samedi 9 mai 2009

116. Mes profs de gym

Y'en a qui ont déçu leurs parents, leur père ou leur mère. Y'en a qui se sont déçus eux-même, qui ont déçu leur entourage, déçu leurs partisans, déçu leur miroir.
Moi c'est mes profs de gym que j'ai déçu. Je me souviens de chacun d'eux, de leur visage dépité devant ma maladresse et mon manque d'intérêt pour la chose physique à laquelle ils essayaient tant bien que mal de m'intéresser.
D'abord, il y a eu le jeune William. Il devait sortir tout droit de l'université et nous étions ses premiers élèves. Dans mon petit village, je me souviens qu'il faisait fondre toutes les gazelles en chaleur alors je suppose qu'il était jeune et en bonne forme physique.
L'Université ne l'avait pas préparé à me rencontrer. J'étais le plus petit de la classe, pas doué pour les sports pour cinq cennes. (Je ne le suis toujours pas d'ailleurs, j'en fais un principe). On était à l'époque où les cours d'éducation physique mettaient les garçons d'un bord et les filles de l'autre. Selon la formation qu'il avait reçu, je devais être capable de faire la même chose que tous les autres garçons, sinon mieux. Les autres garçons de la classe avaient pourtant compris : quand il fallait faire des équipes, William le prof choisissait les deux colosses de la classe qui faisaient ensuite un tri parmi les restants. Je me ramassais toujours bon dernier et finissait par rejoindre l'équipe qui n'avait pas le choix, l'équipe qui allait perdre. Le flash qui me revient, c'est la gueule du petit William qui me regardait découragé, prêt à démissionner. Il a quitté le village après sa première année d'enseignement, il a peut-être même quitté la profession. Je crains qu'il ne soit devenu clochard, alcoolique, sans-abri. Il était mignon quand même.
Ensuite, il y a eu le gros Henri. Je doute fort qu'il était formé pour se retrouver dans un gymnase et, si c'était le cas, il n'avait pas fait le vœux d'être un modèle de condition physique. Je soupçonne qu'il avait dû haïr l'éducation physique autant que moi quand il était enfant car il s'en foutait pas mal. Pendant les deux années qu'il était mon prof de gym, je me la suis coulé douce et lui aussi.
Mon calvaire s'est terminé au secondaire où le prof était un genre de gros ours poilu qui m'haïssait carrément. Il n'est pas passé par l'étape du dégoût, ou rien comme ça. Le premier jour, il m'a choisi comme cobaye pour la lutte gréco-romaine et s'est amusé pendant un bon deux mois à me lancer au tapis et à s'effouerer sur moi de tout son long, la plupart du temps en sueur qui sentait pas bon. De là, juché sur mon petit être frêle et fragile, il donnait son cours aux autres et leur montrait quoi faire, me donnant en exemple quand venait le temps de signaler quoi ne-pas-faire.
Vingt ans plus tard, son fils à commis un geste indescriptible qui a fait la une de Photo-Police. Bien des gens ont eu beaucoup de pitié et de compassion pour mon ancien prof de gym.
Pas moi.
Par contre, j'en avais beaucoup pour son fils.

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