent, comme quoi une femme qui chauffe peut rapporter un bon profit. Mais là n’est pas le propos de l’énigme.
Car d’une énigme il s’agit bien. Lisez, chers gens, les propos fidèles des malheurs de Réal, tels qu’entendus à la table de ce petit café de la basse-ville de Québec.
Ce mois-ci, Réal n’a pas d’argent pour payer son loyer. Le 400 $ requis lui aurait été subtilisé habilement par un de ces hommes qui fréquentent ledit appartement. Comme il a demandé à la principale intéressée de lui avancer le montant, il se trouve qu’elle est concernée directement par l’incident.
Tel que rapporté par l’informatrice, le seul fait solide de cette histoire sordide est que le montant de 400 $ a été retiré du compte de Réal par une tierce personne dont on ne connaît pas l’identité.
- Hmmm-hmmm, fit l’autre.
Si la fourmi n’est pas prêteuse, la dame à qui Réal réclame le prêt ne l’est pas non plus. Il m’a semblé qu’elle considérerait la chose si - et seulement si - elle pouvait comprendre comment l’argent du loyer a disparu du compte de Réal. Voici donc les possibilités qu’elle a échafaudées.
(NDLR : CSI Miami, c’est de la petite bière à côté de ceci.)
Scénario # 1 :
Réal aime bien lever le coude, tout le monde à St-Roch semble savoir ça. Il est d’une nature généreuse et son appartement est souvent le théâtre de rassemblements d’hommes qui viennent profiter de sa bonté pour boire sa bière. Il a prêté l’argent et ne s’en souvient pas.
- Ah-ouais-ah-ouais, ç'a ben du bon sens, confirme l’autre.
Scénario # 2 :
Un triste individu de la même gang de profiteurs l’aurait accompagné au guichet automatique et aurait retenu le NIP de Réal en reluquant discrètement par-dessus son épaule. Lors d’une beuverie, il aurait subtilisé habilement la carte de guichet de Réal, se serait rendu au guichet automatique retirer l’argent et aurait remis la carte dans le porte-monnaie de Réal.
- C’est ben possible, dit l’autre. Il le laisse toujours à traîner sur le frigidaire.
Scénario # 3 :
Ici, le cordonnier de St-Roch joue un rôle crucial au niveau du constat social de l’évolution des ruses basées sur la recherche scientifique. Il aurait dit à la fourmi pas-prêteuse qu’il paraît qu’il existe une pilule qu’on peut mettre dans la bière de quelqu’un pour lui faire faire n’importe quoi. Dans ce cas-ci - vous l’aurez deviné - le voyou sans vergogne aurait soutiré le NIP de Réal avec une facilité élémentaire. Une pilule dans la Labatt et le tour est joué. Réal déballe le NIP, l’autre prend la carte sur le frigo et retire le montant du loyer pendant que Réal se remet de ses émotions. Un jeu d’enfant, d’après l’informatrice. Ni vu, ni connu, selon le cordonnier.
- À la caisse populaire, le NIP a cinq chiffres. Dans les banques, y’a juste quatre chiffres, précise l’autre. Cinq chiffres, c’est plus difficile à retenir.
Scénario # 4 :
Il est envisageable que le receleur ait tout simplement emprunté la carte bancaire pendant que Réal était pompette et qu’il ait essayé des combinaisons de NIP jusqu’à ce qu’il trouve le bon. Là-dessus, les deux s’entendent qu’il vaut mieux avoir une carte de la caisse populaire avec un NIP à cinq chiffres. Fermat tomberait sur le cul devant une théorie si joliment avancée.
- Une fois, il faisait noir dans la cabane du guichet et je me suis trompé de NIP trois fois, dit l’autre. La machine a mangé ma carte pis je ne l’ai plus revue, précise-t-elle. Y’a fallu que j’alle à la banque pour en ravoir une autre.
* * *
Je vous laisse donc, chers lecteurs, me donner vos impressions sur cette infâme histoire du pauvre Réal. Allez-y de nouveaux scénarios ou amenez de nouveaux éléments à l’énigme. Personnellement, je ne retiens qu’une chose et ma perspicacité va vous terrasser : Réal était saoul au moment du recel. Comment ça s’est passé, voilà toute la question.
jeudi 22 mars 2007
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