lundi 17 novembre 2008

84. La passion

En fin de semaine, j'ai tout à coup remarqué la plante. Avant de déménager, on l'avait rasé bas de sorte qu'il ne restait que trois ou quatre tiges sans feuilles qui se pointaient hors de terre, question de faire le voyage Halifax-Ottawa plus facilement.
C'est une plante tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Je ne me souviens pas de son nom, un nom ordinaire, surtout pour un gars comme moi qui n'y attache aucune importance. Elle a des feuilles vertes avec une tache violette au centre qui occupe de plus en plus d'espace sur la feuille selon la dose de soleil qu'elle reçoit. Ici, elle est plein soleil alors le violet domine.
Si je vous en parle, c'est que cette foutue plante à 13 ans. C'est mon père qui en avait donné deux à mes filles alors qu'elles étaient toute petites. Bien entendu, il ne savait pas qu'il allait mourir quelques semaines après. Et là, je dis ça et je me trouve crétin parce qu'il le savait peut-être. Qu'est-ce que j'en sais moi de ce qu'on ressent quand on est sur le déclin? Peut-être qu'un grand-père ça ressent une petite chaleur en dedans quand il voit ses petits-enfants et que ça l'inspire à donner des plantes vertes avec leur tache violette et tout et tout?
Si je vous en parle, c'est que quand il a donné ces plantes à mes filles - qui devaient faire dans les 7 et 5 ans alors vous imaginez comment horticoles elles pouvaient être - il m'a expliqué comment les rendre plus touffues. Ces plantes, elles sont pas très futées. Elle poussent en longueur : je me rajoute une feuille et je te fais sortir un bout de tige; le bout de tige pousse et je te rajoute une feuille et je te fais sortir un bout de tige; et je continue comme ça moi et mes feuilles vertes avec leur tache violette. Bref, le paternel il m'avait expliqué comment « pincer » le bout de tige pour stopper le prolongement de la branche et inviter la plante à produire d'autres feuilles à la base ou à tout le moins, à faire grossir les feuilles qu'elle a déjà.
Si je vous en parle, c'est que quand mon père il m'a expliqué tout ça, ben moi j'écoutais pas. J'écoutais pas parce que les plantes je m'en fous un peu dans la vie. J'écoutais pas parce que je me disais que les fillettes, elles allaient pas faire grand chose de ces plantes (là-dessus j'avais raison, la preuve c'est que c'est moi qui s'en occupe). J'écoutais pas parce que je savais pas que c'était la dernière fois que je parlerais avec mon père vivant.
Alors les plantes, elles me suivent partout. Je m'en occupe du mieux que je peux. Je les transplante, je les coupe, j'en transplante, j'en donne à des amis. Je les mets au soleil, avec leur tache violette qui s'étend. Mais à chaque fois que je pince la tige pour les rendre plus touffues, je ne sais pas si je le fais bien. Je ne sais pas si je fais la bonne chose. J'écoutais pas quand mon père il me l'a expliqué.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tes plantes, c'est sûrement des coléus, épais de siape!!! Richard