Je parle souvent de mon petit village natal comme d'un endroit assez ordinaire où il ne se passe à peu près rien. J'en parle surtout quand je m'adresse à un groupe et que je veux donner de l'intensité au fait qu'une chanson - qui porte son nom - a fait de ce bled insignifiant un lieu mythique connu partout dans le monde. C'est un petit air qui swing du genre la-wing-a-han mais qui s'est quand même classé au Temple de la renommée de la chanson française. Go figure!
Et voilà que ça me revient ce matin. Je suis en train de lire un roman, le mec vient de trouver la calandre d'une Citroën, flashback au Salon de l'auto, Citroën beige parmi les reliques du Septième ciel. Flashback à Paquetville, Citroën beige dans le village. Les hommes assis autour de la truie* au garage à André-à-Moïse n'en reviennent pas.
(Je patine un peu pour reprendre la route avec mon histoire, mais tout ça c'est pour expliquer qu'il s'en passait des choses dans mon petit village. C'est que la Citroën beige, elle était pas arrivée n'importe comment. On continue.)
On l'appellera Madame T, pour ne pas la nommer. Madame T était veuve, je pense. Peut-être vieille fille, c'est bien possible mais ça ne change rien au récit. Je ne lui connaissais pas d'enfants mais c'est bien dommage car elle était plutôt gentille. Moi je l'aimais bien en tout cas. Elle était revenue au village sur le tard et s'était installée dans une vieille maison, sans doute celle de ses parents décédés, qu'est-ce que j'en sais. Ça non plus, c'est sans importance.
Elle menait une petite vie sans histoire, ça sentait bon dans sa cuisine, la maison était toujours propre. Madame T était toujours bien mise, sentait bon comme sa cuisine.
Je me souviens vaguement aller la visiter, souvent sur l'initiative d'autres amis pas si bien intentionnés que ça et qui disaient : Allons voir la vieille T; on va avoir un snack. Moi j'aimais bien aller chez Madame T et pas juste pour ses biscuits. J'irais même jusqu'à dire qu'il y avait un certain exotisme à aller chez Madame T.
Comment Madame T a-t-elle rencontré un Français, entretenu des fréquentations et décidé de le marier? Tout ça bien avant Internet? Ça me dépasse. Qu'il se soit installé dans mon village, acheté une Citroën beige, enlevé le premier étage de la vieille maison pour en faire un coquet bungalow flanqué d'un abri d'auto dépassait toutes les bonnes gens du village.
Tout le monde est allé voir l'opération je-te-tranche-un-étage comme on va voir Paul McCartney sur les Plaines d'Abraham. Tout le monde est retourné voir ce que c'est un abri d'auto (que tout le monde s'est d'ailleurs mis à appeler un carport, et j'aime espérer que c'est pas le Français qui leur avait appris ça). Et tout le monde surveillait, guettait, les départs et les arrivées de la Citroën beige parce que tout le monde était fasciné par son air de spoutnik bien entendu, mais aussi parce que tout le monde était fasciné de la voir s'élever de quelques pouces du sol à son départ et toucher presque le sol quand elle était au repos.
C'est ça aussi mon village...
* - si vous savez pas ce qu'est une truie à Paquetville, je vous invite à deviner
dimanche 1 février 2009
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1 commentaire:
Parchenous, la truie c'était une sorte de poêle à bois...
Paquetville, Paquetville, tu peux ben dormir tranquille. Merci Siape - grâce à toi, j'vais fredonner cette toune toute la semaine!!!
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