jeudi 1 janvier 2009

92. Aurevoir 2008

Chez les francophones, le Bye-bye est un genre d'institution sacrée qu'il ne faut pas manquer. Jusqu'à maintenant, j'ai toujours vécu la veille du Jour de l'An dans les Maritimes, donc une heure plus tard que le reste de l'univers. À minuit, quand c'était le temps d'ouvrir le champagne, de s'embrasser et de se souhaiter la bonne année à grand coup d'accolades, il y avait toujours quelqu'un pour aviser les autres : « Fermez vous la yeule, le Bye-bye commence! »
C'est donc pour la première fois de mon existence, cette année, que le Bye-bye commençait à 23h et que le décompte tombait pile avec le vrai minuit et que j'ai fait et reçu mes souhaits, accolades et embrassades au bon moment et que personne n'était là pour y mettre une fin abrupte. La bouteille de champagne a eu le droit de faire son « plop » sans que personne ne dise que le bruit leur a fait perdre un petit punch dans le Bye-bye.
J'étais donc pas-peu-heureux hier soir de m'asseoir devant la télé pour écouter la fameuse émission. Tout aurait été parfait si l'émission n'avait pas été d'une platitude lamentable. En fait, sans l'affaire Bernier, l'émission n'aurait duré que le temps d'un commercial. Je ne m'étendrai pas sur le sujet, mentionnant simplement que toute émission qui vous dépoussière un Michel Louvain en complet blanc qui chante La dame en bleu risque d'être plate. C'était le cas.
À la défense des producteurs, il faut cependant dire que 2008 a ceci de particulier qu'il ne s'est rien passé pour la majeure partie de l'année. S'ils ont tenté d'écrire le script pendant l'été, il n'y avait strictement rien à raconter.
Et tout à coup, tout nous est tombé dessus. Un peu comme si 2008, elle s'était dit « Oh shit! il ne s'est rien passé. Personne va se souvenir de moi alors je vais leur en mettre plein de baluchon et ils vont tous tomber sur le cul et dire oh-là-là-2008-quelle-année!
Ça explique pourquoi ce n'est qu'au cours des dernières semaines qu'on a été bombardé d'élections au point qu'on ne savait plus s'il fallait voter pour Barrack, pour Pauline ou pour Ignatieff.
Plusieurs pensent que toutes ces éléctions ont coûté tellement cher que l'économie en a pris un coup. Mais ça n'a rien à voir du tout. Tout ça, c'est la faute du Dow-Jones, écoutez la télé un peu et vous le saurez bien. C'est important de comprendre que toute l'économie américaine est fondée sur la célèbre prétention d'épater les Jones, nom générique qui englobe tous les voisins du quartier. Ainsi, pour que l'économie se porte bien, il faut que les Américains achètent beaucoup, toujours mieux, toujours plus gros. Détail essentiel, le Dow-Jones a été imaginé à peu près en même temps que l'automobile et celle-ci est devenu la référence principale quand il s'agit de s'assurer que tout le monde est en compétition avec les Jones. Ainsi, quand on a commencé à vérifier auprès du bon peuple : How do you compare with thou Jones?, on voulait surtout savoir si votre bagnole était plus grosse que celle du voisin. Le Dow-Jones (thou Jones) venait d'être inventé.
En 2008, le prix de l'essence a connu des sommets inégalés. Les grands penseurs se disaient que plus l'essence serait chère, plus les gens voudraient aller casser la gueule de ceux qui ont tout le pétrole, quitte à se faire tuer mais ça c'est un détail. Faire le plein de son Hummer est devenu tellement cher que plusieurs Jones ont songé à acheter des bagnoles moins grosses. Entendons nous : le Hummer garde encore sa place de choix pour aller au dépanneur du coin, mais on s'est mis à acheter des SUV un peu plus modestes pour aller mettre les déchets au bord du chemin le mardi matin.
C'est ainsi que l'économie a commencé à vaciller. Je suis quand même rassuré car tout devrait rentrer dans l'ordre avec tout l'appui que reçoit l'industrie de l'automobile. Ces généreuses subventions - même d'origine canadienne - vont bien sûr bénéficier aux contribuables qui se voient attribuer des primes alléchantes pour continuer d'acheter des grosses autos. Toujours dans le but de faire économiser le citoyen, GM, Ford et Dodge offrent même une Honda Civic à toute personne qui fait l'acquisition d'une grosse cylindrée américaine.
Mais il ne faudrait pas penser que la Terre tourne autour de nos cousins américains. En 2008, nous avons au Canada pris des longueurs d'avance et nous les avons même dépassé dans quelques domaines.
Prenons par exemple nos élections. Pour la première fois de notre histoire, nous avons eu des vraies campagnes de salissage - et le mot n'est pas faible compte tenu qu'on a même eu droit à des chiures d'oiseau aux heures de grande écoute. Il faut reconnaître que dans la catégorie des bassesses, on l'emporte haut-la-main avec le Parti Conservateur, de quoi regorger notre fierté d'être canadiens. La preuve, on les a réélus!
