Je participe à une conférence ces jours-ci. J'ai revu une amie que je n'ai pas reconnu tout de suite. Je la voyais marcher et je pensais : Elle marche comme mon amie. Ensuite, elle m'a fait un petit salut de la main et j'ai vu que c'était elle.
Elle s'est rasé la noix. Ça surprend un peu car elle avait de beaux cheveux. (Elle les a probablement encore mais ils ne paraissent pas.) Elle m'a dit qu'elle avait fait ça pour l'environnement car elle les teignait et elle ne veut plus les teindre. Au lieu de se taper la repousse, elle a décidé de raser. Ça va repousser gris.
Ça m'a pris un peu de temps à m'habituer mais j'ai focusé sur les trous qu'elle a partout sur les oreilles et ça m'a remis dans le bain. Mon amie, elle a des trous partout sur les oreilles avec des boucles, des trucs qui pendent partout et qui les lui transpercent de bord en bord. (Faut voir pour comprendre, c'est difficile à expliquer.)
Elle m'a parlé de shakras et d'autres machins spirituels auxquels je ne comprends pas grand chose. Mais ça ne me dérange pas de ne pas comprendre car mes shakras, ils ont l'air de bien se débrouiller sans mon aide et s'ils ne me font aucun signe, c'est que tout va bien.
À un certain moment, on a parlé de langue et de culture. Les minoritaires, on aime bien tirer la langue et la culture à bout portant dans une conversation. Ça rassure, surtout dans un méli-mélo de shakras.
Moi, je suis resté accroché là-dessus. Car je vis un petit conflit intérieur.
La langue, ça va. Je parle français et je suis Acadien, je crois l'avoir mentionné. Ça m'attire les conneries au sujet de l'accent de temps en temps mais bon. La semaine dernière, on était trois Acadiens. Le gars, il nous dit : Ahhh.. je vois que vous avez une belle accent! Tous les trois, on s'est télépathié le même message : Ahhh.. je vous que vous êtes pas fort avec le genre des noms!
Mais on l'a pas dit. C'est aussi ça être Acadien. On a souvent des bonnes réparties mais on se les garde pour soi.
J'ai donc accepté que je parle une langue commune à d'autres qui croient en posséder les droits d'usage et qui ne peuvent s'empêcher de commenter quand on y déroge, selon leurs normes, pas toujours justes d'ailleurs. (Pour ce qui est du genre en tout cas.)
Mais la culture, c'est une autre affaire. Il m'arrive souvent de penser que je ne l'ai pas en commun avec ceux qui parlent ma langue. Est-ce une histoire de minoritaire / majoritaire? Sais pas.
Si je me tire d'affaire avec la langue, je suis maladroit dans la culture de l'autre. Et l'autre est maladroit dans ma culture. Bref, on se blesse. On parle la même langue mais on ne l'utilise pas dans la même culture. ou dans le même esprit.
Tous les filles de la famille de ma mère ont émigré au Québec dès qu'elles en avaient l'âge. Ma mère compris. Elles allaient travailler dans des « maisons privées » que les congrégations religieuses équipaient en bonnes servantes acadiennes, moyennant une cotisation aux oeuvres qu'elles chérissaient. Ma mère est une des seules qui a épousé un gars de son village; les autres s'étant toutes fait engrosser par un Québécois une fois rendu là-bas.
Tous les étés, ses sept soeurs déboulaient littéralement du train, saoûles sans bon sens parce qu'elles avaient fait le trajet assises au bar, suivies de leur marmaille dont elles venaient par la même occasion se débarasser pour les mois d'été. Fait trop chaud à Montréal, qu'elles disaient. Elles repartaient donc quelques jours plus tard, toujours aussi saoûles parce qu'elles avaient passé leur temps dans le frigo de mes parents, au point que mon père devait faire un inventaire pour être certain qu'elles étaient toutes à bord quand le train s'ébranlait. En laissant derrière elles leurs rejetons montréalais que mes parents nourriraient et entretiendraient pour l'été. Ma mère disait qu'elle les torchait, mais ça c'est une autre histoire.
Mon cousin Serge est tombé sur le cul quand il a vu une vache. Il n'en avait vu qu'en photo et s'imaginait que ça ne pouvait être plus gros qu'un chien. (C'est vrai que sur la rue où il habitait, le plus gros animal qui soit était sans doute un chien.) Personne n'a ri de lui.
La première fois où mon cousin Serge a entendu le mot «nombourri » pour «nombril», il a tellement ri que nous pensions tous qu'il ne s'en remettrait pas.
Une vache ou un nombril? La langue ou la culture?
vendredi 4 mai 2007
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