jeudi 6 octobre 2011

186. Et si tout ça n'avait pas de sens

Il y a un certain risque à se donner du temps pour penser. La vie nous charrie, nous pousse vers l'abattoir comme des sardines sur la courroie prêtes à être entassées dans une boite de conserve rectangulaire.
Et voilà que tout à coup, j'ai le temps de regarder tout ça d'un autre oeil, ni l'un ni l'autre des miens.
La question de la langue est au coeur de ma vie. La survie du français (si je n'étais pas en vacances, je dirais l'épâââânouissement) est au coeur de ma vie. Elle ne l'a pas toujours été cependant, car j'ai connu des années d'insouciance où tout portait à croire que rien de tout ça n'était en péril.
Mais voilà que je vis en reclus pour une semaine, coupé de tous mes ponts, dans le pays de l'Oncle Sam où ma langue est une anomalie qui va bien réussir à guérir un jour. On me prendrait en pitié en cachette que je n'en serais pas surpris.
Le long des rues hypnotisantes bordées de fleurs recèlant des hauts-parleurs qui diffusent discrètement une musique à vous enliser dans une léthargie certaine, j'entends venu d'on ne sait où Dust in the Wind. Et me voilà devenu cette poussière qui se surprend à être ému sans trop savoir pourquoi, me demandant quel curieux souvenir peut bien éveiller cette chanson qui remonte à la fin de mon secondaire. Je cesse de marcher, j'ai une poussière dans l'oeil voyez-vous. Comment une chanson anglaise peut-elle s'être infiltrée (filtre d'aspirateur, poussière, décidément on n'en sort pas) dans mon intérieur sans que je puisse me souvenir du moment. Comment faire une place à ses souvenirs qui n'ont rien à voir avec le français? Est-ce commettre un péché contre-nature qu'on me reprochera quand je retournerai en poussière (elle était trop facile)?
Si dès lors je me sens coupable de ce flirt irrévérencieux, comment vivront les jeunes d'aujourd'hui qui se laissent pénétrer de toute part par l'Ennemi sans l'ombre d'un remords et en en tirant une jouissance éphémère jusqu'à ce qu'Il pousse encore d'un cran le fantasme dont ils rêvent tous secrètement d'être les protagonistes?
Je retourne à ma marche de santé. Tra-la-la-la-lère...

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