C'est aussi au Canada en 2008 que nous avons inventé une nouvelle catégorie littéraire : le bitchage autobiographique. On raconte sa vie mais en graffignant les autres au passage. Ça s'appelle du contenu canadien. Le premier prix est remis à la Couillard - qui mérite bien cette consolation puisque son livre ne s'est pas vendu - suivi de près par Paul Martin, qui a réussi lui à bien écouler son stock, dans la région de Shawinigan paraît-il.
Nous avons aussi réussi à faire disparaître certaines personnalités des radars médiatiques. À l'instar des Ben Laden et des Saddam Hussein dont plus personne n'entend parler, nous avons réussi en quelques jours à faire disparaître Stéphane Dion au point qu'il y a même des Canadiens qui ne s'en souviennent déjà plus. Personne ne l'a même vu démissionner car on l'avait fait disparaître quelques heures avant. Un jour, il devait être notre Premier ministre, le lendemain, pfuiiiit.. disparu.
La personnalité internationale la plus connue de la ville de Québec figure également au nombre des grands disparus de 2008. Les millions de touristes qui ont déferlé sur la ville quadracentenaire ont dû se contenter de McCartney et de la Dion alors qu'on sait bien que c'est le Bonhomme Carnaval qu'on venait voir.
Nous avons aussi réussi à prouver en 2008 que notre démocratie est tout aussi bien portante que n'importe quelle autre monarco-anarchie. Au moment où tout allait au plus mal, alors que plus personne ne savait qui gouvernait le pays, nous nous sommes tournés vers la plus jolie de nos liseuses de nouvelles, recyclée en mini-reine, pour nous dire quoi faire. Celle qui ne choisit même pas les vêtements qu'elle va porter le matin et qui ne serait même pas foutue de balancer son carnet de chèques s'est retrouvée à décider comment le Canada allait être gouverné. Elle a finalement décidé de remettre tout ça à plus tard et de laisser le robot autoprogrammé par les pétrolières continuer à faire semblant de savoir ce qu'il fait. En fait, si ce n'était des cheveux en laine d'acier, on pourrait vraiment croire que c'est un humain mais ce détail technique trahit tout. Ça a cependant l'avantage que notre chef d'État à nous, s'il se fait lancer des souliers à la tête, ça va juste faire « clonk » et il n'aura pas à faire un fou de lui pour les éviter.
Non vraiment, nous n'avons rien à envier à nos cousins au niveau de la politique canadienne. Il nous manque peut-être des femmes de la trempe de la Clinton mais je suis certain que si on fouillait un peu, on en trouverait bien une qui soit aussi universellement cocue et qui ait publié un livre sur le sujet. Nous pouvons à peine accoter la Palin avec notre Verner, bien qu'elle ait pris du galon à ce titre en annonçant après les élections qu'elle venait d'apprendre qu'elle avait le droit de voter pour elle-même, dans son comté par dessus le marché. Malheureusement, nous avons dû cacher notre mignonne petite Josée pour une triste histoire de culture qu'elle ne comprenait pas très bien. Et de son balcon, c'est vrai qu'elle ne peut pas surveiller la Russie non plus.
L'année 2008 se termine quand même bien pour dix-huit de nos compatriotes qui se sont vus nommer sénateurs tout récemment, s'assurant ainsi d'une retraite solide et fort enviable. Je suis sincèrement content pour eux et je le dis avec un sourire. Car après tout, comme le dit si bien la publicité, souriez toujours à ceux qui jouent à la lotto : on ne sait jamais.
Pour les autres 30 millions dont les placements sont aussi fiables que de la saucisse Maple Leaf, je vous souhaite une ben bonne année 2009!

2 commentaires:

Bernard a dit…

C'est un plaisir de te lire

psherw a dit…

Acerbe, ce Siape... Ça fait très Rex Murphy, ce doit être l'air des provinces atlantiques qui rend ces gens de l'Est si perspicaces... mais aussi sympathiques! Belle analyse de notre médiocrité politique. J'espère que Barack ne me déçoive pas trop, il semble avoir des allures d'un penseur même si j'imagine qu'il aura à jouer de la politique aussi. Et il aurait fallu que notre regretté Monsieur Dion (moi je ne le trouvait pas si pire) soit à la fois moins partisan et plus habile politicien pour mieux réussir; apprendre l'anglais avant de se lancer en politique fédérale aurait peut-âtre aussi été intelligent, malgré qu'on ne punit pas de la même façon les Anglos fédéraux qui ne s'efforcent jamais de parler notre langue. On en reparlera...